Publié le 16/11/2020
Les Fortes têtes ont fêté ce dimanche, leurs 100 ans d’existence. Les festivités liées à cet anniversaire ont dû être ajournées, la faute à la pandémie. Rencontre avec le colonel Capdeville, commandant le 4e Régiment étranger.
Qu'est-il prévu pour cet anniversaire très spécial ?
Nous avions travaillé sur un centenaire très ambitieux pour le mois de juin dernier. Ce centenaire devait se passer en présence de hautes autorités dont notre marraine ainsi que d’une représentation symbolique de chacun des 8 régiments étrangers de métropole de façon à bien signifier, qu’aujourd’hui, le 4e Régiment étranger est la pierre angulaire qui sert à bâtir la Légion étrangère. Nous avions ainsi demandé à tous nos camarades de faire venir une délégation avec leur matériel majeur de façon à bien montrer à la population chaurienne et tous nos invités que le 4 travaille au profit de la Légion étrangère.
C’est donc une très belle manifestation qui devait avoir lieu pour ces 100 ans?
Ce n’était pas quelque chose entre nous que nous avions prévu mais quelque chose de très ouvert avec beaucoup de personnalités civiles. Nos camarades de Calvi avaient prévu un lâcher de parachutistes, ceux de Carpiane devaient nous mettre à disposition un équipage de chars. Sauf que dans le contexte actuel, les rassemblements de masse sont strictement prohibés, suspendus ou reportés. Nous pensions pouvoir nous réorganiser autour de la date historique du régiment, le15 novembre. Nous sommes malheureusement tombés dans la période du 2e confinement national et à l’instar de beaucoup d’organisations, nous avons également été obligés de reporter les festivités du centenaire.
On fêtera tout de même cet anniversaire?
Oui mais je n’ai pas de date précise. Il risque d’être difficile mobiliser les énergies une troisième fois consécutive et le rythme du régiment étant assez dense, je ne suis pas, aujourd’hui, en mesure d’annoncer une nouvelle date. J’en suis désolé car 100 ans, c’est une date symbolique, à la fois symbole de pérennité, de stabilité. Il y a des unités de l’Armée de Terre qui sont bien plus jeunes. Sans être la plus ancienne, nous ne sommes pas parmi les plus jeunes. L’armée de l’Air est née en 1933, le régiment étranger parachutiste dans les années « 50 ».Nous souhaitons à nos camarades du 1er régiment étranger de Cavalerie de Carpiane qui, eux, fêtent leur centenaire en 2021, d’avoir plus de chance que nous et nous nous associerons à tout ce qu’ils prévoient.
Quid du livre consacré au centenaire qui vient d’être publié?
Un contexte qui fait que nous sommes très heureux d’avoir achevé la rédaction de notre livre que nous distribuons à nos amis, nos familles de façon à pouvoir, au moins, symboliquement marquer le centenaire du régiment. Nous avons souhaité réaliser cet ouvrage pour mettre en valeur et rendre hommage à tous ceux qui travaillent au profit de la Légion étrangère, quotidiennement, qu’ils soient d’active ou de réserve. Il a été réalisé par le major Richard Charpentier qui s’est beaucoup investi dans cet ouvrage de très grande qualité et je l’en remercie. C’est tout un travail de recherches historiques qu'il a réalisé, de conception, de rédaction, de dialogues avec le maquettiste, l’éditeur, les financiers, c’est un travail considérable pour lequel le major a, une fois de plus donné un très bel exemple.
Le « 4 », creuset de la Légion étrangère est un régiment de formation?
