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La Newsletter 16/35 de l'AALEME

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La Newsletter 16/35 de l'AALEME

Rapport au ministre de la Défense Nationale

L’évolution du corps de la Légion étrangère depuis le début du conflit en cours

1er décembre 1942 Par le général de brigade Raoul Magrin-Vernerey 1

Rappel historique

Corps fondé en 1831 pour permettre l’incorporation de soldats étrangers dans l’Armée française, la Légion Etrangère s’est depuis lors illustrée sur tous les théâtres d’opérations français au cours des 111 années écoulées, comme en attestent une foule de noms glorieux : Magenta, Sébastopol, Camerone, Gallipoli, le Maroc, le Levant, le Tonkin…

La Légion Etrangère au début du conflit

A la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, la Légion étrangère était composée de six Régiments Étrangers d’Infanterie et deux Régiments Étrangers de Cavalerie :
– 1er REI : Sidi-bel-Abbès (Algérie) (Q.G. traditionnel de la Légion)
– 2e REI : Meknès (Protectorat du Maroc)
– 3e REI : Fez (Protectorat du Maroc)
– 4e REI : Marrakech (Protectorat du Maroc)
– 5e REI : Vietri (Tonkin) (le 5e REI était traditionnellement basé en Indochine)
– 6e REI : Baalbeck (Syrie) (dernier né des REI, ce régiment a été constitué en octobre 1939 au Levant)
– 1er REC : Sousse (Tunisie)
– 2e REC : Midelt (Protectorat du Maroc)
Ces huit unités sont à la fois des régiments de combat et des régiments-cadres, qui assurent l’incorporation et l’entraînement des recrues puis la formation de nouvelles unités.

La Légion étrangère dans les combats de 1940

Au 9 mai 1940, le nombre d’engagés dans la Légion (l’engagement est réservé aux hommes âgés de 17 à 40 ans) atteignait le chiffre historique de 48 924 hommes. Par dédoublement des bataillons de ses régiments cadres et grâce à un fort afflux d’engagements de volontaires étrangers à l’ouverture du conflit, la Légion étrangère réussit à mettre sur pied de nouvelles unités entre l’entrée en guerre et l’attaque ennemie allemande du 10 mai 1940 :
– 13e DBLE
– 11e REI (6e DINA), 12e REI (8e DI)
– GRDI n°97 (issu des 1er et 2e REC)
– 21e, 22e et 23e RMVE : ces régiments de marche de volontaires étrangers dépendaient administrativement de la Légion étrangère, mais ne contenaient que peu d’officiers et de sous-officiers d’active ou de réserve. Ils ont été formés en Métropole, sans passer par Sidibel- Abbès, donc sans recevoir la culture de la Légion étrangère. Néanmoins, ils se sont battus avec héroïsme.
………
1
NDE – Le général Magrin-Vernerey, alors sans affectation, avait été choisi par ses pairs pour faire la synthèse de leurs rapports individuels. Il devait au début de 1943 recevoir le commandement de la 6e BMLE.


Toutes ces unités ont combattu de mai à juillet dans la campagne de France, à l’exception de la 13e DBLE, qui est intervenue en Norvège et a conquis les villes de Bjervik et Narvik avant de revenir en France début juin.


Le 11e REI, au sein de la 6e DINA, basé dans le secteur de Sedan, a résisté héroïquement dans le bois d’Inor les 27 et 28 mai (pertes estimées à 300 hommes). En juin, il s’est d’abord replié sur la Meuse où il a combattu en arrière-garde près de Verdun avant de devoir capituler, prisonnier de la poche de Lorraine.

Le 12e REI, au sein de la 8e DI, a été sévèrement étrillé lors de la défense des ponts de l’Aisne au mois de juin. Ses derniers éléments ont continué le combat au sein de la 3e Armée.

Le GRDI n°97 a effectué des actions retardatrices au mois de mai sur l’axe Péronne-Barleux puis a participé à la défense de la Somme et de l’Avre au début du mois de juin. Le 9, son commandant, le lieutenant-colonel Lacombe de La Tour, a trouvé la mort au combat dans le bois de Noroy, près de Compiègne. Par la suite, le GRDI a couvert la 7e DINA.

Le 21e RMVE, intégré à la 35e DI et déployé au sud des Ardennes, a tenu son secteur durant de longues semaines avant de devoir capituler.

Le 22e RMVE, près de Péronne (dans les Ardennes), a participé le 24 mai à la prise de Villers-Carbonnel, mais a finalement été anéanti par les chars allemands près de Berny au début du mois de juin.

Le 23e RMVE est entré en action au cours de la bataille de Soissons le 7 juin, puis s’est notamment battu à Pont sur Yonne quelques jours plus tard avant de devoir finalement battre en retraite. Des trois premiers RMVE (c’est-à-dire en dehors des quatre RMVE constitués à la hâte en juin), c’est le seul qui ait pu évacuer une partie des ses hommes lors du Grand Déménagement.
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Mi-juin 1940, face à la gravité de la situation, tous les dépôts métropolitains de la Légion ont formé des bataillons de marche. Par ailleurs et surtout, l’appel du gouvernement aux Républicains Espagnols a permis un nouvel afflux de volontaires, issus des camps et des Compagnies de Travailleurs Étrangers – dans l’urgence et sur l’ordre de l’autorité politique, l’Armée a dû passer outre ses doutes sur la fiabilité de ces réfugiés et a accepté d’armer des hommes engagés jusque là dans les CTE, désarmées). Plus de 20 000 hommes ont répondu à l’appel et 9 000 ont pu être incorporés dans des unités combattantes. Ce renfort a permis de créer quatre nouveaux régiments de marche de volontaires étrangers, les 24e, 25e, 26e et 27e RMVE. Encore plus mal équipés et encadrés que les trois premiers RMVE, ces « régiments ficelles » n’en ont pas moins combattu avec énergie sur la Dordogne, dans les Landes et en Provence (notons cependant que ces unités possédaient souvent un encadrement officieux assuré par d’anciens officiers et sous-officiers de l’armée républicaine espagnole).

