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40 ans plus tard, pourrait-on refaire Kolwezi ?

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Par  Publié le 22/05/2018

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«La légion saute sur Kolwezi», film de Raoul Coutard, 1980. SociŽtŽ Nouvelle de CinŽmatographie (SNC) / France RŽgions 3/Rue des Archives/DILTZ

 

FIGAROVOX/TEMOIGNAGE - Il y a quarante ans, les légionnaires du 2e REP sautaient sur Kolwezi et délivraient la ville. L'un d'entre eux, le général Bruno Dary, rappelle les composantes multiples de cette victoire héroïque de la Légion.

 


Le général Bruno Dary, lieutenant au 2e REP en mai 1978, participa au saut et à la bataille de Kolwezi (Zaïre, actuelle RDC). Cette célèbre victoire de la Légion étrangère permit aux parachutistes français de mettre fin au massacre de civils européens et africains par les rebelles katangais venus d'Angola qui avaient pris le contrôle de la ville.


Une fois la victoire acquise, il est facile de crier «On a gagné!». Il est plus intéressant de se rappeler les heures cruciales de la bataille, celles de la prise de décision et de l'incertitude, puis celles de l'action et de la confrontation, où rien n'est encore acquis, où tout peut encore basculer, où même un incident fâcheux peut entacher le succès. Avec quarante ans de recul, il est intéressant de se pencher sur l'engagement français à Kolwezi. Cette opération aéroportée reste, en effet, un succès incontesté de l'armée française ; aussi peut-il être pertinent de rechercher les causes et d'expliquer les raisons de ce saut légendaire, et de se demander si notre pays serait capable aujourd'hui de conduire une opération similaire. Car, à tous les niveaux et dans tous les domaines, dans les décisions comme dans l'action, «la prise et la maîtrise des risques» restent le facteur déterminant qui permit aux parachutistes français, en l'occurrence au 2e régiment étranger de parachutistes - le 2e REP - de remporter un tel succès.

La décision politique par le président de la République

Cette prise de risque se trouve d'abord dans le domaine politique, car à cette époque, celle de la guerre froide, la France est seule sur le continent africain à pouvoir intervenir ; les États-Unis sous la présidence de Jimmy Carter sont en pleine période d'isolationnisme ; l'URSS, bloquée en Europe par l'OTAN et retenue par la dissuasion, met en œuvre le conseil de Lénine: «le chemin de l'Europe passe par l'Afrique» ; elle agit, par Cubains et Allemands de l'Est interposés, notamment au Mozambique et en Angola. Quant à l'armée française, elle se remet lentement de l'ère coloniale et des cicatrices laissées par la tragédie algérienne.

À l'origine de la prise de décision du président Giscard d'Estaing, se trouve un homme, l'ambassadeur de France au Zaïre, François Ross, conseillé par son assistant à la coopération, le colonel Yves Gras. Un an auparavant, ils avaient déjà été alertés de la menace qui pesait sur le Shaba et ses richesses. Ils ne furent donc qu'à moitié surpris, lorsque les rebelles du Front National de Libération du Congo (FLNC), profitant de la fin de la saison des pluies, s'emparèrent par surprise de Kolwezi ; très tôt, ils alertèrent les autorités françaises et belges des atrocités qui commençaient à se perpétrer sur place.

Cette décision était courageuse de la part de Valéry Giscard d'Estaing, car le Zaïre était une ancienne colonie belge, les moyens français étaient limités et surtout orientés face au bloc de l'Est, et un échec lui aurait sans doute été fatal.

On peut ajouter, sans peur de se tromper beaucoup, qu'une telle opération aurait été impensable dans les années qui suivirent, car les différents gouvernements avaient alors adopté comme principe de la politique française en Afrique: «ni ingérence, ni indifférence», ce qui avait comme double conséquence, non seulement d'intervenir trop tard quand la crise était déjà bien ancrée, mais aussi de prendre à notre compte un pays au bord de la catastrophe: Sangaris en Centrafrique en est le dernier exemple. Mais heureusement, l'opération Serval au Mali et le saut sur Tombouctou ont de nouveau montré la pertinence d'intervenir très tôt, dès les prémices d'une crise.

