1925
Les Échos des anciens combattants - 11/1925
Les Échos des anciens combattants - 10/1925
Les Échos des anciens combattants - 09/1925
Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche. 08/08/1925.
CAMARON
Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche. 08/08/1925.
Nous devons la communication de cet article à l'obligeance de M. Daniel Halévy, qui nous explique ainsi comment il est venu entre ses mains « Quand on reçoit, par profession. beaucoup de manuscrits, de papiers d'inconnus on les lit avec un certain scepticisme. Une lettre, voici quelques semaines, retint mon attention par son tour imprévu. « Je suis sergent à la Légion étrangère », me disait-on. « Je vis avec des types bizarres je m'amuse à écrire leurs histoires. A tout hasard et sans grand espoir, je vous les envoie. » Quelle aubaine, un écrivain qui vit dans l'aventure et qui connaît, en fait d'humanité, autre chose que l'humanité littéraire! J'ai lu ces contes, je leur ai trouvé une saveur, un accent qui ne peut tromper. En voici un, et d'autres pourront suivre. D. H. »
Le 30 avril 1863, soixante-deux légionnaires. que commandaient trois officiers, ayant été attaqués au cours d'une reconnaissance; se retranchaient dans une ferme de Camaron, et y tinrent tête pendant dix heures à 2.000 Mexicains, leur tuant 200 hommes, en blessant une centaine, et ne se rendirent que lorsqu'ils eurent obtenu l'assurance qu'ils conserveraient leurs armes. Devant l'armée mexicaine étonnée, des décombres fumant sortirent une vingtaine d'hommes, emportant vingt-trois de leurs camarades blessés, et le seul officier qui leur restât, mortellement blessé lui aussi vingt sous-officiers et soldats gisaient dans la cour de la petite ferme.
Entre tant de hauts faits, la légion a retenu cet épisode des guerres du Mexique pour en faire sa fête annuelle :
Le 30 avril est, chaque année, l'occasion de fêtes partout où vivent des légionnaires.
Ceux qui eurent l'honneur de servir sous la grenade à sept branches, profitent de cette occasion de se retrouver, des banquets réunissent des hommes qui, pour une journée, frémissent de tout le passé qu'ils ne cesseront d'évoquer.
Dans une salle d'honneur d'un des régiments étrangers, j'ai regardé les photographies qu'avaient envoyées de Strasbourg, de Paris, de Lausanne, d'ailleurs, les sociétés de vieux légionnaires. Sur les vestons, sur les tuniques des fonctionnaires de l’État, que de médailles, de croix. J'imaginais, en scrutant chaque visage, la marque qu'avait imprimée la légion, les ardentes années d'Afrique ou d'Extrême-Orient, et il me semblait voir dans tous ces yeux une flamme qu'on ne voit qu'à eux.
Dans les garnisons paisibles d'Oranie, comme dans les plus dangereux bleds marocains, comme au Tonkin, comme en Syrie, le 30 avril est synonyme d'un menu somptueux, de jeux et de pinard libéralement distribué.
J'ai vu fêter Camaron à Bel-Abbès en grande pompe, chambrées décorées, quartier illuminé, merveilleux concert, et j'avais été saisi par ce faste mais la grande émotion, qui étrangle, je l'ai ressentie au Maroc, dans le bled, à quelques kilomètres en arrière des premières lignes. En de tels lieux, la légion est chez elle et sa fête revêt un caractère qui la distingue de toutes les fêtes des régiments de France.
Il y en a quatre au Maroc, deux dans le Moyen Atlas, une autre dans le Grand Atlas, sur la route saharienne et l'autre à Bou-Denibe.
C'est la fête d'une compagnie montée que je décrirai ici. Les compagnies montées de la légion sont chargées d'assurer les services de reconnaissance et la protection des convois.
