Le 23 mai 2014
1946. A peine libérée du joug nazi, la France veut reprendre le contrôle de l’Indochine avant que le Viêt Minh, le mouvement nationaliste communiste qui vient de chasser les Japonais, ne proclame l’indépendance du pays. Charles Bareuil, ancien combattant des Balkans dont la femme a été massacrée par les Oustachis, s’engage dans le corps expéditionnaire censé rétablir l’ordre colonial. Comme ses camarades de combat, ce tireur d’élite aguerri croit en une victoire éclair. Mais l’adversaire tapis dans la jungle se révèle redoutable et oppose une résistance féroce. Pire, Charles se rend compte qu’un sniper aussi habile que lui décime les rangs français… et pourrait bien être un déserteur passé à l’ennemi. Alors qu’il cherche à découvrir son identité, un duel au long cours va s’engager entre les deux hommes, entre désir de vengeance et fascination réciproque...
Plume très prometteuse du thriller français, Jérémie Guez, 26 ans – prix SNCF pour «Balancé dans les cordes» –, s’aventure hors de Paris et de sa banlieue pour arpenter un passé douloureux que peu d’auteurs abordent, effrayés par un terrain encore trop miné. Audace de la jeunesse. D’escarmouches en batailles rangées, d’accrochages victorieux jusqu’aux derniers combats désespérés de Dien Bien Phu, nous accompagnons son héros dans les convulsions de la guerre, où le hasard l’amène à croiser Giap comme Ho Chi Minh. Sans jamais que le récit trépidant tourne à la leçon d’histoire ou à la fresque héroïco-édifiante. Car «Le dernier tigre rouge» est avant tout un roman noir palpitant, avec son lot de bordels et de fumeries d’opium, de violeurs et de racistes. Une atmosphère poisseuse propice à réveiller les démons intérieurs de Charles. Ses doutes aussi. Ses camarades de la légion étrangère, qui abrite des anciens criminels et des SS reconvertis, sont-ils vraiment plus proches de lui que son ennemi intime, amoureux de la même belle Vietnamienne ? Un rival qui en outre, l’a inexplicablement épargné… Le bien et le mal s’embrouillent, jusqu’à un final en apothéose, dans une scène digne du «Voyage au bout de l’enfer» de Michael Cimino. On sent que la talentueux Jérémie Guez en a assez sous le pied pour développer à l’avenir des thèmes encore plus personnels et ambitieux. C’est tout le mal qu’on lui souhaite !