La Newsletter 16/35 de l'AALEME |
Rapport au ministre de la Défense NationaleL’évolution du corps de la Légion étrangère depuis le début du conflit en cours1er décembre 1942 Par le général de brigade Raoul Magrin-Vernerey 1 Rappel historiqueCorps fondé en 1831 pour permettre l’incorporation de soldats étrangers dans l’Armée française, la Légion Etrangère s’est depuis lors illustrée sur tous les théâtres d’opérations français au cours des 111 années écoulées, comme en attestent une foule de noms glorieux : Magenta, Sébastopol, Camerone, Gallipoli, le Maroc, le Levant, le Tonkin… La Légion Etrangère au début du conflitA la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, la Légion étrangère était composée de six Régiments Étrangers d’Infanterie et deux Régiments Étrangers de Cavalerie : La Légion étrangère dans les combats de 1940Au 9 mai 1940, le nombre d’engagés dans la Légion (l’engagement est réservé aux hommes âgés de 17 à 40 ans) atteignait le chiffre historique de 48 924 hommes. Par dédoublement des bataillons de ses régiments cadres et grâce à un fort afflux d’engagements de volontaires étrangers à l’ouverture du conflit, la Légion étrangère réussit à mettre sur pied de nouvelles unités entre l’entrée en guerre et l’attaque ennemie allemande du 10 mai 1940 :
Le 12e REI, au sein de la 8e DI, a été sévèrement étrillé lors de la défense des ponts de l’Aisne au mois de juin. Ses derniers éléments ont continué le combat au sein de la 3e Armée. Le GRDI n°97 a effectué des actions retardatrices au mois de mai sur l’axe Péronne-Barleux puis a participé à la défense de la Somme et de l’Avre au début du mois de juin. Le 9, son commandant, le lieutenant-colonel Lacombe de La Tour, a trouvé la mort au combat dans le bois de Noroy, près de Compiègne. Par la suite, le GRDI a couvert la 7e DINA. Le 21e RMVE, intégré à la 35e DI et déployé au sud des Ardennes, a tenu son secteur durant de longues semaines avant de devoir capituler. Le 22e RMVE, près de Péronne (dans les Ardennes), a participé le 24 mai à la prise de Villers-Carbonnel, mais a finalement été anéanti par les chars allemands près de Berny au début du mois de juin. Le 23e RMVE est entré en action au cours de la bataille de Soissons le 7 juin, puis s’est notamment battu à Pont sur Yonne quelques jours plus tard avant de devoir finalement battre en retraite. Des trois premiers RMVE (c’est-à-dire en dehors des quatre RMVE constitués à la hâte en juin), c’est le seul qui ait pu évacuer une partie des ses hommes lors du Grand Déménagement. Ces quatre RMVE ont subi des pertes effrayantes, puisque sur un effectif initial de 16 000 hommes, seuls 4 000 hommes ont pu être évacués vers l’Afrique du Nord lors du Grand Déménagement. Mais selon nos renseignements, une partie non négligeable de leur effectif a échappé à la capture et alimente aujourd’hui les réseaux de Résistance. Dans le même temps, la politique d’incorporation des volontaires espagnols a conduit à l’incorporation de prisonniers issus des camps du Maroc et d’Algérie, qui ont été envoyés à Sidi-bel-Abbès, où ils ont suivi une formation classique de légionnaire, excepté qu’après la formation initiale, ils ont été directement versés dans la 11e ou 14e DBLE. Il est à noter que la plupart des Espagnols recrutés dans les camps, en Métropole comme en AFN, avaient, dans les semaines suivant la déclaration de guerre, refusé de servir dans la Légion, affirmant ne vouloir servir que dans « l’armée française véritable », selon leur expression. Presque tous sont revenus sur ce choix après le Sursaut. Selon les témoignages recueillis, ils avaient été impressionnés par le refus de capituler du gouvernement français et désiraient permettre à leurs familles d’échapper aux camps d’internement et à un renvoi en Espagne. En septembre, la 13e DBLE a brillamment combattu en Sardaigne lors de l’opération Marignan, malgré l’échouage du paquebot Mexique transportant les deux tiers de ses effectifs. Elle s’est