Celle dont je veux parler est de formation toute récente. Un jeune capitaine, ex-hussard, qui a tous les goûts et toutes les qualités qu'il faut pour devenir un officier « vieille légion », l'a formée à son image, si on peut dire. Le recrutement lui a été assuré, pour la plus grande part, par des prélèvements opérés sur des effectifs du régiment étranger de cavalerie qui tient l'Est et le Sud-Tunisien. Après avoir choisi les mulets, et dans la proportion d'un mulet pour deux soldats chaque homme montant une heure et marchant la suivante avec le même soin qu'il eût apporté à remonter un escadron, le capitaine dressa et entraîna ses hommes comme il eût fait ses cavaliers. Cavaliers, ils l'étaient d'ailleurs tous, et même un peu humiliés parce qu'on les avait obligés à descendre de cheval pour grimper à mulet. De la cavalerie, ils avaient l'esprit particulier qu'on voit à celle de France, panaché de l'esprit propre d'un ex-cosaque ou d'un ex-uhlan, car la plupart étaient russes ou allemands. Sur ce double esprit se greffait encore l'esprit légionnaire, naturellement, et il dominait..
Tout fut mené rondement. Au bout de six mois d'existence, la. compagnie, présentée au colonel, parut belle entre toutes celles du régiment, qui en a de remarquables. Elle quitta la vallée de la Moulouya, qui avait été son berceau, pour un secteur avancé. Elle s'établit à un passage important d'où elle pouvait aisément assurer la sécurité des convois qui vont aux avant-postes.
Elle y était depuis un mois quand j'y fus. Le camp, occupé auparavant par des troupes indigènes, avait changé d'aspect, depuis mon précédent passage. Il portait la marque de la légion, cet aspect qu'on retrouve partout où elle a travaillé, netteté des abords, rigoureuse propreté des voies, blancheur aveuglante des murs, coquetterie des arrangements jardinets, pyramide de pierre, mosaïque où se répète la grenade de la légion. C'est un camp coquet. Les gens qui l'habitent ne le sont pas moins comme le sont d'ailleurs tous les légionnaires qui aiment follement les couvre-pieds blancs, les bourgerons immaculés, les cravates en soie de parachute, les ceintures bleues et les culottes retaillées à l'anglaise.
Ajoutons que ceux-ci avaient des vêtements que le soleil n'avait pas eu le temps de blanchir, et qu'ils étaient d'anciens cavaliers. A mon arrivée, je n'avais pas laissé d'être frappé de cet air légèrement insolent qu'ils avaient tous, se promenant, les reins un peu raides, et une badine à la main. Ils brûlaient de montrer aux vulgaires fantassins qu'ils étaient quoique à mulets des cavaliers, une sorte de cavalerie in partibus.
Dès le 29 avril, une vaste tribune s'élevait à l'extrémité du manège, avec une piste d'obstacles, qui n'est pas pour rire. Drapeaux et fanions flottaient un peu partout, et le logis du capitaine, les bureaux de la compagnie avaient leurs portes et leurs fenêtres encadrées de verdure piquée de quelques fleurs timides qu'avril avait fait éclore dans ce bled flamboyant.
A l'aube du grand jour, le réveil fut sonné en fantaisie, puis clairons, trompettes et fifres reprirent le « tin, t'auras du boudin » salué par des clameurs dans les chambrées où les hommes prenaient leur chocolat accompagné des beignets traditionnels.
Autour des cuisines, s'affairaient une bonne douzaine de cuistots surnuméraires, que bousculait le caporal d'ordinaire et le maître-queux, qui, pour ce jour, portait toque et tablier immaculé, et des espadrilles passées au blanc d'Espagne.
A huit heures, il y eut collation : des saucisses, du jambon, du pain de froment sans semoule et du vin blanc, qui est le suprême coup de l’étrier de la revue.
Elle fut splendide, un vrai spectacle. Les sections arrivèrent d'un pas rapide, aisé, exécutant avec précision les mouvements réglementaires pour la formation du carré. Quand les armes furent reposées, pas une crosse ne heurta le sol.
