AVERTISSEMENT
AUX SACRIFIÉS DE LA NATION : L’AVENIR DES DROITS DITS IMPRESCRIPTIBLES À RECONNAISSANCE ET RÉPARATION, EST DERRIÈRE VOUS !
Je dédie cette analyse à tous nos morts et blessés pour la France et tout particulièrement au sergent-chef Étienne Mougin et au brigadier-chef Timothée Dernoncourt, ainsi qu’à leur camarade blessé dont je ne connais pas le nom, tombés le 21 février 2018, à leurs familles et proches, et bien sûr au 1er régiment de spahis et à toutes nos forces actuellement engagées dans l’opération Barkhane, ou autres.
I.C’est en deux temps et trois mouvements que l’administration s’est emparée des commandes du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, issu de la loi du 31 mars 1919.
A / Le temps du dépérissement, celui du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG)
Né pour tenter de réparer autant que faire se pouvait les atrocités de la première guerre mondiale et témoigner à nos soldats la reconnaissance de la Nation, ce code qui a réuni, dès l’origine, nos morts et blessés de guerre ou du service, ainsi que les victimes civiles de guerre, puis du terrorisme, en reconnaissant aussi les souffrances de leurs familles, avait, bien tristement, dû beaucoup s’étoffer au rythme des conflits qui ont jalonné le 20ème siècle. D’une loi (la loi Lugol du 31 mars 1919) on avait dû faire un code (Codification entre 1947 et 1953).
C’est ainsi qu’on avait empilé, bien souvent sans aucun ordre ni logique juridique, les diverses mesures prises, au fil de l’Histoire, pour les ayants droits (qui sont les soldats du temps de guerre et du temps de paix et les victimes civiles de la guerre ou du terrorisme) et leurs ayants cause (leurs conjoints, leurs enfants ou même dans certains cas, leurs parents).
Les différents services de l’État, chargés de mettre en œuvre ces droits dits imprescriptibles avaient, eux aussi, beaucoup changé au fil du temps. Sans entrer dans les détails, d’un ministère spécifiquement dédié aux multiples et divers ressortissants du CPMIVG, on était passé sous l’autorité du ministère de la défense, avec, au mieux, un secrétariat d’État en charge des « anciens combattants et victimes de guerre » et, aussi, finalement, « de la mémoire » et même du Service National ou des Réserves ; de sorte que c’est aujourd’hui le même ministère « qui casse et qui répare », comme certains ont coutume de le souligner.
Au fil du temps et d’une courbe démographique s’inversant au fur et à mesure que disparaissaient les première (14-18) et deuxième (39-45) générations du feu, alors que la troisième génération (guerres de décolonisation) vieillit et que la génération OPEX est nécessairement beaucoup moins homogène, les droits plus ou moins bien empilés, malmenés et régulièrement rabotés, ont été de plus en plus difficiles à faire reconnaître et les dysfonctionnements étaient tels qu’un noyau d’associations regroupées autour du Comité d’Entente des Grands Invalides de Guerre (CE-GIG) m’avait demandé de rédiger une étude qui fut remise en novembre 2013 au Président de la République, en sa qualité de chef des Armées, ainsi qu’à toutes les instances qui devaient en connaître. Elle avait pour titre « Blessés pour la France, Blessés par la France ; Au service de la France, GRANDEUR et MISÈRE de nos blessés, 30 propositions. »
Les problèmes étaient tels que les pouvoirs publics ont été contraints de se saisir du dossier, d’autant que le CPMIVG, au surplus, ne correspondait plus au format constitutionnel de la Vème République (répartition entre les domaines respectifs de la loi et du règlement en application des articles 36 et 37).
B/ Le deuxième temps, celui de la refonte du CPMIVG, et ses trois mouvements
1°) Le premier mouvement fut celui des hésitations, procéderait-on à un simple toilettage ou à une véritable refonte du CPMIVG ?
La réponse fut définitivement actée par l’article 55 de la LPM 2014-2019 n°2013-1168 du 18 décembre 2013 : ce serait une véritable refonte, mais, n’avait-on cessé de nous répéter : « à droit constant ». Le ministère de la défense se voyait, donc, confier la mission (normalement du ressort du Parlement) d’opérer d’urgence, au plus tard le 31/12/2015, la refonte de la partie législative du code par voie d’ordonnance, tandis que celle de la partie règlementaire qui devrait suivre, était de sa compétence normale.
2°) Le deuxième mouvement fut celui de la refonte du CPMIVG.
Parmi les nombreuses parties concernées par ce code, seules les associations du CE-GIG, et celles qui avaient accepté de s’y agréger pour constituer un groupe de travail (le « GT-31 » parce qu’elles considéraient qu’il s’agissait là de leur trente et unième proposition) sont véritablement intervenues, tout au long des travaux minutieux qu’imposait cette refonte.
Pendant des mois et des mois (de septembre 2014 à décembre 2016), ce groupe de travail que j’ai animé, a négocié, pied à pied et avec plus ou moins de succès, avec l’administration, pour obtenir qu’en définitive le code refondu à naître soit un code plus fonctionnel et accessible, et qu’il permette la diffusion et la défense des droits de ses bénéficiaires.
a) S’agissant de la partie législative, où l’administration n’était rédacteur que sur procuration du Parlement
Après avoir néanmoins obtenu que l’essentiel demeure en partie législative, nous avions essuyé un refus absolu sur au moins quatre points durs :
· Refus de l’administration d’inscrire enfin la règle jurisprudentielle établie selon laquelle l'invalidité devant ouvrir droit à pension doit être évaluée à la date de la demande (Cf. à cet égard le commentaire effectué sur code.pensionsmilitaires.com, le code annoté que nous sommes en train d’élaborer, à l’article L.121-4).