illustrée lors de la prise, par ses seules forces, de Monserrato. Elle a joué un rôle prépondérant et décisif dans le siège de Cagliari. En septembre-octobre, le 6e REI, au sein de la 192e DI, a participé à l’opération Cordite. Il a combattu lors de la conquête du Dodécanèse puis il a participé à l’occupation de cette région au sein du Détachement d’Armée Dodécanèse. L’organisation de la Légion Etrangère après le Grand DéménagementLa Légion Etrangère a su faire évoluer ses unités dans le cadre de la réorganisation de l’Armée française en exil dans l’Empire. Au 1er janvier 1941, elle alignait les unités de combat suivantes : Par ailleurs, poursuivant la mécanisation de ses unités de cavalerie, la Légion a mis sur pied deux brigades mécanisées, les 3e et 6e BMLE, à partir des 1er et 2e REC (devenus eux aussi des régiments-dépôts, stationnés en Tunisie et au Maroc). L’impact de l’afflux de volontaires sur les traditions de la Légion étrangèreLa tradition de la Légion a toujours été de gommer la nationalité de ses engagés et d’éviter au maximum la création d’unités formées à partir d’une nationalité ou d’une ethnie dominante, afin de limiter les éventuelles infiltrations pouvant être organisées par une puissance ennemie et de respecter les traditions de la Légion qui veulent que chaque engagé, quel qu’il soit et quoi qu’il ait pu faire, ne soit plus qu’un camarade aux yeux de ses camarades. C’est pourquoi les hommes de même origine avaient toujours été consciencieusement disséminés dans toutes les unités de la Légion de par le monde. Néanmoins, suite aux événements de juin 1940 communément appelés « le Sursaut », l’engagement dans la Légion étrangère d’un grand nombre d’internés espagnols a conduit dans l’urgence à constituer des RMVE dont presque tous les hommes étaient espagnols, encadrés par de trop rares sous-officiers et officiers français. Les membres de ces RMVE qui ont pu être évacués ont rejoint les volontaires recrutés en AFN et sont passés fin 1940 et début 1941 par le creuset de Sidi-bel-Abbès pour se fondre dans l’esprit et la culture de la Légion. Si leur incorporation s’était faite ensuite sur le modèle habituel de la Légion, ces volontaires auraient été dispersés dans toutes les unités du corps. Cependant, les Espagnols étaient alors trop nombreux au sein de la Légion étrangère pour que cette dispersion soit possible (la moitié environ des effectifs légionnaires étaient espagnols !) et la République vivait des heures trop sombres pour que son armée se prive de ces renforts, qui plus est motivés et doublement expérimentés. C’est pourquoi il fut décidé de constituer quelques unités à composition quasi exclusive d’une même origine : c’est ainsi que furent formées les 11e DBLE Teruel et 14e DBLE Ebro, ainsi que la 6e BMLE Brunete. Plus tard, en 1942, l’afflux de volontaires juifs venus du Levant, de Palestine, d’Afrique du Nord et d’Europe occupée, mais aussi de Palestine et des États-Unis, rejoignant les Juifs allemands et autrichiens qui avaient fui leur pays en 1937 et 1938, permit la constitution de la 15e DBLE Massada-Valmy. L’impact de cette unité pour notre propagande n’est pas neutre dans notre lutte commune contre l’Allemagne d’Hitler et pour nos idéaux. L’enrôlement de Noirs sud-africains, dont plusieurs centaines étaient désireux de combattre sous nos couleurs, ne put tenir toutes ses promesses. Les décisions prises par le gouvernement à l’égard des Indigènes de nos colonies n’étaient sans doute pas étrangères à cet engouement, ainsi que les accointances idéologiques entre les principaux mouvements d’opposition de Pretoria et certains de nos parlementaires. Après de longues discussions avec le gouvernement du Premier ministre Smuts et grâce aux bonnes relations entretenues par notre ambassadeur, il a été convenu de limiter le nombre d’engagés à 150. La coutume de disperser les engagés d’une même origine a été strictement appliquée pour éviter une inutile crise diplomatique.
