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Légionnaire toujours...

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2010


Du bon usage des bases 18052010

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18/05/2010  Par Christophe Boisbouvier

Pour les États-Unis, l’intérêt de Djibouti saute aux yeux. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, ce pays est devenu l’une des pièces maîtresses de la lutte antiterroriste dans la Corne de l’Afrique et dans la péninsule Arabique. Des bâtiments de l’US Navy font escale dans son port en eau profonde. Des gros-porteurs et des hélicoptères de l’US Air Force empruntent son aéroport. Et quelque 2 000 soldats américains logent au Camp Lemonier – un ancien site de la Légion étrangère. Pour la France, l’intérêt est double. Djibouti est à la fois une base de projection pour ses forces aériennes et navales (une dizaine de Mirage 2000, un avion de reconnaissance, l’Atlantique 2, des hélicoptères et plusieurs bâtiments de guerre), et un terrain d’entraînement pour ses aviateurs, ses artilleurs et ses forces spéciales. Pas de problèmes de voisinage comme sur le plateau du Larzac, en France. Dans le désert djiboutien, les pilotes de chasseur-bombardier peuvent s’exercer sans contrainte ! Près de 3 000 soldats français séjournent dans le pays. Depuis que les pirates somaliens écument l’océan Indien, Djibouti accueille aussi les forces européennes de l’opération « Atalante ». Deux avions de patrouille maritime (un allemand et un espagnol) y stationnent avec leur personnel d’accompagnement (une cinquantaine d’hommes par avion). Même le Japon s’en mêle. Pour sécuriser ses routes de ravitaillement, il s’apprête à ouvrir sur place une base avec deux bâtiments porte-hélicoptères, deux avions de reconnaissance et quelque 150 hommes. Ce sera la première base étrangère du Japon… depuis la défaite de 1945 !

Enfin, pour la République de Djibouti, cette affluence est providentielle. Elle fait monter les prix. En 2003, le loyer annuel de la base française est passé de 18 à 30 millions d’euros (fin du bail en 2012). Les Américains paient un peu moins cher : 30 millions de dollars. Normal : ils sont moins nombreux. En revanche, les Japonais semblent prêts à payer un prix exorbitant : 40 millions de dollars pour 150 hommes ! Au-delà de ces loyers, Djibouti bénéficie des dépenses des soldats-consommateurs. En 2004, l’impact économique de la seule base française était estimé par Paris à 150 millions d’euros (loyer compris), soit les deux tiers du budget et le quart du PIB djiboutien…


Castelnaudary. Jeunes engagés au 4e Régiment étranger 18052010

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Publié le 18/05/2010

Paul, Terry, Ablaye sont en formation à Bel-Air./Photo DDM, Gladys

« La Dépêche du Midi » suit quatre jeunes engagés volontaires depuis leur arrivée au 4e régiment étranger où ils sont en formation pour quatre mois.

Un entraînement physique intensif, quelques heures de sommeil, l'instruction En ferme, les cours que l'on a du mal à réviser le soir parce que l'on est trop fatigué et que l'on s'endort, la course à pied, les marches dans le froid, la pluie, la neige, sac au dos, les séances de tir. Les débuts d'un engagé volontaire à la légion étrangère sont durs, très durs pour nos quatre jeunes recrues. Quand nous les avions rencontrés, il y a trois semaines, Paul, Terry, Ablaye et Léonid venaient juste d'arriver en Lauragais, depuis deux jours à peine. Déjà, ils avaient mesuré l'importance de la cohésion, du groupe, avaient confié leur envie d'aller jusqu'au bout de leurs quatre mois de formation. Tous avaient aussi déjà en tête l'affectation dont ils rêvaient.

Aujourd'hui, ils sont encore là, ils ont tenu bon. Seul le jeune Sénégalais Ablaye manque à l'appel. « Il s'est blessé à la cheville, il est à l'infirmerie au régiment », expliquent ses camarades.

Leurs nuits sont courtes. Levés à 5 h 30 couchés à… 23 heures au plus tôt, leurs journées longues et bien remplies. Quant au moral des troupes…

Loin de sa famille, de ses amis, on est forcément en proie à des coups de blues, de doute aussi parfois. « Mieux vaut ne pas avoir d'attaches familiales sinon, forcément, on y pense. En revanche, quand comme moi, on vient de loin, on ne réfléchit qu'à la chance que l'on a d'avoir un emploi, une formation », confie Léonid. « Et de vivre une aventure », approuve Terry. Ils estiment que la pression, le speed sont forts mais que tout cela est normal mais qu'il vaut mieux, néanmoins, aimer ce que l'on fait. Pour eux, l'éloignement « c'est le prix à payer pour avoir un emploi stable, un bon salaire et avoir de quoi raconter, un jour, à ses enfants. Il faut s'accrocher », conclut Paul. « Il y a aussi la fierté de pouvoir dire que nous sommes légionnaires », rajoute Léonid. Et si c'est difficile, « c'est, estiment-ils, parce qu'ils ne sont plus vraiment civils mais pas encore tout à fait militaires ». Mais ils s'accrochent, seul Paul doute un peu. Ils étaient à Camerone mais « sans képi blanc, ce n'était pas vraiment notre fête », soupirent-ils, envieux. Dans quelques jours, ils le coifferont ce fameux képi blanc. Ce sera à Sorèze, en même temps que l'anniversaire de la célèbre école, au terme d'une marche. Ils se préparent… Nous y serons à leurs côtés. À suivre.


Instruction en ferme

Chacune des trois compagnies dispose d'une ferme pour la formation des futurs légionnaires. D'anciennes fermes, à vocation d'instruction, sont disséminées au cœur du Lauragais. Elles permettent de forger les sections pendant les quatre premières semaines. Chacune est entourée d'un terrain de 100 à 200 ha. Cette infrastructure leur offre le cadre rustique bien adapté à leur formation initiale.

Gladys Kichkoff

Männer unter sich

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17. Mai 2010

Männer bewegen sich nicht selten in frauenfreien Zonen. Dennoch wissen sie häufig selber nicht, wie man sich verhält: zum Beispiel in der Fremdenlegion, einer Schlägerei, gegenüber dem Chef oder im Gefängnis.

IN DIE FREMDENLEGION EINTRETENWelche Gründe auch immer Sie bewogen haben, nun in die Fremdenlegion eintreten zu wollen: Es sei zu Ihren Gunsten angenommen, dass es sehr gute Gründe sind. Übrigens können Sie in der Legion auch Krankenpfleger, Sportlehrer, Fotograf, Koch, Mechaniker, Autoelektriker, Schweißer, Lackierer, Karosserieschlosser, Funktechniker, Sekretär, Buchhalter oder Musiker werden. Aber klar: Sie wollen Soldat in einem der zehn Regimenter werden. Und Sie haben sich das alles sehr gut überlegt.