· Refus de l’administration d’actualiser les « infirmités nommément désignées » permettant d’accéder à nombre d’allocations supplémentaires en sus de la pension principale, accordées aux blessés, et d’y ajouter le PTSD, cette blessure emblématique des conflits modernes, pour laquelle j’avais déjà dû lutter pour la faire homologuer « blessure de guerre » comme les autres blessures, ( Cf. jugement TA de Marseille du 27 09 2012, acte d’appel de l’administration, arrêt de débouté de l’appel CAA Marseille 25 09 2014 , qui depuis a fait jurisprudence).
· Manœuvres insidieuses de l’administration sur l’article L. 133-1 (ex L. 18). Il concerne la majoration à laquelle a droit le pensionné lorsqu’il a besoin d’être assisté par une tierce personne. Entre l’achèvement de nos relectures associatives et la publication de l’ordonnance, des aménagements au détriment des droits du pensionné ont été apportés au mépris de la règle « du droit constant », imposée pour la refonte, ainsi qu’on n’avait cessé de nous le répéter. Là encore, sans entrer dans les détails exposés dans le cadre des annotations faites pour cet article L. 133-1, il faut savoir que cette majoration représente, comme c’est toujours le cas dans le CPMIVG, un nombre de points d’indice et, qu’ainsi, à la grande différence de l’indemnité tierce personne donnée aux blessés civils, elle est sans corrélation aucune avec le coût salarial d’une tierce personne.
· Refus d’adapter l’article L. 511-1, dont le texte actuel fait qu’un militaire ne peut être reconnu « Mort pour la France » que s’il meurt en OPEX. Un militaire qui serait tué, aujourd’hui sur notre sol en combattant contre un terroriste serait déclaré « Mort pour le service de la Nation » (article L. 513-1), ce qui n’a pas la même valeur symbolique, notamment en raison de la jeunesse de cette mention et des circonstances ayant entraîné sa création.
b) S’agissant de la partie réglementaire, où l’administration est dans son rôle « naturel » de rédacteur :
Notre groupe de travail n’a pas, non plus, tout obtenu, mais il ne s’est jamais départi de son rôle d’aiguillon et peut s’enorgueillir du fait qu’aujourd’hui le CPMIVG est beaucoup plus lisible et compréhensible qu’auparavant, même si la matière demeure d’une particulière aridité. On lui doit aussi, par exemple, d’avoir obtenu la parution (après des années d’enlisement au Conseil d’État) du décret sur la médaille des blessés de guerre (D. 355-15 à D. 355-22 du CPMIVG), alors qu’à l’époque l’attention se focalisait sur la médaille nationale créée pour les victimes du terrorisme (D. 355-23 à D. 355-31).
3°) Troisième mouvement, l’entrée en vigueur le 1er janvier 2017 du code refondu, sous le titre à peine remanié de Code des Pensions Militaires d’Invalidité et des victimes de Guerre (et non plus de la Guerre).
a) Les paramètres à connaître sur cette entrée en vigueur :
Ces importants paramètres concernent la partie législative du code. Toujours conformément aux dispositions de la LPM 2014-2019 par laquelle le Parlement avait délégué les travaux rédactionnels de refonte au ministère de la défense, l’ordonnance portant partie législative du code était parue sous le n°2015-1781 du 28 décembre 2015. Son article 8 précisait qu’elle n’entrerait en vigueur qu’au plus tard le 1/01/2017 et, après publication au JORF du décret en Conseil d’État relatif à la partie règlementaire du code. Ce décret portant partie règlementaire du code du 28/12/2016 (décret 2016-1903) étant paru le 29/12/2016 au JORF, le code refondu était effectivement entré en application le 1er janvier 2017, avec une partie législative qui n’en n’avait que le nom. Elle n’a en effet toujours que valeur règlementaire aujourd’hui, l’ordonnance la portant n’ayant pas été ratifiée par le parlement, nonobstant le projet de loi déposé par le gouvernement au Sénat le 1er juin 2016 (sous l’ancienne législature donc). Nous avions alors préparé des amendements sur les 4 points précités, pour les faire prendre en compte lors de la véritable discussion parlementaire à laquelle ce texte devrait donner lieu.
b) La réforme du contentieux des PMI, lancée parallèlement par le Gouvernement, en 2016 :
Depuis 1919, les personnes souhaitant contester une demande de concession ou de rejet de pension, saisissaient des juridictions spécialement créées, et réservées à ce contentieux dit des PMI.
Après plusieurs réformes, au fil du temps, le processus impliquait :
· En première instance, l’un des 38 tribunaux de pension (composés d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un assesseur pensionné et d’un assesseur médecin)
· En appel, l’une des 37 cours régionales des pensions (composées de trois magistrats de l’ordre judiciaire)
· En cassation, le Conseil d’État.
Il s’agissait de juridictions administratives mais fonctionnant au sein et par les moyens de l’ordre judiciaire, considéré comme plus approprié à la matière (réparation de préjudices corporels).
Ce contentieux longuement et soigneusement traité dans le cadre de la refonte du CPMIVG, tant en partie législative que règlementaire, avait donné naissance dans le code refondu à un livre entier (le livre 7). Cette refonte en profondeur de ce contentieux si particulier avait apporté des améliorations significatives et remédié à nombre des dysfonctionnements déjà signalés dans le cadre des « 30 propositions » du CE-GIG, que l’on peut, pour schématiser, répartir en deux catégories : ceux provenant du fait que l’État détenteur des dossiers ne communiquait pas tous les éléments et n’est pas vraiment organisé pour faire en sorte que ce contentieux fonctionne bien, et ceux tenant à l’aridité de la matière, que de moins en moins d’acteurs de ce contentieux connaissent, ce qui se comprend puisqu’il n’en existe aucun enseignement, aucun ouvrage de référence à jour, et aucune jurisprudence publiée.