L’évolution des types d’unités de la Légion étrangèreAu printemps 1940, la Légion alignait quatre types d’unités de combat : le régiment étranger d’infanterie (REI), le régiment de marche de volontaires étrangers (RMVE), la demi-brigade de la Légion étrangère (DBLE) (une seule) et le groupement de reconnaissance de division d’infanterie (GRDI) (un seul).
Ainsi, à ce jour, la Légion étrangère aligne : La dissolution, fin 1941, des 3e et 6e REI 3 a permis de dégager les cadres et hommes de troupes nécessaires à la mise en place de ces nouvelles unités ainsi qu’au remplacement des pertes liés aux opérations de 1941 puis 1942. Cette nouvelle spécialité, ouvrant des possibilités encore inexploitées par notre armée, ne pouvait qu’intéresser au plus haut point la Légion, qui se devait de participer à cette aventure. A ce jour, la Légion a constitué le 1er Régiment étranger de Parachutistes. En dehors de la Légion, les 1er, 2e puis 3e Régiments de Chasseurs Parachutistes ont été constitués à partir des quelques éléments d’Infanterie de l’Air de 1940 et des volontaires issus de l’infanterie et de l’armée de l’air. L’amalgame de ces régiments au sein d’une Division Aéroportée est envisagé, mais ce projet n’a pas encore reçu de concrétisation. 3
1941-1942 : la Légion remonte au feu– En février 1941, la 13e DBLE du colonel Koenig reçoit l’ordre de faire mouvement de Sardaigne, où elle s’était illustrée à la fin de l’année précédente, vers la Corse. Elle va bloquer deux fois avec succès les forces allemandes au col de Bavella, avant de devoir évacuer l’île. En février 1942, la demi-brigade du désormais général Koenig participe à l’assaut et à la conquête de Limnos. Elle se trouve aux premières loges pour repousser la contre-attaque aéroportée allemande, fin mars. Elle quitte Limnos en juin pour réorganisation en Afrique du Nord, après que le colonel Amilakhvari ait pris son commandement. Depuis le début de l’hiver, elle est désormais déployée en réserve de l’Armée d’Orient dans le Péloponnèse. – En mars 1941, la 14e DBLE Ebro du colonel Moreno, jusqu’alors cantonnée à la surveillance de la frontière du Maroc espagnol 4, est envoyée en Grèce en avant-garde du corps expéditionnaire français. Elle participe à la défense héroïque de Kumanovo en mai. Réorganisée en AFN, elle est engagée cette année en Sicile dès le début de l’opération Torche (zone Rouge), participant notamment à la prise de Porto Empedocle. – La 10e DBLE, envoyée en Grèce cette année dans les suites de l’opération Croisade, reçoit son baptême du feu début juillet 1942 lors de l’opération Ajax (débarquement sur l’ile de Zante), où elle obtient de rapides et décisifs succès contre des troupes d’élite italiennes. Elle venge ainsi son chef, le colonel Girard, qui a trouvé la mort à la tête de ses hommes à Akrotiri dès les premières heures de l’opération. Le colonel Girard a été remplacé par le colonel Gaucher. Par la suite, la 10e DBLE est engagée lors de Torche, où elle participe à l’encerclement des forces italiennes près de Falcone. Mais son fait d’armes le plus fameux lors de la campagne de Sicile reste d’être la première unité française à pénétrer dans Messine, couronnant le succès de toute l’opération Torche. – La 11e DBLE Teruel du colonel Pablo, qui reçoit son baptême du feu lors de l’opération Torche (septembre 1942), est engagée dans l’offensive franco-belge Quiévrain lors de la phase 2 de Torche, dite opération Trident. Elle capture les villes de Nicosia et Cesaro. – La 15e DBLE Massada-Valmy du colonel Cazaud, formée cette année, reçoit elle aussi le baptême du feu lors de l’opération Torche, en septembre-octobre. Faisant partie