Publié le 28/04/2013
La Légion fêtera le 30 avril, partout dans le monde, le cent cinquantième anniversaire des combats de Camerone. Retour sur des soldats de légende.
Troupe d'élite
Un lieutenant à Diên Biên Phu © SIPA
1831, Algérie : la fondation
Le 9 mars 1831, neuf mois après la prise d'Alger en juin 1830, le roi Louis-Philippe décide de créer une Légion étrangère. De longue date, des soldats étrangers avaient servi la France, le plus souvent dans des régiments composés par nationalité. Mais après la Révolution et l'Empire, l'idée naîtra de regrouper ces étrangers dans une même unité. Fort souvent, ceux-ci ne disposent plus de la moindre pièce d'état civil. La Légion introduit une innovation majeure : les étrangers peuvent y être engagés sous une identité déclarée, en rompant ainsi avec leur passé. Aux réprouvés, aux bannis, parfois aux délinquants, la France offre une chance exceptionnelle : celle d'entamer une nouvelle vie. La conquête de l'Algérie, périlleuse et dévoreuse d'effectifs, leur en fournira l'occasion. En juin 1835, quatre ans après sa création, la Légion alors formée de 4 000 hommes est cédée en bloc à l'Espagne, afin d'aider la reine Isabelle II à combattre une rébellion. Lorsque ces légionnaires rejoindront la France trois ans plus tard, ils ne seront plus que 500 ! Entre-temps, avant même la fin de l'année 1835, Louis-Philippe a engagé la formation d'une nouvelle Légion étrangère.
Sidi Bel Abbes 1961 © Sipa
Sidi Bel Abbes
En 1843, les légionnaires commencent la construction d'un camp sur le site de la koubba d'un vénéré descendant du prophète, Sidi Bel Abbes, situé à 80 kilomètres au sud d'Oran. Progressivement, la Légion va façonner cette région non seulement en y implantant de nombreuses casernes et terrains de manoeuvre, mais aussi en y créant une véritable ville. C'est là que se forge la légende des soldats-bâtisseurs, un des ciments de la culture légionnaire. Elle est dès cette époque faite de singularité, d'excellence et de l'orgueil d'appartenir à une institution professionnalisée, différente de la "régulière" par ses traditions propres scellant son esprit de corps. Cet enracinement et cet attachement de la Légion à l'Algérie, où elle combat régulièrement des rébellions, ne l'empêcheront pas de mener des batailles au Maroc et en Syrie, notamment.
1863, Camerone : la naissance du mythe
Le 30 avril 1863, dans une ferme fortifiée de Camerone, au Mexique, 3 officiers et 62 légionnaires font le serment de se battre jusqu'au bout contre 2 000 Mexicains qui les assaillent. Sur le monument érigé à la mémoire du capitaine Jean Danjou et de ses hommes figure cette inscription :
Ils furent ici moins de soixante
Opposés à toute une armée.
Sa masse les écrasa.
La vie plutôt que le courage
Abandonna ces soldats français
À Camerone le 30 avril 1863
Le 30 avril 1998, cérémonie célébrant le 135e anniversaire de la bataille de Camerone © AFP
Tous les ans, le 30 avril, les légionnaires commémorent cette bataille qui ne constitue certes pas une victoire, mais porte au plus haut le respect de la mission, qui consistait cette fois à protéger le passage d'un convoi. Cette mémoire est célébrée partout où se trouvent des légionnaires. À la maison mère d'Aubagne, qui a remplacé après l'indépendance de l'Algérie celle de Sidi Bel Abbes, un ancien légionnaire a le privilège insigne de traverser la place d'armes en portant la relique sacrée : la main de bois du capitaine Danjou. Un moment d'une extrême solennité que la Légion réunie vénère dans un sentiment de force et de dignité quasi mystiques.
Il sentait bon le sable chaud
Au début du XXe siècle, le général Paul-Frédéric Rollet devient le "Père Légion" et élève la singularité de cette troupe exceptionnelle au statut de légende. Dès cette époque, la Légion captive le grand public, et des dizaines de films (de Beau geste à Dragées au poivre) et de chansons illustrent cette histoire glorieuse. L'oeuvre la plus connue demeure "Mon légionnaire", celui qui "sentait bon le sable chaud", chanson créée en 1936 par Marie Dubas et immortalisée par Édith Piaf. La troupe légionnaire au sang chaud n'est certes pas composée d'enfants de choeur, mais toute la force de l'encadrement consiste justement à les canaliser. À Camerone, le comportement du capitaine Danjou est typique de celui que veulent incarner les officiers servant dans la Légion, mais qui ne sont pas légionnaires eux-mêmes.
REGARDEZ "Mon légionnaire" interprété par Édith Piaf