3. févr., 2014
Les Garibaldiens
Nous y sommes, la France prépare la commémoration du centenaire de son entrée en guerre contre l’Allemagne, en 1914. Cette première guerre mondiale avait, dès ses premiers jours, donné aux soldats français le sentiment qu’ils allaient être les acteurs d’un événement historique, certes, mais bref. Nul ne pouvait, à l’époque, prévoir la durée de la guerre. Quelque quatre ans plus tard, au moment de la signature de l’armistice, les protagonistes de cette horrible “boucherie des tranchées” ont cherché à expliquer cette guerre en la racontant telle qu’ils l’ont vécue ; l’incompréhension dominait et il semble bien qu’il était impossible pour le français moyen d’alors, d’expliquer ou, pour certains mêmes, de se souvenir pourquoi et comment ce conflit avait été déclenché.
Tout un programme... On dit que l’histoire ne se répète jamais, mais malheureusement les guerres et leurs effets se renouvellent sans cesse.
Que restera-t-il de ces commémorations dans la tête des jeunes générations ?
Rendez-vous sur objectif mais en attendant, une évidence s’impose : il n’était pas possible ne pas en parler, pour rappeler et apporter peut-être un nouveau regard sur les atrocités dont les hommes sont capables par idéologie, désir de puissance, d’hégémonie, de vengeance… Un tour d’horizon sur le monde et nous pouvons douter des « plus jamais ça ».
« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » (Bossuet)
1914
Dès juillet, un mois juste avant la déclaration officielle de la guerre le, 03 août 1914, tous les journaux européens exceptés ceux de l’Allemagne et de l’Autriche, invitaient leurs compatriotes à venir, nombreux, servir sous les plis du drapeau français. L’enthousiasme était de mise et le 08 août, paraît le décret tant attendu: “Les engagements des étrangers aux régiments sont reçus pour la durée de la guerre”.
Ainsi, dans les premiers jours de la guerre près de 32 000 étrangers s’enrôlent dans l’armée française répartis par nationalité comme suit:
Belges: 1 462
Anglais: 379
Russes: 3 393
Italiens: 4 913
Grecs: 300 (en mai 1915 arrivaient les « Comitadjis »)
Luxembourgeois: 541
Espagnols: 969
Suisses: 1 467
Austro-Hongrois: 1 369 (Tchèques)
Allemands: 1 072
Turcs: 592
Amériques: 200
Divers: 11 854 (dont Alsaciens et Lorrains)
Arrivés à Bel-Abbès et à Saïda, ils formèrent le 2è régiment de marche du 1er Etranger et le 2e régiment de marche du 2e Etranger. Pour important qu’elle soit, la constitution de ces deux régiments de marche n’absorbe pas la totalité des effectifs, ainsi 4 000 Italiens constitueront le régiment de marche nº 4 du 1er Etranger. Son chef est le lieutenant-colonel Giuseppe Garibaldi dit « Peppino ».
Le 17 décembre 1914, ils sont groupés en Argonne, au Claon, où ils séjournent jusqu’au 24 décembre. Au cours même de la nuit de Noël, les hommes de la “Légion Garibaldienne” montent en ligne. Le 26 décembre il partent à l’attaque des tranchées ennemies au bois de Bolante aux cris de « Viva Italia, vive la France ». Leurs tuniques vertes déboutonnées laissent entrevoir les célèbres chemises rouges des petits-fils de Garibaldi. Ils y subissent de très lourdes pertes. Ils marquent du sceau de leur courage et de leur gloire des lieux dont les noms pittoresques ne laissent en rien entrevoir les horreurs que s’y déroulent : la Pierre-croisée, la Fontaine aux charmes, l’Homme mort, le Four des moines, le ravin des Courtes-chausses, celui de la Fille-morte… de quoi faire rêver, mais ces vaillants guerriers n’ont guère le temps de rêver…
Le paysage est piétiné par des milliers de combattants. Dès le départ, les bataillons s’enchevêtrent dans les taillis et les sous-bois, sinistres refuges dans lesquels le moindre déplacement donne l’alerte à l’ennemi qui prend le temps de les recevoir. Quand l’aube pointe ses premiers rayons d’un froid soleil d’hiver, les compagnies s’élancent et tout de suite c’est l’hécatombe, les mitrailleuses ennemies se déchainent et sèment la mort. Les réseaux de barbelés implantés se révèlent des obstacles retardateurs, des pièges mortels où les soldats, fauchés dans leur élan, sont crucifiés dans des postures d’épouvantail par la mitraille allemande. Il faut creuser des boyaux souterrains.
Pourtant, malgré cette première attaque perdue, l’ardeur des garibaldiens n’est en rien entamée, bien au contraire. Le 5 janvier 1915, ils repartent au combat. En une seule vague, le 4è de Marche s’élance et enlève plus de 500 mètres de tranchées allemandes. Les pertes sont sévères, 125 tués et 172 blessés.
Le 8 janvier 1915, les survivants sont envoyés en renfort sur le chemin de la Haute Chevauchée dans la zone des Meurissons où la situation est critique. Dans un ultime effort, ils arrivent à temps pour stopper, contenir et repousser une inquiétante et dévastatrice tentative ennemie.
Leurs charges permettent de rétablir la situation en notre faveur et de reprendre en partie le terrain perdu. Ramené vers l’arrière du front, le 4e de Marche du 1er Etranger est progressivement démantelé.
Le gouvernement italien confirme sa neutralité et rappelle sous les drapeaux des classes de réservistes mais c’est en prélude à sa propre entrée dans la guerre.
Le 5 mars, le 4è de Marche est officiellement dissous, mais ceux des Italiens qui ne souhaitent pas rentrer “au pays” sont affectés dans les autres régiments de Marche de la Légion.
Front de la Légion
(fin 1914 début 1918)
- Combat d’Argonne (déc 1914) 4e/1er Etranger
- Somme (hiver 1914-1915) 3e/1er Etranger
- Craonne (hiver 1914-1918) 2e/2e Etranger
- Artois – Ouvrages blancs – Vimy (mai 1915) 2e/1er Etranger
- Champagne – Souain – Navarin (sept 1915) 2e/1er et 2e Etranger
- Somme – Belloy en Santerre (juil 1916) RMLE
- Les Monts – Auberive (avril 1917) RMLE
- Verdun – Cumières (août 1917) RMLE
- Amiénois – Hangard-en-Santerre (avril 1918) RMLE
- Soissonnais – Montagne Paris – Ambleny (1918) RMLE