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Simon Murray : de la Légion à Glencore

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jeudi 06 décembre 2012

A 19 ans, Simon Murray, fils d’une famille bourgeoise britannique, s’engage sur un coup de tête à la Légion étrangère française. Il y restera cinq ans. Et même s’il découvre que la Légion n’a rien à voir avec le film de Gary Cooper, «Beau geste», cela ne l’empêchera pas d’accomplir un parcours d’homme d’affaires exceptionnel, notamment en Asie ! 

Jeudi 22 novembre 2012 : la Commission européenne a approuvé la méga-fusion du géant du négoce des matières premières Glencore et du groupe minier Xstrata. Mais à condition que Glencore mette fin à ses contrats en Europe avec le numéro un mondial du zinc, le belge Nyrstar.

La raison de cette «sanction» à l’égard d’une entreprise belge ? La Commission s’inquiétait que cette fusion ait des conséquences sur le marché du zinc et ne favorise une hausse des prix de ce métal, très utilisé dans l’industrie. Toujours cette peur des monopoles ou des oligopoles de la part du commissaire à la Concurrence !

La nouvelle entité sera rebaptisée Glencore Xstrata. Avec une capitalisation boursière cumulée de 64 milliards d’euros, le nouveau groupe se classera au quatrième rang mondial du secteur, derrière l’anglo-australien BHP Billiton (137,5 milliards d’euros de capitalisation boursière), le brésilien Vale (71,6 milliards) et l’anglo-australien Rio Tinto (68,9 milliards).

Parisien d’honneur

Pourquoi en parler cette semaine ? Parce que c’est l’occasion d’évoquer le parcours exceptionnel de Simon Murray, le président du conseil d’administration de Glencore, l’un des artisans de cette fusion.

J’ai rencontré Simon Murray via une amie à Paris, dans son appartement de la rue Christine (quartier Saint-Germain). Un lieu décoré avec beaucoup de goût, sans ostentation et sans le côté «nouveau riche » propre parfois aux personnes qui ne doivent leur fortune qu’à leur volonté.

A l’inverse de tant d’autres hommes d’affaires, Simon Murray n’est entouré que de livres ou de tableaux lui rappelant les cinq ans qu’il a passés en Algérie. Non pas comme expatrié de luxe mais comme... légionnaire. Bref, une sorte de bagnard volontaire !

A 72 ans, cet homme d’affaires à la réussite exceptionnelle (lire l’encadré p. 102) —qui a également accompli l’exploit, sans être Chinois, de devenir le bras droit de Li Ka-shing, l’un des hommes d’affaires les plus puissants de Chine— garde un enthousiasme juvénile. Il faut dire qu’il ne fait pas son âge et qu’avec son délicieux accent britannique, il garde un charme indéniable notamment auprès de la gent féminine : il n’y avait qu’à voir comment la jeune serveuse du restaurant l’a couvé du... regard pendant notre lunch !

Super MBA en Algérie

La Légion ? Simon Murray en parle avec plaisir. Elle l’a formé, déformé, structuré. Et clairement, il ne fait aucun doute que s’il ne devait choisir qu’une période de sa vie à raconter à ses trois enfants et six petits-enfants, ce serait sans aucun doute celle passée en Algérie, bien avant tous ses exploits dans le business en Asie du Sud-Est.

La raison ? Il ne l’exprime pas comme cela, mais la Légion a été pour lui un super MBA de la vie, une sorte de Harvard triple A. Il suffit de relire son livre publié en 1978 en français (Légionnaire, aux éditions Pocket) et traduit au total en sept langues dont le chinois, le japonais et le russe, pour s’en rendre compte. Sans oublier un film réalisé en 2001 (Simon : An English Legionnaire) qui, à défaut d’avoir été un blockbuster, est disponible sur YouTube !

Et de fait, lorsqu’on a survécu à la Légion, on peut à peu près tout faire. Des doutes ? Au sortir de la Légion, du moins si vous avez pu survivre à cette vie de bagnard, vous êtes en principe capable comme l’écrit Simon Murray «de construire un pont pour franchir un cours d’eau ; de survivre plusieurs jours dans la nature en ne comptant que sur la cueillette et sur la chasse ; d’éclisser une jambe cassée ; de porter un blessé au fond d’un précipice de 30 mètres de profondeur ; de ne dormir que trois heures par nuit en moyenne pendant cinq semaines ; de parcourir huit kilomètres avec le paquetage complet en 45 minutes ; de grimper en haut d’une corde de 10 mètres sans l’aide des jambes ; de chanter une nuit entière ; de défiler avec une précision qui ferait pâlir d’envie les grenadiers de Buckingham Palace ; et bien sûr de marcher des heures et des heures, à en dégoûter un mulet». Autant dire que ce genre de formation forge le corps et trempe le caractère pour l’avenir. Notamment dans le monde des affaires.