Après nous avoir donné l’impression que nous serions associés à la réforme du contentieux des PMI (comme nous l’avions été à la refonte), curieusement engagée avant même l’entrée en vigueur du code refondu (des mois de travail pour rien, donc) dont s’était saisi le ministère de la défense ayant enfin établi un lien avec le ministère de la justice (réclamé depuis 3 ans), il nous a été répété qu’aucune décision ne serait prise sans réelle concertation avec nous. Il n’en a finalement rien été. Convoqués le 4 juillet 2017 au ministère des armées, on nous a annoncé la décision du nouveau gouvernement de transférer ce contentieux « rapidement (au plus tard le 1/01/2020) », aux juridictions administratives de droit commun, en ajoutant que l’on hésitait encore sur le vecteur législatif qui porterait cette réforme (entre la loi sur « le droit à l’erreur » et la LPM 2019-2025). Puis le 3 octobre 2017, nous avons été invités au Conseil d’État pour qu’on nous « présente » les juridictions administratives de droit commun (sous leurs plus beaux atours), en nous promettant de tenir le plus grand compte, lors de ce transfert présenté comme irrévocable, des spécificités indéniables de ce contentieux. On nous a notamment vanté les mérites d’une procédure adaptée aux pensionnés, pour ce faire bienveillante, souple et à caractère oral, et comportant un utile échevinage en première instance (présence d’un assesseur pensionné et d’un assesseur médecin). Il semble, rétrospectivement, qu’il se soit agi non pas d’une simple présentation, mais d’une information puisque tout était déjà, sans doute, décidé.
II.Les « surprises » de la LPM 2019-2025
A/ Un champ de concertation anormalement réduit (au « RAPO », institué pour remplacer les tribunaux de pension).
1°) La lettre au CE-GIG du 8/01/2018, émanant de la directrice des affaires juridiques du ministère des armées :
Comme si les seuls enjeux de ce transfert abrupt de contentieux de juridictions administratives spécialisées relevant de l’ordre judiciaire, aux juridictions administratives de droit commun se résumaient à cela, ce courrier se limitait à annoncer des pistes de réflexion concernant la composition de la commission à créer qui serait en charge de l’instruction du RAPO (recours administratif préalable obligatoire). Ce recours est imaginé pour remplacer, à la fois, l’oralité indispensable à tout débat touchant au préjudice corporel, et l’échevinage qui avait cours depuis 1919.
Au surplus, les « pistes », telles qu’évoquées dans ce courrier laissaient craindre le pire puisque, à la lecture, on pouvait, légitimement penser que cette future commission ne serait qu’un clone de la CRPMI actuelle, tant décriée (Cf. les annotations effectuées pour les articles R. 151-12 et suivants).
2°) Les envois préalables à la réunion organisée le 16/02/2018 au ministère des armées :
Préalablement à la réunion du 16/02/18 l’administration n’a jamais évoqué que l’article 32 du projet de LPM, comme si celui-ci était l’unique article du projet de la LPM 2019- 2025 concernant le CPMIVG.
L’ensemble des participants s’étaient donc apparemment crus dispensés de faire une lecture exhaustive du projet de LPM, comme j’avais pris la précaution de le faire, avant la tenue de cette réunion.
Cela m’avait permis de prendre connaissance et d’étudier, préalablement à cette réunion, les articles 30 (situé dans le chapitre 7 : dit consacré au monde combattant et aux victimes de guerre), 32 et 35 (situés dans le chapitre 8 contenant « diverses mesures de simplification »), et enfin 36 (situé au chapitre 9 contenant « des mesures de diverses natures relatives notamment à l’uniformisation de dérogations bénéficiant au ministère des armées, à la ratification d’ordonnances ou à l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, notamment dans le cadre de la transformation et de la modernisation du ministère des armées. ». Ces quatre articles concernent tous le CPMIVG et donc l’ensemble des participants invités à la réunion, dont très peu en avaient conscience !
3°) Les enseignements à tirer du déroulé de la réunion du 16/02/2018 :
a) Il semble que le ministère des armées veuille absolument éviter tout véritable débat au parlement à l’occasion de la ratification de l’ordonnance du 28 décembre 2015 portant la partie législative du CPMIVG, désormais prévue à l’article 36 de la LPM.
Curieusement et sans mon intervention, l’administration qui nous avait rapidement présenté en début de séance ce qu’elle devait considérer comme des sujets susceptibles d’intéresser les représentants d’associations invités, n’aurait même pas abordé le sujet. Notons d’ailleurs que n’assistait, sauf erreur, à cette réunion aucun représentant d’associations uniquement dédiées à des victimes de guerre ou du terrorisme ni, non plus et toujours sauf erreur, aucun représentant du CSFM. Les réactions sarcastiques du SGA d’abord, ironisant sur le fait que si je voulais qu’il me présente l’intégralité des mesures prévues par la LPM, il le ferait volontiers « mais qu’alors cela prendrait beaucoup de temps », et celles de la DAJ, se déclarant « interloquée » et ironisant sur mes « lectures assidues », lorsque j’ai fait remarquer que je trouvais anormal que l’on n’ait pas attiré notre attention sur l’article 36 de la LPM, paraissent attester de cette volonté d’éviter tout débat autour de cette ratification de la partie législative du CPMIVG.