Fremdenlegion, Reuters

Wenn Sie allen Ernstes zur Fremdenlegion wollen, sollten Sie dort nicht ohne gute Ratschläge aufschlagen.

(Foto: Foto: Reuters)

Angegebene Identität Es ist völlig egal, aus welchem Staat der Erde Sie kommen, wenn Sie in die französische Fremdenlegion eintreten wollen. Auch Franzosen können in die Fremdenlegion des eigenen Landes eintreten; dies erlaubt das Prinzip des so genannten Dienstes unter angegebener Identität. Diese Bestimmung gestattete es früher Kandidaten, die dringend eine zweite Chance im Leben brauchten, Soldat der Legion zu werden. Heute werden unerwünschte Bewerber abgewiesen, doch das Prinzip gibt es immer noch, weshalb ein Franzose behaupten kann, zum Beispiel aus Algerien zu kommen und damit als Ausländer zu dienen. Um sich zu verpflichten, ist eine Reise nach Frankreich nötig. Die Légion étrangère ist eine Eliteeinheit, was bedeutet, dass man französische Auslandseinsätze auch an der Front unterstützt. Die Legion wirbt damit, dass man sicher sein könne, "jeden Tag neue Abenteuer" zu erleben. Nicht immer gehen diese Abenteuer gut aus: In der Geschichte der Legion sind bis 2007 35 800 Legionäre gefallen; da die Legion bereits 1831 gegründet wurde, sind das allerdings vergleichsweise wenige.

Reise- und Visumskosten gehen zu Lasten des Bewerbers, Unterkunft und Verpflegung während der Musterung sind frei. Mitzubringen ist ein Identitätsnachweis. Es ist nicht verboten, verheiratet zu sein, doch die Verpflichtung für die Legion erfolgt mit dem Familienstand ledig. Hautfarbe, Religionszugehörigkeit oder Schulbildung spielen für die Rekrutierung keine Rolle. Die Altersspanne der Rekruten liegt zwischen 17 und 40 Jahren. Es ist nicht nötig, im Herkunftsland gedient zu haben. Uneingeschränkte körperliche Tauglichkeit ist jedoch zwingend. Diese wird im Lauf der Rekrutierungsphase getestet, die sich in vier Abschnitte gliedert.

Erstens: Die Information Dieser Abschnitt dauert einen Tag und findet in einem von elf Informationsbüros der Fremdenlegion statt (Paris, Lille, Nantes und Straßburg für den Norden, Aubagne, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nizza, Perpignan und Toulouse für den Süden Frankreichs). Am einfachsten ist es vielleicht, Sie gehen in das Büro in Paris am Fort de Nogent, 94120 Fontenay-sous-Bois an den Nahverkehrshaltestellen Fontenay-sous-Bois oder Nogent-sur-Marne, aber letztlich ist es natürlich nicht allzu wichtig, in welchem Büro Sie sich vorstellen. In den Büros werden allen Bewerbern Auskünfte erteilt. Dies ist in vielen Sprachen möglich, darunter Englisch, Deutsch und Spanisch. Zu den wichtigsten Auskünften gehören die Besoldung (der Eingangssold beträgt 1043 Euro oder 1269 US-Dollar im Monat, Unterkunft und Verpflegung werden gestellt), Informationen über den Urlaubsanspruch (45 Wochentage pro Jahr), über Aufstiegschancen (einer von vier Legionären wird Unteroffizier und beginnt unter Umständen eine Militärkarriere) und über die Möglichkeit, die französische Staatsangehörigkeit zu erwerben (diese kann nach frühestens drei Dienstjahren beantragt werden und wird in der Regel unter der Bedingung erteilt, dass der Legionär nie Probleme mit der französischen Justiz hatte). An dem Tag, an dem Sie sich vorstellen, wird zudem mit der Zusammenstellung der Unterlagen für die Verpflichtung begonnen.

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Zweitens: Die sogenannte Erstauswahl Dieser Abschnitt dauert einen bis drei Tage und findet in einem von elf Bewerbungsbüros der Fremdenlegion statt. Diese Büros befinden sich an denselben Orten wie die Informationsbüros. Im Rahmen dieses Abschnitts finden ein erstes Sicherheits- und Begründungsgespräch statt, über dessen Inhalte keine Auskunft erteilt wird, zudem eine ärztliche Untersuchung, die einer Musterungsuntersuchung für den Wehrdienst bei der Bundeswehr vergleichbar ist. Zudem werden die Unterlagen für die Verpflichtung nun vollständig zusammengestellt. Am Ende ist die Verpflichtung zu unterschreiben.

Drittens: Die Auswahl Dieser Abschnitt dauert ein bis zehn Tage und findet im Bewerbungszentrum der Fremdenlegion in Aubagne statt. Bewerber absolvieren psychotechnische Tests, bei denen Wert darauf gelegt wird, dass eine eventuell vorhandene Schulausbildung das Bestehen nicht vereinfacht, folglich das Nichtvorhandensein einer Schulausbildung das Bestehen auch nicht erschwert. Zum weiteren Programm gehören eine vollständige ärztliche Untersuchung, ein Sicherheits- und Vorstellungsgespräch, ein Persönlichkeitstest (als Ergänzung der Psychotechnik), ein Gespräch mit der Verpflichtungskommission und ein Sporttest. Dieser umfasst den Geschwindigkeitslauf auf einer 20 Meter langen Bahn, sechs Bahnen sind eine Strecke. Diese Strecke müssen Sie mindestens siebenmal laufen. Außerdem zu schaffen: ein Minimum von vier Klimmzügen, fünf Meter Seilklettern und 40 Sit-Ups.

Viertens: Der Weg zur Weißen Kappe Nachdem Sie den zunächst fünf Jahre laufenden, später um sechs Monate bis fünf Jahre verlängerbaren endgültigen Vertrag unterschrieben haben, folgt Ihre Eingliederung in die Legion. An diese schließt sich die Grundausbildung an, die in der Regel 15 Wochen dauert. Hierzu gehört eine Einführung in das Leben der Fremdenlegion, eine Auseinandersetzung mit dem sieben Artikel umfassenden Ehrenkodex, eine Gebirgsausbildung in den Pyrenäen, eine technische und nicht ganz unanstrengende praktische Ausbildung, der Erwerb des LKW- und, falls nicht vorhanden, des PKW-Führerscheins. Nach ungefähr vier Wochen der Ausbildung wird Ihnen und den anderen neuen Rekruten das Kennzeichen der Légion étrangère überreicht, das Képi Blanc, die weiße Kappe. Zum Ende der Ausbildung werden Sie in eines der zehn Regimenter der Fremdenlegion versetzt. Nun sind Sie wirklich raus aus dem Leben, das Sie bis hierher gelebt haben. Was Sie nun verinnerlichen sollten, ist folgender Kodex:

