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Légionnaire toujours...

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2015


Le soldat Jean-Marie Hembert sort de l’oubli à Yonval

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Publié le 20/05/2015

Ce légionnaire est mort en opération, au Zaïre, en 1978. Une cérémonie s’est déroulée ce mercredi dans le cimetière de son village, près d’Abbeville.

 Cérémonie au cimetière devant la tombe de Jean-Marie Hembert.

La mort de Jean-Marie Hembert est sortie de l’ombre. Légionnaire de la 1re compagnie du 2e régiment étranger de parachutistes, Jean-Marie Hembert, alias caporal Jules Harte, est mort à 26 ans au combat lors de l’opération Bonite à Kolwezi au Zaïre, le 20 mai 1978. Quatre autres soldats ont péri au cours de cet assaut unique dans l’histoire de la Légion. L’opération aéroportée a même fait l’objet d’un film, La Légion saute sur Kolwezi, de Raoul Coutard, en 1980.

Mercredi, une cérémonie officielle a rendu hommage au soldat, à Yonval, près d’Abbeville ; d’abord au monument aux morts, puis devant la tombe du défunt. Élus, associations patriotiques, représentants de la Légion, écoliers, familles, amis, habitants, anciens combattants… Une belle assistance a assisté à l’hommage. «  Merci. Je suis ému. Je n’ai pas l’habitude de parler en public. Merci à tous  », a exprimé le beau-père du légionnaire, Pierre Mercier, avant d’essuyer ses larmes. «  Ça fait un mois qu’on attend ça. On était pressés, parce que ça remue beaucoup de choses », a confié la sœur aînée de Jean-Marie Hembert, Marie-Jeanne Hembert. Le souvenir de l’annonce est remonté à la surface. «  Le maire de l’époque était venu à la maison avec deux militaires  », se souvient Lucette Mercier, la mère. « Il s’était engagé dans la Légion après un pari avec un copain. On l’avait appris quelques mois plus tard qu’il était dans l’armée. Après un pari… »

« Un enfant du pays »

La commémoration de la mort du soldat picard a été permise grâce au conseil de mémoire d’Abbeville et à la commune de Yonval. Le premier avait lancé un appel dans la région, à la recherche de militaires inhumés dans les cimetières environnants. Dans la seconde, on connaît la famille de Jean-Marie Hembert et l’histoire de ce soldat. Les deux se rencontrent et mettent sur pied la cérémonie. «  Pour nous, c’est un enfant du pays. Ses parents, ses frères et sœurs sont de Yonval. Jean-Marie Hembert a combattu loin de nos frontières pour défendre nos libertés. Nous ne l’oublierons jamais  », a déclaré Christian Lesenne, maire. Et pour ne pas oublier, et surtout transmettre, le conseil de mémoire a tenu à la présence d’enfants. L’école de Rouvroy, d’Abbeville, a lu des textes et chanté La Marseillaise. «  Il n’est jamais inutile de se souvenir du sacrifice des enfants de nos pays. Il est important que les jeunes soient imprégnés des valeurs de la République  », a souhaité Stéphane Haussoulier, conseiller départemental.

Le village de Yonval fleurira le monument aux morts une fois de plus par an. «  Il n’y a pas trop de dates », répond le maire d’Abbeville à ceux qui jugeraient les commémorations trop nombreuses. « Même si certaines sont controversées, elles rappellent des événements historiques et permettent d’en parler. À chaque occasion qu’offre le calendrier, la mémoire doit rester vivante  », souligne Nicolas Dumont.

KARINE NÉEL


Burkina Faso : que sait-on de l'enlèvement d'un Roumain par Al-Mourabitoune ?

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19 mai 2015

Le rapt de Iulian Gherghut, un officier de sécurité roumain enlevé le 4 avril à Tambao, dans le nord du Burkina Faso, a été revendiqué par Adnan Abou Walid Sahraoui, un cadre du groupe terroriste Al-Mourabitoune

Qui est Iulian Gherghut ?

Iulian Ghergut est un agent de sécurité roumain de 39 ans. Il était responsable de la sécurité de la mine de manganèse de Tambao, à l’extrême nord du Burkina Faso, près de la frontière avec le Mali et le Niger, lorsqu’il a été enlevé. Cette exploitation est la propriété de Pan African Minerals (PAM), une des sociétés de Frank Timis, un homme d’affaires australo-roumain qui a fait fortune dans les mines et le pétrole en Afrique de l’Ouest.

Selon les médias roumains, Iulian Ghergut a travaillé dans différents pays africains avant d’arriver au Burkina Faso. Décrit comme un bon connaisseur des questions de sécurité, il aurait un temps servi dans la Légion étrangère française.

Quand a-t-il été enlevé ?

Le samedi 4 avril au matin, Iulian Ghergut effectue une patrouille aux abords de la mine de Tambao. Avec lui, dans le 4×4, son chauffeur et un gendarme burkinabè. Ils sont alors attaqués par cinq hommes armés et enturbannés, arrivés à bord de pick-up Toyota. Le gendarme et le chauffeur sont blessés par les tirs des assaillants. Ghergut, lui, est enlevé.

Les ravisseurs prennent ensuite la direction de la frontière nigérienne. Leur trace ne sera jamais retrouvée, malgré des opérations de recherches menées par les forces de sécurité burkinabè, maliennes, nigériennes et françaises.

Qui sont ses ravisseurs ?

Après de longues semaines sans nouvelles ni revendication, un chef jihadiste de la région a envoyé le 19 mai un enregistrement audio au site mauritanien Al-Akhbar pour revendiquer le rapt de Iulian Ghergut. Dans ce communiqué en arabe, Adnan Abou Walid Sahraoui, un cadre d’Al-Mourabitoune, le groupe terroriste de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, "appelle le gouvernement roumain à accorder une attention sérieuse aux négociations au sujet de la libération de l’otage détenu par le groupe".

À la fin de son message, Adnan Abou Walid Sahraoui réaffirme par ailleurs son allégeance à l’État islamique (EI), qu’il avait déjà proclamée la semaine dernière au nom d’Al-Mourabitoune. Cette déclaration avait poussé Mokhtar Belmokhtar, habituellement très prudent et peu bavard, à publier à son tour un communiqué pour démentir cette information et réaffirmer son appartenance à la mouvance Al-Qaïda. Une scission est donc aujourd’hui perceptible au sein d’Al-Mourabitoune. Et il y a fort à parier que Sahraoui voit en son otage roumain une monnaie d’échange qui lui permettrait de renforcer ses moyens ou d’asseoir sa notoriété.

Qui gère le dossier ?