Or, si cet article est voté tel quel, nous n’aurons plus aucun moyen de tenter d’obtenir les amendements sur les quatre importants sujets exposés ci-dessus (Cf. I- B- 2°- a). On aura volé aux ressortissants du code le débat promis, dont nous attendions qu’il puisse, à ce stade de ratification, porter remède aux rigueurs de la refonte devant s’opérer « à droit constant » (pour les bénéficiaires du code, mais pas pour autant pour l’administration). La dette de reconnaissance et de réparation de la Nation à l’endroit de ses soldats et victimes de guerre ou du terrorisme semble désormais relever d’un « vecteur législatif » unique, les « LPM », ce qui a pour effet de noyer les ajouts, suppressions ou modifications des droits contenus par le CPMIVG, au milieu de toutes les autres importantes questions spécifiquement abordées dans ces LPM. C’est sans doute cette situation de « passagers clandestins » qui permet d’expliquer que ce soit, maintenant, le Conseil Constitutionnel qui doive intervenir, sur QPC, et de manière récurrente, s’agissant du CPMIVG, lorsque les textes écrits par l’administration, sans concertation avec les intéressés, et ensuite votés sans véritable débat, bafouent les principes constitutionnels. On citera l’exemple de l’article L. 113-6 qui fait partie des articles modifiés dans le cadre de la LPM (article 30 du projet de LPM), pour mettre le code en conformité avec la décision du Conseil Constitutionnel du 23 mars 2016, prise, une fois de plus au nom du principe d’égalité, entre les citoyens. Cet article L. 113-6 concerne les victimes civiles de la guerre d’Algérie qui n’étaient bénéficiaires du CPMIVG que si « elles avaient la nationalité française au 4 août 1963 ». La décision précitée du 23 mars 2016 suscitée par une QPC, avait supprimé cette date du 4 août 1963 et une toute récente décision du Conseil Constitutionnel du 8 février 2018, vient de supprimer purement et simplement la condition de nationalité française, de sorte que le texte prévu à l’article 30 de la LPM 2019-2025 doit être amendé, avant d’être voté.
De la même façon, l’article L. 154-4 , que l’article 32 de la LPM prévoit de modifier, (mais seulement en raison de la disparition des tribunaux de pensions qui y étaient visés), comporte une inégalité entre citoyens heurtant les principes constitutionnels. En effet, dans ce texte du CPMIVG que l’administration avait refusé de rectifier au stade de la refonte, toujours en vertu du principe du « droit constant », seule la victime d’erreur matérielle ayant touché, de bonne foi des sommes indues, les conservera sans limite, tandis que rien n’est prévu pour la victime qui n’aura pas perçu, par suite d’erreur, ce qu’on lui devait,
b) La LPM prévoit de faire disparaître sans véritable possibilité de débat parlementaire et, donc, dans la précipitation et la discrétion, à la fois pratiquement tout un livre du CPMIVG (le livre 7) ainsi que 38 tribunaux des pensions et 37 cours régionales des pensions. Cette LPM est-elle le bon « véhicule législatif » pour une si profonde réforme ?
Rappelons, d’abord, avec insistance, que le CPMIVG est reconnu comme étant un « code de souveraineté » (sans doute un des rares codes à pouvoir recevoir cette haute qualification), ainsi que le reconnait l’État lui-même dans son « Avant-propos » au code papier paru aux éditions des journaux officiels en novembre 2017. Ceci implique qu’il soit « géré » en interministériel, a minima, et non par le seul ministère des armées, qui a visiblement décidé qu’il serait maintenant, systématiquement retouché par le biais des LPM, qui n’interviennent, pourtant, que tous les 5 ans, et qui s’avèrent peu diligentes sur toutes ces questions (exemple : 14 mois après l’entrée en vigueur du CPMIVG refondu, l’article L. 4123-4 du code de la défense n’a toujours pas été actualisé pour tenir compte de la refonte du CPMIVG) !
Rappelons, ensuite, que l’actuel livre 7 du code des pensions intitulé « Contentieux des pensions » comporte 28 articles, en partie législative, et 59 articles, en partie réglementaire, tous répartis en IV titres et différents chapitres, homologues. Tous ces textes avaient leur importance, à la fois pour organiser les juridictions spéciales et, régir la procédure tout aussi spéciale parce qu’adaptée au fait qu’il s’agit d’un droit à réparation de « souveraineté » et non d’un droit de simple « responsabilité » ; rappelons aussi que tous ces textes avaient été très soigneusement revus et discutés dans le cadre de la toute récente refonte de ce code, en collaboration avec le ministère de la justice ce qui apparaît normal, puisque nous sommes, là, dans le domaine juridictionnel et que ce contentieux concerne des justiciables en grande majorité civils ( Cf. la présentation faite par l’administration dans l’édition papier du CPMIVG publiée en novembre 2017)
Si l’article 32 de la LPM est voté « tel quel », ce livre 7 du CPMIVG se réduira, du fait de l’abrogation prévue de ses titres II, III et IV, et de la substitution opérée en titre I, aux seuls trois articles législatifs suivants (plus aucun article en partie règlementaire) :
«
L. 711-1 : Les recours contentieux contre les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre 1er et des titres Ier, II et III du livre II sont introduits, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de justice administrative.
L. 711-2 : Les recours contentieux contre les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre Ier sont précédés d’un recours administratif préalable exercé dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État.
