LE MONDE DES LIVRES | 10.10.2013
Il faudra un jour faire le compte de ce que la littérature doit à la procrastination. Une nuit de 2010, au lieu d'écrire La Femme et l'Ours (Grasset, 2011), Philippe Jaenada, découragé, pas inspiré, s'est planté devant son téléviseur. Il a pris en cours de route un documentaire consacré à Bruno Sulak, gentleman braqueur et roi de l'évasion ; un ancien légionnaire parachutiste mort à 29 ans, en mars 1985, en tombant d'une fenêtre de Fleury-Mérogis, dont il tentait de s'échapper. Dans l'immédiat, cette triste fin inspira à Philippe Jaenada une rapide digression dans La Femme et l'Ours, une phrase posée au détour de son septième roman, histoire de chutes tragiques, délicat hymne aux perdants.
Mais ce Sulak lui a tapé dans l'oeil, au point qu'il décide de lui consacrer un livre. Ses lecteurs le savent, Jaenada ne mégote pas sa tendresse : c'est l'un des ingrédients qui font le prix de ses romans, avec son humour joyeusement désespéré - du genre à déclencher des rires francs. En retour, l'écrivain inspire autant d'affection à son public qu'il semble en déclencher, sous ses airs de plantigrade à la douceur faussement bourrue, chez ses voisins de quartiers, ceux - enfants, piliers de bar ou prototypes plus branchés - qui viennent le saluer et prendre des nouvelles de la promotion de son livre au bistrot du 10e arrondissement de Paris où il a ses habitudes.
PANACHE FOU
Guère avare de sa sympathie, donc, Philippe Jaenada consacre une année à faire des recherches sur la vie de Bruno Sulak. Il lit les archi...