Viertens: Der Weg zur Weißen Kappe Nachdem Sie den zunächst fünf Jahre laufenden, später um sechs Monate bis fünf Jahre verlängerbaren endgültigen Vertrag unterschrieben haben, folgt Ihre Eingliederung in die Legion. An diese schließt sich die Grundausbildung an, die in der Regel 15 Wochen dauert. Hierzu gehört eine Einführung in das Leben der Fremdenlegion, eine Auseinandersetzung mit dem sieben Artikel umfassenden Ehrenkodex, eine Gebirgsausbildung in den Pyrenäen, eine technische und nicht ganz unanstrengende praktische Ausbildung, der Erwerb des LKW- und, falls nicht vorhanden, des PKW-Führerscheins. Nach ungefähr vier Wochen der Ausbildung wird Ihnen und den anderen neuen Rekruten das Kennzeichen der Légion étrangère überreicht, das Képi Blanc, die weiße Kappe. Zum Ende der Ausbildung werden Sie in eines der zehn Regimenter der Fremdenlegion versetzt. Nun sind Sie wirklich raus aus dem Leben, das Sie bis hierher gelebt haben. Was Sie nun verinnerlichen sollten, ist folgender Kodex:

Artikel 1 Fremdenlegionär, Du bist ein Freiwilliger, der dem französischen Staat mit Ehre und Treue dient. Artikel 2 Jeder Fremdenlegionär ist Dein Waffenbruder, gleich welcher Staatsangehörigkeit, Religion oder Rasse er ist. Du fühlst Dich ihm immer verbunden, wie es die Zusammengehörigkeit einer großen Familie erfordert. Artikel 3 Du hältst die Traditionen in Ehren, dienst mit Treue Deinen Vorgesetzten. Disziplin und Kameradschaft sind Deine Stärke, Mut und Ehre sind Deine Eigenschaften. Artikel 4 Du bist stolz, Fremdenlegionär zu sein. Deine Uniform, immer tadellos und elegant, beweist es. Dein Benehmen drückt Bescheidenheit und gute Erziehung aus. Dein Platz in der Kaserne ist immer anstandslos sauber und aufgeräumt. Artikel 5 Du bist ein Elitesoldat; Du hältst Dich durch unerlässliches und konsequentes Training in Form. Deine Waffe pflegst Du, als wäre sie ein Stück von Dir. Artikel 6 Der Auftrag ist Dir heilig, Du führst ihn aus im Respekt der Gesetze, Kriegsgebräuche, internationalen Abmachungen und, wenn nötig, im Einsatz Deines Lebens. Artikel 7 Im Kampf handelst Du ohne Leidenschaft und Hass. Du achtest Deine besiegten Feinde. Unter keinen Umständen gibst Du Deine Gefallenen, Verwundeten oder Waffen auf.


Le terrible témoignage d'un ancien disciplinaire du bagne de Corte 16052010

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Le terrible témoignage d'un ancien disciplinaire du bagne de Corte

Paru le dimanche 16 mai 2010

C'est l'histoire d'un passé déjà lointain qui ressurgit de temps à autre. Celui de la section d'épreuve de la Légion étrangère, le bagne du domaine Saint-Jean de Corte qui, à la fin des années soixante-dix, ferma ses lourdes grilles après avoir tant fait parler de lui. Les traitements infligés aux légionnaires disciplinaires condamnés aux travaux forcés alimentent encore les conversations de ceux qui se promènent, aujourd'hui, sur un site que la commune consacre désormais au sport et aux activités de plein air.

Le bagne de la Légion a-t-il été aussi terrible que ce qui est écrit dans L'épreuve, l'ouvrage publié par Henri Allainmat en 1977 ?

Le sujet a toujours été l'objet de controverses, mais une voix s'élève, aujourd'hui, catégorique. « Jamais vous ne pourrez imaginer... ».

Cette voix est celle de Joaquim Neves-Alves, 58 ans, un accent à couper au couteau qui en dit déjà long sur l'homme venu du Portugal dès l'adolescence. Il débarqua en France presque par hasard. « J'avais pris mon balluchon, je n'avais pas vraiment de destination ». Joaquim a été légionnaire. Et il en est fier. « Je lui voue un respect éternel, mais elle a eu aussi ses brebis galeuses qui ont fait beaucoup de mal ».

Joaquim sait de quoi il parle. Il nous dévoile son passé de disciplinaire, six mois à la section d'épreuve de Corte. Un témoignage unique, 36 ans après les faits, mais la mémoire d'un homme meurtri nous fait pénétrer à l'intérieur des terribles murs.

« Là-haut », répète-t-il sans cesse, dès lors qu'il évoque le bagne de la Légion. Il n'a pas oublié la route d'Aléria, ni la piste qui monte vers le domaine Saint-Jean. « Sur environ trois kilomètres ».

Une distance d'autant plus claire dans ses souvenirs, qu'il fut contraint de la parcourir en rampant, son paquetage sur le dos. C'était le jour de son arrivée, le 1er juillet 1974. Joaquim ne veut pas se tromper sur les dates, son dossier militaire est là, pour écarter les approximations.

Parler, enfin ! L'idée a commencé à faire son chemin dans sa tête le jour où il lut l'interview d'Henri Allainmat que Corse-Matin publia le 14 novembre 2008. « Je n'ai pas lu son livre, j'ai entendu dire qu'il avait été retiré de la vente, mais peu importe, je sais ce que j'ai vécu à Corte ».

Pour comprendre comment et pourquoi l'ancien légionnaire a connu la section d'épreuve, il faut remonter à l'époque où, posé à Bayonne, il passait devant le centre de recrutement de la Légion étrangère. « Au Portugal, déjà, j'habitais tout près d'une zone d'entraînement de parachutistes ». L'image des paras, elle a fait naître et grandir la passion de Joaquim, elle l'a poussé jusqu'à son engagement, le 14 décembre 1970, et déjà, jusqu'à la Corse.

Après huit mois d'instruction à Bonifacio, il entre à la 2e compagnie de combat du 2e Rep de Calvi, où ses ennuis ont commencé... « Lors d'un saut d'entraînement, j'ai été victime d'un accident, trois vertèbres lombaires brisées. J'ai porté un corset pendant six mois, j'avais le dos fracassé mais je ne me plaignais pas. Ma fierté était grande, je voulais faire mon chemin dans la Légion, devenir au moins caporal ». Mais les parcours du combattant répétés vont révéler le mal. « Un jour, mon dos s'est complètement coincé. Je savais qu'il n'y avait plus rien à faire, mes supérieurs ont fini par se rendre compte de mon état et m'ont déclaré inapte au saut ».