de la réserve stratégique, elle débarque fin septembre à l’est de Termini, jouant ainsi un rôle capital dans les actions voulues par le général Delestraint pour déstabiliser les résistances italiennes dans l’île. Elle prend Cefalu début octobre avec l’aide des blindés de la 2e DB-US. Elle est considérée comme l’une des unités qui s’est le mieux comportée dans la dernière phase de la conquête de la Sicile. – La 3e BMLE du général Jouffrault 5 reçoit le baptême du feu au mois de juin 1942 dans le Péloponnèse lors de l’opération Périclès. Elle est aujourd’hui stationnée dans le Péloponnèse. – La 4e BMLE Saigon du général Schlesser fait partie de la deuxième vague lors de Torche, recevant là son baptême du feu. Elle prend part à la conquête de Marsala et Trapani et elle est décisive dans la chute de Randazzo. – La 6e BMLE Brunete du général Faure, pour sa part, n’a toujours pas été engagée en opérations. – Le 5e REI (colonel Alessandri) est aux premières loges dès les premiers jours de la guerre avec le Japon, en décembre 1941 au Tonkin. A Cao-Bang, plusieurs de ses éléments, encerclés, se dégagent par une charge à la baïonnette. Le régiment inflige des pertes sévères à l’ennemi, mais les siennes ne sont pas négligeables. En février 1942, quelques éléments participent à l’ultime défense de Saigon. Le régiment s’est depuis lors retranché avec les 4 5 |
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Les officiers supérieurs de l’arme blindée française dans la Seconde Guerre Mondiale2e partie : les combats du renouveau (1942) Le renouveau de la doctrineFin 1941 - début 1942, l’état-major est moins accaparé par les opérations en cours et peut tirer le bilan de 18 mois de combats depuis la perte de la Métropole. Les réflexions sur le tableau d’organisation et d’équipement des grandes unités de chars connaissent alors un nouveau pas décisif, avec la disparition de l’appellation « division cuirassée » au profit de celle de « division blindée » (DB). L’organisation de ces DB confirme la structure interarmes en deux brigades blindées (chacune comprenant principalement deux bataillons de chars, deux bataillons d’infanterie mécanisée, un groupe d’artillerie et un groupe de reconnaissance) complétées par un régiment d’artillerie, un régiment antiaérien, un régiment de reconnaissance et divers services. Les grandes unités changent de nom mais gardent les mêmes chefs : on retrouve donc la 1re DB (général Sudre) avec les brigades I/1 (Malaguti) et II/1 (de Brauer), la 2e DB (Bougrain) avec les brigades I/2 (Hautecloque) et II/2 (Maître), la 3e DB (Perré) avec les brigades I/3 (Touzet du Vigier) et II/3 (Rabanit), la 5e DB (de La Font) avec les brigades I/5 (Roche) et II/5 (Vernejoul). Malgré l’arrivée de plus en plus rapide et abondante de matériel américain, chaque grande unité exigeant toujours davantage de spécialistes et de matériel, il est désormais clair que même les seules quatre divisions prévues par le plan de réarmement n°2 de 1941 ne seront pas prêtes aussi vite que prévu : trois d’entre elles (1re, 2e et 3e) devraient être pleinement opérationnelles au nouveau format avant l’été 1942, la dernière (5e DB) ne le sera qu’à la fin de l’année 1942. Après l’abandon du projet de 6e Division Cuirassée en 1941, l’état-major entérine officiellement début 1942 l’abandon du projet de 4e DB. Au même moment, les différentes composantes de chaque GRCA sont regroupées administrativement dans un unique régiment, appelé régiment de découverte : celles du 1er GRCA dans le 2e Régiment de Spahis Algériens, celles du 2e GRCA dans le 4e Régiment de Spahis Tunisiens et celles du 6e GRCA dans le 1er Régiment de