Ces quatre RMVE ont subi des pertes effrayantes, puisque sur un effectif initial de 16 000 hommes, seuls 4 000 hommes ont pu être évacués vers l’Afrique du Nord lors du Grand Déménagement. Mais selon nos renseignements, une partie non négligeable de leur effectif a échappé à la capture et alimente aujourd’hui les réseaux de Résistance. Dans le même temps, la politique d’incorporation des volontaires espagnols a conduit à l’incorporation de prisonniers issus des camps du Maroc et d’Algérie, qui ont été envoyés à Sidi-bel-Abbès, où ils ont suivi une formation classique de légionnaire, excepté qu’après la formation initiale, ils ont été directement versés dans la 11e ou 14e DBLE.

Il est à noter que la plupart des Espagnols recrutés dans les camps, en Métropole comme en AFN, avaient, dans les semaines suivant la déclaration de guerre, refusé de servir dans la Légion, affirmant ne vouloir servir que dans « l’armée française véritable », selon leur expression. Presque tous sont revenus sur ce choix après le Sursaut. Selon les témoignages recueillis, ils avaient été impressionnés par le refus de capituler du gouvernement français et désiraient permettre à leurs familles d’échapper aux camps d’internement et à un renvoi en Espagne.
………
Durant l’été 1940, la Légion étrangère a participé de façon substantielle à la conquête de la Libye, avec la participation aux combats des 1er et 3e REI et des 1er et 2e REC (escadrons montés et motorisés). En juillet, le 1er REI et le 1er REC ont participé à l’encerclement de deux divisions italiennes en Tripolitaine avec la réserve du XIXe C.A. du général Bessières, qui les a utilisés comme troupes de choc et d’exploitation. Le 3e REI et deux escadrons du 2e REC, au sein de la 3e DM, ont pris part à la prise de Bir-el-Ghnem, Jefren et Tazzoli et se sont illustrés pendant toute la campagne de Lybie.

En septembre, la 13e DBLE a brillamment combattu en Sardaigne lors de l’opération Marignan, malgré l’échouage du paquebot Mexique transportant les deux tiers de ses effectifs. Elle s’est illustrée lors de la prise, par ses seules forces, de Monserrato. Elle a joué un rôle prépondérant et décisif dans le siège de Cagliari.

En septembre-octobre, le 6e REI, au sein de la 192e DI, a participé à l’opération Cordite. Il a combattu lors de la conquête du Dodécanèse puis il a participé à l’occupation de cette région au sein du Détachement d’Armée Dodécanèse.

L’organisation de la Légion Etrangère après le Grand Déménagement

La Légion Etrangère a su faire évoluer ses unités dans le cadre de la réorganisation de l’Armée française en exil dans l’Empire. Au 1er janvier 1941, elle alignait les unités de combat suivantes :
– 1er REI (au sein de la Division Territoriale d’Alger)
– 3e REI (au sein de la 3e DM [général Mordacq], au Maroc)
– 5e REI (toujours déployé en Indochine)
– 6e REI (au sein de la 192e DI [général Jeannel], en Méditerranée Orientale)
– 10e Demi-Brigade de la Légion étrangère (colonel Girard) : 3 bataillons
– 11e DBLE (colonel Pablo) : 3 bataillons
– 13e DBLE (lieutenant-colonel Amilakhvari) : 3 bataillons
– 14e DBLE (colonel Moreno) : 3 bataillons
– 3e BMLE (à l’instruction en Tunisie, général Jouffrault)
– 6e BMLE (à l’instruction à Marrakech, général Faure)
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En effet, au vu du succès de la 13e DBLE en Norvège, la Légion étrangère a mis sur pied trois autres unités comparables, de format plus souple que le régiment et bien adapté à des actions de choc dans des terrains difficiles et compartimentés. Ces unités ont été formées à partir des cadres des 2e et 4e REI (lesquels poursuivent leur existence administrative comme régiments dépôts, stationnés au Maroc et permettant la formation de nouvelles unités de combat) ainsi que des engagés étrangers des RMVE qui avaient pu être évacués lors du Grand Déménagement.

Par ailleurs, poursuivant la mécanisation de ses unités de cavalerie, la Légion a mis sur pied deux brigades mécanisées, les 3e et 6e BMLE, à partir des 1er et 2e REC (devenus eux aussi des régiments-dépôts, stationnés en Tunisie et au Maroc).

L’impact de l’afflux de volontaires sur les traditions de la Légion étrangère

La tradition de la Légion a toujours été de gommer la nationalité de ses engagés et d’éviter au maximum la création d’unités formées à partir d’une nationalité ou d’une ethnie dominante, afin de limiter les éventuelles infiltrations pouvant être organisées par une puissance ennemie et de respecter les traditions de la Légion qui veulent que chaque engagé, quel qu’il soit et quoi qu’il ait pu faire, ne soit plus qu’un camarade aux yeux de ses camarades. C’est pourquoi les hommes de même origine avaient toujours été consciencieusement disséminés dans toutes les unités de la Légion de par le monde.

Néanmoins, suite aux événements de juin 1940 communément appelés « le Sursaut », l’engagement dans la Légion étrangère d’un grand nombre d’internés espagnols a conduit dans l’urgence à constituer des RMVE dont presque tous les hommes étaient espagnols, encadrés par de trop rares sous-officiers et officiers français.

Les membres de ces RMVE qui ont pu être évacués ont rejoint les volontaires recrutés en AFN et sont passés fin 1940 et début 1941 par le creuset de Sidi-bel-Abbès pour se fondre dans l’esprit et la culture de la Légion. Si leur incorporation s’était faite ensuite sur le modèle habituel de la Légion, ces volontaires auraient été dispersés dans toutes les unités du corps. Cependant, les Espagnols étaient alors trop nombreux au sein de la Légion étrangère pour que cette dispersion soit possible (la moitié environ des effectifs légionnaires étaient espagnols !) et la République vivait des heures trop sombres pour que son armée se prive de ces renforts, qui plus est motivés et doublement expérimentés. C’est pourquoi il fut décidé de constituer quelques unités à composition quasi exclusive d’une même origine : c’est ainsi que furent formées les 11e DBLE Teruel et 14e DBLE Ebro, ainsi que la 6e BMLE Brunete.

