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Les derniers secrets de la bataille de Ðiện Biên Phủ

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Publié le 07-05-2015

Pour le 61e anniversaire de la défaite de Diên Biên Phu, deux ouvrages paraissent chez Nimrod, l’un relatant le destin croisé de six soldats d’Indochine, l’autre livrant, pour la première fois en français, les notes secrètes de la CIA sur cette guerre du bout du monde.

Les Chemins de Diên Biên Phu - Franck Mirmont avec Heinrich Bauer, Jean Carpentier, Jean Guêtre, Pierre Latanne, Bernard Ledogar et Jean-Louis Rondy- 576 pages avril 2015 - 23 € La guerre d’Indochine vue par la CIA - Franck Mirmont, 288 pages - mai 2015 - 21 € (c) Nimrod

Les Chemins de Diên Biên Phu - Franck Mirmont avec Heinrich Bauer, Jean Carpentier, Jean Guêtre, Pierre Latanne, Bernard Ledogar

et Jean-Louis Rondy- 576 pages avril 2015 - 23 € La guerre d’Indochine vue par la CIA - Franck Mirmont, 288 pages - mai 2015 - 21 € (c) Nimrod

 

C’est un défi éditorial original, ambitieux et réussi. Pour le 61è anniversaire de la chute de Diên Biên Phu, le 7 mai 1954, Nimrod, maison spécialisée dans les récits militaires, publie deux épais ouvrages (près de 1.000 pages en tout !) qui apportent un éclairage nouveau sur les derniers mois avant la déroute française. Les deux livres se répondent, ont la même photo de couverture, l’une dans les tons sépia, l’autre dans les nuances de grenat.

Le premier, « les chemins de Diên Biên Phu », met en scène le destin croisé de six soldats, cinq Français et un Allemand. Même s’il faut un peu s’accrocher au départ pour bien repérer qui est qui, on les accompagne à partir de leur enfance, évoquée avec finesse et sensibilité. Au fil des pages, les profils s’affinent, les caractères s’affirment. Sont racontés les valeurs, événements, rencontres initiatiques, injonctions ou malédictions familiales qui vont pousser ces tous jeunes gens, -valet de ferme, orphelin de guerre, enfant mal aimé, apprenti exploité ou fils de bonne famille-, dans un conflit du bout du monde. On les suit dans la jungle, la chaleur, l’humidité jusqu’à ces combats âpres, désespérants, et finalement inutiles, dans lesquels ils vont se sublimer au fil des mois, affrontant la peur, la mort. L’indicible, aussi, y compris dans les camps de prisonniers où, devenus des « fantômes », ils échoueront.

Plus aride, le second ouvrage, "la guerre d’Indochine vue par la CIA", livre les analyses –inédites en français- que les services secrets américains élaborent au jour le jour, pendant les années 1950-1954. L’éditeur, François de Saint Exupéry, a eu la bonne idée de confier le projet à son auteur et traducteur favori : Franck Mirmont, qui a mené un travail d’archiviste, se plongeant dans des documents tout juste déclassés, et dont la plume, alerte, n’empêche pas une restitution rigoureuse de cette littérature militaro-diplomatique.

Le rôle des grandes puissances en Indochine

Les dépêches, télégrammes et notes éclairent, -toujours à travers le prisme des Etats-Unis-, le rôle des grandes puissances en Indochine. Les ambitions, les craintes, les non-dits, la course au pouvoir. On voit grandir les appétits de Pékin et de l’armée viêt-minh, la puissance de l’Union soviétique. On sent comment, petit à petit, les Américains prennent conscience que ce conflit n’est pas seulement une guerre d’indépendance, mais avant tout un affrontement entre monde occidental et monde communiste.

On réalise, aussi, combien la classe politique française de la IVè République a pu se montrer veule, lâche, indécise et impuissante. Pays en perte de vitesse, elle nourrit de grandes aspirations géostratégiques, sans le budget pour les mener à bien. Elle n’hésite donc pas à demander l’aumône à un protecteur américain de plus en plus condescendant et irrité. Il s’agace en 1951 : « Les officiels français ont l’habitude d’exagérer leurs difficultés financières afin d’obtenir une plus grande aide des États-Unis ou d’accélérer le versement de cette aide ».

 

Les Chemins de Diên Biên Phu - Franck Mirmont avec Heinrich Bauer, Jean Carpentier, Jean Guêtre, Pierre Latanne, Bernard Ledogar et Jean-Louis Rondy- 576 pages avril 2015 - 23 €

La guerre d’Indochine vue par la CIA - Franck Mirmont, 288 pages - mai 2015 - 21 €

 

Extraits chronologiques de ces deux ouvrages, où se mêlent petite et Grande Histoire. La déroute analysée par les services secrets de Washington (1 à 4) et vécue par des hommes exsangues (5 à 12)

1) Mars 1952 : L’Indochine « problème politique » à Paris

L’ambassadeur américain à Paris rend compte d’un consensus de différents chefs de partis politiques selon lequel le gouvernement Pinay échouera à la fin de l’été ou au début de l’automne pour être remplacé par une coalition comprenant des socialistes et peut-être des gaullistes, afin de tenir compte des réactions populaires devant l’impossibilité de Pinay à résoudre les difficultés financières de la France.