Le capitaine était tout de blanc vêtu, pincé dans ce dolman d'avant guerre dont la coupe est si jolie, et complète si bien le pantalon demi-hussarde, qu'on commence à voir de nouveau en Afrique. Un commandement il y eut quatre murailles jaunes avec une ligne bleue au centre : les ceintures de flanelles, une ligne verte plus bas les molletières, et une ligne noire étincelante au ras du sol. Au-dessus, il y avait l'éclair des baïonnettes et en tête de la section, le fanion vert de la compagnie.
L'adjudant s'avança, botté, sanglé, immense, un vrai cuirassier. D'une voix terrible qui sortait de sa moustache farouche, il lut le récit de la défense de Camaron, à cette troupe immobile et frémissante. Frémissante, parce que, si tous ne comprenaient pas, assez pourtant comprenaient pour que la communication s'établisse, serrant toutes les gorges, picotant tous les yeux.
Ensuite, repos et pendant ce repos, la lecture fut recommencée en allemand et en russe. C'eût été trop demander à ces hommes qu'exiger qu'ils restassent statues pendant près de trois quarts d'heure.
Le capitaine fit son petit discours pas de phrases, des mots de chaque jour, accessibles à tous. Il parlait de la légion, première infanterie du monde, de la jeune légion digne de la vieille, des camarades morts l'an dernier, à peu de distance, et dont tant de corps reposent dans le petit cimetière blanc du poste. La voix n'était pas forte, mais comme elle portait, claire, vibrante, dans le grand silence de dix heures, dans l'air cristallin et sonore. Tous comprenaient, et quand il cria pour finir « Vive la légion » on eut l'impression que ce même cri allait jaillir des bouches qu'on voyait trembler.
Après le défilé, le capitaine vint goûter la soupe que les hommes de corvée, dont on avait dû tripler le nombre, six au lieu de deux, emportèrent aussitôt. Des cris de joie accueillirent l'imposante suite des plats, et redoublèrent quand apparurent les pleins seaux du divin pinard, dont la couleur est un rouge presque violet, et la densité telle qu'on le couperait au couteau.
Gavés, tous s'étendirent sur les lits, pour digérer béatement en fumant le cigare à bague d'or qui leur donnait pour quelques instants une âme de bon bourgeois repu.
Les jeux dont le programme était fort varié devaient commencer à deux heures. A deux heures, les bancs étaient occupés par les légionnaires. A deux heures les trompettes saluèrent l'arrivée du capitaine qu'accompagnaient le toubib et l'officier des renseignements.
La présence des femmes de ces derniers, en toilettes blanches, sur l'estrade que le bureau arabe avait parée de ses glus beaux tapis, suffisait pour énerver ces deux cents hommes sevrés de chair blanche.
En tête du programme venait la voltige. Elle se fit sur un mulet sage, mais qui ne l'était pas au point de se tenir tranquille au bon moment. Les chutes furent nombreuses, au grand amusement des spectateurs. Il y eut des courses diverses les pieds dans un sac, en tenant un œuf dans une cuillère, à quatre pattes, jeux de soldats qu'on retrouve partout.
Le clou devait être une sorte de due! symbolique. Sur un pavois que soutenaient les plus costauds, se tenait un homme armé d'une lance dont la pointe était capitonnée de paille. Son écu portait une tète de mulet qu'encadraient en couronne ces mots « Ça marche becif » Cette devise veut être expliquée.
Lors de la création de la compagnie, le capitaine acheta un fanion vert sur l'un des côtés duquel il fit broder la grenade et le numéro du régiment, et, sur l'autre, l'inscription « Ça marchera becif ». Becif est un mot d'usage courant dans l'armée d'Afrique, il a à peu près le sens de « par la force » et se dit d'une chose qui sera sans qu'on puisse s'y opposer. Dans l'esprit du capitaine, il était un avertissement à ses hommes, une indication de la discipline qu'il voulait. Aussi il put, six mois plus tard, ayant en main une compagnie en ordre, modifier une syllabe et le fanion porta « Ça marche becif. »
Le légionnaire dont l'écu était timbré de la tête de mulet personnifiait la légion, et plus particulièrement la compagnie montée. En face de lui, son adversaire, hissé, lui aussi, sur le pavois, portait sur son bouclier une tête de mort couronnée de « Maroc ».