Plus tard, en 1942, l’afflux de volontaires juifs venus du Levant, de Palestine, d’Afrique du Nord et d’Europe occupée, mais aussi de Palestine et des États-Unis, rejoignant les Juifs allemands et autrichiens qui avaient fui leur pays en 1937 et 1938, permit la constitution de la 15e DBLE Massada-Valmy. L’impact de cette unité pour notre propagande n’est pas neutre dans notre lutte commune contre l’Allemagne d’Hitler et pour nos idéaux.
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Cependant, une tradition séculaire ne saurait être purement et simplement abandonnée. La création de ces trois demi-brigades ne signifiait pas que la composition d’unités sur une base nationale ou ethnique allait devenir la règle au sein de la Légion. Ainsi, ni les volontaires allemands (la plupart antifascistes) incorporés avant la guerre, ni les centaines d’Indochinois issus de la dizaine de milliers de travailleurs transférés en Métropole au début de la guerre et engagés entre l’automne 1940 et le printemps 1941 ne furent regroupés au sein d’unités homogènes ; ils furent tous dispersés au sein des formations de la Légion. La question ne s’est pas non plus posée pour les 250 à 300 jeunes volontaires venus des États-Unis (en 1940-1941) et d’Amérique du Sud, désireux de défendre la France et ses idéaux 2.

L’enrôlement de Noirs sud-africains, dont plusieurs centaines étaient désireux de combattre sous nos couleurs, ne put tenir toutes ses promesses. Les décisions prises par le gouvernement à l’égard des Indigènes de nos colonies n’étaient sans doute pas étrangères à cet engouement, ainsi que les accointances idéologiques entre les principaux mouvements d’opposition de Pretoria et certains de nos parlementaires. Après de longues discussions avec le gouvernement du Premier ministre Smuts et grâce aux bonnes relations entretenues par notre ambassadeur, il a été convenu de limiter le nombre d’engagés à 150. La coutume de disperser les engagés d’une même origine a été strictement appliquée pour éviter une inutile crise diplomatique.
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Aujourd’hui, le parcours traditionnel d’une recrue de la Légion a été rétabli : d’abord inscription dans un de nos bureaux de recrutement sur la planète, puis passage par Sidi-bel- Abbès pour une période de formation initiale, ensuite envoi dans l’un des régiments-dépôts : 1er REI (à Sidi-bel-Abbès), 2e REI (au Maroc), 4e REI (au Maroc), 6e REI (au Levant), 1er REC (en Tunisie) ou 2e REC (au Maroc). La nouvelle recrue est ensuite incorporée au sein d’une unité combattante.


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NDE – Le général Magrin-Vernerey « oublie » opportunément dans ce décompte les « envoyés spéciaux » de l’US Army, de l’US Navy et de l’US Army Air Corps, tous officiers ou sous-officiers, dont l’intégration dans les forces françaises s’était faite sous le masque de la Légion. Tous devaient par la suite (au plus tard au début de 1942) retrouver leurs couleurs nationales. Leur nombre reste encore aujourd’hui secret.

L’évolution des types d’unités de la Légion étrangère

Au printemps 1940, la Légion alignait quatre types d’unités de combat : le régiment étranger d’infanterie (REI), le régiment de marche de volontaires étrangers (RMVE), la demi-brigade de la Légion étrangère (DBLE) (une seule) et le groupement de reconnaissance de division d’infanterie (GRDI) (un seul).


L’évolution des doctrines, et en particulier la motorisation et la mécanisation des unités montées, a orienté la cavalerie de la Légion étrangère vers la mise sur pied de brigades mécanisées, les Brigades Mobiles de la Légion étrangère (BMLE), unités fortement dotées en blindés, aptes aussi bien à la contre-attaque qu’à l’exploitation, en terrain plat ou modérément accidenté.


Par ailleurs, avec la disparition des RMVE et la constitution des nouvelles divisions essentiellement à partir de régiments d’infanterie d’Afrique, la Légion étrangère a réorganisé la plus grande partie de son infanterie pour en faire des unités interarmes puissantes mais souples d’emploi, utilisables pour le choc ou la contre-attaque même dans les terrains les plus difficiles et compartimentés, les Demi-Brigades de la Légion étrangère (DBLE).

Ainsi, à ce jour, la Légion étrangère aligne :
– trois Brigades Mobiles : les 3e, 4e et 6e BMLE.
– cinq Demi-Brigades : les 10e, 11e, 13e, 14e et 15e DBLE.
– et deux régiments qui, pour différentes raisons, ont conservé l’ancien format :
- le 1er REI, qui officie au sein de la Division Territoriale d’Alger pour l’accueil des nouveaux engagés ;
- et le 5e REI, qui a vaillamment combattu au printemps 1941 contre les Thaïlandais, a été renforcé à l’automne de la même année, puis a défendu le Tonkin contre les Japonais fin 1941 et début 1942 ; il opère maintenant du camp retranché de Dien-Bien-Phu et représente toujours glorieusement la Légion étrangère en Indochine.

La dissolution, fin 1941, des 3e et 6e REI 3 a permis de dégager les cadres et hommes de troupes nécessaires à la mise en place de ces nouvelles unités ainsi qu’au remplacement des pertes liés aux opérations de 1941 puis 1942.
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De plus, un nouveau type d’unité a vu le jour au sein de la Légion : il s’agit de la spécialité parachutiste. Cette dernière avait fait à partir de 1935 ses premiers pas dans l’Armée française après les stages d’un certain nombre d’officiers à l’école soviétique de Toula-Ryazan, mais ce sont les succès allemands en Hollande et en Belgique au mois de mai 1940 qui ont fini par convaincre l’état-major de développer l’Infanterie de l’Air, jusqu’alors embryonnaire.

Cette nouvelle spécialité, ouvrant des possibilités encore inexploitées par notre armée, ne pouvait qu’intéresser au plus haut point la Légion, qui se devait de participer à cette aventure.

A ce jour, la Légion a constitué le 1er Régiment étranger de Parachutistes. En dehors de la Légion, les 1er, 2e puis 3e Régiments de Chasseurs Parachutistes ont été constitués à partir des quelques éléments d’Infanterie de l’Air de 1940 et des volontaires issus de l’infanterie et de l’armée de l’air. L’amalgame de ces régiments au sein d’une Division Aéroportée est envisagé, mais ce projet n’a pas encore reçu de concrétisation.
………
Ces différentes unités et les théâtres d’opérations multiples sur lesquels elles peuvent être engagées montrent bien la mue aussi certaine que discrète opérée par la Légion étrangère, deux ans et demi après le terrible choc du Grand Déménagement. Mais pendant cette mue, la Légion a continué de livrer bataille.

