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«Etre Suisse et légionnaire, ça reste un tabou»

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lundi 14 octobre 2013

Daniel Künzi retrace le parcours de ces Suisses qui ont combattu en Indochine et en Algérie. Le réalisateur témoigne de cette part d’ombre retrouvée

Leur nombre est estimé entre 7000 et 8000. Eux, ce sont ces Suisses qui, après la Seconde Guerre mondiale, ont décidé de s’engager dans la Légion étrangère française. Ils seront amenés à combattre en Indochine et en Algérie. Pourquoi ont-ils choisi de quitter la Suisse alors que, contrairement à ses voisins, cette dernière n’est pas sortie exsangue de la guerre? C’est la question à laquelle a tenté de répondre le réalisateur chaux-de-fonnier Daniel Künzi dans son dernier documentaire, C’était la guerre. Les légionnaires suisses. Un sujet peu traité jusqu’ici, et qu’il aborde sans a priori. Et sans rien occulter non plus.

Le Temps: Pourquoi était-il important de lever le voile sur ce phénomène?

Daniel Künzi: Parce que c’est le dernier tabou social de la Suisse au XXe siècle! Il n’y avait rien sur le sujet, à part quelques témoignages et quelques livres. Et il s’agissait principalement d’adorateurs de la Légion, qui ne disaient pas un mot sur la torture ou sur les viols…

– Comment avez-vous fait pour retrouver leur trace?

– Ce sont des années de travail, extrêmement laborieuses. Le point de départ, c’est l’Association suisse des anciens légionnaires. On a réussi à mettre la main sur leur président. Après nous avoir longtemps menés en bateau, il a fini par nous donner une petite feuille avec les noms des membres de l’association.

Ensuite, il a fallu ruser pour convaincre certains de témoigner. Un jour, je suis même aller jusqu’à me pointer au domicile de l’un d’entre eux avec ma caméra dans une main, une bouteille dans l’autre. S’il a d’abord hésité à me faire entrer, une fois dedans, il m’a directement montré son uniforme et toutes ses médailles. Pendant une demi-heure, il m’a raconté tous ses hauts faits de guerre. Il était intarissable. Mais, pour être autorisé à le filmer, il m’a fallu le flatter, comme le renard face au corbeau. Le jus sort toujours à la fin d’un entretien.

– Vous ne vous contentez pas d’interroger des Suisses…

– En effet. Ce fut encore plus compliqué de retrouver les anciens combattants d’en face, vietnamiens et algériens. Le Vietnam, comme l’Algérie, est un pays fermé à double tour. Il est très compliqué d’y avoir accès. Les ambassades nous ont laissés sans réponses durant des mois. Mais il était important d’avoir les deux côtés de l’histoire afin de pouvoir les confronter.

– Qu’est-ce qui vous a frappé chez ces légionnaires?

– A une exception près, ils ne regrettent rien. Ils se sont engagés dans la Légion sans vraiment savoir ce que c’était. Ils sont victimes d’un truc qui les dépassent. Ils s’expriment sans pudeur. En toute innocence, dirais-je. C’était leur jeunesse. C’était la guerre.

Bien sûr, ils abordent ce dont ils veulent bien parler. Ils ne sont pas tous sincères lorsqu’on évoque le mauvais traitement des prisonniers, la torture. Ils étaient parfois drogués et saouls. Au Vietnam, ils ont bousillé des villages entiers.

Pourtant, ils ont bénéficié de la mansuétude des autorités suisses à leur retour, n’écopant que de peines avec sursis. Sollicitée, l’armée m’a répondu qu’elle ne commentait jamais les procès passés, présents et futurs. Terminé.

– Peut-on faire un parallèle avec ces Suisses qui partent aujourd’hui pour faire le djihad ou se battre en Syrie en tant que mercenaires?

– Non, car ceux-ci poursuivent un idéal. Les Suisses qui se sont engagés dans la Légion, eux, n’en ont pas. Ils ont en commun une enfance où ils ont été maltraités. En outre, la Suisse, qui sort de la Seconde Guerre mondiale dans une bonne situation financière, les a vomis. Aucune institution n’a été capable d’éduquer ces milliers de pauvres.

– Dans votre documentaire, vous alternez témoignages, reportages, séquences de films et mêmes des images d’archives très rares…

– C’est un peu un miracle. En effet, j’ai appris un peu par hasard l’existence d’un homme qui avait gagné une caméra lors d’un concours de tirs en Algérie et qui était revenu de la guerre avec 24 bobines de films. On a réussi à le retrouver. C’est un Bernois de 94 ans qui était ordonnance d’officier. Il a pu filmer l’Algérie en long et en large. On l’aperçoit d’ailleurs dans le film. Il y a 50 ans, il était allé voir le Blick pour vendre ses bobines. Ils avaient refusé.

– Votre démarche n’est-elle pas plus celle d’un historien que d’un réalisateur?

– C’est la démarche d’un démystificateur. Je pense surtout avoir fait du cinéma. Lorsqu’on en fait, il faut de l’émotion. Et ces types-là en regorgent. Même le meilleur acteur du monde ne parviendra pas à parler avec une telle candeur des crimes horribles qu’il a sur la conscience. Ou, en l’occurrence, qu’il n’a pas sur la conscience.

C’était la guerre. Les légionnaires suisses, de Daniel Künzi. Avant-première le 15 octobre au Cinéma Bio, à Carouge.


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