Adieu les paras, direction Tahiti le 25 juin 1973, le régiment mixte Pacifique et une mission moins lourde. Depuis les atolls où ont lieu les essais nucléaires, le destin de Joaquim va glisser sur la mauvaise pente. « Un caporal-chef m'a cherché des noises, nous nous sommes battus, il a été blessé. Je m'attendais à être puni, mais pas à être condamné aux travaux forcés et à être classé individu dangereux ».

La Légion le condamne pourtant à retourner en Corse, mais à Corte cette fois, pour trois mois à la section d'épreuve. « J'ai invoqué mes graves problèmes de dos, on m'a répondu ironiquement que j'allais avoir l'occasion de me soigner... ».

Dès lors, l'ancien disciplinaire entre dans les terribles détails de sa peine. Les deux premiers mois dans une minuscule cellule que les cadres aspergeaient d'eau régulièrement, de longues journées à manier la masse pour casser des cailloux. « À ce rythme, très vite, je n'avais plus de peau sur les mains. Le matin, pour arriver à les ouvrir, je les massais avec mes excréments ». Un « traitement de faveur » qui n'est pas sans conséquence pour le dos de Joaquim. « Un jour, pendant que je cognais sur la roche, mon dos s'est complètement bloqué. Pour s'assurer que je ne simulais rien, les cadres m'ont "testé" à coups de rangers dans l'abdomen, en me tirant par les bras et par les jambes pendant des heures. Quand ils ont compris que c'était sérieux, ils m'ont fait hospitaliser une semaine, mais une fois de retour là-haut, c'était encore la misère. En cachette, je cherchais du bois pour mordre dedans et supporter la douleur ».

Un jour, le disciplinaire est convoqué par l'officier responsable. Il est condamné à trois mois de plus. « Je n'ai jamais compris pourquoi ». Il se souvient aussi du « régime » à partir du troisième mois, les chambrées collectives où après des journées harassantes, il est impossible de dormir la nuit.

« On nous obligeait, en silence et dans le noir, à défaire et refaire nos lits. C'était impossible, alors, on recommençait, jusqu'au matin... ». Joaquim parle souvent de ces cadres qu'il revoit, tels des tortionnaires. « L'après-midi, ils revenaient ivres, c'était encore plus terrible ».

Les deux derniers mois, l'ancien légionnaire vivra une relative accalmie présentée comme une « préparation à la sortie ».

« Derrière le grand portail arrière de la section, il y avait ce qu'on appelait "la bergerie". J'ai fini mon temps au bagne en m'occupant des cochons et en servant le petit-déjeuner aux officiers ». Quand il retourne à la « vraie Légion », il se rend compte qu'il n'a plus rien à y faire. « On m'a brisé mon rêve », lâche-t-il. À l'évocation de ces pénibles instants, jamais Joaquim ne perdra son sang-froid, jamais il ne se départira du ton posé et soigné dans le cours de son récit. Il quitte l'Armée cinq mois après, devient, à Ramatuelle, le chauffeur de Simone Volterra. Il exerce ensuite en tant que chauffeur routier, mais son dos le torture plus que jamais. Retiré aujourd'hui à Draguignan, Joaquim vit seul... sur un fauteuil roulant. Il est amputé d'une jambe. « Et je crois que l'autre ne va pas tarder à partir », ajoute-t-il sans se vouloir larmoyant.

Il voit du monde, se déplace un peu en quad, mais passe ses journées à prendre des médicaments. Dès le retour à la vie civile, il a engagé un autre combat avec l'armée, et avec la Sécurité sociale, pour faire reconnaître tout ce qu'il avait enduré.

Une pension finalement accordée à vie peut-elle tout effacer pour autant ? Joaquim persiste, malgré tout, à croire que la section d'épreuve n'est pas totalement responsable de son état physique actuel.

Ce qui lui reste de son passé de soldat ? Une grande fierté, celle d'avoir appartenu à un corps d'élite. Le sentiment, aussi, d'avoir gagné, d'avoir malgré tout triomphé des brebis galeuses. « Vous pouvez tout écrire, mais surtout, ne dites pas de mal de la Légion. Jamais ».


« Là-haut, personne ne pouvait déserter »

Quand il était disciplinaire à la section d’épreuve, Joaquim Neves-Alves avait entendu parler de désertion. « On racontait à l’époque que des disciplinaires avaient fui l’enceinte du bagne de Corte. Je peux vous assurer qu’il était impossible de déserter de là-haut. À mon avis, les gars n’étaient plus là, mais ils étaient restés dans le coin… ».
Joaquim s’interrompt, sa voix se fait plus grave, ses propos aussi mystérieux qu’inquiétants.
« À l’époque, je m’étais rendu compte que deux cadres sortaient la nuit, et le lendemain, on retrouvait nos outils plein de boue alors que nous les avions nettoyés la veille. Ce qui est certain, c’est que ces cadres étaient sortis pour remuer la terre, un travail qu’ils ne faisaient jamais. C’était celui des disciplinaires… ». Dès lors, Joaquim se tait, il n’ose pas prononcer les mots. Des disciplinaires morts à cause des mauvais traitements ? Il n’esquive pas la question : « Je le crois, mais je ne peux pas être affirmatif ».
Noël Kruslin

Avril 08, conte moderne 15052010

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mai 15, 2010

Variations de cinq personnages immergés dans notre monde contemporain.

Dans cette pièce écrite et mise en scène par le jeune metteur en scène Fabrice Dauby, avec sa compagnie Projet mots d’autres, le conte intervient en filigrane, créant une distance entre l’histoire des personnages et la réflexion qui peut s’en dégager.

Dans une vaste chambre aux parois et sol gris, trône un grand lit sur lequel de dos, une femme est semi-allongée. Tour à tour, les trois hommes de sa vie viennent lui confier ce qui les préoccupe. Son amant, après des déboires dans une ONG à caractère humanitaire, s’est engagé par dépit dans la Légion Etrangère pour combattre en Afghanistan, où il sera tué. Son compagnon, affairiste rongé par l’ambition et l’argent, ne lui parle que d’opérations boursières. Enfin son frère jumeau, fragilisé par des troubles du langage et anxieux, évoque de gais souvenirs d’enfance, mais aussi sa hantise d’être reconnu et « à la hauteur ». Il vient de quitter la société de communication paternelle.