L. 711-3 : Les dispositions de la première partie de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique sont applicables de plein droit, sans condition de ressources, de nationalité et de résidence, aux personnes qui forment un recours contentieux en application du présent chapitre. Les personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sont soumises aux dispositions localement applicables en matière d’aide juridique civile et administrative. »
S’agissant de la rédaction minimaliste du futur article L.711-1, j’ai interrogé l’administration qui en est l’auteur, le 16/02. En réponse celle -ci a cru bon de « botter en touche » en me rétorquant « écoutez, vous donnerez des conseils au législateur, c’est comme cela que ça doit s’écrire…la loi n’est pas faite pour faire des proclamations… »)
C’est donc par le simple truchement de ce seul article L. 711-1, qui contrairement à ce que l’on m’a rétorqué « ne dit pas ce qu’il fait », que l’on s’apprête à procéder à une réforme profonde : transférer les contentieux dits « des PMI », pour l’heure pendants devant l’un des 38 tribunaux de pensions, à l’un des 42 tribunaux administratifs (TA), et les contentieux pendants devant l’une des 37 cours régionales des pensions, devant l’une des 8 cours administratives d’appel (CAA) de France.
Cela pose d’abord un problème doctrinal, puisque les TA et les CAA ont un champ de compétence « général », tandis que les juridictions de pensions sont à compétence « spéciale » à raison de la matière de souveraineté dont elles sont en charge, très éloignée du contentieux indemnitaire fondé sur la responsabilité qui est, quant à lui, de la compétence des juridictions administratives de droit commun.
Cela pose ensuite, incontestablement un problème de méthode, car aucun des groupes de justiciables concernés par ce transfert intervenant post-refonte, n’a été consulté. S’agissant d’un code de souveraineté, c’est pour le moins étonnant, d’autant qu’il s’agit de replacer abruptement et sans aucun ménagement, sous contrôle administratif, encore beaucoup plus draconien, ce contentieux qui concerne la réparation de préjudices corporels d’un public désormais majoritairement civil (les militaires réformés et les victimes civiles des guerres ou du terrorisme, et leurs familles après eux). Ainsi ces derniers subiront, à l’avenir, non seulement le régime de réparation forfaitisé prévu par le CPMIVG, mais encore les « habitudes » des juridictions administratives consistant, de notoriété publique, en matière indemnitaire, à se montrer plus soucieuses de la dépense publique que de « Réparation ».
c) Comment expliquer que presque aucune voix ne s’élève contre ce qui constitue non moins qu’un « rapt », par le ministère des armées, d’un bien appartenant à la Nation toute entière ?
Cette espèce d’indifférence générale (et de résignation des quelques « sachants ») permettant à l’administration d’œuvrer, silencieusement et sans obstacle, à d’aussi profondes transformations sur un code souverain, s’explique par une conjonction de facteurs qui doivent être énoncés, au moins pour les principaux.
· Premier facteur : le titre inapproprié du code, que l’administration a refusé de modifier à l’occasion de la refonte. Il ne s’agit pas d’un opus réservé à « des pensions militaires d’invalidité », ni à des « victimes de guerre » comme son nom l’indique de façon très trompeuse, ce qui a pour effet d’en éloigner bon nombre de personnes qui sont pourtant tout à fait concernées par l’avenir de ce code, et en particulier de son livre 7 que l’on va quasiment totalement abroger. Ce code pourrait, par exemple, être rebaptisé « code de la reconnaissance et de la réparation nationales » (CRRN), de façon à ce que son titre soit suffisamment clair pour permettre, à ceux qui en relèvent, d’avoir l’idée d’aller le consulter.
· Deuxième facteur : la très longue période de déshérence dans laquelle on a laissé ce code, a aujourd’hui pour résultat très concret qu’il ne reste qu’une poignée de juristes capables d’en appliquer les règles pour défendre, tant sur le plan de la réparation, que sur celui de la reconnaissance, ceux qui en relèvent. Ceux-ci sont, rappelons-le à nouveau, à titre d’ayants droit : les militaires en exercice (temps de paix c’est-à-dire couverture des accidents de service ou temps de guerre et missions diverses incluant évidemment les OPEX), tous ceux qui ont servi à un moment, même bref de leur vie « sous les drapeaux », les victimes de tous les conflits et celles du terrorisme (même si ces dernières n’en ont qu’assez peu conscience et on verra pourquoi), puis à titre d’ayants cause, les familles des uns et des autres, après leur disparition.
Quand on parle, ici, de déshérence on vise non seulement l’état de désordre et de vétusté du vieux code (celui codifié entre 1947 et 1953), mais aussi l’absence totale d’enseignement de sa matière très complexe et aride dans les écoles militaires, les écoles d’administration chargées de la formation des magistrats, les facultés de droit…, l’absence de continuité dans ce que l’on appelle aujourd’hui l’accessibilité au droit : aucun ouvrage de référence à jour, des guides-barèmes inaccessibles jusqu’à la refonte …
· Troisième facteur : La transformation de nos armées qui sont aujourd’hui professionnalisées et qui dans le contexte actuel des engagements (OPEX) ne sont plus susceptibles de donner naissance (et sur les plans humain et sociétal c’est tout à fait heureux) à une « génération du feu », attachée à un seul conflit et susceptible de se fédérer pour défendre collectivement ses droits. Ce facteur explique beaucoup de choses et notamment le fait que les militaires d’active qui sont -et c’est tout à leur honneur- beaucoup plus préoccupés par les moyens qu’on leur donne pour exercer leur mission de défense, que par ceux qui sont pensés, sans eux, pour qu’ils se défendent eux-mêmes en cas d’ouverture de droits à pension. Maintenus à l’écart de ce code opaque, ils ne le découvrent que lorsqu’ils sont affrontés aux difficultés administratives insurmontables qu’ils rencontrent si par malheur ils se trouvent en situation d’avoir à demander l’ouverture de droits à pension. C’est alors, et alors seulement, qu’ils réalisent qu’il vaut beaucoup mieux être un couvreur qui tombe du toit qu’il répare, ou une victime du terrorisme, qu’un militaire engagé jusqu’au sacrifice de sa vie.