L’ambassadeur rapporte également que le problème de l’Indochine pourrait à nouveau constituer un problème politique majeur. Il souligne les prédictions d’une personnalité radical-socialiste selon laquelle, à moins d’une aide accrue des États-Unis, un retrait d’Indochine deviendrait un point de ralliement commun pour cette nouvelle coalition.

2) Juillet 1952 : les Français privés de « psychologie de la victoire »

L’ambassadeur Heath à Saigon a appris du ministre britannique, lors d’une récente visite à Singapour, que Letourneau avait « inquiété » les officiels britanniques avec ses affirmations sur les objectifs militaires français en Indochine. Letourneau a insisté sur la nécessité de geler les opérations et a évoqué une réduction sensible des effectifs militaires français en Indochine d’ici à la fin 1954 – laquelle sera rendue possible par la création d’une armée nationale vietnamienne forte de huit divisions. Le ministre britannique a indiqué que Letourneau lui avait donné l’impression de ne pas être animé d’une «psychologie de la victoire».

3) Décembre 1952 : « Obtenir le soutien américain »…

Les Français tentent d’utiliser la situation en Indochine comme un levier pour obtenir une plus grande aide américaine. L’ambassadeur Draper a rendu compte de ce qu’ils ont également essayé d’obtenir le soutien américain pour appuyer la résolution sur l’Indochine en échange d’un soutien français à une résolution de l’OTAN pressant pour une ratification du traité de la Communauté européenne de défense.

4) Mars 1953 … et« une augmentation de l’aide financière en Indochine »

Selon le délégué adjoint à la mission permanente de la France à l’OTAN, Baraduc, le seul objectif de la visite du président du Conseil René Mayer à Washington est d’obtenir une augmentation de l’aide financière en Indochine, notamment pour l’armée vietnamienne. Baraduc indique que la France acceptera les recommandations sur les engagements de l’OTAN si elle reçoit de nouvelles aides pour l’Indochine. Le cabinet de l’ambassadeur Draper en déduit que la France pourrait mettre en danger toute l’organisation des forces de l’OTAN en insistant sur la réduction des effectifs français et allemands à moins qu’un « partage du budget » ne soit adopté.

5) Décembre 1953 : « l’encerclement de Diên Biên Phu mené par des professionnels »

À l’issue d’un violent combat qui fait plusieurs morts et une quarantaine de blessés dans les rangs des forces françaises, les légionnaires ont la surprise de découvrir des blockhaus viêts parfaitement construits. L’encerclement de Diên Biên Phu a déjà commencé et il est mené par des soldats professionnels ! Les obus continuant de pleuvoir sur leurs positions, les Français demandent un appui aérien qui intervient au coucher du soleil sous forme de bombardements au napalm. Les collines du Pou Ya Tao s’embrasent, prenant au piège aussi bien des éléments viêts que des Franco-Laotiens dispersés au cours des offensives ennemies. La plus grande confusion règne.

6) Février 1954 : Les officiels, « ignorants du danger qui couve »

Ignorants du danger qui couve, les officiels viennent se faire prendre en photo à Diên Biên Phu, avant de s’émerveiller devant les camps de tentes, les alvéoles à découvert de l’artillerie lourde, la piste d’atterrissage et ses avions parfaitement alignés ou encore les quelques abris creusés qui résistent parfaitement aux infiltrations de pluie, mais dont la structure ne saurait arrêter un obus. Le 19 février 1954, au cours d’une prise d’armes organisée à Diên Biên Phu, le ministre de la Défense nationale et des Forces armées René Pleven remet la fourragère de la médaille militaire au fanion du 1er BEP.

7) Mars 1954 : « les premiers « fantômes » de Diên Biên Phu

Le 14 mars, vers 4 heures du matin, Jean-Louis Rondy voit apparaître les premiers « fantômes » de Diên Biên Phu. Ces hommes au visage hagard et au treillis déchiré ou ensanglanté sont les rares légionnaires du 3e bataillon de la 13e DBLE à avoir échappé à la chute de leur point d’appui Béatrice, submergé vers 2 heures du matin à l’issue de combats au corps à corps venus solder cinq assauts successifs. Moins d’une vingtaine d’hommes, sur plus de 400, ont survécu.

8) 6 au 7 mai 1954 : « matraquage d’obus »

Dans la nuit du 6 au 7 mai, toute l’artillerie viêt semble s’être donnée rendez-vous à Diên Biên Phu. Un énorme matraquage d’obus malmène les positions françaises sans paraître jamais faiblir. Chaque explosion est aussitôt effacée par une autre.