Et le combat commença, avec des alternatives de défaillances et d'avantages, puis, quand le Maroc se fut bien défendu, sur une bonne pointe de son ennemi, il chut.. De véritables hurlements de joie saluèrent la victoire de la légion, conquérante du Maroc. Pour ceux qui ne savent pas, on peut dire que si elle ne fut pas seule dans ce long combat, elle y fut, sans conteste, toujours au premier rang.
Le soleil descendait, le vin agissait. Le concours de ventriloquie et de grimaces n'eut que peu de succès.
La fête reprit à la nuit. Des lampions multicolores illuminaient la place comme dans une fête de village. Dans la nuit silencieuse et claire une mélodie russe s'éleva, chantée par un groupe d'hommes qui mettaient dans cet air de route la nostalgie que cette fête ravivait.
Prière, tantôt sourde, soumise, tantôt passionnée et suppliante, qui paraissait faite de beaucoup de sanglots et finissait soudain brusquement dans un cri. Personne n'applaudit. Obscurément, tous sentaient que cela n'était pas une chanson quelconque à laquelle convenait des claquements de main, mais quelque chose de très haut, comme l'évocation soudaine d'une patrie et tous ces gens qui n'en avaient plus en furent pour quelques instants troublés.
Vêtu de la blouse nationale, mollets bottés, un danseur parut. Agile, gracieux. il s’avança sur les pointes, 'les bras à demi croisés. Ce furent alors des bonds, des entrechats, une mimique, qu'accompagnaient de- discrètes musiques, et un chœur reprit à mi-voix, sautillant, virevoltant, avec de soudains abandons.
Les Allemands, groupés autour d'un vieux sergent, serviteur de quinze années, que je vis pleurer ce jour là, chantèrent voix merveilleusement justes, admirablement fondues, qui indiquaient les plus fines nuances. Ils chantèrent sur un air de chez eux des paroles qu'un légionnaire, dont on ne sait pas le nom, composa, et que personne n'ignore de ceux qui parlent allemand dans les quatre régiments.
En voici la traduction, à qui il manque : et le rythme et cette puissance des mots qui est intraduisible
Au Maroc, à l'abri des rochers,
Un légionnaire veille
Son camarade que la balle a mortellement blessé.
Celui qui va mourir dit :
Mon camarade, cher camarade,
Une prière, une prière à toi qui va retourner au pays,
Au pays que je ne reverrai plus.
Va dans le petit village, tout en haut.
La dernière maison est neuve, toute blanche,
Entre et prononce mon nom.
C'est là qu'habite la fiancée qui m'attend.
L'anneau qui est à mon doigt,
Prends-le,
Prends l'anneau d'or qu'elle me donna.
Porte-le lui comme un dernier gage d'amour.
Sur ses boucles blondes, mets ce baiser, mon dernier adieu.
Dans le petit village, près de l'église,
Vit un vieillard, aux cheveux d'argent,
C'est mon vieux père qui m'attend,
Apporte-lui mon dernier adieu.
Dis-lui, dis-lui bien que son fils est tombé fièrement.
Dis-lui, dis-lui bien que comme moi,
Avec la même ardeur,
Tous les légionnaires meurent,
Mais faiblir ou reculer, cela ils ne le font jamais.
Simple mots, mais lourds de tout le sens que leur donnait ces morts reposant à deux pas, et cette assurance qu'avaient ces légionnaires de dire, peut être bientôt, à l'ami fidèle, les mêmes paroles.
Pour dissiper l'émotion, il ne fallut rien de moins que 'le « Tin, t'auras du boudin » dont l'effet est certain. Avec les accents les plus singuliers, le refrain fut clamé « Pour les Belges, y en a plus, pour les Belges, y en a plus parce qu'ils sont trop tireurs au c.. » La gaîté était revenue. Un accordéon joua le premier air de danse, Danube bleu. Les couples se formèrent dans l'ombre bleue, sur le sol dur, ces hommes tournèrent jusqu'à une heure avancée de la nuit. Des lambeaux de mélodie flottaient, apportés et repris par le «vent qui balaie, toutes les nuits, la plaine des chacals glapissaient. Et parfois, de l'est, arrivait la détonation claire d'un coup de fusil, suivi de l'éclatement sourd des grenades.