Chasseurs d’Afrique. Le commandement d’un régiment étant un poste destiné à un colonel plutôt qu’à un général, Beauchesne, Leyer et Clouet des Perruches sont mutés à d’autres fonctions. Les chefs de ces trois régiments sont désormais respectivement les colonels Grévy, Morio et Langlade. Le colonel Grévy (2e RSA) commence la guerre comme chef du 4e Régiment d’Automitrailleuses au sein de la 4e DLC, engagé en mai 1940 dans les Ardennes en éclairage de la 9e Armée. En juin 1940, il commande la 14e BLM au sein de la 7e DLM et s’illustre dans les combats en retraite de la campagne de France. Évacue en AFN, il occupe diverses fonctions d’état-major fin 1940 et en 1941 avant de prendre le commandement du 2e Régiment de Spahis Algériens en janvier 1942. Le colonel Morio commande en mai 1940 le 8e Régiment de Cuirassiers (régiment de découverte de la 2e DLM), où il est cité à l’ordre de l’armée pour sa conduite à Hannut. Arrivé en AFN, il travaille avec Delestraint à la mise en place de l’Arme Blindée, s’occupant personnellement de l’identification et de l’affectation (dans des régiments de cavalerie mécanisée de l’armée d’Afrique) de tous les spécialistes des automitrailleuses évacués de Métropole. En janvier 1942, il remplace le général Leyer à la tête du 2e GRCA lorsque celui-ci devient le 4e Régiment de Spahis Tunisiens. Le colonel Paul Girot de Langlade, ancien de la Première Guerre (au cours de laquelle il a successivement servi dans la cavalerie, l’infanterie et l’aviation !), a participé à la pacification du Maroc. Il commence la guerre au sein du 1er RCA, en Tunisie, avec lequel il prend part à la conquête de la Libye (opération Scipion), avant de commander le 4e BCC au sein de la 1re DC. Il s’illustre avec cette division en Grèce en 1941 et prend ensuite le commandement du 503e RCC (toujours au sein de la IIe Brigade blindée de la 1re DC). En janvier 1942, il est donc nommé à la tête du 1er Régiment de Chasseurs d’Afrique. Tout ces changements sont la conséquence des travaux réalisés par l’état-major et l’Inspection générale de l’Arme Blindée-Cavalerie pour faire évoluer la doctrine, disposer du matériel adéquat, organiser les unités conformément au plan de réarmement n°2 et au tableau d’organisation et d’équipement type 1942… Plusieurs hommes jouent un rôle clé dans ces travaux : outre le général Langlois (aide-inspecteur général de l’Arme Blindée-Cavalerie) et le général Keller (commandant la commission Prêt-Bail française aux Etats-Unis), le rôle du général Leyer est moins connu. Le général de division Roger Leyer, aide-major général chargé des matériels, veille à la formalisation des besoins en équipement des armées françaises et à leur bon approvisionnement. Officier de cavalerie, colonel commandant le 12e régiment de Cuirassiers de la 3e Division Légère Mécanique, il combat en Belgique en mai 1940 avant de prendre le commandement la 4e Division Légère Mécanique en juin 1940 dans ses combats en retraite entre Seine et Loire puis sur la Vienne. Il dirige ensuite un groupement interarmes mécanisé au sein du corps de cavalerie, dans les combats de couverture de la retraite générale en juillet-août 1940. Une fois évacué en AFN, nommé général de brigade à l’automne 1940, il prend la tête du 2e GRCA qu’il met sur pied. Il le quitte début 1942 quand celui-ci devient 4e Régiment de Spahis Tunisiens et rejoint l’état-major comme aide-major général en charge des matériels, avant d’être nommé général de division à l’été 1942. A une époque où l’essentiel des matériels de l’armée française provient d’Amérique du Nord, il apporte un soin particulier à l’optimisation des chaînes de débarquement