9) 7 mai 1954 : « un silence irréel »

Au même moment, une grenade dégoupillée atterrit dans l’abri. Par miracle, elle n’explose pas ; elle est défectueuse. Quelques secondes plus tard, sans même avoir vu arriver cette grenade, Pierre Latanne finit par émerger de l’abri avec le sergent-chef Métier qui rampe derrière lui. Éblouis par le soleil qui les frappe comme un coup de projecteur, les deux hommes se traînent dans la tranchée pour découvrir que les Viêts ont déjà emmené les autres prisonniers. Ils se retrouvent seuls, baignés par le soleil dans un silence quasi irréel. Les yeux clos, Pierre Latanne s’efforce de ne penser à rien et de savourer pleinement ce moment de calme, de silence et de paix à peine distrait par les souffles rauques de son camarade affalé à côté de lui. (…) . Diên Biên Phu dégage une odeur pestilentielle en raison des nombreux cadavres laissés à l’air libre qui ont commencé à se putréfier depuis plusieurs semaines déjà. La rivière Nam Youm charrie elle-même les corps des deux camps depuis près de deux mois.

10) Mi mai 1954 : «  prisonniers ».

Prisonniers. Ils sont prisonniers.  Ils éprouvent un sentiment de honte à cette idée, mais ils n’ont pas encore de notion précise quant à ce que cela peut réellement signifier sur le plan mental ou physique. À vrai dire, l’état-major ne le sait pas non plus, ou ne veut pas vraiment le savoir. Il ne serait pas exagéré de dire que ces camps de prisonniers viêt-minh en Indochine sont dix fois, peut-être même cent fois pires que les camps de prisonniers allemands ou soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale. Pas plus d’un prisonnier de Diên Biên Phu sur quatre ne reviendra vivant de ses quatre mois de captivité – quatre mois seulement !

11) Eté 1954 : « Camps de prisonniers »

Avec les fortes pluies qui viennent raviner et labourer la terre, les cadavres des prisonniers français remontent légèrement à la surface et une odeur de décomposition pestilentielle vient se répandre dans le camp. Même le vent et la pluie ne parviennent pas à la chasser.

En sa qualité de chef d’équipe, Jean Carpentier est tenu pour responsable de cette situation, qui lui vaut un sermon très sévère du chef de camp. Celui-ci le met dans l’obligation de « réparer ses erreurs ». Il faut donc creuser plus d’une dizaine de nouveaux trous de 1,80 mètre de profondeur et exhumer plus d’une dizaine de cadavres, dont certains ont été enterrés il y a près d’un mois (…)

Dans la troisième tombe, les chairs du cadavre sont si décomposées qu’elles ne retiennent plus les membres entre eux. Il faut prendre à la fourche le torse, les jambes, les bras. Et ramasser à mains nues la tête, un crâne rongé par la vermine et coiffé de quelques touffes de cheveux répugnantes qui rappellent encore sa condition humaine. Jean Carpentier saisit la tête, mais elle lui glisse des mains, tombe et roule avant de s’arrêter 3 ou 4 mètres plus loin, après avoir perdu un semblant d’œil et vomi un flot d’asticots.  Jean Carpentier ne pourra plus s’occuper des têtes. Elles vont venir hanter chacune de ses nuits et continuer de le tourmenter durant la journée.

12) Juillet 1954 : le camp des Allemands

À l’issue de son évasion manquée, Heinrich Bauer se retrouve presque par hasard interné au camp 70, situé dans la région de Thanh Hoa. Il y arrive le 13 juillet, la veille d’une grande cérémonie organisée pour célébrer la Révolution française. Les prisonniers de ce camp, qui étaient au nombre de 300 à son ouverture, ne seront plus qu’une centaine quand viendra l’heure de la libération. Il s’agit en majorité d’Allemands, mais on y trouve également des Hongrois ou des Tchèques qui se font passer pour des Allemands. Quand Heinrich Bauer est escorté dans la cagna en briques et terre battue qui doit l’héberger, de nombreux bat-flanc sont déjà vides.

Dès le lendemain soir, Heinrich Bauer est intégré dans une équipe chargée d’enterrer les morts de la journée. Il n’est pas là depuis plus de vingt-quatre heures qu’il doit déjà aider à mettre en terre un camarade... Tandis que d’autres prennent les pelles pour creuser une tombe sur la berge d’une rivière proche, lui doit porter le cadavre. L’odeur que dégage le corps est si écœurante qu’il manque défaillir. Le jour suivant, dès que la cloche sonne pour l’appel, Heinrich Bauer se présente parmi les premiers pour être sûr d’avoir une pelle. Il préfère creuser que porter.


Traduction

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