· Quatrième facteur : Le traitement, tout à fait particulier, réservé aux victimes du terrorisme, qui doit être expliqué dans le cadre de cette analyse. Au temps des premiers attentats, elles n’avaient aucun droit à être indemnisées et, qui plus est, l’origine (acte de terrorisme) de leurs dommages constituait une cause d’exclusion assurantielle. Grâce au combat mené par Madame Françoise Rudetzki, ces victimes du terrorisme avaient obtenu par la loi du 9 septembre 1986 de voir réparer intégralement leur préjudice par un fonds de garantie dédié (aujourd’hui FGTI). Puis, par la loi du 6 juillet 1990, l’État avait décidé d’aller encore plus loin en leur accordant, par assimilation aux victimes civiles de guerre, l’entier bénéfice du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, et, notamment, un droit à pension et les droits accessoires prévus au livre 2. Mais, on ne parle quasiment jamais de ce statut de victime civile dont relèvent les victimes du terrorisme pour une raison assez édifiante : c’est que l’État, sauf démonstration contraire (les informations précises sont quasiment impossibles à obtenir) n’abonde pas, comme il le doit, le FGTI du montant des pensions de victimes civiles qu’il doit en application du CPMIVG. Il se contente de liquider « pour forme » ces pensions, sans jamais les verser, ni à la victime en vertu du principe qu’on ne peut indemniser deux fois un même préjudice et qu’elles ont déjà reçu l’indemnisation du FGTI, ni au FGTI qui s’alimente par nos contrats d’assurance ! De ce fait, lorsqu’advient un attentat faisant de très nombreuses victimes (Bataclan, Nice…), le FGTI est contraint de relever le montant des primes d’assurances multirisques habitation lui permettant de fonctionner.
Pour des raisons tenant à l’opacité que l’administration entretient soigneusement (Cf. les formulaires de demande de PMI) tant vis à vis du public que des professionnels, les victimes du terrorisme n’ont aucune conscience de leur qualité de bénéficiaires à part entière de ce code et se désintéressent totalement de son sort et de ses évolutions. Pourtant, si le transfert de contentieux projeté par la LPM s’opère, les victimes du terrorisme relèveront distinctement, pour le même préjudice, de deux ordres de juridiction distincts ; elles relèveront de l’ordre judiciaire pour ce qui concerne une éventuelle contestation de l’offre faite par le FGTI, et des juridictions administratives de droit commun, pour ce qui concerne les contestations découlant de la pension de victime civile, liquidée « pour forme » par la SDP.
III.Que faire après avoir obtenu d’abord que la ratification de l’ordonnance portant partie législative du CPMIVG (prévue à l’article 36), mais aussi que la suppression des juridictions spéciales des pensions (prévue par l’article 32), ne s’opèrent pas dans le cadre inadapté du projet de loi de programmation militaire 2019-2025 ?
A/ La ratification de la partie législative du CPMIVG doit évidemment avoir lieu dans les meilleurs délais, mais elle ne doit intervenir qu’au terme d’un débat parlementaire qui serait réservé au code de souveraineté qu’est le CPMIVG, ce qui permettrait d’examiner, en même temps, les importantes questions à résoudre concernant le contentieux des pensions.
1°) Rappel des points sur lesquels la refonte opérée à droit constant n’avait pas permis d’aboutir et qui doivent être discutés au Parlement, dans le cadre de la ratification de l’ordonnance 2015-1781 du 28 décembre 2015 :
Les articles du CPMIVG refondu par ordonnance nécessitant un débat des élus de la Nation sont, a minima et pour les motifs brièvement développés au I- B- 2°- a, ci-dessus:
· l’article L.121-4 afin que la date à laquelle on doit se placer pour fixer le taux d’invalidité soit inscrite dans le code en partie législative et, ainsi, enfin gravée dans le marbre de la loi.
· les articles L. 132-1 et L. 132-2 pour actualiser les « infirmités nommément désignées » permettant d’accéder à nombre d’allocations supplémentaires en sus de la pension principale, accordées aux blessés.
· l’article L. 133-1 (ex L. 18), qui concerne la majoration à laquelle a droit le pensionné lorsqu’il a besoin d’être assisté par une tierce personne, afin que soit rétabli le droit à hébergement dans un centre pour personnes dépendantes, indûment supprimé lors de la refonte pourtant effectuée à droit constant.
· l’article L. 511-1, afin qu’un militaire puisse être reconnu « Mort pour la France » s’il meurt sur notre sol dans le cadre de la guerre menée contre le terrorisme, en OPINT.
2°) Sur l’opportunité de procéder à une réforme du contentieux des pensions :
Ne nous trompons pas, ce n’est pas la réforme envisagée dans son ensemble, qui est contestable et contestée, mais les modalités fixées par l’administration du ministère des armées, sans aucune concertation avec l’ensemble des citoyens de la Nation (militaires et civils), potentiellement tous concernés par le danger terroriste et, de ce fait par le contentieux généré par l’application de ce code de souveraineté qu’est le CPMIVG. C’est le monde à l’envers, puisque c’est l’État débiteur qui prétend imposer toutes ses règles aux créanciers de la Nation.