La projection stratégique dans l'urgence

En 1978, l'armée française ne possédait que quelques gros-porteurs, des DC8, requis la plupart du temps par le Centre d'Expérimentation du Pacifique. Il fallut donc recourir à la réquisition d'avions gros-porteurs auprès d'UTA et d'Air France pour pouvoir projeter sur très court préavis les quelque 700 légionnaires de Solenzara à Kinshasa. Les véhicules furent transportés ensuite par des gros-porteurs américains.

 

La dissolution de la Légion, qui avait été inscrite dans le programme commun de la gauche, ne fut jamais mise en œuvre.

 

Quarante ans plus tard, ce mode de transport appelle plusieurs remarques: il est toujours en vigueur dans les armées et fonctionne bien. Les quelques élus qui poussent des cris d'orfraie sur l'absence de gros-porteurs dans l'armée française devraient s'inspirer de Kolwezi, avant de critiquer les choix faits par les armées en matière de transport aérien. Aujourd'hui encore, seuls deux pays peuvent s'offrir de tels avions, les USA et la Russie. On peut noter aussi qu'une telle projection pourrait être envisagée avec des A400M, mais il faudrait que cet aéronef corrige encore ses erreurs de jeunesse et surtout qu'il puisse larguer des parachutistes par les deux portes!

L'enjeu médiatique

En 1978, l'antimilitarisme régnait en France et en Europe, et devant la menace soviétique, ils étaient nombreux à crier «plutôt rouge que mort!». En outre, l'image de la colonisation collait encore à la peau de notre pays, si bien que lancer une telle opération était médiatiquement risqué.

L'auteur de l'article appartenait à la seconde vague, larguée le 20 mai à l'est de la ville, non loin du quartier européen ; alors qu'il s'apprêtait, à la tête de sa section et comme tout bon soldat à «marcher au son du canon», il reçut l'ordre de rechercher un charnier dans ce quartier, ce qu'il fit plus par discipline que par conviction. Mais la découverte d'un charnier, où gisaient les corps de nombreux Européens, eut un impact considérable ; car la photo de cette horreur, reproduite dans de nombreux journaux, décrédibilisa définitivement les Tigres, nom des rebelles angolais, et, de plus, révéla la dimension humanitaire de cette opération, tant sur la scène internationale qu'à l'égard de l'opinion publique française.

Il en serait de même aujourd'hui, avec certainement une présence, voire une pression médiatique omniprésente, car aujourd'hui, comme nous le disons familièrement, «la guerre se fait dans un bocal».

Cette opération, par ailleurs, redora le blason de la Légion étrangère, qui, depuis le putsch d'avril 1961, était quelque peu ostracisée ; elle joua certainement un rôle important, quelques années plus tard, lors de l'alternance. La dissolution de la Légion, qui avait été inscrite dans le programme commun de la gauche, ne fut jamais mise en œuvre.

Le risque d'une opération aéroportée

Contrairement à ce que beaucoup de contemporains pensent, l'histoire des parachutistes est une succession de succès brillants et de drames sanglants. Un saut opérationnel comporte trois vulnérabilités intrinsèques: d'abord, le largage, au cours duquel les avions volent lentement et à portée des armes du champ de bataille, et quand un avion est abattu, il n'y a pas de survivant ; le regroupement au sol, puisque les parachutistes largués sont étalés sur environ 1 500 mètres et restent vulnérables tant qu'ils ne sont pas regroupés en une formation tactique cohérente ; et enfin l'autonomie, car, à Kolwezi, il s'agissait d'un vol sans retour, puisque nous sautions avec 48 heures d'autonomie intégrale dans nos musettes ; si l'affaire avait mal tourné, aucun renfort ni appui n'était envisageable avant 3 ou 4 jours.