C’est la première fois que les autorités burkinabè sont confrontées à l’enlèvement d’un Occidental sur leur territoire. N’ayant pas d’ambassade à Ouagadougou, le gouvernement roumain a mis en place une cellule de crise supervisée par le ministère des Affaires étrangères.

"Il faut oublier les Roumains, les Français, ou encore les Américains : seuls les Burkinabè ont les capacités pour gérer cette situation délicate", estime pour sa part un membre de la direction de Pan African Minerals. Son souhait a visiblement été entendu, puisque le dossier a été confié aux responsables du puissant régiment de sécurité présidentielle (RSP), qui ont la main haute sur les services de renseignement nationaux. Le général Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major de Blaise Compaoré, qui dispose d’un solide carnet de contacts régionaux, est notamment en première ligne pour tenter d’obtenir la libération de Iulian Ghergut.


Thierry Marx au tapis !

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19/05/15

FRANCK FIFE/AFP Thierry Marx, chef étoilé et amateur de judo, participe à une séance d'entraînement avec des athlètes Mongols, le 18 mai 2015 à Paris

Brillant chef étoilé et star du petit écran, Thierry Marx s'est épanoui dans l'art culinaire mais s'est construit grâce au judo, et c'est par une rude séance d'entraînement qu'il débute sa semaine chaque lundi, encore et toujours à 55 ans.

Il est 8 heures quand Thierry Marx arrive à la salle de sport de l'université Paris Diderot.

Pantalon de jogging et tee-shirt noir sur lequel est inscrit dans le dos "Légion étrangère" - il a été para dans ses jeunes années - il se change pour enfiler son kimono et sa ceinture noire.

Pour cette séance, il a des partenaires très particuliers: des judokas mongols de passage par Paris. Et pas des moindres ! Il y a notamment le champion olympique 2008 Naidan et le champion du monde Khashbaatar.

Tous les combattants saluent et c'est parti pour une séance de randori, autrement dit un entraînement avec des adversaires.

Des gouttes perlent sur le crâne rasé de Marx. La séance est intense.

"Je me suis blessé l'année dernière bêtement, j'ai pris trop de poids avec les émissions de télévision, je m'entraînais moins", raconte à l'AFP le juré de l'émission à succès Top Chef, repris en mains par l'entraîneur Benoît Campargue, qui a mené Teddy Riner au titre olympique en 2012.

 

- Un corps et un esprit -

 

Thierry Marx a découvert le judo à 6 ans, là où il vivait, rue de la Duée dans le XXe arrondissement de Paris.

"Il y avait une salle de judo et j'étais nul en football. Le judo c'était le Japon et j'avais vu un film japonais, la trilogie samouraï. Alors j'ai fait du judo, c'était le premier cadre éducatif que j'ai rencontré", dit-il.

"C'est important, j'étais très mauvais à l'école je ne faisais vraiment rien. On était une bande de copains, on avait envie de se bagarrer et un monsieur charismatique, un jeune ceinture noire, nous a appris que la bagarre ce n'était pas forcément la violence. Il nous a cadrés tout de suite".

FRANCK FIFE/AFP Le chef Thierry Marx prend part à une séance d'entraînement avec des judokas Mongols, le 18 mai 2015 à Paris

Depuis, arts culinaire et martial sont indissociables dans la vie de Marx, grand chef au Mandarin Oriental à Paris et créateur d'une école de cuisine dans le XXe, son quartier de jeunesse, pour aider à la reconversion.

"C'est dans le judo que j'ai accepté les défis de ma vie. Ca a été un cadre d'humilité et de travail avec l'énergie qu'il faut pour repartir".

Pour ce fils d'immigrés, enfiler le kimono lui "remet les idées en place". "Ca vous ramène à ce que vous êtes: un corps et un esprit et les deux ne sont pas dissociables".

"Le judo me sert dans les affaires, dans le business, poursuit-il, intarissable. Quand on est manager, on a des décisions difficiles à prendre, mais on peut trancher sans être un bourreau. Et ça ce sont de grandes valeurs que vous pouvez apprendre dans le judo".

AFP


Wattrelos: le bel hommage rendu à Loockas, le sans-abri «qui avait bon cœur»

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Publié le 17/05/2015

Près de 150 personnes se sont rassemblées sur le parking du Leclerc dimanche après-midi en mémoire de Jean-Luc Gondeau, plus connu sous le surnom de Loockas, sans domicile fixe et figure du quartier, décédé mercredi.

Un rassemblement hommage a Loockas, le SDF de Wattrelos décédé cette semaine, s'est tenu près du cabanon où il vivait. Près de 150 personnes étaient présentes. PHOTO HUBERT VAN MAELE

Les rues sont pleines de malheureux qui ne reçoivent que l’indifférence des passants, et voilà Jean-Luc Gondeau, dit Loockas, auquel tout le quartier a voulu rendre hommage. Il y a là une dame qui dit qu’elle aura du mal désormais à passer devant le Leclerc. Il y a Frédérique, qui a laissé sa fille à la maison car « elle ne peut pas venir, elle va pleurer », et qui raconte la fois où Loockas, apprenant que c’était l’anniversaire de la petite, lui a offert une pièce de 2 €. Il y a Serge, un Roubaisien, qui l’avait invité à sa maison un jour de fête : « Il ne voulait pas venir pour pas déranger, on a dû insister. Il était vraiment sympa, je l’ai jamais vu malheureux. »

C’est ce que tout le monde retient, ici : le sourire d’un type « cabossé par la vie » mais qui ne se plaignait jamais, qui poussait la chansonnette lorsqu’il avait un coup dans le nez. Un « vrai gentil » « qui avait bon cœur » et adorait son chien : « Il avait de l’humour c’t’homme, dit Monique. Que tu donnais ou pas, t’avais toujours un bonjour. Il était pas défaitiste. » « C’était la gazette, ajoute Michèle, il était toujours au courant de ce qui se passait, les faits divers, tout ça… »

Deux petits discours lus par Cathy Delahaye et une membre de l’association de handball ont rendu hommage à celui dont on sait peu de choses finalement, si ce n’est qu’il fut légionnaire. « On ne savait pas qu’il nous aurait donné tant d’émotions, murmurait une dame en essuyant ses larmes. S’il nous voit… »

Jean-Luc Goudeau sera enterré dans le carré des indigents du cimetière de Wattrelos, rue de Leers, ce lundi à 14 h 45.