3
Ces deux régiments de la Légion ont été respectivement remplacés par le 3e Régiment de Tirailleurs Marocains et par le 12e Régiment de Tirailleurs Tunisiens au sein des 3e DM et 192e DIA.

 

1941-1942 : la Légion remonte au feu

– En février 1941, la 13e DBLE du colonel Koenig reçoit l’ordre de faire mouvement de Sardaigne, où elle s’était illustrée à la fin de l’année précédente, vers la Corse. Elle va bloquer deux fois avec succès les forces allemandes au col de Bavella, avant de devoir évacuer l’île. En février 1942, la demi-brigade du désormais général Koenig participe à l’assaut et à la conquête de Limnos. Elle se trouve aux premières loges pour repousser la contre-attaque aéroportée allemande, fin mars. Elle quitte Limnos en juin pour réorganisation en Afrique du Nord, après que le colonel Amilakhvari ait pris son commandement. Depuis le début de l’hiver, elle est désormais déployée en réserve de l’Armée d’Orient dans le Péloponnèse.

– En mars 1941, la 14e DBLE Ebro du colonel Moreno, jusqu’alors cantonnée à la surveillance de la frontière du Maroc espagnol 4, est envoyée en Grèce en avant-garde du corps expéditionnaire français. Elle participe à la défense héroïque de Kumanovo en mai. Réorganisée en AFN, elle est engagée cette année en Sicile dès le début de l’opération Torche (zone Rouge), participant notamment à la prise de Porto Empedocle.

– La 10e DBLE, envoyée en Grèce cette année dans les suites de l’opération Croisade, reçoit son baptême du feu début juillet 1942 lors de l’opération Ajax (débarquement sur l’ile de Zante), où elle obtient de rapides et décisifs succès contre des troupes d’élite italiennes. Elle venge ainsi son chef, le colonel Girard, qui a trouvé la mort à la tête de ses hommes à Akrotiri dès les premières heures de l’opération. Le colonel Girard a été remplacé par le colonel Gaucher. Par la suite, la 10e DBLE est engagée lors de Torche, où elle participe à l’encerclement des forces italiennes près de Falcone. Mais son fait d’armes le plus fameux lors de la campagne de Sicile reste d’être la première unité française à pénétrer dans Messine, couronnant le succès de toute l’opération Torche.

– La 11e DBLE Teruel du colonel Pablo, qui reçoit son baptême du feu lors de l’opération Torche (septembre 1942), est engagée dans l’offensive franco-belge Quiévrain lors de la phase 2 de Torche, dite opération Trident. Elle capture les villes de Nicosia et Cesaro.

– La 15e DBLE Massada-Valmy du colonel Cazaud, formée cette année, reçoit elle aussi le baptême du feu lors de l’opération Torche, en septembre-octobre. Faisant partie de la réserve stratégique, elle débarque fin septembre à l’est de Termini, jouant ainsi un rôle capital dans les actions voulues par le général Delestraint pour déstabiliser les résistances italiennes dans l’île. Elle prend Cefalu début octobre avec l’aide des blindés de la 2e DB-US. Elle est considérée comme l’une des unités qui s’est le mieux comportée dans la dernière phase de la conquête de la Sicile.

– La 3e BMLE du général Jouffrault 5 reçoit le baptême du feu au mois de juin 1942 dans le Péloponnèse lors de l’opération Périclès. Elle est aujourd’hui stationnée dans le Péloponnèse.

– La 4e BMLE Saigon du général Schlesser fait partie de la deuxième vague lors de Torche, recevant là son baptême du feu. Elle prend part à la conquête de Marsala et Trapani et elle est décisive dans la chute de Randazzo.

– La 6e BMLE Brunete du général Faure, pour sa part, n’a toujours pas été engagée en opérations.

– Le 5e REI (colonel Alessandri) est aux premières loges dès les premiers jours de la guerre avec le Japon, en décembre 1941 au Tonkin. A Cao-Bang, plusieurs de ses éléments, encerclés, se dégagent par une charge à la baïonnette. Le régiment inflige des pertes sévères à l’ennemi, mais les siennes ne sont pas négligeables. En février 1942, quelques éléments participent à l’ultime défense de Saigon. Le régiment s’est depuis lors retranché avec les

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NDE – Le maintien dans ce rôle d’une unité constituée d’anti-franquistes était un message envoyé à Franco, soulignant que tout excès de complaisance envers Berlin risquait de lui faire perdre gros…

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NDE – Le général Le Couteulx de Caumont lui succèdera dans les derniers jours de 1942. forces vietnamiennes et françaises dans la base Épervier, dont il assure la défense en attendant que la situation opérationnelle en Indochine lui permette de reprendre l’offensive.
– Enfin, en septembre de cette année, le 1er REP (lieutenant-colonel Bergé) participe à l’opération Torche, assurant la couverture de la zone Rouge du débarquement sur le flanc est. Couvrant la route de Licata, il fait mieux que bonne figure face aux blindés italiens. Le 1er REP se trouve actuellement toujours en Sicile, au repos en réserve d’armée

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Les officiers supérieurs de l’arme blindée française dans la Seconde Guerre Mondiale

2e partie : les combats du renouveau (1942)

Le renouveau de la doctrine

Fin 1941 - début 1942, l’état-major est moins accaparé par les opérations en cours et peut tirer le bilan de 18 mois de combats depuis la perte de la Métropole. Les réflexions sur le tableau d’organisation et d’équipement des grandes unités de chars connaissent alors un nouveau pas décisif, avec la disparition de l’appellation « division cuirassée » au profit de celle de « division blindée » (DB). L’organisation de ces DB confirme la structure interarmes en deux brigades blindées (chacune comprenant principalement deux bataillons de chars, deux bataillons d’infanterie mécanisée, un groupe d’artillerie et un groupe de reconnaissance) complétées par un régiment d’artillerie, un régiment antiaérien, un régiment de reconnaissance et divers services.