et remontage de ces matériels en Algérie et au Maroc. Il garde une attention spécifique pour le matériel blindé et assure une étroite liaison avec le général Keller pour persuader l’US Army de passer en limited standard certains matériels dont l’armée française a bien besoin. Le retour en GrèceEn février 1942, l’opération Croisade, qui marque le retour des armées alliées en Europe continentale – et plus exactement en Grèce, prévoit l’engagement de deux corps d’armée français au sein de l’Armée d’Orient, commandée par le général Giraud. Ces forces doivent comprendre au total une division blindée et la première brigade d’une seconde. Le choix des unités à retenir pour cette opération fait l’objet de longs débats au sein du commandement : les trois DB opérationnelles étaient volontaires. Finalement, sur l’insistance de Giraud, ce sont les unités ayant eu l’expérience de ce théâtre d’opérations l’année précédente qui sont à nouveau retenues : la 1re DB (général Sudre) et la Brigade I/2 (général Leclerc de Hautecloque), complétées par la 3e BMLE (général Jouffrault). Les régiments de découverte déployés (progressivement) en Grèce seront le 2e GRCA (4e Régiment de Spahis Tunisiens du colonel Morio) et le 6e GRCA (1er Régiment de Chasseurs d’Afrique du colonel Langlade).
Eté 1942 : changement au sommet de l’Arme Blindée et conséquencesDepuis l’hiver 1941-42, le général Delestraint, las de cette vie d’état-major et estimant avoir rempli son rôle de rénovateur de l’arme blindée, aspire à un commandement au front. Cependant, la doctrine d’emploi des blindés français évolue peu à peu, les perspectives de retour des opérations en France s’éloigne, bref la mise sur pied du corps blindé dont le commandement lui était promis ne semble pas d’actualité. C’est pourquoi l’état-major de l’Armée, désireux d’employer au front une des plus ardentes volontés parmi les généraux et une des meilleures connaissances de la guerre moderne et blindée, (et soumis à de subtiles – ou moins subtiles – pressions exercées par De Gaulle, reconnaissant envers son vieil ami), lui confie le commandement de la future 1ère Armée, destinée à être engagée en Sicile. Delestraint, nommé général d’armée, cède donc, comme prévu, en juin 1942, l’inspection générale de l’Arme Blindée au général Langlois. Dans le jeu de chaises musicales qui s’ensuit, Bougrain devient aide inspecteur-général de l’Arme Blindée. Le général Philippe Leclerc de Hautecloque prend la tête de la 2e DB tandis que le colonel Dodart des Loges le remplace à la tête de la I/2. Ces mouvements rompent avec le jusque-là sacro-saint équilibre entre officiers venus des chars de la Cavalerie et ceux venus des chars de l’Infanterie. Certains y voient une rupture avec le passé et un signe de la maturité de l’Arme Blindée ; d’autres interprètent cette décision comme la manifestation évidente de la volonté de De Gaulle de favoriser la carrière de son protégé (Hautecloque).
Automne 1942 : vers l’apogée de l’Arme BlindéeLe second semestre 1942 voit l’apogée de l’Arme Blindée en termes de nombre d’unités constituées.
L’expérience sicilienneL’opération Torche, qui permet la conquête de la Sicile en septembre et octobre 1942, est une expérience à part dans l’histoire de l’Arme Blindée-Cavalerie. Plusieurs unités blindées sont engagées : outre la Brigade Blindée belge Tancrémont, on retrouve les deux brigades de la 2e DB, la 4e BMLE, le 2e RSA ainsi que la 3e DB (qui reste en réserve et ne prend pas part aux combats). Mais malgré la présence d’un expert des blindés à la tête de la 1ère Armée française (le général Delestraint), cette campagne n’est pas marquée par l’usage des chars.