Wattrelos : Loockas, le sans-abri du Leclerc, ne sera pas mort dans l’indifférence

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Publié le 16/05/2015

Il s’appelait Loockas et vivait dans la rue depuis 1982. Il était connu et apprécié au point que l’hypermarché Leclerc, à côté duquel il était installé, lui avait aménagé un petit cabanon. Il est décédé mercredi des suites d’une maladie. L’annonce de sa mort a suscité une grande vague d’émotion.

 La mort d’un SDF a ému les Wattrelosiens qui étaient nombreux à lui donner une pièce ou des cigarettes. Toute la journée, ils ont déposé des fleurs et des petits mots à côté du feu tricolore où Loockas avait ses habitudes. Photo Hubert Van Maele  VDN
La mort d’un SDF a ému les Wattrelosiens qui étaient nombreux à lui donner une pièce ou des cigarettes.
Toute la journée, ils ont déposé des fleurs et des petits mots à côté du feu tricolore où Loockas avait ses habitudes. Photo Hubert Van Maele

Toute une famille arrive, des roses à la main. Les enfants en laissent quelques-unes au feu tricolore au coin des rues de Stalingrad et Stephenson. Ils gardent les autres pour le petit cabanon. Une automobiliste remarque cette scène habituelle, elle se gare et demande : « Quelqu’un est mort ? C’est Loockas ? » C’est bien lui. Ça lui fait un choc.

Loockas, ou Jean-Luc Gondeau pour l’état civil, était connu comme le loup blanc à Wattrelos. Il vivait dans la rue, juste à côté de l’hypermarché Leclerc. Les employés du magasins, les clients, les passants... Ils le connaissaient tous, s’arrêtaient pour discuter, lui offraient à manger. « C’était notre ange gardien », dit Cathy Delhaye, la responsable de la station service, sa « voisine ».

Mort à 50 ans

Depuis quelques jours, Loockas, qu’ils savaient atteint d’un cancer, ne sortait plus beaucoup de son « ch’ti cabanon », cette cahute que l’hypermarché lui avait aménagée quand le parking avait été en travaux. Alors lundi, les vigiles sont allés frapper à sa porte. Comme il ne s’est pas montré, ils ont appelé les pompiers, qui ont dû forcer sa porte. Il était affaibli mais toujours en vie. Il a été conduit au centre hospitalier de Tourcoing.

« On a eu des nouvelles par la dame qui lui ramenait son RSA. Le mardi, elle nous a dit qu’il avait été placé en coma artificiel, raconte Kévin Verspeeten, le directeur de l’hypermarché. Et jeudi, on nous a annoncé qu’il était décédé. Il n’a pas souffert. » Wattrelosien lui-même, il avait toujours connu Loockas. « Il était vraiment très gentil, ça a suscité une vive émotion parmi les employés. »

Et même bien au-delà. Une page Facebook pour lui rendre hommage a été créée par Cathy Delhaye. Vendredi soir, elle rassemblait plus de 1 700 personnes. Toute la journée, donc, des anonymes sont venus déposer des fleurs. Les salariés de Leclerc ont aussi nettoyé les abords du cabanon et installé un panneau pour que chacun puisse laisser un mot. L’enterrement aura lieu lundi à 15 h, dans le carré des indigents du cimetière du Pont-de-Neuville à Tourcoing. Une urne a été installée dans le magasin pour recueillir des dons. L’argent permettra d’acheter des plaques et des fleurs. Enfin, un rassemblement est prévu dimanche, à 14 h, sur le parking du Leclerc pour se souvenir de Loockas. L’homme faisait mystère de son âge, disait parfois qu’il avait plus de 60 ans. Selon les registres d’état civil, il n’avait que 50 ans.

«Je préfère vivre l’instant présent»

Parler du passé, ce n’était pas trop son truc. Quand nous l’avions rencontré en août 2011, Loockas avait coupé court : « Je vis dans la rue depuis le 7 janvier 1982. Je préfère vivre l’instant présent. Regardez, aujourd’hui, il fait beau. » Ancien militaire – on dit qu’il est passé par la Légion étrangère –, il a bourlingué à Belfort, La Rochelle, Dijon et Saint-Étienne avant d’arriver à Wattrelos « il y a longtemps ». Il avait eu peur de perdre son petit coin de rue avec les travaux du parking de l’hypermarché. Il avait finalement obtenu une cabane qui semblait suffire à son bonheur. Au final, les travaux, il en était plutôt content. « D’où je suis, maintenant, je peux voir l’horloge de l’église », nous avait-il confié.

Il était taquin, Loockas, et ne manquait pas d’humour. « T’es à la retraite, c’est pour ça que t’es un râleur, lançait-il à un copain un peu trop grincheux. Heureusement qu’il n’y a pas de retraite pour les clochards ! » C’était une figure de Wattrelos, on pourrait dire une célébrité. Aussi connu que le député-maire ou presque. Dominique Baert lui aurait d’ailleurs demandé, sur le ton de l’humour, de ne pas se présenter aux municipales face à lui.

Wattrelos était devenu sa ville. « Je vais finir ici, prophétisait-il. Les gens sont tellement sympas. » Il va leur manquer, à tous ces gens sympas. Y. M. (AVEC SIMON CAENEN)


"Il n'y a pas d'Etat sans autorité" CHEVENEMENT - entretien REVUE des deux mondes

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Publié le 16 mai 2015

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Revue des Deux Mondes : Vous symbolisez l’autorité depuis quarante ans. Tout le monde s’en réclame depuis quelques mois. La France toute entière semble devenue « chevènementiste ». Cela vous fait plaisir ? 

Jean-Pierre Chevènement : Ça me fait sourire. Il ne suffit pas de récupérer les mots pour que l’énergie soit au rendez-vous. Ce qui manque, c’est la vue d’ensemble dans le temps et dans l’espace : la conscience de l’Histoire et en même temps la vision mondiale des problèmes. Je ne pense pas que ça puisse s’acquérir en un jour. C’est l’effet de la pratique et de la réflexion. 

Vous avez toujours incarné à la fois la République, l’autorité et la nation. Où en-sont ces valeurs aujourd’hui ? 

Notre pays n’a plus de lui-même une vision très claire. D’abord, il y a eu la France comme création politique qui « vient du fond des âges », selon la formule du général de Gaulle (Mémoires d’Espoir). Puis la France a pris conscience d’elle-même comme nation. Une nation devenue souveraine en 1789 ; la République est née trois ans après. Mais elle a mis beaucoup de temps à s’affermir et il a fallu attendre le général de Gaulle et François Mitterrand pour stabiliser son fonctionnement institutionnel. Je cite François Mitterrand car l’alternance a évidemment renforcé le crédit des institutions de la Ve République. 