Il est en effet régiment de formation depuis 1976, avec le GILE, groupement d’instruction de la Légion étrangère, lequel est devenu RILE, régiment d’instruction, en 1977. En 1980, le RILE est passé 4e R.E. L’histoire du régiment est inscrite temporellement et géographiquement dans un premier temps au Maroc, là où il est né, puis en Algérie, où il a combattu pendant la guerre et au-delà puisqu’il a été engagé dans la protection des premiers essais nucléaires, dans la base du sud algérien de Réggane. On le retrouve ensuite sur le territoire métropolitain d’abord en Corse et ensuite à Castelnaudary où nous sommes depuis plus de 40 ans. Le « 4 » a été dissous et recrée à plusieurs reprises.il a été dissous juste après l’Algérie et il a eu, pendant la période marocaine, quelques intermittences. Il s’est illustré lors de la campagne de Tunisie à Djebel Zaghouan en 1943 ainsi qu’en Algérie, AFN, Afrique du Nord, des faits d’armes qui sont portés sur le drapeau avec Camerone.
Le « 4 », régiment du socle, un régiment unique?
Nous sommes un des rares régiments à avoir une marraine et un régiment unique dans sa mission et dans sa structure. Nous avons plusieurs missions comme former des jeunes engagés mais également former des sergents et des spécialistes. Dans le reste de l’Armée française, cette mission est dévolue à plusieurs entités distinctes. Nous, nous centralisons, à la Légion étrangère, ces formations. Tout légionnaire vient ici, au régiment plusieurs fois dans sa carrière: quand il arrive, quand il obtient ses galons de caporal, ses galons de sergent, pour passer son permis de conduire. C’est la raison pour laquelle, le 4e RE c’est un peu la deuxième maison du légionnaire, - c’est là où il grandit en maturité, en expérience et en compétences. Sa première maison étant son régiment de cœur, celui qu’il rejoint à l’issue de l’instruction et dans lequel il se spécialise, bien souvent symbolisé par un tatouage.
Des jeunes engagés qui viennent du monde entier?
Nous avons environ 135 nationalités différentes. À part les 600 cadres et formateurs permanents, j’ai ici, 600 à 700 stagiaires ou jeunes légionnaires. Ça change toutes les semaines. Nous sommes en ce moment aux capacités maximales de formation avec trente stages activés simultanément, soit au quartier Danjou de Castelnaudary, soit dans les 5 centres extérieurs, soit en terrain libre, ou les camps nationaux d’entraînement.
Pourquoi les « Fortes têtes » ?
Les Fortes têtes, c’est une expression du passé désignant depuis longtemps le légionnaire en général,- les légionnaires ayant tous du caractère! Petit à petit, cette expression n’a été employée que pour les légionnaires à l’instruction. Enfin, au milieu des années 1990, un ouvrage sur le 4e RE intitulé « Les Fortes têtes » a définitivement ancré l’expression vis-à-vis des hommes du « 4 », ne faisant plus la distinction entre encadrants et encadrés.
Avec ce centenaire, le "4" a désormais une devise?
Nous avons profité du centenaire pour faire un travail historique et connaître les origines du régiment, notamment les plus lointaines. Nous nous sommes ainsi rendus compte que le régiment n’avait pas de devise propre. Nous nous sommes donc lancés dans un concours en interne pour la trouver, et avons ainsi retenu et proposé au général commandant la légion étrangère celle qui nous semblait le plus à même de refléter la mission du 4 et qui permettait à chaque légionnaire du régiment, quel que soit son métier de se retrouver. D’où la devise «Ad legionem aedificandam » : « Pour bâtir la légion» qui est également le titre du livre.
100 ans d’histoire
Le 4e régiment ea été créé le 15 novembre 1920 à Marrakech, au Maroc. Dissous en 1940, le régiment est recréé en 1941 ; il porte le nom de 4e demi-brigade de la Légion étrangère. En 1948, il reprend celui de 4e régiment étranger d’infanterie. Le 25 avril 1964, le régiment est dissous, à l’issue de la fermeture du site d’essais nucléaires français de Reggane, en Algérie. En 1976, le GILE (groupement d’instruction de la Légion étrangère) est déplacé à Castelnaudary et prend le nom de RILE (régiment d’instruction de la Légion étrangère) le 1er septembre 1977. Il reçoit alors la garde du drapeau du 4e RE. Le 4e régiment étranger est recréé le 1er juin 1980.