Sur la terre nue, aux sons de l'accordéon, qui est l'instrument le mieux fait pour saisir et émouvoir des simples et pour donner aux plus fins une mélancolie dont ils ont quelque honte, les couples dansaient, sans joie. La gaîté ne dure jamais longtemps à la légion. Les visages détendus reprennent vite le masque. Pour ces hommes, les jeux mêmes sont de nouvelles raisons d'éveiller le cafard qui feint parfois de s'assoupir.
Manue.
Les Échos des anciens combattants - 07/1925
Les Échos des anciens combattants - 06/1925
« LA LÉGION » Compte rendu de l'assemblée générale annuelle du 9 mai 1925
Les Échos des anciens combattants - 06/1925
« LA LÉGION »
(Société de secours mutuels des Anciens Officiers, Sous-Officiers et Soldats des Régiments Étrangers, fondée à Paris en 1898.)
Compte rendu de l'assemblée générale annuelle du 9 mai 1925 :
La séance est ouverte à 9 heures du soir, sous la présidence du camarade Maurer, président, assisté des camarades Barutaud et Hildibrand, vice-présidents; Van Grasdorf, secrétaire général; Corket, trésorier; Adamowitz, Baudson, Franckenberg, Goldstein.
Excusés: les camarades Mader, Cuerel, Kauffmann, Gros et Baier.
La parole est donnée au secrétaire général pour la lecture du procès-verbal de la dernière assemblée générale qui est adopté sans observations et aussitôt il est procédé à l'appel nominal.
Le président prononce ensuite le discours suivant :
« Mesdames, mes chers camarades,
Pour la 26e fois nous sommes réunis en assemblée générale annuelle et pour la 26e fois j'ai la faveur de vous exposer la vitalité de notre chère société; cependant jamais encore aucun exercice n'a été aussi rempli d'épreuves que celui qui vient de s'écouler et au cours
duquel notre chère société a perdu un nombre important de braves et généreux camarades.
D'abord notre chez Walter nous a quittés pour aller jouir pour d'une retraite bien méritée et nous lui adressons ainsi qu'à Mme Walter notre affectueux souvenir. Ensuite la mort a fait son œuvre néfaste puisque successivement elle nous a ravi les camarades Langner, Lefebvre, Muller, Moesch, Gaspard, Marti, Perremans, Fischer et tout dernièrement la femme de notre cher camarade Sittler; à tous ces chers disparus nous renouvelons nos regrets en leur disant non pas « Adieu pour toujours » mais « Au revoir », car si leurs pauvres corps sont perdus à jamais, il n'en est pas de même de leur souvenir qui restera toujours vivant parmi nous; à leurs familles éplorées nous envoyons à nouveau avec nos condoléances, l'expression de nos sentiments de profonde sympathie.
Parmi nos chers disparus, l'un, le camarade Marti a particulièrement droit à notre souvenir ému, car ce n'est pas la maladie qui a été la cause de sa mort si prématurée, mais la fatalité et cette adversité trop souvent si injuste; Marti a été la victime d'une erreur d'optique et la veulerie s'étant fait jour, il n'a pas eu le courage de lutter, il n'a pas eu la présence d'esprit de faire face à la meute, lui qui pendant la guerre a vu si souvent la mort n'a pas su dompter la mesquinerie et la jalousie de ses semblables et est tombé vaincu par cette même vie qui pouvait être si belle pour lui.