J’ai toujours pensé qu’il était nécessaire que le président soit l’homme de la nation. Mais il faut aussi se demander comment, avec l’élection au suffrage universel, le président de la République peut demeurer l’homme de la nation, c’est-à-dire être l’élu de tous les Français. Peut-il transcender les conditions de son élection ? Il n’est pas évident que l’objectif du général de Gaulle ait été acquis. La présidence pourrait devenir et redevient d’ailleurs un enjeu dans le système des partis. Le quinquennat va-t-il dans le bon sens ? Je ne le pense plus. Tout ce qui donne au président une vue longue est bon et naturellement, le gouvernement doit procéder de l’Assemblée nationale : la démocratie doit fonctionner. Mais la France a besoin d’un Président de la République qui soit l’homme de la Nation. C’est ainsi qu’elle peut assumer son histoire. 

Nous avons atteint une limite. Une réflexion collective devrait être menée sur le sens de nos institutions, sans qu’il soit question de les changer ; il faut leur restituer leur place, leur autorité. 

On reproche à François Hollande son manque d’autorité. Vous partagez cet avis ? 

François Hollande a voulu être un président à la scandinave, un président « normal ». De surcroît, il n’a pas pu opérer dans des conditions convenables la transition entre ses fonctions de premier secrétaire du Parti socialiste et la fonction présidentielle, étant donné la manière dont la plupart des dirigeants socialistes avaient appris à le considérer et dont ils continuent à le traiter. C’était son problème. Il en mesure désormais les effets. 

Les choses ne se sont-elles pas définies différemment avec la façon dont il a géré les attentats de janvier ? 

Oui, une onde de « présidentialité » a traversé le pays. François Hollande a réagi avec beaucoup de sang-froid et de dignité, ce qui était absolument nécessaire face à un problème aussi vaste et complexe. Le problème du terrorisme djihadiste, à l’intersection des conflits qui agitent le monde arabo-musulman et des tensions de notre société, ne peut se résoudre que dans le temps long. Il faut l’affronter avec des valeurs et des repères sûrs, ceux de la République. L’intégration à la nation implique que chacun respecte non seulement la loi mais plus encore, l’esprit de la loi. C’est un travail difficile. Pour continuer à « faire France » et agréger de nouveaux citoyens, la parole de l’État doit être une parole entendue. Or, depuis 1968, la parole publique a été dévaluée. Cela vient de loin. Et cette perte d’autorité, nous la retrouvons jusqu’au sein de l’Ecole. 

Que faudrait-il pour restaurer cette autorité du maître, à l’heure où l’on constate l’échec du système scolaire et où des minutes de silence pour les victimes des attentats terroristes sont sifflées ? 

Il faut revenir à une définition juste de l’Ecole. Elle est faite pour transmettre le savoir, les valeurs, le sens de notre histoire, le patriotisme, le civisme. Si l’Ecole perd de vue sa fonction essentielle, si l’on en fait un simple lieu de vie, si l’on met l’élève au centre de l’école et si on se décharge sur lui du soin de construire ses savoirs, tous les repères sont faussés. On voit les conséquences. 

Quand vous parlez du patriotisme, vous pensez à la Marseillaise ? 

Cela me rappelle un souvenir. En 1985, alors que j’étais ministre de l’Education nationale, un député UDF, Henri Bayard, m’avait demandé si les enseignants étaient tenus d’apprendre la Marseillaise. Je lui ai répondu que bien entendu elle faisait partie du répertoire scolaire. Que n’ai je pas entendu ! : « Mais qu’est-ce que c’est que ce ministre de l’Education nationale ? Les paroles de la Marseillaise sont horribles. Il faudrait d’abord les réécrire… » Un flot d’inepties ! J’ai répondu qu’il fallait la comprendre dans son contexte de la Révolution, la resituer dans un mouvement plus général. 

La France s’est toujours voulue exceptionnelle. 1789 fonde la modernité démocratique. La France doit assumer son histoire. Elle avait su le faire grâce à Michelet jusqu’à la guerre de 1914 mais ne sait plus le faire aujourd’hui. Notre Histoire au vingtième siècle n’est pas comprise. Le récit national a été brisé. Il faut le relever. 

Quand vous dites qu’il faut restituer l’autorité, les valeurs, les institutions, cela veut dire que nous avons perdu un temps énorme. Or, des hommes politiques étaient là ! Pourquoi ne s’en sont-ils pas rendus compte ? 

Ils ont fait des choix erronés. Le moment est venu de le dire : l’Europe ne doit pas se substituer à la France. Je suis pour l’Europe, au sens d’une solidarité croissante des nations qui la composent, mais dans le prolongement des nations, dans le prolongement de la France et avec la France. Notre patrie reste le lieu privilégié de la démocratie, du débat et de la solidarité. On ne peut donc pas construire l’Europe si l’on oublie la France. L’idée qui consiste à croire que l’on va faire la France par l’Europe, comme disait Jacques Delors, me paraît être une erreur. 

Cette erreur est manifeste dans l’affaire de la monnaie unique. On a parié que le jour où les difficultés se présenteraient, tout le monde ferait le grand saut fédéral. On s’aperçoit que compte-tenu de l’hétérogénéité des nations, la monnaie unique divise les peuples plutôt qu’elle ne les rapproche. En l’absence de mobilité suffisante de la main d’œuvre et, surtout, dans l’impossibilité d’opérer les transferts qui permettraient l’existence d’une fédération digne de ce nom, nos nations sont incapables de faire ce grand saut qui était à la base de cette construction. L’Europe comme substitut aux nations est donc la première erreur. 

Nous en avons commis une autre : Cette sorte de laxisme généralisé qui a suivi Mai 1968, et qui a frappé tous les gouvernements, de gauche comme de droite. Les partis de droite sont formidables dans l’opposition, sur l’école par exemple, mais, une fois au pouvoir, ils se montrent absolument incapables de faire quoique ce soit. 

Que feriez-vous concrètement pour l’école? Il est frappant de voir à quel point les décisions semblent difficiles à mettre en œuvre. 

Le premier problème est celui de la formation des maîtres. Dans la transmission des savoirs, tâche essentielle de l’école, il y a le rapport du maître à l’élève qui a quelque chose d’un peu mystérieux. Nous avons tous des maîtres qui nous ont marqués, qui ont compté dans notre formation. Il faut rétablir ce rapport dans un monde qui a muté le monde de la toile n’est pas celui de Jules Ferry. 

Les « hussards noirs » doivent-ils s’adapter ou faut-il plutôt retrouver cet esprit de verticalité ? 