La manœuvre opérative

En liaison avec les conseillers militaires de l'ambassade de France au Zaïre, le colonel Erulin, chef du 2e REP, décida de sauter au plus près de l'objectif, c'est-à-dire du centre-ville ; le but de cette manœuvre risquée était de déstabiliser rapidement l'adversaire, de contrôler des points clefs de la ville et de créer des môles de sécurité pour permettre la protection et le regroupement des civils. Ce mode d'action choisi fut le bon, car très rapidement, l'ascendant fut pris sur les adversaires, qui, manquant manifestement de coordination, commencèrent à lâcher prise. Un autre mode d'action, plus progressif et moins risqué, aurait pu consister à s'emparer de l'aéroport et à conquérir progressivement la ville ; mais, sans réel effet de surprise, cette option aurait entraîné de nombreux assassinats supplémentaires parmi la population.

 

Il est certain qu'aujourd'hui, l'effet de surprise serait encore plus difficile à préserver, ne serait-ce qu'avec l'omniprésence des réseaux sociaux.

 

Ce genre d'action n'est possible qu'en jouant sur la surprise, qui, à l'époque, avait déjà été légèrement écornée, car la radio avait annoncé qu'une opération aéroportée se préparait, sans toutefois pouvoir préciser ni le lieu précis, ni l'heure du saut. Il est certain qu'aujourd'hui, l'effet de surprise serait encore plus difficile à préserver, ne serait-ce qu'avec l'omniprésence des réseaux sociaux.

Le succès tactique

Au sein du 2e REP, seul le chef de corps possédait une réelle expérience opérationnelle avec l'Algérie. Quelques cadres avaient participé à l'intervention du Tchad, dix ans auparavant, et d'autres à la libération des otages de Loyada (prise d'otages d'enfants de soldats français à Djibouti en 1976, NDLR), mais la plupart des cadres et légionnaires n'avaient absolument aucune expérience opérationnelle.

Toutefois, une fois remis des premières rafales, les légionnaires firent rapidement la différence grâce à trois facteurs: d'abord, un entraînement rigoureux, soutenu, varié et concret sur un terrain exigeant (la Corse) ; ensuite une forme physique exceptionnelle ; enfin, des forces morales à toute épreuve, fondées sur un vécu commun, une confiance réciproque, et une profonde fraternité d'armes ; on peut aussi ajouter, au moment pour chacun de nous de franchir la porte de l'avion, la joie de l'action, l'envie d'en découdre et la conscience de l'épreuve de vérité.

Aujourd'hui, le contexte est bien différent, car dans toutes les formations, le personnel possède une expérience opérationnelle avérée: les Balkans pour les plus anciens, la Côte d'Ivoire, l'Afghanistan et actuellement la Bande Sahélo-Saharienne.

La dimension humaine

A posteriori, il est certain que la désignation du 2e REP directement par l'État-Major des Armées fut pertinente: le régiment était à la fois parachutiste et professionnalisé, à une époque où une grande partie des armées étaient constituées d'appelés ; il faut rappeler que, la veille du départ, le chef de corps reçut l'ordre de ne pas embarquer le seul appelé du contingent, l'aspirant-médecin, qui aurait pourtant été bien utile au sol ; le niveau d'entraînement du régiment avait fait dire, quelques mois plus tôt à l'inspecteur de l'Infanterie, à l'issue des contrôles conduits au sein des unités: «Vous êtes le régiment des tempêtes!».

Au bilan, pour l'opération «Bonite», du nom de ce saut sur Kolwezi, cette maîtrise des risques, assumée à la fois aux niveaux politique, stratégique ou simplement tactique, peut se résumer à un qualificatif qui convient le mieux à cet engagement devenu presque légendaire, c'est le courage!


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