On doit, pourtant, donner toutes les chances de se défendre efficacement à ceux qui, par vocation et abnégation, ou malchance, viendraient à devenir créanciers de la Nation et relèveraient ainsi du programme 169, inscrit chaque année au budget général de l’État.
Or, tel n’est pas le cas de ce qui est actuellement prévu par la LPM et qui sera, ensuite, mis en œuvre, dans un délai de 6 mois par un décret qui nous sera présenté en projet, mais à la rédaction duquel nous n’avons pas été invités à participer.
B/ Les questions à poser et les discussions à conduire pour réformer le contentieux des pensions
1°) Le transfert du contentieux des pensions aux juridictions administratives de droit commun dans le seul souci de « simplification administrative » est un mouvement à contre-courant.
a) Rappelons, sans la redévelopper (Cf. l’étude sur le transfert du contentieux, que j’ai réalisée précédemment, mise en ligne sur mon site personnel), l’idée soutenue par de très nombreux théoriciens du droit selon laquelle le maintien de deux ordres de juridictions distincts n’est plus justifié d’où la nécessité d’intégrer le contentieux administratif dans l’ordre judiciaire, qui serait seul maintenu.
b) Rappelons aussi le courant d’idée de plus en plus vigoureux consistant à promouvoir l’idée, qu’en tout état de cause, la réparation du dommage corporel ne doit plus relever que du seul ordre judiciaire, de façon à faire cesser l’inégalité des citoyens en matière de réparation, ceux dépendant de l’ordre administratif étant systématiquement et parfois très significativement désavantagés (Cf. là encore, l’étude précitée sur le transfert du contentieux).
2°) Quand bien même ce transfert du contentieux des pensions s’opérerait, de l’ordre judiciaire qui le gérait jusque-là, vers l’ordre administratif, cela ne peut se faire dans les conditions actuellement envisagées, qui ne prennent manifestement pas en compte la dimension « de souveraineté » du CPMIVG et la sauvegarde des intérêts des justiciables concernés :
a) Un tel transfert supposerait que les juridictions des pensions, telles qu’elles existent avec leurs spécificités liées à la matière, soient accueillies au sein des TA et CAA, par création de chambres spéciales, composées de magistrats spécialement choisis et formés à cette matière.
Il s’agit d’un contentieux très spécifique et technique ainsi que tous le reconnaissent, pour lequel il n’existe pas ou peu de supports de formation. L’expérience acquise par les magistrats de l’ordre judiciaire qui en ont assumé la lourde charge, depuis un siècle, ne peuvent pas en être écartés, comme cela, avec une telle brutalité que l’on pourrait penser qu’ils ont démérité.
b) Qui dit chambres spéciales, dit aussi procédure spéciale, telle que celle-ci est déjà prévue essentiellement par la partie règlementaire du CPMIVG (refondue tout récemment avec le plus grand soin), puisque les règles qui y sont énoncées sont celles de la procédure administrative, adaptées à raison de la spécificité de la matière.
Il n’y a donc aucune raison de supprimer cette procédure spéciale existante au profit du CJA (code de justice administrative), qu’il va nécessairement falloir adapter et modifier, au surplus. Rappelons que par exemple, à l’heure actuelle, le contentieux des pensions (autres que PMI évidemment), n’est pas jugé en formation collégiale, mais à juge unique et est aussi jugé en premier et dernier ressort (c.a.d. sans possibilité d’appel) etc…
Le projet contenu par la LPM contient donc une part indéniable d’irrationnel. Rappelons ici comment le ministère des armées conclut sa présentation du livre 7, (dans l’édition papier), né de la refonte : « Le livre VII garantit ainsi mieux les droits des ressortissants tout en fournissant à l’administration un cadre plus clair pour son action. »
c) Il faudra imposer la sauvegarde de la jurisprudence des cent dernières années, qui n’a jamais été publiée, afin que l’ordre administratif ne puisse pas prétendre « repartir de zéro », s’agissant du droit à réparation :
À cet égard, les déclarations faites par l’administration lors de la réunion du 16/02 ne peuvent qu’interpeller et inquiéter. Alors qu’en matière de contentieux des PMI, nombre de sujets relèvent « de la seule appréciation des juges du fond » (c’est-à-dire des juges composant les tribunaux des pensions et de ceux composant les cours régionales des pensions), on nous a rétorqué, alors que nous soulevions cette importante question, d’une part et comme on nous le dit depuis des années que l’on ne peut rien nous promettre, mais d’autre part et surtout qu’en tout état de cause « c’est le Conseil d’État qui fait la jurisprudence en matière de PMI. C’est lui et pas d’autres juridictions… »
Il va donc falloir se battre pour que, si transfert il y a, celui-ci s’accompagne d’un véritable traitement des archives de ces juridictions centenaires qui, à défaut, seraient rayées purement et simplement de la carte judiciaire.
Il y va de l’égalité des chances au procès, car de son côté l’État qui est l‘autre partie obligée, la possède et en use et abuse dans le cadre des instances.
Nous ne pourrons en effet accepter que le justiciable dépende exclusivement bon vouloir de l’administration qui, lors de la réunion du 16/02, encore, nous a dit, à propos de la commission à constituer pour le traitement du RAPO : « nous devons recruter spécifiquement pour les besoins de ce contentieux…il va y avoir des services qui viendront à son appui, qui seront capables de mettre en forme des décisions, d’étudier des jurisprudences, d’échanger avec vous si vous avez besoin d’avoir des précédents pour instruire de nouvelles demandes. »
3°) Un transfert du contentieux aux juridictions administratives imposera que l’on remanie la phase d’instruction de la demande en amont et que l’on respecte enfin les « droits du malade ».
