Mes compagnons, c'est moi ; mes bonnes gens de guerre, C'est votre Chef d'hier qui vient parler ici De ce qu'on ne sait pas, ou que l'on ne sait guère ; Mes Morts, je vous salue et je vous dis : Merci.
Il serait temps qu'en France on se prît de vergogne
Or, écoutez ceci : "Déserteurs ! Mercenaires !"
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Sans honneur ? Ah ! passons ! Et sans foi ? Qu'est-ce à dire,
Mercenaires ? sans doute : il faut manger pour vivre ;
Et quand donc les Français voudront-ils bien entendre
Aussi bien c'est assez d'inutile colère,
Jamais garde de Roi, d'Empereur, d'Autocrate, | |
Vous aviez des bras forts et des tailles bien prises,
Votre allure était simple et jamais théâtrale ;
On fait des songes fous, parfois, quand on chemine,
J'étais si sûr de vous ! Et puis, s'il faut tout dire, | |
Vous aimiez, troupe rude et sans pédanterie,
Mais vous disiez alors : "La chose nous regarde,
Et je voyais glisser sous votre front austère
N'ayant à vous ni nom, ni foyer, ni Patrie
Anonymes héros, nonchalants d'espérance, | |
Quant à savoir si tout s'est passé de la sorte,
Dormez dans la grandeur de votre sacrifice,
Je sais où retrouver, à leur suprême étape | |
Et ma pitié fidèle, au souvenir unie,
D'ici je vous revois, rangés à fleur de terre
Les survivants ont dit - et j'ai servi de prêtre !
Mais quelqu'un vous prenait dans sa gloire étoilée
Compagnons, j'ai voulu vous parler de ces choses, | |
Si parfois, dans la jungle où le tigre vous frôle
Soldats qui reposez sous la terre lointaine,
A mes hommes qui sont morts, et particulièrement à la mémoire de Tiebald Streibler qui m'a donné sa vie le 3 mars 1885 au siège de Tuyen-Quang. |
Les poèmes du Capitaine vicomte de Borrelli
A mes hommes qui sont morts.
A mes hommes qui sont morts
Les Mercenaires
Nus, affamés, sans feu, ni lieu, sans espérance,
Aux maîtres comme aux lois ayant répondu : Non,
Traînant leur passé lourd comme on traîne un chaînon,
Des hommes, Dieu sait d’où, s’en viennent à la France.
Nous sommes las. Mourir est une délivrance ;
Veux-tu faire de nous de la chair à canon ?
Elle répond : C’est bien ; je sais votre souffrance,
Et je n’ai pas besoin de savoir votre nom.
Prenez, mangez. Dormez, sans rêve, sous la tente ;
Ce pain dur, ce lit dur, qui font l’âme contente.
Sont ceux de nos soldats : méritez leur tombeau ;
Vous êtes en lieu sûr, et de vous je me charge,
Entrez – Et derrière eux, d’un geste simple et large,
Elle fait retomber un pli de son drapeau.