Nous avons eu aussi de nombreux camarades malades et le camarade trésorier va nous donner lecture des journées de maladie pendant l'année, mais il y a un des nôtres qui, aujourd'hui encore, est à l'hôpital et je suis certain d'être l'interprète de vous tous, mes chers camarades, en envoyant à Mader, à notre cher et si dévoué vice-président, nos voeux sincères et affectueux pour un prompt et complet rétablissement et je ne puis assez vous engager tous à aller lui rendre visite; car s'il est d'usage parmi les légionnaires de partager en commun la joie de l'un, il est également d'usage que tous se partagent les peines et les épreuves des nôtres; je fais également des vœux très sincères pour le prompt et complet rétablissement de Mme Adamowitz, la femme de notre dévoué camarade.
Pendant l'exercice qui vient de s'écouler, la Légion a su marquer plus que jamais sa place prépondérante aux manifestations organisées par la Fédération et pour son propre compte elle a donné une soirée le 4 octobre dernier dans la salle des fêtes de la mairie du 10e arrondissement, dont le succès est encore présent dans la mémoire de tous ceux qui ont pu y assister et si au tout dernier moment le ministre, le vaillant général Nollet, a dû en décliner la présidence effective, il s'y fit représenter par le général Lagrue et le gouvernement y était représenté par M. Bénazet, le haut-commissaire à la Guerre, qui avait à ses côtés les représentants du Ministre de la Marine, du gouverneur militaire de Paris, du président de la Chambre des députés, du grand-chancelier de la Légion d'Honneur, des Préfets de la Seine et de police, etc.
Vous savez aussi que le gouvernement a tenu à marquer à la Légion en particulier et à la Fédération toute entière, sa très vive sympathie en m'élevant à la dignité de commandeur de la Légion d'Honneur et comme je ne cesse et ne cesserai jamais de le dire, cette cravate vous appartient à tous, car elle est le prix de votre belle abnégation, de votre noble bravoure et de votre esprit si fraternellement mutualiste.
Dans le même ordre d'idées, le gouvernement a accordé sur notre demande la médaille de bronze de la Mutualité à notre si dévoué camarade Nordemann et le diplôme de la Mutualité au non moins dévoué camarade Kauffmann.
Lors de la distribution des prix de tir, la Légion a été très souvent à l'honneur et si le camarade Schmidt s'est vu attribuer parmi d'autres récompenses le prix offert par M. le Président de la République, les camarades Barutaud et Mainze ont également remporté de très beaux succès; à tous nous adressons à nouveau nos félicitations.
Notre cher camarade Heumann, président de la commission de contrôle, est depuis quelques semaines père d'un solide garçon et en lui renouvelant ici toutes nos félicitations nous le prions de transmettre à la jeune maman nos vœux pour son prompt et complet rétablissement et au jeune Marcel nos souhaits pour une santé parfaite.
La Légion, notre chère société, s'affirmedejour en jour; hier, Mlle Frankenberg, la gracieuse fille de notre cher camarade, a été élue reine des marchés découverts; aujourd'hui, notre cher camarade Kauffmann a eu le bonheur de marier sa charmante fille, l'animatrice de nos soirées dansantes; sous peu notre cher camarade Gros mariera son fils; à tous, nos félicitations et nos vœux.
D'autre part, toutes les demandes de naturalisation faites par nos camarades ont été solutionnées ou sont en voie de solution. Beaucoup des nôtres ont trouvé des situations ou du travail grâce au dévouement de tous, car et c'est là un trait essentiel de notre chère
société, la solidarité se pratique non pas par caprice, mais d'une façon constante et à ce propos votre trésorier vous dira dans quelques instants avec quelle ampleur votre caisse de secours immédiats a été mise à contribution pendant cet exercice. Certes de multiples demandes et aspirations de nos camarades sont restées sans solution heureuse, car malheureusement et trop souvent elles dépassent le cadre de nos moyens d'intervention, mais vous pouvez être certains que toutes ont été examinées avec l'esprit que vous nous connaissez et tout ce que nous souhaitons c'est que cet esprit vous pénètre tous afin de réaliser la devise: Un pour tous, Tous pour un.
Et si les pertes ont été particulièrement sensibles, par contre nous avons eu la joie d'enregistrer 56 nouvelles adhésions; malheureusement dans l'une de nos prochaines réunions, le comité va se trouver dans la triste nécessité de vous proposer un certain nombre de radiations pour défaut de paiement des cotisations.
