(à un jeune légionnaire avant son premier défilé sur la Voie Sacrée)
Demain, lorsque le cuivre entonnera le chant
Qui lancera vos rangs sur la longue esplanade,
Qui lancera vos cœurs battant la chamade,
Pour cent et quelques pas de la lente escalade,
Le chant de tes ainés, serrés en camarade
Autour de vos pas lents sur la longue esplanade,
Quand, submergé d'accord, tu te verras, marchant
Vers le monument calme aux quatre sentinelles,
Songe donc, quand tu te verras t'approcher d'elles,
Combien d'autres avant, farouches et fidèles
Ont fait les mêmes pas vers cette stèle...
Songe qu'ils t'ont tracé la route à grands coups d'ailes !
Quand cuivres et tambours entonneront le chant,
Quand submergés d'accords, vos coudes se touchant,
Lorsque vos rangs raidis se lanceront, marchant
Vers le monument calme au nœud de l'esplanade
Pour mille et mille pas de la lente escalade,
Tous tes muscles tendus et le regard méchant,
Ton cœur se gonflera du rythme de la fête...
Va, tu verras, tu lèveras la tête !
Demain, marquant au sol la force de tes pas,
Quand tu regarderas tes morts autour du monde
Tes morts dans les fossés, dans les chemins de ronde,
Tes morts à petit feu, tes morts à la seconde,
Quand tu regarderas leur trace autour du monde,
quand tu soupèseras leur place dans le monde,
Marchant au devant d'eux, l'arme lourde à ton bras,
Marchant au souvenir comme au canon, en transes,
Songe qu'ils t'ont laissé, tous ces morts pour la France,
Avec leur poids de gloire un lourd poids de souffrances,
Et leurs nuits sans repos, et leur mort sans silence...
Songe, qu'ils t'ont reçu , tous ces morts pour la France !
Et quand tu marqueras la force de ton pas,
Lorsque comme un salut tu leur tendras le bras,
Lorsque, comme on salue, tu les regarderas,
Tous tes grands morts figés aux quatre coins du monde,
Tu les verras bouger le temps d'une seconde
Et leur cœur gonflera ta gorge à chaque pas,
Et leur cœur chantera dans ton sang des poèmes...
Va, jamais plus tu ne seras le même !
A. DEGAND
( à la manière de Ch .Péguy )