Il ne faut surtout pas se subordonner au numérique. Ce n’est pas la réponse aux difficultés de l’école. Le croire risquerait, au contraire, d’aggraver le tableau. L’essentiel doit passer par l’écrit, par un socle stable, ne serait-ce que pour naviguer intelligemment sur la toile, ce qui n’est pas à la portée de tous. 

N’êtes-vous pas celui qui s’est enorgueilli, à l’époque, d’avoir amené 80% d’une génération au baccalauréat ? 

Non, il s’agissait de l’amener «  jusqu’au niveau du bac ». Fixé en 1984, l’objectif de 80 % de lycéens poursuivant leurs études jusqu’en terminale a été atteint dix ans plus tard, en 1995. Je n’avais pas demandé qu’ils deviennent tous bacheliers. Les candidats obtenaient leur bac s’ils en étaient capables. Or, cela a été traduit tout autrement. La communication m’a piégé. Je n’étais pas partisan de donner le bac à tout le monde. Je désapprouve d’ailleurs fortement toutes les consignes laxistes de mes successeurs qui ont abaissé la moyenne d’admission au bac à 9 sur 20, voire 8. Et, quand les notes auront été supprimées, ce sera à zéro ? 

On accable les professeurs alors qu’ils sont en première ligne, souvent peu soutenus. Doit-on aussi attendre d’eux qu’ils restaurent ce lien d’autorité ? 

On oublie souvent que l’école est une institution de la République. Le message doit venir d’en haut, pas seulement du ministre de l’éducation nationale, qu’on accable trop souvent, mais de la parole publique, du président et du gouvernement tout entier. C’est ce qu’on appelait jadis, au temps de Jules Ferry et de Gambetta, « la République enseignante ». 

Faut-il former  mieux les enseignants ? Ne devraient-ils pas être payés davantage ? 

On devrait, bien entendu, les payer plus, les former mieux. La tâche est gigantesque et relèvera d’une nouvelle phase de l’histoire de la République. 

Sommes-nous prêts pour cette nouvelle phase ? 

D’abord, l’effort est nécessaire. Regardez ce qu’était le nombre de jours et d’heures travaillés jusque dans les années 1960, et ce qu’elles sont aujourd’hui. Moins 216 heures par an de 1964 à maintenant : l’équivalent d’une année sur le cursus scolaire entier ! 

C’est vrai partout ! 

Mais d’abord à l’école. 

Faudrait-il rallonger les programmes scolaires ? 

Je ne suis partisan ni de les rallonger, ni de les alléger mais de les repenser. Les programmes que j’ai défendus étaient courts, clairs - sujet, verbe, complément -, et lisibles par tous : par les enseignants, les parents et les élèves. Tout le monde comprenait ce qu’il fallait savoir. J’avais moi-même revu le texte ligne par ligne. Les programmes ont tenu ainsi pendant un peu moins de dix ans. On y a substitué un flot de circulaires, des centaines et des centaines de pages expliquant comment il fallait s’y prendre pour acquérir la perception globale du mot... Des textes illisibles qui vous tombent des mains. Or les enseignants – et les autres aussi – ont d’abord besoin de clarté. 

A t on un problème plus général pour nommer les choses ? 

On a toujours intérêt à dire les choses telles qu’elles sont, mais cela suppose d’y réfléchir avant et de ne pas tomber dans le piège de la communication qui est celui de l’instantanéité. 

Quelles sont selon vous les causes des attentats qui ont eu lieu sur le sol français ? 

C’était très prévisible. Mais nous pouvons tout à fait surmonter ce problème. La démocratie n’est pas à la merci du terrorisme. Aucune démocratie n’a été mise en péril de mort par le terrorisme. Celui-ci est comme un caillou dans la chaussure dont on doit s’accommoder. Naturellement, il faut en assécher le terreau et donc mener à bien la tâche de l’intégration dont on connaît les ratés. L’erreur serait d’en rendre responsable la République et non le défaut de République. 

D’abord il y a le respect de la loi républicaine. L’ignorer c’est se laisser aller à la culture de l’excuse, qui ne tient pas en l’espèce. Coulibaly, par exemple, avait un diplôme de maintenance audiovisuelle et un salaire de 2200 euros par mois. Il n’était ni un exclu ni un « abandonné » de la République. Il a bénéficié d’un système éducatif et d’un système social parmi les plus développés. Ensuite, il faut, certes, comprendre le cheminement intellectuel et affectif qui conduit un certain nombre de jeunes à adopter la vision du monde des djihadistes. On ne peut toutefois accepter le passage à l’acte terroriste. Acte de désespoir ? Saut dans le vide ? Peut-être, mais il faut prendre garde à ne pas légitimer un acte qui relève d’une idéologie manipulatrice qui met le martyr au service de la terreur. 

Qu’est ce qui motive les frères Kouachi ou Coulibaly d’après vous ? 

Je vous renvoie à l’excellent livre de Farid Abdelkrim, Pourquoi j’ai cessé d’être islamiste (Les points sur les i éditions, parution le 19 février 2015). D’une manière générale, il n’y a pas de compréhension du problème global. Le monde arabo-musulman a suscité en France beaucoup d’intérêt et de vocations, auprès des chercheurs arabisants. Mais on ignore ce qu’ont été les difficultés du monde arabo-musulman dans son affrontement avec l’Occident depuis la fin de l’empire ottoman, et précisément la fin du califat, en octobre 1924. 

Deux écoles se confrontent : une moderniste et une autre que j’appellerai identitaire. Je suis allé en Tunisie au moment des dernières présidentielles. J’y ai pu rencontrer des hommes politiques islamistes. A chacun j’ai demandé comment ils étaient devenus islamistes. Certains m’ont dit qu’ils avaient été nassériens ou baasistes mais, qu’après la guerre des Six Jours (1967), ils avaient opté pour les Frères Musulmans. D’un côté un certain modernisme, soit libéral, soit socialiste, qui impliquait une dose de sécularisation, pour ne pas dire de laïcité –certains partis comme le Baas se disaient ouvertement laïques. Et d’autre part, les Frères Musulmans, fondés en 1928 par Hassan el-Banna, six ans après la fin du califat en Turquie. Cela correspond, pour moi, à la régression identitaire. On veut opposer à l’Occident un système total pour ne pas dire totalitaire qui serait si impressionnant que l’Occident, en proie à une dérive hyper-individualiste et à un ramollissement intellectuel, en perdrait son latin, si je puis dire. 

L’enseignement de la laïcité en France n’a pas réussi à être une colonne vertébrale suffisante contre les intolérances, les fondamentalismes. Pourquoi a t on échoué à la faire partager par tous ? 