Les grandes unités changent de nom mais gardent les mêmes chefs : on retrouve donc la 1re DB (général Sudre) avec les brigades I/1 (Malaguti) et II/1 (de Brauer), la 2e DB (Bougrain) avec les brigades I/2 (Hautecloque) et II/2 (Maître), la 3e DB (Perré) avec les brigades I/3 (Touzet du Vigier) et II/3 (Rabanit), la 5e DB (de La Font) avec les brigades I/5 (Roche) et II/5 (Vernejoul). Malgré l’arrivée de plus en plus rapide et abondante de matériel américain, chaque grande unité exigeant toujours davantage de spécialistes et de matériel, il est désormais clair que même les seules quatre divisions prévues par le plan de réarmement n°2 de 1941 ne seront pas prêtes aussi vite que prévu : trois d’entre elles (1re, 2e et 3e) devraient être pleinement opérationnelles au nouveau format avant l’été 1942, la dernière (5e DB) ne le sera qu’à la fin de l’année 1942. Après l’abandon du projet de 6e Division Cuirassée en 1941, l’état-major entérine officiellement début 1942 l’abandon du projet de 4e DB.

Au même moment, les différentes composantes de chaque GRCA sont regroupées administrativement dans un unique régiment, appelé régiment de découverte : celles du 1er GRCA dans le 2e Régiment de Spahis Algériens, celles du 2e GRCA dans le 4e Régiment de Spahis Tunisiens et celles du 6e GRCA dans le 1er Régiment de Chasseurs d’Afrique. Le commandement d’un régiment étant un poste destiné à un colonel plutôt qu’à un général, Beauchesne, Leyer et Clouet des Perruches sont mutés à d’autres fonctions. Les chefs de ces trois régiments sont désormais respectivement les colonels Grévy, Morio et Langlade.

Le colonel Grévy (2e RSA) commence la guerre comme chef du 4e Régiment d’Automitrailleuses au sein de la 4e DLC, engagé en mai 1940 dans les Ardennes en éclairage de la 9e Armée. En juin 1940, il commande la 14e BLM au sein de la 7e DLM et s’illustre dans les combats en retraite de la campagne de France. Évacue en AFN, il occupe diverses fonctions d’état-major fin 1940 et en 1941 avant de prendre le commandement du 2e Régiment de Spahis Algériens en janvier 1942.

Le colonel Morio commande en mai 1940 le 8e Régiment de Cuirassiers (régiment de découverte de la 2e DLM), où il est cité à l’ordre de l’armée pour sa conduite à Hannut.

Arrivé en AFN, il travaille avec Delestraint à la mise en place de l’Arme Blindée, s’occupant personnellement de l’identification et de l’affectation (dans des régiments de cavalerie mécanisée de l’armée d’Afrique) de tous les spécialistes des automitrailleuses évacués de Métropole. En janvier 1942, il remplace le général Leyer à la tête du 2e GRCA lorsque celui-ci devient le 4e Régiment de Spahis Tunisiens.

Le colonel Paul Girot de Langlade, ancien de la Première Guerre (au cours de laquelle il a successivement servi dans la cavalerie, l’infanterie et l’aviation !), a participé à la pacification du Maroc. Il commence la guerre au sein du 1er RCA, en Tunisie, avec lequel il prend part à la conquête de la Libye (opération Scipion), avant de commander le 4e BCC au sein de la 1re DC. Il s’illustre avec cette division en Grèce en 1941 et prend ensuite le commandement du 503e RCC (toujours au sein de la IIe Brigade blindée de la 1re DC). En janvier 1942, il est donc nommé à la tête du 1er Régiment de Chasseurs d’Afrique.

Tout ces changements sont la conséquence des travaux réalisés par l’état-major et l’Inspection générale de l’Arme Blindée-Cavalerie pour faire évoluer la doctrine, disposer du matériel adéquat, organiser les unités conformément au plan de réarmement n°2 et au tableau d’organisation et d’équipement type 1942… Plusieurs hommes jouent un rôle clé dans ces travaux : outre le général Langlois (aide-inspecteur général de l’Arme Blindée-Cavalerie) et le général Keller (commandant la commission Prêt-Bail française aux Etats-Unis), le rôle du général Leyer est moins connu.

Le général de division Roger Leyer, aide-major général chargé des matériels, veille à la formalisation des besoins en équipement des armées françaises et à leur bon approvisionnement. Officier de cavalerie, colonel commandant le 12e régiment de Cuirassiers de la 3e Division Légère Mécanique, il combat en Belgique en mai 1940 avant de prendre le commandement la 4e Division Légère Mécanique en juin 1940 dans ses combats en retraite entre Seine et Loire puis sur la Vienne. Il dirige ensuite un groupement interarmes mécanisé au sein du corps de cavalerie, dans les combats de couverture de la retraite générale en juillet-août 1940. Une fois évacué en AFN, nommé général de brigade à l’automne 1940, il prend la tête du 2e GRCA qu’il met sur pied. Il le quitte début 1942 quand celui-ci devient 4e Régiment de Spahis Tunisiens et rejoint l’état-major comme aide-major général en charge des matériels, avant d’être nommé général de division à l’été 1942. A une époque où l’essentiel des matériels de l’armée française provient d’Amérique du Nord, il apporte un soin particulier à l’optimisation des chaînes de débarquement et remontage de ces matériels en Algérie et au Maroc. Il garde une attention spécifique pour le matériel blindé et assure une étroite liaison avec le général Keller pour persuader l’US Army de passer en limited standard certains matériels dont l’armée française a bien besoin.

Le retour en Grèce

En février 1942, l’opération Croisade, qui marque le retour des armées alliées en Europe continentale – et plus exactement en Grèce, prévoit l’engagement de deux corps d’armée français au sein de l’Armée d’Orient, commandée par le général Giraud. Ces forces doivent comprendre au total une division blindée et la première brigade d’une seconde. Le choix des unités à retenir pour cette opération fait l’objet de longs débats au sein du commandement : les trois DB opérationnelles étaient volontaires. Finalement, sur l’insistance de Giraud, ce sont les unités ayant eu l’expérience de ce théâtre d’opérations l’année précédente qui sont à nouveau retenues : la 1re DB (général Sudre) et la Brigade I/2 (général Leclerc de Hautecloque), complétées par la 3e BMLE (général Jouffrault). Les régiments de découverte déployés (progressivement) en Grèce seront le 2e GRCA (4e Régiment de Spahis Tunisiens du colonel Morio) et le 6e GRCA (1er Régiment de Chasseurs d’Afrique du colonel Langlade).