Là encore, la réunion du 16/02 a été édifiante. On nous y a avoué que si, à l’heure actuelle, on ne communiquait toujours pas au demandeur l’ensemble des éléments de son dossier médical à temps pour lui permettre d’exercer ses recours, c’était pour de triviales raisons budgétaires et de coûts supplémentaires de traitement !!!!
Là encore, il faudra que les réclamations justifiées des demandeurs et de leurs conseils soient enfin toutes satisfaites. Je pense là, notamment, à la réécriture des formulaires de demande (qui ne doivent pas mélanger les assimilés militaires et les victimes civiles), à l’accusé de réception systématique des demandes formulées, que nous réclamons depuis des années, etc…
4°) La période de transfert du contentieux, s’il devait s’opérer, devra être précédée d’une phase transitoire soigneusement réglée, de façon à éviter les désordres que l’on a connus au moment de la suppression des DIAC (2011) :
Rappelons que c’est de là que provient le stock de 6000 dossiers que la SDP n’est pas parvenue, encore, à résorber, en 2018.
Une brève conclusion de ma part.
J’espère avoir convaincu qu’il faut, sans tarder, engager toutes les actions et interventions possibles et réalisables, afin d’obtenir le retrait pur et simple de l’actuel projet de LPM 2019-2025, de ces articles 32 et 36, « véritables passagers clandestins » et qui n’y ont, donc, pas leur place, pour toutes les raisons aussi importantes qu’argumentées, développées dans cette étude.
Avant de passer la plume au Général Bertrand de Lapresle, sans le soutien indéfectible duquel ma voix aurait été depuis longtemps étouffée, et qui a bien voulu conclure ce travail, je souhaite, poser la question suivante : Comment expliquer que l’administration n’ait pas attendu le rapport de la quatrième chambre de la Cour des Comptes qui se penche actuellement sur ce contentieux, et qui tarde à cause d’elle, semble-t-il ??????
Paris, ce 27 février 2018
Véronique de Tienda-Jouhet
Avocat à la Cour
Plaidant depuis 20 ans pour les ressortissants du CPMIVG
Conclusion générale.
Au nom des Blessés d’aujourd’hui et surtout de demain, je tiens d’abord à rendre un vibrant hommage à Maître Véronique de Tienda-Jouhet pour l’engagement humain et professionnel édifiant qu’elle manifeste depuis des décennies au bénéfice de nos camarades qui se sont sacrifiés pour la France.
La présente étude, réalisée dans les très brefs délais délibérément imposés par le pouvoir politique, constitue une preuve de plus, par son implacable précision juridique, appuyée sur une compétence sans cesse entretenue, mais surtout par sa hauteur de vues relative aux devoirs de la Nation à l’égard de ceux qui ont été blessés à son service, de cet engagement sans faille.
Comme le suggère l’avertissement à la présente étude, il est essentiel que le Code des Pensions Militaires d’Invalidité refondu pérennise, au lieu de les affadir, voire de les priver de leur substance, les droits imprescriptibles à reconnaissance et à réparation dus aux sacrifiés de la Nation.
Dans ce but, le rôle de la représentation nationale, qui va devoir s’exercer dans des délais très sévèrement contraints par le pouvoir exécutif, sera absolument déterminant.
Dans le cadre des recommandations de la présente étude, le législateur doit évidemment, d’abord, exercer pleinement ses responsabilités en matière de tutelle de l’administration, et d’animation du débat public. Il doit donner toute sa force à la loi dans toutes ses dimensions, sans permettre qu’elle soit altérée par une réglementation trop envahissante et léonine définie par l’administration dans le souci du respect de contraintes matérielles qui l’emporterait sur la volonté du législateur.
Ce dernier doit d’abord, à notre sens, s’attacher à rendre à la Loi de Programmation Militaire son éminente spécificité, voire sa solennité, en s’opposant à ce qu’elle soit chargée artificiellement de « passagers clandestins », surtout s’ils relèvent de thèmes aussi nobles et spécifiques que la reconnaissance et la réparation dues aux victimes de guerre, qui méritent absolument, eux aussi, un traitement particulier.
Dans le cadre de ce CPMIVG refondu, soumis à la sagesse de la représentation nationale, il faut aussi, par exemple, absolument rectifier, au niveau de la loi, les entorses flagrantes à la règle du droit constant.
Le législateur doit également s’attacher à ce que l’ambitieuse réforme du contentieux contribue non seulement à d’importantes et nécessaires simplifications administratives, mais permette avant tout au justiciable de faire aisément prévaloir la totalité des droits qu’il s’est acquis.
Il faut enfin et surtout que l’engagement déterminé des Parlementaires au service de ceux qui se sont sacrifiés pour la France permette que la réforme du Code des PMI rende son âme à ce Code de Souveraineté que l’Administration, pour des raisons éminemment compréhensibles, mais trop exclusivement administratives et financières, tend à banaliser.
Avec ce Code refondu, et alors que nous nous apprêtons à célébrer le centenaire de l’emblématique loi Lugol du 31 mars 1919, une opportunité historique est offerte à la représentation nationale de prolonger et renouveler, sans l’altérer par des considérations subalternes, l’expression de l’engagement reconnaissant et irréversible du Pays au service de ceux qui ont acquis, sous ses couleurs, droit à « Pension Militaire d’Invalidité ».
Général d’armée (2s) Bertrand de Lapresle.
Vice-président (H) de l’Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBFT. Les Gueules Cassées.)
Ancien Gouverneur des Invalides (1997-2002)