La laïcité est d’abord inséparable de la croyance en la raison naturelle. Sapere aude, oser savoir. On a perdu de vue cette exigence. On revient toujours aux problèmes de la transmission des connaissances et à ce que disait Hannah Arendt : « On ne transmet que ce à quoi on croit ». Le problème de la transmission et de la capacité à penser par soi-même à la lumière de la raison naturelle est au cœur de la laïcité. Curieusement, quand on examine les religions, le Coran est le texte qui fait le plus appel à la rationalité : dans sa traduction du Coran, Jacques Berque y avait recensé quarante-quatre fois l’appel à la raison naturelle, avec l’idée qu’il fallait « aller chercher le savoir jusqu’en Chine » – le bout du monde à l’époque ! Il me semble que l’on peut rendre l’Islam compatible avec la République en expliquant la laïcité comme un espace public, où chacun peut exercer sa raison naturelle pour participer à la définition de l’intérêt général, c’est-à-dire du bien commun. 


La question est de savoir de quel Islam il s’agit ? 

Il faut évidemment que l’Islam se dégage des dogmatismes excessifs, dont sont imprégnés certains de ses courants. Le catholicisme aussi a bien dû se dégager d’un certain absolutisme ... Les meilleurs esprits, qui ont contribué à la définition de la laïcité, parlaient de « laïcité intérieure ». Mon ami Claude Nicolet, malheureusement décédé, auteur de L’idée républicaine en France [ L'idée républicaine en France : 1789-1924 : essai d'histoire critique, Paris, Gallimard, 1ere éd. 1982], parlait de « République intérieure », de l’extrême scrupule qui fait qu’un homme de pensée ne pense pas avoir systématiquement raison et doit être capable de revoir, au filtre de l’esprit critique, ses positions, en sachant, le cas échéant, les infléchir. 

Une laïcité digne de ce nom est susceptible de se mettre en question et de faire constamment son examen de conscience. L’esprit de cette laïcité a été porté par une élite de professeurs de l’École normale, comme Bernard Bourgeois, qui fut pour moi une source d’inspiration, ou Jacques Muglioni, deux magnifiques transmetteurs. 

Que pensez-vous de la formation des imams dans l’islam de France? L’État doit-il s’en mêler ? 

L’État n’a pas à assurer la formation théologique, il doit garantir le bon apprentissage du français, la bonne connaissance de la société française et de son système juridique. Mais personne ne peut faire à la place des musulmans le travail qu’ils doivent faire sur eux-mêmes, sur leur religion. C’est à eux de séparer le bon grain de l’ivraie. 

Comment expliquez-vous les tensions que connaît la société française avec ses musulmans ? 

Les premières communautés musulmanes formées sur le territoire national, étaient constituées d’anciens soldats de la Première guerre mondiale. Puis il y eut des ouvriers qui venaient gagner péniblement leur vie pour nourrir leurs familles restées au bled. Ensuite, avec le regroupement familial (1975) il y a eu l’arrivée de nouvelles générations. Les rapports ont évolué avec le monde arabo-musulman. De Gaulle avait compris, au lendemain de la guerre d’Algérie, qu’il fallait parier sur les facteurs de progrès. C’était ce qu’on a appelé la « politique arabe de la France ». Elle consistait à favoriser les vecteurs de progrès plutôt que de régression. 

Pourquoi nous sommes-nous mis à la remorque des courants les plus régressifs ? Il faut revenir à l’histoire du Moyen-Orient, au pétrole et à la rencontre, en février 1945, entre Roosevelt et le roi d’Arabie Ibn Seoud. A partir de là, toute une histoire se déroule : les chocs pétroliers, les centres de gravité du monde arabe qui se déplacent du Liban, de la Syrie, de l’Égypte vers les pays du Golfe ; le conflit entre Israël et la Palestine n’a pas arrangé les choses. Donc, nous avons une défaite du nationalisme arabe et parallèlement la montée de courants régressifs, souvent instrumentalisés ou manipulés. Faut-il rappeler que les Frères musulmans étaient utilisés contre Nasser, que Ben Laden l’a été par la CIA et l’ISI pakistanais contre l’Union soviétique ? 

Nous portons le legs de tout cela. On pouvait faire l’économie de la guerre du Golfe. Mais vingt-cinq ans ont passé et nous avons récolté une épouvantable catastrophe : des millions de morts, un État irakien décomposé, les Sunnites livrés à Daesh, la Syrie en proie à la guerre civile … 

L’existence de Daesh remonte-elle à la première guerre en Irak ? 

Oui, mais surtout à la deuxième avec, à l’issue de celle-ci, la décision prise par les Etats-Unis de dissoudre l’État irakien, sa police, son armée, son administration. On voulait créer un Etat ex nihilo. L’idée d’exporter la démocratie dans un pays comme la Mésopotamie, est totalement inepte. En tant que Français, je souffre de voir cette accumulation d’erreurs. On aurait pu éviter ce désastre. François Mitterrand, en fait, a pris très tôt, au mois d’août 1990, la décision de se placer dans le sillage des Etats-Unis. Il aurait pu faire un autre choix. La France aurait pu, selon moi, jouer un rôle de médiatrice. 

C’est précisément à cause de cet engagement, que vous décidez de quitter vos fonctions de ministre de la Défense que vous occupiez depuis près de trois ans. Ce fut un moment historiquement important pour vous comme pour les armées. 

Cette première guerre du Golfe intervient quelques mois avant l’effondrement du monde bipolaire et la fin de la guerre froide. C’est cela l’événement central. Il n’est plus question de bataille en Europe ; l’équilibre nucléaire a fait disparaître – je l’espère, pour longtemps - toute idée de guerre sur notre continent. J’étais moi-même partisan de la dissuasion nucléaire dès l’origine. J’ai contribué à y rallier le parti socialiste en 1978 et j’ai veillé, comme ministre, à confirmer cette doctrine dans les faits. Quant à notre engagement dans le Golfe, François Mitterrand a pris la décision de n’y envoyer que des soldats professionnels. On a donc créé une division (« Daguet ») seulement composée de régiments professionnels, de la Légion étrangère et d’autres unités « ad hoc ». Notez qu’on a fait un choix différent en Yougoslavie : il suffisait que les appelés fussent volontaires pour y être envoyés. 

La menace est très différente aujourd’hui. Notre armée est-elle bien équipée face aux nouveaux défis du terrorisme et du djihadisme ? Sommes-nous bien défendus ? 