Mais mes chers camarades, si le chemin parcouru est déjà très long, il nous reste encore beaucoup à réaliser, mais grâce à l'esprit qui vous anime tous, grâce à votre bel optimisme et à votre franche et sincère camaraderie tout est possible et tous les espoirs sont permis.
Enfin je remercie tous mes collaborateurs du zèle et du dévouement dont ils ne cessent de faire preuve pour la prospérité de notre chère société et je vous invite à envoyer un souvenir ému à tous les Légionnaires morts en vous priant de vous unir à moi, en une minute de recueillement.
Merci, mes chers camarades, et vive la Légion !
Le trésorier à la parole pour exposer la situation financière de laquelle il résulte que l'encaisse de la Caisse mutuelle était au 1er janvier 1924 de 22.321,47 qu'elle est au 31 décembre 1924 de 24.811 fr. 26; que pendant cet exercice la société a payé 1.980 fr. 70 d'indemnités d'honoraires aux médecins et de frais de pharmacie. Quant à la caisse de secours immédiats et qui n'est alimentée que par des dons ou des quêtes, son encaisse au 1er janvier 1924 était de 578 fr. 45 alors qu'elle est de 3.350 fr. 25 au 31 décembre 1924, malgré que pendant cet exercice 1.707 fr. 30 ont été distribués à des Légionnaires nécessiteux.
Ces comptes sont approuvés à l'unanimité et leur exposé chaleureusement applaudi.
La parole est donnée au camarade Gara, de la commission de contrôle, qui dans un magistral exposé rend compte des travaux de la commission et félicite le camarade Corket, trésorier, pour la belle tenue de sa comptabilité, et Gara termine par un pressant appel aux camarades en retard avec le Trésor.
Le président remercie le trésorier et la commission de contrôle et procède aussitôt à la remise des distinctions de la Mutualité attribuées aux camarades Nordemann et Kauffmann, et Nordemann en reconnaissance de cette marque de sympathie, remet au président un don de 200 francs qui est aussitôt versé à la caisse de secours immédiat.
Il est procédé ensuite au renouvellement du conseil d'administration pour une nouvelle période de trois années, commencée le 1er janvier 1925 pour prendre fin au 31 décembre 1927.
Le camarade Maurer est réélu président à l'unanimité par acclamations; de même les trois vice-présidents sortants, Mader, Barutaud, Hildibrand. Il reste à élire 11 membres du conseil, mais le temps a marché, il se fait tard et beaucoup de camarades ont dû partir pour ne pas manquer les derniers moyens de transports. Le scrutin est ouvert à minuit et demi.
Le président en donne les résultats :
Votants : 55. Majorité : 28. Ont obtenu: Corket et Franckenberg, 53 voix; Van Grasdorf, 52; Kauffmann, 51; Adamowitz, 50; Gros et Goldstein, 49; Cuorel, 48; Baier, 47; Baudson, 46; Borro, 23; Carral et Von Kanel, 16; Gara, 13; Druon, 10; Stern, 9; Oswald, 7; Krempp, 3; Maladry, 2. En conséquence sont proclamés membres du conseil pour trois années: les camarades Corket, Franckenberg, Van Grasdorf, Kauffmann, Adamowitz, Gros, Goldstein, Cuerel, Baier, Baudson et Borro, et le président adresse à tous ses plus sincères félicitations.
Il est décidé que la commission de contrôle restera en fonctions pour l'exercice 1025 et le conseil s'étant aussitôt réuni, le camarade Van Grasdorf est confirmé dans ses fonctions de secrétaire général, de même que le camarade Corket dans celles de trésorier. Cuerel
reste adjoint au secrétaire général et Borro est nommé trésorier adjoint. Enfin le camarade Goldstein est nommé porte-drapeau et à 1 heure du matin on se sépare au cri de « Vive la Légion » !
Les Échos des anciens combattants - 05/1925
Les Échos des anciens combattants - 04/1925
Page 1 sur 2