Or c’est à une succession de monologues que nous assistons : la jeune femme, glaciale, ignore avec superbe leur présence, drapée majestueusement dans un déshabillé rouge – et ce durant la 1ère moitié de la pièce. Pourquoi ce mutisme ? Nous brûlons de savoir ce que cache cette figure féminine belle et éthérée,  au milieu de ces hommes en proie à des inquiétudes velléitaires. Nous le devinons plus tard, alors que son tout futur mari, l’oblige à « descendre sur terre » – pour notre soulagement ! Elle se réfugie dans la cave, et c’est là qu’apparaît le 5ème personnage, le « narrateur » du conte qui en détient la clé, explique l’auteur. Dans l’obscurité, debout au fond de la scène, une minuscule lumière à la main, il est le mystérieux veilleur – éveilleur – des consciences, « l’homme aux loups ». Il la poursuit a travers des panneaux noirs qui renforcent le sentiment de peur tant chez la jeune femme que chez le spectateur. Est-ce un rêve ? « Je suis celui que vous voulez que je sois. » murmure t-il. A partir de là, l’agitation s’installe : le mariage, avec deux témoins ivres, le mari‚ hagard, le téléphone portable à l’oreille ; puis les autres dans une gesticulation effrénée…Vers la fin cependant l’expression des visages devient grave ou inquiète, ils semblent vouloir porter un autre regard sur le réel.

« Se confronter à l’énigme de l’humain, en exprimer la puissance de vie… Accéder à une forme de méditation » F. Dauby

Cette puissance de vie ne se dilue-t-elle pas dans des illusions, aussi morales soient-elles – celles de l’amant ? dans des quêtes pitoyables – celle du « mari » ? Le jeu des acteurs est soutenu et rythmé, interrompu parfois par des « trous » que le metteur en scène a ménagé afin que le spectateur reçoive en retour, comme un boomerang, les angoisses des personnages, et les interprètent. Nathalie Philip, majestueuse, est très convaincante dans son rôle de révélateur de conscience grâce à son détachement hautain : elle refuse les systèmes illusoires des hommes. Nous regrettons toutefois une certaine impression de confusion qui se dégage parfois des dialogues, dans leur déroulement, et l’on ne saisit pas toujours les liens entre eux ; les trois hommes gravitent autour du lit central, chacun leur tour, de façon prévisible, mais ensuite le rythme devient alerte. Et que signifie la sorte de délire des corps de l’amant et du frère ? De même, la musique sacrée nous a paru trop « élevée » par rapport au contexte réaliste de la pièce. Mais l’essentiel des interrogations sur le bonheur humain que F. Dauby a essayé de faire partager est bien là, prêt à nous faire réfléchir. On sent que ce travail est prometteur, on reconnait, sous sa fougue et sa naïveté, un talent indéniable de dramaturge engagé : que cet engagement mûrisse et donne de beaux fruits que nous partagerons avec plaisir et attention !

Avril 08, conte moderne
Écriture et mise en scène : Fabrice Dauby
Avec : Lucas Anglarès, Jonathan Cohen, Nicolas Gonzales, Nathalie Philip, Bernard Vergne
Scénographie : Grégoire Faucheux
Lumières : Pascal Sautelet
Écriture sonore : Nicolas Maisse
Costumes : Anaïs Pinson
Maquillages : Isabelle Vernus

Du 7 mai au 6 juin 2010

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Route du Champ-de-Manoeuvre, 75 012 Paris
www.la-tempete.fr


Cugnaux. Disparition de Fernand Goncalves 13052010

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Publié le 13/05/2010

Les anciens combattants honorent le drapeau français./Photo DR Gérard Masson. - Tous droits réservés. Copie interdite.

Dans le cadre du 65e anniversaire de la victoire du 8 Mai 1945, une cérémonie s'est tenue à Cugnaux avec le bureau de l'Union Nationale des Combattants (UNC). Accompagnés de leurs familles et de leurs amis, les anciens combattants se préparaient à une belle journée. La cérémonie au monument aux morts le matin, avec présentation des écoles, était suivie par un apéritif. Au traditionnel repas des anciens était associée une animation dans une ambiance conviviale. Et qui devait permettre, aux plus téméraires, d'exécuter quelques pas de danse, un peu plus tard dans l'après-midi. Malheureusement, cette journée de commémoration a été endeuillée par la disparition dramatique et inattendue d'un convive. En effet, lors du déjeuner, Fernand Goncalves, un ancien légionnaire né en 1960, est victime d'un étouffement alimentaire.

Le colonel Jean-Pierre Pucheu et le maire Philippe Guerin, lui prodiguent les premiers soins. Après l'intervention des pompiers, le défibrillateur de la mairie de Cugnaux sera lui aussi mis à contribution. Sans succès. Les festivités ont été interrompues.

La Dépêche du Midi


Montferrand. 8-Mai avec attrait et dignité 12052010

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Publié le 12/05/2010


la cérémonie./Photo DDM

la cérémonie./Photo DDM

On connaît la droiture et les qualités organisationnelles de l'armée, et plus particulièrement celles de la Légion étrangère. Samedi, les Montferrandais et Labastidiens présents à la cérémonie commémorative ont pu le constater une nouvelle fois. Avec un temps finalement clément, la manifestation a revêtu un caractère solennel grâce au piquet d'honneur du 4e régiment étranger. La présence du lieutenant-colonel François-Xavier Petiteau a rehaussé cette cérémonie commémorative. Les enfants, toujours très nombreux, accompagnés de leur maîtresse Sylvie Ferrero, ont donné lecture de la liste des soldats de notre village, déposé la gerbe de fleurs au pied du monument et interprété, pour clôturer, l'hymne national avec l'aide de toute la population. Le message de Xavier Darcos, ministre des Anciens Combattants, était lu par le M. le maire, suivi par l'hommage aux anciens combattants énoncé par Christine Gautier, conseillère municipale.


Un Légionnaire condamné à deux ans de prison ferme pour avoir tiré dans l'entre-jambes d'un autre 11052010

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11 mai 2010

Le tribunal correctionnel de Bastia vient de condamner à quatre ans de prison, dont deux fermes, le sergent Makoto Mochizuki pour avoir volontairement tiré deux balles à blanc dans les parties génitales d’un autre légionnaire, Josef Mraz. Les faits se sont produits le 12 janvier 2008 au cours d’un exercice du 2ème REP, en Corse. Le tribunal est allé beaucoup plus loin que les réquisitions du procureur : vingt-quatre mois fermes au lieu de quatre. Selon toute vraisemblance, Mochizuki devrait faire appel.

L’avocat de la victime, Me Eric Morain s’est réjoui que «la peine prenne la juste mesure de la faute».

Le plus étrange dans cette affaire est que la Légion ne s’est non seulement pas séparé de ce sous-officier, mais lui a même renouvelé son contrat, après les faits - alors qu’il avait été sanctionné de 40 jours d’arrêts pour «faute professionnelle très grave». Lors du procès qui s’est tenu à Bastia, l’accusé était accompagné, voire soutenu, par un officier du REP. La justice avait même du insister assez lourdement auprès du régiment pour que le sergent Mochizuki ne soit pas envoyé en Afghanistan, alors que son procès devait se tenir...

Nous reviendrons très prochainement sur cette affaire, grâce à l’enquête d’un journaliste de Libération, Didier Arnaud, qui a rencontré la victime, un jeune slovaque de 25 ans, resté invalide.