Les combats dans le Péloponnèse, région montagneuse au terrain compartimenté, ne se prêtent pas aux grandes cavalcades blindées. Les chars français, engagés le plus souvent par brigade (voire par bataillon) rendent néanmoins de fiers services en appui des fantassins. La doctrine française de groupements inter-armes mêlant chars mais aussi infanterie (portée) et artillerie (autopropulsée) en sort renforcée. Cette campagne est aussi l’occasion de tester au feu les nouveaux matériels. Ainsi, le 25 juin 1942, dans les champs et oliveraies proches de la petite ville d’Aghios Sostis, les premiers chars moyens SAV-42 Bélier (deux compagnies de la brigade Malaguti de la 1re DB) affrontent les blindés allemands. Douloureusement surpris, ceux-ci constatent à leurs dépens que ces nouveaux chars surclassent leurs Panzer Mk III tant au niveau de l’armement qu’à celui de la protection… et que leur supériorité en savoir-faire est devenue trop faible (si même elle existe encore) pour compenser leur infériorité matérielle.


En juin, la brigade Hautecloque est retirée de Grèce pour se reconstituer en Afrique du Nord avant l’opération Torche (débarquement en Sicile) auquel la 2e DB toute entière doit participer. En septembre, c’est au tour de la 1re DB du général Sudre de quitter le Péloponnèse. Outre les régiments de reconnaissance, les seules unités blindées engagées en Grèce au sein de l’Armée d’Orient sont désormais la 3e BMLE et la Brigade Blindée Polonaise (général Maczek).

 

Eté 1942 : changement au sommet de l’Arme Blindée et conséquences

Depuis l’hiver 1941-42, le général Delestraint, las de cette vie d’état-major et estimant avoir rempli son rôle de rénovateur de l’arme blindée, aspire à un commandement au front. Cependant, la doctrine d’emploi des blindés français évolue peu à peu, les perspectives de retour des opérations en France s’éloigne, bref la mise sur pied du corps blindé dont le commandement lui était promis ne semble pas d’actualité. C’est pourquoi l’état-major de l’Armée, désireux d’employer au front une des plus ardentes volontés parmi les généraux et une des meilleures connaissances de la guerre moderne et blindée, (et soumis à de subtiles – ou moins subtiles – pressions exercées par De Gaulle, reconnaissant envers son vieil ami), lui confie le commandement de la future 1ère Armée, destinée à être engagée en Sicile. Delestraint, nommé général d’armée, cède donc, comme prévu, en juin 1942, l’inspection générale de l’Arme Blindée au général Langlois. Dans le jeu de chaises musicales qui s’ensuit, Bougrain devient aide inspecteur-général de l’Arme Blindée. Le général Philippe Leclerc de Hautecloque prend la tête de la 2e DB tandis que le colonel Dodart des Loges le remplace à la tête de la I/2. Ces mouvements rompent avec le jusque-là sacro-saint équilibre entre officiers venus des chars de la Cavalerie et ceux venus des chars de l’Infanterie. Certains y voient une rupture avec le passé et un signe de la maturité de l’Arme Blindée ; d’autres interprètent cette décision comme la manifestation évidente de la volonté de De Gaulle de favoriser la carrière de son protégé (Hautecloque).


Les mouvements chez les dirigeants de l’Arme Blindée se poursuivent en juillet avec la nomination du général de la Font au commandement des écoles de l’arme. Le général de Vernejoul devient le nouveau commandant de la 5e DB. Il cède le commandement de sa brigade au général Méric de Bellefon.


Le général de brigade Henri Méric de Bellefon a opéré au sein du corps de cavalerie, tout d’abord en commandant le 1er régiment de Dragons Portés de la 4e Brigade Légère Mécanique (au sein de la 2e DLM) en mai 1940 en Belgique, puis à la tête de la 2e Brigade Légère Mécanique en France en juin et juillet 1940. Une fois évacué en AFN, il prend la tête du le 1er Régiments de Dragons Portés (un des régiments d’infanterie motorisée de la 5e DC), qu’il réorganise et entraîne. Nommé général de brigade en juillet 1942, il prend donc le commandement de la brigade II/5.

 

Automne 1942 : vers l’apogée de l’Arme Blindée

Le second semestre 1942 voit l’apogée de l’Arme Blindée en termes de nombre d’unités constituées.


Si le nombre de divisions blindées n’évolue pas, deux nouveaux régiments de découverte voient le jour : d’une part le 3e Régiment de Spahis Marocains (colonel Mozat) qui devient opérationnel en septembre 1942, d’autre part le 4e Régiment de Spahis Marocains (colonel Navarre) qui ne devient opérationnel qu’en janvier 1943. En effet, les nouveaux plans de l’état-major ne réservent plus les régiments de découverte aux seuls corps d’armée blindés, mais demandent que chaque corps d’armée dispose de son groupe de reconnaissance de corps. Ce sont donc désormais cinq régiments de découverte qui seront sur pied début 1943 pour opérer au sein des cinq corps d’armée prévus pour être engagés à fin 1943.


A la même époque, l’Arme Blindée-Cavalerie française, influencée par les interactions avec l’Armored Corps et le Tank Destroyer Command américains, se dote d’un nouveau type de régiment blindé : les régiments de chasseurs de chars. Deux régiments de ce type, dotés d’un mélange d’engins à canon en casemate (SAV-AU-42) et de d’engins à tourelles (M11 puis M36) sont créés à l’automne 1942 et deviennent opérationnels au printemps 1943 : le 6e Régiment de Chasseurs d’Afrique (colonel-prince Murat) et le 2e Régiment de Chasseurs d’Afrique (colonel de Loustal).


Le colonel-prince Charles Murat 1 a commencé la guerre en tant que commandant du 68e BCC au Levant (Homs, Syrie), avec lequel il participe à la conquête du Dodécanèse en septembre 1940, puis à la garnison des îles de la mer Egée. Début 1941, les matériels et personnels du 68e BCC sont versés au 6e Régiment de Chasseurs d’Afrique (avec les 40 derniers R-35), créé au Levant, et dont le Lt-colonel Murat prend la tête. Il s’illustre ensuite dans la campagne d’Irak en avril et mai 1941. Revenu au Levant, le colonel Murat est rapatrié en AFN début 1942 pour diriger la remise sur pied du 6e RCA (finalement, après des mois d’hésitations, sur un modèle de régiment de chasseurs de chars).