Néanmoins, les blindés français montrent l’efficacité de leur engagement souple par brigade et l’efficacité du commandement de l’avant, à la fois agressif et réactif, de leurs chefs. La 2e DB, lancée dans une progression centrale, sur des terrains très accidentés, connait là un engagement lourd et massif, les chars opérant en soutien aux attaques d’infanterie : Hautecloque, Dodart des Loges et Maître font preuve de leur compétence, tant dans la manoeuvre pour déployer leurs forces malgré des routes étroites et peu nombreuses, que dans l’organisation de puissantes attaques qui font reculer l’ennemi. En définitive, le général Schlesser, à la tête de la 4e BMLE qui s’illustre dans la conquête de l’ouest sicilien, est le commandant d’une unité blindée le plus en vue dans cette campagne (qui le change pourtant de la plaine cambodgienne !). Hiver 1942-43 : la nouvelle promotionAprès la fin des opérations en Sicile, l’état-major français se projette déjà dans la préparation du retour en France, prévu pour l’été ou l’automne de l’année suivante : il est temps de nommer les chefs qui devront conduire ces futures opérations, pour leur laisser le cas échéant le temps de se familiariser avec leurs unités et d’entrainer ces dernières. C’est aussi l’occasion de rajeunir à nouveau les cadres, en permettant aux plus anciens, qui ont tant donné pour reconstruire l’armée française en exil, de prendre un repos bien mérité. Dans l’Arme Blindée, ce changement s’opère à tous les niveaux. Au plus haut niveau tout d’abord, si ce n’est de la hiérarchie officielle de l’Arme Blindée- Cavalerie, au moins de sa hiérarchie de coeur, l’événement majeur de la période est le décès du général d’armée Charles Delestraint aux premières heures de la nouvelle année 1943. Delestraint meurt d’épuisement après avoir tant oeuvré pour la renaissance de l’Arme Blindée et la libération de son pays.
Le conflit entre Perré et De Gaulle n’est un secret pour personne dans l’armée depuis les années trente : il trouve sa source dans un débat de doctrine et des conceptions radicalement opposées sur le rôle et l’utilisation des chars d’infanterie. Il se renforce quand De Gaulle se querelle avec Pétain, dont Perré est proche. Il se double d’une compétition datant de l’époque où ils étaient les deux jeunes officiers des chars les plus en vue, promis à un bel avenir… et donc rivaux ! Si De Gaulle n’a pas pu se débarrasser de Perré en 1940 ni en 1941, en raison du nécessaire équilibre entre officiers des chars de l’Infanterie et de la Cavalerie, ni début 1942, pour ne pas changer de chef à la veille d’engager sa dernière division blindée opérationnelle, il profite de la pause à la fin des opérations en Sicile et de la disponibilité de ce nouveau poste de « général commandant les blindés de l’armée » pour imposer l’apparente promotion de Perré à un poste sur un théâtre d’opérations qu’il considère comme désormais secondaire, le privant du même coup de la joie de mener sa division dans les opérations de libération de la Métropole et de la gloire de combattre en Italie 6…
1 Le 2e RCA (après sa participation à la conquête de la Libye à l’été 1940) devait former un des régiments de chars de la future 4e DC (avec le 8e RCA comme second régiment de chars et le 1er RSM comme régiment de reconnaissance). Il perd une grande partie de ses cadres et spécialistes pendant l’hiver 1940-41 quand ceux-ci sont mutés pour compléter les effectifs des premières DC mises sur pied. Après l’abandon du projet de mise sur pied de la 4e DC/DB, le sort du 2e RCA reste incertain pendant tout le premier semestre 1942 : on parle de le mettre sur pied en tant que régiment blindé qui déploierait deux bataillons blindés de corps d’armée, ou comme régiment de chars d’infanterie pour déployer les chars de deux nouvelles DI qui passeraient au TOE-42. Finalement, c’est bien le format de régiment de chasseurs de chars qui est retenu. Bélier français (leurs adversaires les plus dangereux sont finalement les trains blindés italiens !). 3 4 Voir la 1re partie : Les Débuts de l’Arme Blindée-Cavalerie. 6 7 |