01/06/2015
«Regardez comment meurt un Garibaldien ! crie un homme en tombant dans la mêlée hagarde. La France s’agenouille auprès de lui, le regarde, et grave se relève en disant : ‘‘Il meurt bien’’ ». C’est ainsi qu’Edmond Rostand présente les engagés volontaires italiens dans « La Chemise rouge », fidèles hérauts de la cause latine, saisis par l’amour de la patrie française et prêts au sacrifice ultime pour elle. Sans aucun doute, parmi eux, certains étaient motivés par de tels sentiments. Mais au-delà de cette image idyllique, « on ne peut que difficilement faire abstraction de la précarité qui pèse sur les immigrés italiens », explique l’historienne Stéfanie Prezioso après avoir reconnu qu’« aujourd’hui encore il est difficile de revisiter la trajectoire de ces engagés tant leur geste a été mythifié alors même que les combats de la Première Guerre mondiale faisaient encore rage ».
Pour comprendre la vraie motivation de ces hommes qui s’engagent dans l’armée française régulière, dans la légion républicaine de Nice, ou dans le 4e régiment de Marche de la Légion étrangère qui s’illustrera en Argonne (Bois de Bolante) au prix fort (300 morts et disparus, 400 blessés), il faut d’abord s’intéresser à l’immigration italienne. C’est elle en effet qui fournit le contingent le plus important parmi les volontaires étrangers. Au soir du 3 août 1914, ils sont 8.000 à se présenter à Paris pour s’engager. « Ce qui n’étonne guère, lorsque l’on sait que la France est le premier pays européen d’émigration des Italiens et que cette communauté constitue alors la première immigration par ordre d’importance de l’Hexagone », rappelle l’historienne.
Cette population ne sait pas ce que le déclenchement du conflit va concrètement signifier pour elle. La France va-t-elle les renvoyer chez eux ? Et, si l’Italie devait entrer en guerre du « mauvais côté », qu’adviendrait-il d’eux dans un pays devenu ennemi ? Ces questions vont longtemps les tarauder. Aussi beaucoup décident de s’enrôler dans la Légion étrangère. Ce type d’engagement est contracté pour la durée de la guerre. « On mesure l’importance capitale de cette disposition, dès lors qu’il devient clair que la guerre sera longue. Il s’agit d’échapper à la faim et à la misère » qui attendent les Italiens en France ou au destin de ceux qui, poussés par l’avancée des troupes allemandes, entreprennent un voyage exténuant et désespéré vers l’Italie.
Certains engagés correspondent pourtant bien à l’image d’Épinal qui colle généralement aux troupes de volontaires, prêts au sacrifice pour la nation qui les « accueille » et pour leurs idéaux républicains et nationalistes. C’est en particulier le cas de nombre d’engagés de la fameuse légion garibaldienne créé le 5 novembre 1914 et dissoute quatre mois plus tard. Le régiment de 3.220 hommes (la grande majorité vivant à Paris, dans le Midi, en Rhône-Alpes et dans l’Est), est commandé par Peppino Garibaldi, petit-fils du « héros des deux mondes. ». Dans ses rangs, on trouve également un certain Lazzaro Ponticelli, le dernier vétéran français. L’ancien immigré eut droit à des funérailles nationales en présence du président de la République (2008). On oubliera de rappeler que lui comme ses camarades avaient été renvoyés en Italie sans grand ménagement quand celle-ci entrera en guerre (23 mai 1915).
Jérôme ESTRADA :
L’Italie fournit le contingent le plus important parmi les volontaires étrangers