Notre armée a montrée au Mali qu’elle était parfaitement opérationnelle pour briser dans l’œuf la tentative de djihadistes de s’emparer d’un État important de l’Afrique de l’Ouest. La même éventualité avait existé en Afghanistan, et avait été le motif de l’engagement américain contre les talibans. Disposer de capacités de projection est utile et nécessaire mais je ne suis pas favorable à la projection tous azimuts systématique. Certaines opérations peuvent être discutables. Les interventions en Irak en 2003 et en Libye en 2011 n’ont pas été suffisamment réfléchies. En revanche, j’ai approuvé l’opération Serval, au Mali. 

En ce qui concerne la Syrie, faudrait-il négocier avec Bachar Al-Assad ? 

Je ne suis pas vraiment sur la ligne du gouvernement sur cette question. On a sous-estimé les soutiens dont disposait Bachar el-Assad dans la société syrienne d’une manière générale. Beaucoup de problèmes se sont posés en amont. C’est une vieille histoire qui remonte 1980, en raison des liens unissant la Syrie et l’Iran. Mais l’Iran n’est devenu la puissance dominante dans la région qu’après 2003, une fois le régime de Saddam Hussein disparu. Il constituait le verrou qui protégeait le monde arabe sunnite et il a sauté. 

La question d’une alliance conjoncturelle ne se pose-t-elle pas aussi pour l’Iran ? 

L’erreur a été faite. L’Iran est un grand pays, une grande civilisation, et il faudra bien trouver un accommodement et un équilibre de sécurité entre les sunnites et les chiites. Il n’y a pas de solution militaire, il faut donc faire de la politique. 

Fallait-il supprimer le service militaire ? 

Il aurait fallu, selon moi, maintenir une formule de service militaire court - un peu à la suisse - de 6 mois ou même 4 puisque cela suffit à bien former un fantassin. À cela s’ajouteraient des périodes de rappel ou de formation des sous-officiers et des officiers, avec des formules de volontariat de service long. Tout un système à la carte. 

D’autre part la diversification des formes de service national aurait été encore plus nécessaire, je pense notamment aux sapeurs-pompiers. J’ai beaucoup incité Jacques Chirac à ne pas faire ce choix de la suppression du service national en 1996, mais il était entouré de gens pour qui « ça avait de la gueule » et qui trouvaient formidable de former une armée sur le modèle britannique. Il n’est pas facile aujourd’hui de revenir sur ce choix. 

Est-ce une question de crédits ? 

C’est d’abord un problème social. La société française était « mûre » pour l’abandon du service militaire. Curieusement, les sondages montraient toujours un grand attachement au service militaire, mais surtout parmi les Français les plus âgés… Plus le temps passait, plus ils y étaient attachés. Le service national représentait un état d’esprit général, un certain sens de l’effort, du sacrifice, de l’engagement personnel qu’il faudrait restaurer, comme nous l’avons évoqué au début de cet entretien. 

La suppression du service militaire a-t-elle également contribué à la perte d’autorité dont vous parliez ? 

Sans doute. Mais aussi à la perte du sentiment de fraternité entre Français. On ne se connaît plus. On s’ignore. J’ai appris beaucoup de choses à l’armée, à commencer par le raisonnement objectif : mission, moyens, idée de manœuvre, compte-rendu. Si dans l’administration tout le monde avait une idée de ce que cela signifie, peut-être que les choses marcheraient mieux. Je plaisante, bien entendu...

SOURCE :  https://www.chevenement.fr/Il-n-y-a-pas-d-Etat-sans-autorite_a1711.html


La Chine veut aussi une base militaire à Djibouti

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14.05.2015

La marine chinoise recueille des réfugiés chinois ayant fui les combats au Yémen REUTERS

La France, les Etats-Unis et le Japon sont déjà présents militairement dans ce pays stratégique.

S’il était nécessaire d’illustrer le rôle géopolitique grandissant de la Chine, cette information y suffirait. La Chine veut une base militaire à Djibouti et négocie avec Ismail Omar Guelleh, le Président de ce petit Etat de la corne de l’Afrique situé à un emplacement stratégique à l’entrée de la mer rouge et non loin du Golfe Persique. Djibouti permet notamment de surveiller le célèbre détroit de Bab el-Mandeb entre l’Afrique et la péninsule arabe.

Les Etats-Unis, la France et le Japon possèdent déjà des bases militaires à Djibouti, ancienne colonie française. Les militaires américains, français et japonais pourraient ainsi se retrouver avec une base chinoise à proximité, une situation inédite. Les Chinois veulent s’installer à Obock, un port au nord du pays.

Les Américains sont présents à Djibouti depuis 2002. Ils ont récupéré le camp Lemonnier, une ancienne base de la Légion étrangère française. Il leur sert à contrôler l’entrée de la mer rouge et Canal de Suez, à lutter contre la piraterie maritime et à mener les opérations contre le terrorisme islamique au Yémen et dans la corne de l’Afrique, notamment en Somalie.

Djibouti et Beijing ont déjà conclu un accord militaire en février 2014 permettant à la marine chinoise d’utiliser le port de Djibouti ce qui avait fortement irrité le gouvernement américain.

«La présence française est ancienne et les Américains ont trouvé que la position géographique de Djibouti pouvait les aider dans le combat contre la terrorisme dans la région», a déclaré Ismail Omar Guelleh. «Les Japonais veulent se protéger contre la piraterie et maintenant les Chinois veulent défendre leurs intérêts et ils sont les bienvenus» a-t-il ajouté.

L’influence économique de la Chine dans la corne de l’Afrique ne cesse de grandir. La Chine finance plusieurs projets importants d'infrastructures, pour plus de 9 milliards de dollars, de ports, d'aéroports et de lignes de chemins de fer pour désenclaver l'Ethiopie dont l'accès à la mer passe par Djibouti.

Mais la Chine tient avant tout à cette base pour protéger son approvisionnement en pétrole. Coïncidence qui n’en est pas une, la Chine est devenue pour la première fois le mois dernier le premier importateur mondial de pétrole brut devant les Etats-Unis. Et l’essentiel du pétrole importé par Beijing provient du Moyen-Orient et du Golfe Persique, plus de 50% d’Arabie Saoudite, d’Iran et d’Irak. En avril, la Chine a ainsi importé 7,4 millions de barils de pétrole par jour contre 7,2 millions pour les Etats-Unis qui depuis des décennies étaient le premier importateur de pétrole mondial. Et comme la production de pétrole ne cesse d’augmenter aux Etats-Unis, via notamment le pétrole de schiste, leurs importations vont se réduire. En revanche, la Chine dont l’économie se transforme et se développe dans les services et moins dans l’industrie va continuer à consommer plus de pétrole même si sa croissance ralentit.