Le colonel de Loustal commence la guerre au sein du 1er Régiment de Cuirassiers (partie intégrante de la 3e DLM). Il opère en Belgique en mai 1940, puis, évacué via Dunkerque, reprend le combat sur la Loire et dans le centre du pays pendant la première campagne de France. Il est transféré vers l’AFN en juillet et intègre d’abord l’état-major, et plus particulièrement la commission chargée de dresser le bilan de la campagne de France et la mise à plat de la doctrine d’utilisation des chars. Il devient ensuite commandant adjoint de l’école de Saumur-Mediouna, au sein de laquelle, en 1941 et 1942, il dirige la formation des équipages de chars de l’armée française. A l’été 1942, il est nommé à la tête du 2e Régiment de Chasseurs d’Afrique 2 quand celui-ci se transforme sur le modèle de régiment de chasseurs de chars.


Du côté des blindés de la Légion, outre la 3e BMLE déployée en Grèce et la 4e BMLE (général Schlesser) à l’entraînement en AFN, une 6e BMLE (général Faure) est créée, elle achève son entrainement en AFN au début de 1943.

 

L’expérience sicilienne

L’opération Torche, qui permet la conquête de la Sicile en septembre et octobre 1942, est une expérience à part dans l’histoire de l’Arme Blindée-Cavalerie. Plusieurs unités blindées sont engagées : outre la Brigade Blindée belge Tancrémont, on retrouve les deux brigades de la 2e DB, la 4e BMLE, le 2e RSA ainsi que la 3e DB (qui reste en réserve et ne prend pas part aux combats). Mais malgré la présence d’un expert des blindés à la tête de la 1ère Armée française (le général Delestraint), cette campagne n’est pas marquée par l’usage des chars.


Le terrain très montagneux n’est pas propice aux grandes chevauchées. Les blindés alignés par l’adversaire, en l’absence de chars allemands, sont peu nombreux et de piètre qualité : ce ne sont pas les M13/41 italiens qui peuvent donner la réplique aux SAV-42

Néanmoins, les blindés français montrent l’efficacité de leur engagement souple par brigade et l’efficacité du commandement de l’avant, à la fois agressif et réactif, de leurs chefs. La 2e DB, lancée dans une progression centrale, sur des terrains très accidentés, connait là un engagement lourd et massif, les chars opérant en soutien aux attaques d’infanterie : Hautecloque, Dodart des Loges et Maître font preuve de leur compétence, tant dans la manoeuvre pour déployer leurs forces malgré des routes étroites et peu nombreuses, que dans l’organisation de puissantes attaques qui font reculer l’ennemi. En définitive, le général Schlesser, à la tête de la 4e BMLE qui s’illustre dans la conquête de l’ouest sicilien, est le commandant d’une unité blindée le plus en vue dans cette campagne (qui le change pourtant de la plaine cambodgienne !).

Hiver 1942-43 : la nouvelle promotion

Après la fin des opérations en Sicile, l’état-major français se projette déjà dans la préparation du retour en France, prévu pour l’été ou l’automne de l’année suivante : il est temps de nommer les chefs qui devront conduire ces futures opérations, pour leur laisser le cas échéant le temps de se familiariser avec leurs unités et d’entrainer ces dernières. C’est aussi l’occasion de rajeunir à nouveau les cadres, en permettant aux plus anciens, qui ont tant donné pour reconstruire l’armée française en exil, de prendre un repos bien mérité. Dans l’Arme Blindée, ce changement s’opère à tous les niveaux. Au plus haut niveau tout d’abord, si ce n’est de la hiérarchie officielle de l’Arme Blindée- Cavalerie, au moins de sa hiérarchie de coeur, l’événement majeur de la période est le décès du général d’armée Charles Delestraint aux premières heures de la nouvelle année 1943. Delestraint meurt d’épuisement après avoir tant oeuvré pour la renaissance de l’Arme Blindée et la libération de son pays.


D’autres changements moins brutaux interviennent. Le général de brigade Maurice Dodart des Loges, qui commandait la brigade blindée I/2 et qui approchait de l’âge limite de maintien en première section pour son grade, est promu général de division en décembre 1942 et nommé chef de la mission de liaison tchécoslovaque. Il est remplacé à la tête de la Brigade Blindée I/2 par le (désormais) général de brigade (à titre temporaire) Paul Girot de Langlade, promu après son superbe comportement dans le Péloponnèse. Ce dernier est remplacé à la tête du 1er RCA par le colonel Séchet.


La promotion du général Paul Jouffrault suit un calendrier proche de celle de Dodart des Loges : en décembre 1942, il est promu général de division et nommé au commandement de la 192e DIA (en remplacement du général Jeannel, promu à la tête des troupes au Levant) et il est remplacé à la tête de la 3e BMLE par le général de brigade Guy Le Couteulx de Caumont.


Paul Jouffrault, officier de cavalerie, commande une des dernières brigades à cheval (1re Brigade de Spahis) début 1940, s’illustre dans la première bataille de France, du Luxembourg en mai jusqu’à la vallée du Rhône en juin et juillet en passant par Stonne, puis il prend la tête d’une unité mécanisée de la Légion étrangère qu’il entraîne en 1941 avant de la conduire au feu en Grèce en 1942 ; il poursuit désormais sa carrière à la tête d’une division d’infanterie (africaine).


Quant à Guy Le Couteulx de Caumont, il a commencé la guerre à la tête du 3e Régiment d’Automitrailleuses (au sein de la 3e DLC) et a combattu sans discontinuer de mai à fin juin 1940 pendant la campagne de France (au Luxembourg et dans les Ardennes, puis sur la Somme, la Seine, en Normandie et finalement en Bretagne où il est blessé) avant de rembarquer à Brest avec les restes de son régiment pour gagner l’AFN. Après une longue convalescence, Le Couteulx de Caumont est affecté début 1941 au 8e Régiment de Cuirassiers comme adjoint du chef de corps, plus particulièrement chargé de l’entraînement tactique (pour faire profiter cette unité de son expérience de la campagne de France à la tête d’une unité de reconnaissance mécanisée). Fin décembre 1942, enfin promu général, il reçoit le commandement de sa propre brigade.