Giacomo Signoroni – Legio Patria Nostra 11052010

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Le Souvenir Francais de Chine

Posté par Michel Nivelle le 11 mai 2010

Insigne de la 13 DBLE – 3ème compagnie

L’engagement.

Janvier 2009, rue Foucher-Lepelletier, au domicile de Madame et Monsieur Giacomo Signoroni, autour d’un verre de Marsala, des membres du Souvenir Francais des Hauts-de-Seined évoquent son engagement dans la Légion étrangère.

Giacomo Signoroni est né en 1921 dans le petit village de Castagneto Po – connu depuis que sa native la plus célèbre est devenue Première dame de France – situé à quelques kilomètres de Turin, au cœur du Piémont. Les industries automobiles Fiat et l’agriculture, entre autres, assurent la prospérité de la région.

« J’ai assisté à pas mal d’atrocités, indique Giacomo Signoroni, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les Italiens étaient les alliés des Allemands. Avec eux, cela pouvait aller. Tout a dégénéré quand les Américains sont arrivés et que la population s’est coupée en deux : il y avait d’un côté ceux qui voulaient se battre pour le Duce, de l’autre, ceux qui voulaient aider la libération du pays. Puis le Duce a été renversé et la liberté est revenue. Mais j’en avais trop vu. J’ai décidé d’émigrer en France, vers Nice et de m’installer. Après quelque temps, je me suis engagé dans la Légion étrangère ».

La 13ème DBLE.

La 13ème Demi-brigade de la Légion étrangère (DBLE) est créée en 1940, à partir de volontaires du 1er Régiment Etranger d’Infanterie et de troupe basées au Maroc. Elle est alors composée de 55 officiers, 210 sous-officiers et 1.984 caporaux et légionnaires. Destinée à combattre en Finlande contre les troupes de la Wehrmacht, elle est finalement envoyée en Norvège, à Narvik et se couvre de gloire pour son baptême du feu. Après l’armistice, son état-major est placé en Angleterre. Une partie des légionnaires reste dans ce pays et intègre les unités de la France Libre tandis que d’autres rejoignent l’Afrique du Nord. A partir de 1942, la 13ème DBLE est de tous les combats pour la libération de la France : Bir-Hakeim, Tobrouk, l’Italie puis le débarquement de Provence et la course vers les Vosges et l’Alsace.

A Nice, en avril 1945, le général de Gaulle embrasse le drapeau de l’unité, qu’il vient de décorer de la Croix de la Libération.

Dans le même temps, le tout jeune légionnaire, Giacomo Signoroni (il prend le pseudonyme de Signorini) intègre l’unité et part pour Bizerte en Tunisie. En son sein, il côtoie des hommes qui vont devenir des célébrités, comme le général Saint-Hillier (Grand Croix de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération),  ou Pierre Messmer, qui un jour sera Premier ministre de la France. Quelques mois plus tard, la Guerre d’Indochine est déclenchée.

La 13ème DBLE est envoyée en mars 1946 à Saigon. Sous le commandement du colonel Brunet de Sairigné, cette unité participe à tous les engagements en Cochinchine, au Cambodge et dans le centre du Vietnam, l’Annam. Les chiffres témoignent de l’âpreté des combats : entre 1946 et 1951, l’unité perd 80 officiers, 307 sous-officiers et 2.334 légionnaires.

Giacomo Signoroni : « Nous apprîmes la mort de notre chef le 1er mars 1948. Le lieutenant-colonel Brunet de Sairigné fut tué lors de l’attaque du convoi de Dalat. Il avait 35 ans et c’était un chef exceptionnel et certainement un des plus jeunes officiers supérieurs qu’aie connu la Légion étrangère ».

A partir de 1951, la 13ème DBLE est transportée dans le Tonkin où, là encore, elle s’illustre à de nombreuses reprises. En novembre 1953, l’Opération Castor est décidée. Il s’agit de réoccuper les bâtiments d’une ancienne garnison japonaise dans le village reculé de Diên Biên Phù, à l’ouest du Tonkin, proche de la frontière du Laos. Le but étant d’attirer en cet endroit un maximum de forces du Vietminh et de les battre. Définitivement. Il s’agit également de fermer la frontière avec le Laos pour éviter la contagion communiste. Les 1er et 3ème bataillons y sont envoyés.

Largage au-dessus de Diên Biên Phù – Fin 1953.

La mission

L’assaut contre le camp retranché de Diên Biên Phù est déclenché le 13 mars 1954, contre le point d’appui (PA) Béatrice, alors sous le commandement du commandant Pégo. C’est une pluie d’obus qui s’abat sur le PA, et ce à l’étonnement général. Le colonel d’artillerie Piroth avait juré qu’aucun obus ne serait tiré sur le camp. Prenant acte de son erreur, il se suicide quelques jours plus tard à l’aide d’une grenade. En fait, les troupes du Vietminh ont mobilisé des dizaines de milliers d’hommes pour creuser des galeries un peu partout à l’intérieur des collines qui entourent le camp retranché. Elles y ont placé des canons, qu’elles peuvent aussitôt le coup parti rentrer dans leur cachette. Le commandement français devient fou ne sachant d’où viennent les coups.

Quant au PA Béatrice, comme les autres PA d’ailleurs, ses constructions n’ont absolument pas été faites en prévision de bombardements. En quelques heures, les voilà pulvérisées…

Giacomo Signoroni : « En qualité de Chef de la Section Pionniers, je fus convoqué par le lieutenant Bacq, commandant la C.C.B. (Compagnie de Commandement du Bataillon) du 1/13 DBLE (1er bataillon de la 13ème demi-brigade), le 14 mars 1954 vers 8 heures. Etaient présents : le chef de bataillon Brinon, commandant le 1/13 DBLE, le lieutenant de Chapotin, officier de transmission du 1/13 DBLE et le capitaine Stermann, médecin-chef du 1/13 DBLE.

Une trêve venait d’être signée jusqu’à midi. Le lieutenant Bacq me donna des explications sur ma mission :

  • Rassembler au complet sans armes.
  • Tenue de combat, casque lourd, toile de tente, couverture, bidon plein d’eau, le maximum de brancards, pelles de campagne.
  • Pas d’insigne de l’unité et du grade.

Mais les officiers revinrent sur ce dernier point devant ma ferme attitude à vouloir conserver les insignes de grade.

Ma mission consistait en les éléments suivants :

  • Me rendre sur le PA Béatrice – le camp retranché de Diên Biên Phù était entouré de PA aux noms de Gabrielle, Anne-Marie, Huguette, Dominique, Eliane, Claudine, Béatrice, Françoise et Isabelle – perdu la nuit du 13 au 14 mars 1954, après de durs combats.
  • Récupérer les blessés, les morts, reconnaître les corps et en particulier ceux des officiers.
  • Me rendre compte de la situation sur le PA Béatrice.

