Jean-Marc Ducos | 06 Févr. 2016
C'était le 3 février 1976. Jean-Michel Dupont, jeune appelé du contingent, avait 19 ans et assurait le ramassage scolaire des enfants de militaires français sur les bases de Djibouti. Mais ce jour là, son car est pris d'assaut par une équipe de terroristes du Front de libération de la Côte des Somalis (FLCS).
Pour mettre fin à cette prise d'otages à Loyada, à la frontière avec la Somalie, le gouvernement français paniqué fait appel à une unité alors totalement inconnue : le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Ce sera leur premier fait d'armes. Ils neutraliseront les 8 ravisseurs en un tir simultané. Cette stratégie les fera entrer dans l'histoire.
Sportif accompli, passionné de basket, Jean-Michel Dupont qui se destinait à la mécanique devient chauffeur de bus dans l'Armée de l'Air, le temps de son service national. «Je faisais la tournée des bases de Djibouti pour conduire les enfants à l'école. Je prenais les plus jeunes», se souvient Jean-Michel Dupont, 59 ans, avant de détailler les faits de ce 3 février 1976.
Des terroristes armés à bord du Saviem
Comme d'habitude, il croise son ami au volant de l'autre bus, transportant, lui, les collégiens. «Et d'un seul coup je l'ai vu se reculer. Son visage avait changé», raconte Jean-Michel qui n'a pas deviné que les terroristes montaient à bord de son Saviem. «L'un d'eux m'a mis son arme dans le dos et m'a dit Avance. Alors j'ai roulé», continue l'ancien appelé qui redoute alors le pire au moment où il va croiser le premier poste militaire sur la route. «Les enfants étaient comme figés au début», se souvient t-il. L'un de ses ravisseur ouvre le feu contre un poste tenu par des légionnaires qui prennent en chasse le car.
«Je me demandais quand ils allaient m'abattre»
«Les terroristes m'ont dit de prendre la piste vers la frontière avec la Somalie. J'ai songé à un moment à coucher le bus, mais j'y ai renoncé ne sachant pas si les enfants allaient survivre à l'accident. Et je me suis arrêté à 200 m de la frontière à Loyada par plus de 35 degrés», relate celui qui deviendra par la suite conseiller d'éducation dans l'enseignement. Le bus stoppé, un gendarme vient aux nouvelles des exigences des preneurs d'otages. Jean-Michel rédige alors sur un bout de papier leurs exigences et la confie au plus jeune des écoliers à bord du car pour qu'il les apporte aux autorités. «Une pure folie mais il était le premier libéré», dit-il avec le recul. Le jeune appelé se prépare à une première nuit dans le car avec la trentaine enfants à qui il sert de nounou.
«Je ne pouvais pas abandonner les enfants»
Dans le car, la situation est surréaliste. Le jeune appelé a été rejoint par une assistante sociale qui fait la navette avec la base des légionnaires. «Le soir j'ai songé à fuir. Je n'avais que 50 m à faire. Mais je suis resté pour les enfants, je ne pouvais les abandonner», dit-il encore.
Deux enfants tués et lui handicapé à vie
Une rafale du huitième terroriste, le seul à riposter, fauche la petite Nadine Durand. Une autre enfant Valérie Geissbuhler ne survivra pas à ses blessures. La rafale hache la jambe gauche de Jean-Michel qui part en lambeaux. Il passera 6 mois à l'hôpital et restera handicapé à vie. «J'ai surmonté l'épreuve. A l'époque il n'y avait pas de cellule psychologique. Mais le tir groupé du GIGN, c'était la seule issue pour nous sortir de là...», jure Jean-Michel Dupont. D
Depuis la parution du livre sur ces événements tragique, Jean-Michel a reçu des messages d’«anciens otages». «Je m'aperçois qu'ils ne m'ont pas oublié», constate-t-il avec satisfaction.
*«Les Enfants de Loyada» de Jean-Luc Riva aux éditions Nimrod. 21 €.