En novembre 1942, l’état-major de l’Armée redonne vie à la fonction de « général commandant les blindés de l’Armée ». Sur la base des expériences de l’Armée d’Orient en Grèce et, plus récemment, de la 1ère Armée en Sicile, et dans l’optique de la préparation du prochain retour en Métropole, l’état-major souhaite donner au général commandant chacune des armées françaises un adjoint issu de l’Arme Blindée-Cavalerie, formé à la doctrine et expert du commandement de forces blindées modernes, qui pourrait s’assurer que les diverses composantes blindées de l’armée (division blindée, régiment de découverte, mais aussi éventuelles brigades blindées – de la Légion Etrangère ou alliées – et autres bataillons de chars ou régiments de chasseurs de chars) soient utilisées au mieux et si nécessaire ensemble dans des groupements ad-hoc. Ainsi, en novembre 1942, le général de division Marteau est nommé « commandant les blindés de la 1re Armée 3 » et le général de division Perré « commandant les blindés de la 2e Armée 4 ».


Le général André Marteau, ancien commandant de la 7e DLM pendant la première campagne de France, puis commandant désigné de la 4e Division Cuirassée (puis Division Blindée) de fin 1940 jusqu’à la dissolution de cette dernière début 1942, a dirigé entretemps le camp de manoeuvre des blindés au Maroc. Après plus de deux ans de frustration, Marteau retrouve ainsi la perspective réjouissante de servir au front lors de la reconquête de la Métropole.


La nomination de Perré apparait plus problématique. Le général Jean Perré a supporté sans protester sa mise au piquet de l’été 1940 5, assurant les tâches de mise sur pied de la 3e DC sans avoir le titre de général de division. Il semble que – représentant ainsi les officiers venus des chars de l’Infanterie – il ait abjuré ses anciennes convictions de défenseurs des chars d’accompagnement de l’infanterie. Le 14 juillet 1941, il est enfin nommé officiellement général de division et commandant titulaire de la 3e DC. Après ces années de relative disgrâce, Perré croit avoir tourné la page quand sa 3e Division Blindée est retenue pour participer à l’invasion de la Sicile en septembre 1942, même si elle reste en réserve et ne joue aucun rôle actif. Mais De Gaulle a la rancune tenace.

Le conflit entre Perré et De Gaulle n’est un secret pour personne dans l’armée depuis les années trente : il trouve sa source dans un débat de doctrine et des conceptions radicalement opposées sur le rôle et l’utilisation des chars d’infanterie. Il se renforce quand De Gaulle se querelle avec Pétain, dont Perré est proche. Il se double d’une compétition datant de l’époque où ils étaient les deux jeunes officiers des chars les plus en vue, promis à un bel avenir… et donc rivaux ! Si De Gaulle n’a pas pu se débarrasser de Perré en 1940 ni en 1941, en raison du nécessaire équilibre entre officiers des chars de l’Infanterie et de la Cavalerie, ni début 1942, pour ne pas changer de chef à la veille d’engager sa dernière division blindée opérationnelle, il profite de la pause à la fin des opérations en Sicile et de la disponibilité de ce nouveau poste de « général commandant les blindés de l’armée » pour imposer l’apparente promotion de Perré à un poste sur un théâtre d’opérations qu’il considère comme désormais secondaire, le privant du même coup de la joie de mener sa division dans les opérations de libération de la Métropole et de la gloire de combattre en Italie 6…


La succession de Perré à la tête de la 3e DB est une affaire compliquée entre tenants du maintien de la parité entre officiers des chars de l’Infanterie et de la Cavalerie et partisans de la promotion des officiers les plus aptes à appliquer la nouvelle doctrine de l’Arme Blindée. Les noms de Malaguti ou Maître sont cités, mais c’est finalement le général de division Geoffroi du Bois de Beauchesne qui est nommé.


Ancien commandant de la 2e Brigade Légère Mécanique avec laquelle il combat en Belgique en mai 1940, puis chef de la 1re DLM en juin 1940, il acquiert une solide expérience des combats de retardement et de contre-attaque menés par de petits groupements mécanisés interarmes en juin et juillet 1940. Une fois évacué en AFN, il utilise son expérience pour mettre sur pied le 1er GRCA. Début 1942, quand celui-ci devient le 2e Régiment de Spahis Algériens, il le quitte pour prendre la direction du Département de la Cavalerie au Ministère de la Guerre 7. Avec cette nomination à la tête de la 3e DB, il peut espérer retrouver un emploi au front.


Cette nomination, qui brise définitivement l’équilibre entre anciens de l’Infanterie et de la Cavalerie dans l’Arme Blindée, marque une nouvelle étape dans l’évolution de celle-ci : définitivement adulte, elle peut cesser de se soucier de ses origines et concentrer toute son attention sur ses missions futures…

1
Descendant direct du célèbre maréchal d’Empire.

2
Le 2e RCA (après sa participation à la conquête de la Libye à l’été 1940) devait former un des régiments de chars de la future 4e DC (avec le 8e RCA comme second régiment de chars et le 1er RSM comme régiment de reconnaissance). Il perd une grande partie de ses cadres et spécialistes pendant l’hiver 1940-41 quand ceux-ci sont mutés pour compléter les effectifs des premières DC mises sur pied. Après l’abandon du projet de mise sur pied de la 4e DC/DB, le sort du 2e RCA reste incertain pendant tout le premier semestre 1942 : on parle de le mettre sur pied en tant que régiment blindé qui déploierait deux bataillons blindés de corps d’armée, ou comme régiment de chars d’infanterie pour déployer les chars de deux nouvelles DI qui passeraient au TOE-42. Finalement, c’est bien le format de régiment de chasseurs de chars qui est retenu. Bélier français (leurs adversaires les plus dangereux sont finalement les trains blindés italiens !).

3
1re Armée en garnison en Sicile, et en cours de repos et recomplètement en vue d’être engagée en France en 1943.

4
2e Armée déployée en Grèce dans le Péloponnèse.

5
Voir la 1re partie : Les Débuts de l’Arme Blindée-Cavalerie.

6
Perré atteindra le comble de l’amertume quand son successeur, à la tête de « sa » division, défilera dans Rome en libérateur…

7
Poste auquel lui succède le général de brigade Henri Préaud.


Traduction

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