Deux Dodge 6×6 furent mis à ma disposition, plus une jeep pour l’équipe médicale, dirigée par le capitaine Stermann, assisté du caporal infirmier Sgarbazzini et deux infirmiers de son équipe médicale.

L’organigramme de ma section était ainsi composé :

  • Moi-même, adjudant Signorini.
  • Sergent Trumper (qui fut tué le 17 mars 1954).
  • Caporal-chef Miguel Leiva.
  • Caporal Joss Mirko.
  • Les légionnaires : Gutierez, Pregati, Clément, Redina, Bosio, Blanc, Andreis, Nitch, Radwaski, et d’autres encore dont les noms m’échappent plus de cinquante ans après les faits. »

En direction du PA Béatrice

« A 9h, à bord de nos véhicules, nous démarrâmes en direction de l’antenne chirurgicale où nous retrouvâmes l’équipe médicale du capitaine Le Damany, médecin-chef de la 13 DBLE, ainsi que le Père Trinquant, aumônier de la demi-brigade. En tête du convoi se trouvaient les quatre véhicules de l’équipe médicale, battant pavillon de la Croix Rouge : la jeep du capitaine Le Damany, une ambulance, la jeep du capitaine Stermann et le véhicule du Père Trinquant. Suivaient mes deux Dodge plus un camion GMC pour les légionnaires.

Le convoi prit la direction du PA Béatrice. Un kilomètre avant l’arrivée sur le PA, je remarquai deux emplacements de mines antichars, de chaque côté de la route, ainsi que plusieurs autres pour des armes automatiques, et en particulier des SKZ, placés à mi-hauteur sur les pentes qui surplombaient le chemin. De même, je vis des recoins de combats, destinés certainement à une compagnie pour une embuscade. Tous ces dispositifs ne pouvaient être là que pour nous empêcher de dégager Béatrice.

A l’entrée du PA, la barrière était fermée. La chapelle était intacte. Par contre, le terrain tout autour était labouré par les obus et les mortiers. Notre convoi stoppa à la chapelle. Je fis mettre pied à terre et disposait les véhicules pour le retour. Ordre était donné aux chauffeurs de ne pas bouger, prêts à toute éventualité.

Sur Béatrice même, régnait un silence pesant. Un silence de mort et de désolation. Les abris étaient démolis, les tranchées pleines de terre, à la suite des éclatements des obus ou des grenades. C’était évident : la lutte avait dû être dure et farouche. Mais, en dépit de ces images de dévastation, j’avais un sentiment étrange : il y avait une présence vivante autour de nous. Etait-elle amie, ennemie ? Nous partageâmes cette intuition. Aussi, disposais-je mes légionnaires en plusieurs équipes, et nous commençâmes la montée sur Béatrice. Nous progressions difficilement, fouillant avec minutie les abris à la recherche de survivants.

Avec l’équipe du caporal-chef Leiva, je me rendis à l’abri du PC (poste de commandement) du commandant Pegot, situé au sommet du point d’appui. Le Père Trinquant me rejoignit. Le toit de l’abri était effondré ; les créneaux et l’entrée étaient bouchés par des éboulements. Il était impossible de constater si des corps se trouvaient sous les décombres. Je présumai que les restes du commandant Pegot, du capitaine Pardi étaient ensevelis, avec tous les occupants du PC. »

Face-à-face avec un officier Vietminh

« Je descendis vers la rivière appelée Nam Youm (il faut la traverser en quittant le PC du général de Castries, Béatrice étant une des collines les plus éloignées). Partout régnait ce même silence de mort. A mi-chemin, un officier Vietminh, dont j’avais remarqué la présence (certainement un commissaire politique) m’interpela et me signala que sur cette piste se trouvaient trois blessés, abandonnés, surpris comme les autres par l’attaque de nuit. Mais pour quelle raison auraient-ils été laissés là, alors que, visiblement, les Bodoïs avaient emporté les morts et les blessés du Corps Expéditionnaire ? Tout à ma mission, je remontai vers le sommet du PA et, face à la chapelle, nous trouvâmes un mort, à moitié enseveli sous les décombres. Je ne découvris pas son identité.

Le même officier Vietminh m’interpela à nouveau et m’indiqua que tous les survivants officiers, sous-officiers et légionnaires avaient été conduits vers des camps de captivité, les blessés vers des infirmeries et des hôpitaux, et que les morts avaient été ensevelis dans les abris effondrés et dans les tranchées. A ma demande sur le sort des officiers, sa réponse fut la suivante : « Tous les prisonniers seront bien traités chez nous ». Puis, il me confia une bouteille de rhum en me disant : « Pour vos blessés ». Enfin, il me serra la main et me souhaita bonne chance.

Plus de cinquante ans après, je me pose encore la question : comment cet officier ennemi a pu s’adresser à moi, alors que j’étais en mission, et entouré de trois officiers, portant bien visibles leurs galons ? Peut-être s’agissait-il encore une fois de cette philosophie vietnamienne dont on parlait tant.

Vers 11h, un tir d’artillerie fut déclenché depuis les camps retranchés. Les obus de 155 visaient les collines entourant le camp retranché de Diên Biên Phù. Alors qu’un cessez-le-feu était en vigueur, pourquoi ce tir, sachant que des éléments français se trouvaient en ce moment même en zone Viet pour effectuer une mission humanitaire. Nous continuâmes rapidement nos recherches et nous récupérâmes les trois officiers dont avait parlé notre ennemi. Il s’agissait des lieutenants Pungier, Jego, et Carrière. Mais le temps de notre mission étant compté, nous dûmes rentrer à la base non sans avoir essuyé un nouveau tir d’artillerie à hauteur de l’antenne chirurgicale. Nous eûmes à déplorer un blessé léger.

Et je rendis compte de ce que j’avais vu à l’officier des renseignements et retrouvai mon unité vers midi. Plus de cinquante-cinq après, mon cher Rignault, je tiens à préciser une fois pour toutes et en particulier à ceux qui écrivent des bons livres, que les artisans de cette mission sont bien ceux cités et non d’autres. Il s’agissait bien de la 13ème DBLE et en particulier de la Section Pionniers ».

Vue aérienne de Diên Biên Phù – Fin 1954 – au centre, la rivière et la vallée de la Nam Youm. Entre les deux points, l’ancienne piste d’atterrissage.

A Diên Biên Phù

« A Diên Biên Phù, nous avons tous fait notre travail en soldat. Je prends en exemple les légionnaires de la Compagnie de Commandement du Bataillon (CCB) du 1/13 DBLE, qui avec sa Section Pionniers fut à toutes les pointes des combats, soit comme section de choc, soit avec les M5 Extincteurs Spéciaux que les anciens connaissent très bien et qui étaient célèbres pour leur efficacité dans les préparations d’attaque ou pour enrayer les assauts ennemis.