Vaincre la peur

La Légion étrangère distingue rapidement les peureux des autres. Ceux qui, malgré leurs heures de préparation, n’osent pas prendre la décision finale. C’est ce que Simon Murray a vécu comme parachutiste à la Légion. Lors de son premier saut en compagnie de 10 autres soldats, un légionnaire n’a pas osé sauter. La honte pour ce dernier. Voici ce qu’il en dit dans son livre : «De retour au camp, un sergent que je ne connaissais pas vient nous faire un petit laïus sur la lâcheté ; il nous dit d’attraper le salopard qui a déshonoré la Légion et de lui foutre une branlée dans notre chambrée. Pourquoi ? Pour prouver aux autres —ou à nous-mêmes— que les légionnaires sont des durs qui ne tolèrent pas la moindre concession à la peur ? Mais nous savons tous qu’un jour ou l’autre, elle nous rendra visite. Cela n’a rien d’humiliant d’avoir peur. Certains la maîtrisent, d’autres non. Nous disposons d’une fraction de seconde pour réagir, et de notre décision peut naître un fardeau que nous porterons le restant de nos jours. C’est le cas de ce type. Personne ne l’a touché, Dieu merci, mais il est condamné pour l’éternité.»

Il faut dire à la décharge de ce légionnaire qui n’a pas osé sauter, c’est qu’à la Légion étrangère, les sauts ne s’effectuaient en général pas au-dessus de plaines bien plates, mais plutôt au-dessus de zones boisées... Voici ce qu’écrit Simon Murray : «Aujourd’hui, on nous a largués sur la forêt de M’sila. C’est une expérience inoubliable que de sauter en parachute au-dessus des arbres. Au début, on a l’impression de tomber sur un tapis très épais. Mais quand on se rapproche, la vision devient cauchemardesque. Et il n’y a pas grand-chose à faire pour éviter les obstacles, car on se balance comme un pendule tout en étant poussé horizontalement par le vent. Il faut se contenter de se protéger les c... avec la main et de prier que les dieux soient cléments.»

Cette expérience militaire extrême ne se résume pas à une suite d’épreuves physiques et morales très fortes (il faut lire le passage sur la «pelote», le nom donné à la punition Made in Légion ou les passages sur certaines embuscades où il ne doit sa survie qu’à certains réflexes et à la... chance !). Simon Murray en a aussi profité pour affûter sa vision géopolitique des choses. Prenons ses remarques du 15 janvier 1961 : «Une section de SAS a travaillé avec nous pendant une journée. Une unité remarquable formée de soldats arabes sous l’uniforme français. Il fallait voir avec quel sérieux ils fouillaient les buissons et retournaient le moindre centimètre carré de terrain. Ce sont d’excellents soldats. Que Dieu ait pitié d’eux si jamais la France abandonne l’Algérie et qu’ils décident de rester ! Ils devront sans doute aller vivre en France où les attendent les boulots les plus ingrats. Je ne les envie pas car les Français ne sont guère réputés pour leur gratitude !». Bel exercice de prospective de la part de Simon Murray car, hélas, ces «harkis» ne sont toujours pas intégrés en France ! Même regard lucide sur les propos du général De Gaulle qui avait compris que la guerre d’Algérie plombait les comptes de la France, et que l’indépendance était inéluctable.

Retour en Algérie, 47 ans après

C’est le 4 janvier 1965 que le futur président du conseil d’administration de Glencore quitte l’Algérie. «J’ai quitté l’Algérie ce matin à bord d’un appareil militaire, écrit-il. Jadis je m’étais promis de ne jamais y remettre les pieds, mais au fond, j’espère bien y revenir un jour.» Et c’est ce qu’il a fait, avec l’aide de Mina El Kouais, de l’agence Secrets & Paradise. En septembre 2012 avec trois amis d’aventure, avec lesquels il avait déjà gravi les montagnes du Liban ou le Kilimandjaro.

«Mon dernier séjour en Algérie fut le plus beau voyage de ma vie», ne cesse-t-il de répéter. Il y a revu les lieux, villages et montagnes de ses exploits entre 19 et 24 ans, «un âge où les jeunes d’aujourd’hui vont à l’université, l’âge de la formation», précise-t-il. A l’écouter en parler aujourd’hui, ce qui semblait le ravir le plus, c’est son excellente mémoire. «J’ai retrouvé des chemins que même les Algériens du coin ne connaissent pas, au point que lors de ce séjour, nous avons été interpellés par un gendarme qui croyait que nous étions là pour chercher des installations militaires. Je lui ai expliqué que j’étais venu ici avant qu’il ne soit né», raconte-t-il au milieu d’un fou rire. Son dernier séjour dans les Aurès lui permettra même de prendre la pose photo avec le fils de celui qui est considéré comme un héros national puisqu’il a tiré la première balle de... l’indépendance ! Décidément, Simon Murray ne fait rien comme les autres.

PROPOS RECUEILLIS PAR AMID FALJAOUI À PARIS 


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