La Chine sera donc économiquement mais aussi militairement de plus en plus présente au Moyen-Orient. Et cela est un effort considérable pour un pays qui se dote aujourd’hui d’une marine de guerre mais est avant tout une puissance terrestre contrairement par exemple aux Etats-Unis, à la France ou au Japon. «En dépit de tous ses efforts de diversification énergétiques, la Chine va rester fortement dépendante du pétrole et du gaz du Moyen-Orient dans les 30 à 40 prochaines années au moins», prévient Bruce Jones, directeur du programme de politique étrangère de la Brookings Institution et auteur du livre The Risk Pivot.


Lunéville : une tranchée de 1915 à l’espace Chaubet de Friscati

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13/05/2015

Au fond de la tranchée, les guides du site ont revécu un instant le quotidien des soldats.

« quand tu recevras ce mot, je ne serai plus depuis longtemps… » Voilà la dernière lettre de René Haumesser à sa mère, soldat du 69e RI, tué le 25 septembre 1915. Cet homme, originaire du pays messin, était passé par la Légion Étrangère afin de changer de nom pour ne faire courir aucun risque à sa famille, restée côté allemand. Il est devenu René Maillard et a rejoint le régiment d’infanterie d’Essey-lès-Nancy.

« Ce soldat et son régiment sont le fil rouge permettant de continuer la commémoration du centenaire de la Grande Guerre pour l’année 1915, il n’y pas eu de combat autour de Lunéville », indique Jean-Luc Georgin, préparateur de la tranchée allemande de cette année-là, avec un abri nommé « chez Maillard du 6-9 », exposée à l’espace Chaubet du site de Friscati Mouton noir (quatre mois de mise en place). « Les hommes de ce régiment ont combattu dans le secteur en août 1914. » Là, pour cette reconstitution, le 69e RI et René Maillard sont dans la Marne, à Beauséjour, aux entonnoirs près de Mesnil les Hulus (aujourd’hui camp militaire de Suippes). Le régiment occupe une tranchée prise aux Allemands, le soldat s’y est fait un abri. C’est la veille d’une grosse attaque faisant partie du « grignotage de Joffre » en Champagne. Les renseignements ont été trouvés dans le journal historique du 69e RI.

« Cette occupation par les Français d’une tranchée allemande nous a permis d’exposer des objets des deux camps », précise Jean-Luc Georgin. La tranchée est équipée de bois. « Les Allemands étaient là pour s’installer, contrairement aux Français qui ne faisaient que creuser pour ensuite progresser. » Divers outils utilisés sont exposés : pelle, masse en bois, hache… Ainsi que de l’armement, des pièges comme les versions de chaque pays de système d’empalement aux pointes acérées (une centaine de pièces diverses sont visibles de bas en haut de la tranchée). On peut ainsi découvrir le pétard à raquette, une grenade artisanale fabriquée par les hommes en 3e ligne du front et ses différentes variantes, jusqu’à un système assez abouti appelé « Le petit pot de Béthune ». « C’était une arme typique utilisée en 1915 pour les grosses attaques. » Des photos de ce secteur, où aurait pu se trouver cette tranchée, sont accrochées sur les planches de bois, entourées d’éclats d’obus, de fil barbelé…

Le guide ajoute : « Un totem numérique, installé dans la cagna, devrait raconter l’histoire de Maillard et de la tranchée prochainement ».


Les Boussanais, fidèles au devoir de mémoire

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Publié le 13/05/2015

Un devoir de mémoire important à Boussan avec des enfants présents aux côtés de leurs aînés lors de la commémoration./Photo DDM, YCS
Un devoir de mémoire important à Boussan avec des enfants présents aux côtés de leurs aînés lors de la commémoration./Photo DDM, YCS

Les Boussanais se sont rassemblés devant le monument aux Morts pour une commémoration très solennelle du 8 mai 1945. De nombreux enfants étaient présents, aussi bien pour participer à la cérémonie que pour être aux côtés de leurs aînés dans l'assistance. En début de cérémonie, Patrick Boube, le maire a tenu à rendre hommage à René Pardon, sous-officier de la légion étrangère retraité à Saint-André, qui assistait très régulièrement aux commémorations boussanaises et qui est décédé il y a quelques jours. Il a eu une pensée également pour Claude Lavigne, un fidèle porte-drapeau qui venait régulièrement et qui vient d'être victime d'un grave accident de santé il y a quelques jours.

Pour entretenir le devoir de mémoire si cher à Boussan, Corentin, un enfant du village, a lu avec émotion le poème «Ne pas oublier». Après le discours et le dépôt de gerbe, la fidèle chorale boussanaise, qui accompagnait la cérémonie en chansons, a interprété un vibrant Chant des partisans et une belle Marseillaise. Un vin d'honneur a prolongé cette cérémonie.

La Dépêche du Midi

Devoir de mémoire : José Blanc à l'honneur

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Publié le 13/05/2015

La rue José Blanc a été inaugurée en présence de son épouse Jeanne, ses filles Lydie et Chantal en présence de Jean-Pierre Bastiani.

La rue José Blanc a été inaugurée en présence de son épouse Jeanne, ses filles Lydie et Chantal en présence de Jean-Pierre Bastiani.

Nous revenons sur l'inauguration des rues dédiées aux résistants de la dernière guerre en rappelant ce qu'ils avaient fait pour la France. José Blanc était réfugié espagnol et avait combattu dans l'armée républicaine. Il a ensuite été volontaire pour prolonger le combat en s'engageant au 3e régiment étranger d'infanterie. Il est l'un des premiers à rejoindre la 1re division des forces françaises libres. Muté à la légion étrangère, il participe aux campagnes du Levant, d’Égypte, de Lybie, de Tunisie et Tripolitaine puis à la campagne d'Italie. C'est en Italie qu'il se porte volontaire au sein d'un groupe de 6 légionnaires pour conquérir la position allemande au château de Radicofani situé au sommet d'un piton .Après avoir escaladé le rocher ils surprennent l'ennemi à la grenade et obtiennent le reddition de 90 allemands dont 3 officiers. Pour cet acte, il reçoit du Général de Gaulle la médaille militaire. Après l'Italie il participe au débarquement en Provence. C'est dans les Vosges qu'il est gravement blessé le 27 octobre 44. Rétabli, il reprend le combat et est à nouveau blessé le 28 janvier 45. Titualire de nombreuses citations et décorations il a reçu à Auterive la croix de chevalier de la légion d'honneur le 13 juillet 95 des mains du président de l'amicale des anciens légionnaires de la Haute Garonne. Jean-Pierre Bastiani a eu à cette occasion le plaisir de lui remettre la médaille d'honneur de la ville.

La Dépêche du Midi

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