La Section Mortiers de l’adjudant Adamait fut elle-aussi à la pointe des tous les combats. Pour sa part, elle agissait soit en tir d’appui et de barrage, soit en unité de combat, ce qu’elle fit à la fin après avoir détruit ses dernières pièces. Il faut également citer le travail remarquable de l’unité de transmission, avec les caporaux Guenzi et Piccinini, le sergent Ladrière et le sergent-chef Toussaint et tant d’autres encore. Quant au Service de santé avec Stermann, c’est bien simple, il était présent à chaque instant.

Je tiens également à préciser que les derniers à passer la Nam Youm, le 8 mai 1954 – c’est-à-dire le lendemain de la reddition du chef du GONO (Groupement Opérationnel du Nord Ouest, le général de Castries) – furent les éléments de la CCB 1/13 aux ordres du capitaine Coutant, la Section Pionniers, la transmission, plus les survivants des trois compagnies du capitaine Capeiron, du lieutenant Viard, du lieutenant Bacq et du lieutenant de Chapotin. D’autres noms m’échappent. Ils passèrent vers 15h après avoir soutenu les assauts des Bodoïs sur Eliane 2.

Après avoir tiré le dernier obus, la Section Mortiers détruisit l’unique pièce et prit part au combat comme unité fantassin. Le sergent Ladrière et le sergent-chef Toussaint en firent de même après la destruction des matériels de transmission. Les caporaux Guenzi et Piccinini assurèrent la liaison radio jusqu’au dernier moment avant la destruction de leur matériel.

C’était la fin. Les Viet arrivaient de partout. Nous étions encerclés, prêt au sacrifice suprême. Piccinini et Guenzi brûlèrent le fanion de la compagnie. Ordre était donné de nous rendre. L’humiliation.»

Pour ses actes de guerre et de bravoure, Giacomo Signoroni reçut la médaille militaire, sur le champ de bataille. La fin de l’aventure indochinoise est connue. Après le désastre militaire, et face à des dizaines de milliers de soldats ennemis, les troupes du Corps Expéditionnaire capitulent. S’ensuit une marche de près de 700 kilomètres, dans des conditions épouvantables, à travers la jungle pour rejoindre l’est du pays (Giacomo Signoroni est enfermé au Camp 73).

Les pertes humaines à Diên Biên Phù sont d’environ 3.000 morts au combat ou disparus, plus de 4.400 blessés. Le 8 mai 1954, les hommes du général Giap font 10.948 prisonniers. Au moment de la restitution de ces mêmes prisonniers, en septembre 1954, 7.658 hommes manquent à l’appel…

L’Algérie

Au retour de l’Indochine, Giacomo Signoroni est muté dans un Régiment Etranger de Cavalerie. Entre 1954 et 1960, il combat les fellaghas à la frontière marocaine dans la région de Colomb-Béchar. Raccourci tragique de l’Histoire : c’est en ces lieux que disparut le 28 novembre 1947, le général Leclerc, qui avait été à le premier chef du Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient en 1945-46.

Là, Giacomo Signoroni prend part à moult opérations dans les montagnes de l’Atlas Saharien. Puis il suit son unité à Saïda, dans l’arrière-pays oranais, non loin de Sidi-Bel-Abbès, patrie d’origine de la Légion. D’ailleurs, la perte de l’Algérie sera un traumatisme pour elle, comme pour de nombreuses unités. Même si la Légion perd dix fois moins d’hommes qu’en Indochine, de nombreux militaires pensent qu’ils ont été lâchés par le pouvoir politique, quand la victoire par les armes, elle, était acquise. Contrainte de quitter le pays, la Légion étrangère brûle en partant le pavillon chinois, pris en 1884 à Tuyen Quang, et qui ne devait pas quitter Sidi-Bel-Abbès. Elle emporte les reliques du Musée du Souvenir et exhume les cercueils du général Rollet (Père de la Légion), du prince Aage du Danemark et du légionnaire Heinz Zimmermann, dernier tué d’Algérie. Elle s’installera à Aubagne, dans le département des Bouches-du-Rhône.

Mais Giacomo Signoroni n’est déjà plus concerné…

Après les guerres…

En 1958, il se marie. De cette union, naissent une fille puis un garçon. Peu avant la naissance de son premier enfant, il quitte l’armée. Il est des rôles, des aventures, qui le temps venu, l’expérience acquise, vous semblent plus petits que le plus petits des Etres.

Le retour en France a lieu en 1961. Giacomo Signoroni, officier de la Légion d’honneur, commence une nouvelle vie, une nouvelle carrière au sein de plusieurs entreprises de sécurité et des centres de surveillance.

SOURCE : cet article est reproduit sur notre site avec l’aimable autorisation de M. Frédéric RIGNAULT, Président du Comité – Délégué général adjoint pour les Hauts-de-Seine /  Souvenir Français – Comité d’Issy-les-Moulineaux ( www.souvenirfrancais-issy.com ; www.souvenir-francais-92.org )


La vérité selon Pierre Vivent 11052010

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Publié le 11/05/2010

Villefranche-de-Rouergue. La vérité selon Pierre Vivent

Pierre Vivent./ Photo DDM,  
 
Toujours très pointilleux dès lors qu'il est question de dates récurrentes qui marquèrent son parcours de légionnaire, en février dernier Pierre Vivent s'est fendu d'une missive appuyée à l'endroit des Éditions Larousse. Le 10 février, il écrivait à Jacques Florent, directeur éditorial Dictionnaires, pour lui faire toucher « deux contre vérités » pointées dans « le Petit Larousse Illustré ». Concernant la guerre d'Algérie, il est écrit : « le 18 mars 1962, les accords d'Évian mettent fin à la guerre d'Algérie ». lui rappelle « le 18 mars c'est la signature du "Cessez le feu" en Algérie, ce n'est pas la fin de la guerre. » Quant à la bataille de Dien Bien Phu du 13 mars au 7 mai 1954, le dictionnaire évoque une « défaite des forces françaises… qui marqua la fin de la première guerre d'Indochine », le président de la société des Anciens de la Légion Étrangère, s'inscrit en faux en rappelant que « 57 jours après Dien Bien Phu, il y eut le 24 juin 1954, la bataille d'An Khé, que j'ai fait comme chef de section, plus qu'honorable, puisque le drapeau blanc n'a jamais été hissé ; mais il a fallu 8 jours et 8 nuits de combat, pour percer les lignes ennemies… ». En réponse, Jacques Florent l'a remercié de lui avoir signalé « ces imprécisions. » Courrier transmis au « spécialiste de la Défense et de l'Histoire militaire au sein de la rédaction pour qu'il en prenne bonne note et l'intègre dans le prochain millésime 2 012 ».

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