Ce numéro de Képi blanc fait donc la part belle, à une part qui ne l’est pas moins de notre Légion étrangère : “nos fantassins sapeurs”.
"Nos légionnaires ne manquent pas de génie". Cette sentence, un peu facile, s’est imposée lors d’un déjeuner groupé du stage des futurs commandants d’unité. Souhaitant rendre ma table plus représentative de la Légion étrangère, je réquisitionnais un futur commandant d’escadron et un capitaine de l’arme du Génie : “il y a, sinon, un peu trop de fantassins à cette table !” Notre capitaine sapeur rétorqua : “mon général, je ne vais pas bouleverser la donne puisque comme vous le savez, un sapeur est en fait, un fantassin… intelligent.” Le premier pot était trouvé !
Ce numéro de Képi blanc fait donc la part belle, à une part qui ne l’est pas moins de notre Légion étrangère : “nos fantassins sapeurs”.
En effet, initialement formés au combat débarqué, tous nos légionnaires, sapeurs en tête, évoluent au gré de leurs mutations et de leurs activités, dans un monde de mêlées et d’assauts. C’est particulièrement vrai, lors des phases de préparation opérationnelle, comme en opération, mais aussi dans les régiments du socle et outremer où les armes se mêlent au quotidien.
Cette proximité, entre le sapeur et le fantassin en particulier, est naturelle à la Légion étrangère. Nos pionniers, soldats et bâtisseurs sont de la Légion et non d’une Arme. Vous pourrez découvrir dans ce numéro, le fort ancrage historique de la double dotation du légionnaire : l’épée ou le fusil dans une main et la pelle ou la hache dans l’autre, “ense et aratro”, (par le fer et par la charrue), selon la devise du maréchal Bugeaud.
Si cette double dotation est historique, c’est par nécessité opérationnelle : “la montagne nous barrait la route. Ordre fut donné de passer quand même. La légion l’exécuta”. Cette phrase gravée dans la pierre à l’entrée du tunnel de Foum Zabel est devenue célèbre car elle symbolise l’esprit légionnaire. Le combattant sait que sa survie dépend de sa liberté d’action, laquelle dépend elle-même de sa mobilité et de l’entrave de celle de l’ennemi.
Le sapeur garantit justement la liberté d’action de ses camarades cavaliers ou fantassins. Appui à la mobilité, aide au déploiement, franchissement, contre mobilité, fouille opérationnelle, reconnaissances spécialisées, la palette de “l’offre génie”, dans tous les milieux géographiques, est extrêmement large et adaptable, à l’image de la multitude des métiers que le sapeur doit maîtriser.
Les 18 Bataillons et compagnies de génie Légion d’Indochine, d’entretien, de camions-bennes, de bateaux pliants, de bateaux blindés, l’ont démontré avec éclat de 1946 à 1954.
Nos deux régiments de génie ouvrent donc la route à la Légion avec “honneur et fi délité” : honneur de prendre si souvent la tête de la colonne et fidélité, à l’école de Sainte-Barbe, au régiment soutenu comme à la mission reçue. Ces deux régiments ont en commun ce même esprit sapeur qui allie rigueur et initiative. Leur forte capacité intégratrice apporte beaucoup à la Légion.
Ils se différencient par leur milieu de prédilection qui marque les caractères. Le trident pour l’un, le piolet pour l’autre, nos régiments de génie Légion relèvent avec brio les défis des engagements modernes. Appui à la mobilité et actions de contre IED en BSS, aide au déploiement et déminage au Liban, interventions sur les catastrophes naturelles dans la vallée de la Roya ou lors de la tempête Alex, technologiques comme dans le port de Beyrouth, reconnaissances et destructions de sites illégaux en Guyane, 2020 a confirmé le besoin de Génie.
Alors que répondre à notre capitaine de popote ?
Si le fantassin est le soldat des 300 derniers mètres, le sapeur est pour ce qui le concerne celui des 300 premiers. Je ne sais pas dire si l’un est plus intelligent que l’autre.
Général de brigade Alain Lardet
Commandant la Légion étrangère