De Hervé ASQUIN (AFP) – 10 mars 2010
PARIS — C'était une règle intangible: toute recrue de la Légion étrangère devait adopter une identité d'emprunt pour rejoindre les rangs de ce corps d'élite universellement connu. A l'été prochain, ce qui était une obligation redeviendra une faculté, conformément à la loi.
"Nous allons cesser de rendre systématique et obligatoire +l'identité déclarée+", une réforme qui "sera certainement effective à l'été", a déclaré mercredi à l'AFP le général Alain Bouquin.
Épinglée par un rapport de l'ancienne garde des Sceaux, Marylise Lebranchu (PS), évoqué mardi par Le Parisien, la Légion renoncera à d'autres bizarreries flirtant avec la légalité comme le blocage des comptes bancaires de ses déserteurs -250 à 300 par an, selon le général- ou les nationalités d'emprunt.
En signant leur contrat, les engagés français devenaient soudainement suisses, canadiens, monégasques ou luxembourgeois. "Les dernières moutures des textes ne spécifient aucunement que les candidats doivent être obligatoirement étrangers", relève le général Bouquin
Il assure avoir entamé ces réflexions dès sa prise de fonction, en juillet 2009, sans attendre le rapport Lebranchu. Il était "hors de question de m'inscrire dans une quelconque forme d'illégalité en connaissance de cause", souligne celui que la tradition désigne sous le nom de "Père Légion".
L'identité d'emprunt, "une possibilité offerte par la loi" pour offrir "une deuxième chance à des recrues au passé compliqué", avait été érigée "par facilité ou confort" en obligation, reconnaît-il.
Dans son rapport, Mme Lebranchu dénonce le recours "systématique" à cette pratique qui représente, selon elle, un "dévoiement" de la loi privant les légionnaires de nombreux droits (héritage, droit de vote, reconnaissance d'un mariage, d'un enfant, droit de visite, souscription d'un emprunt...).
Son rapport pointe aussi la situation des légionnaires qui, faute d'avoir obtenu un "certificat de bonne conduite" à l'issue de leur contrat, se voient refuser un titre de séjour et deviennent des "sans papiers".
"Sur ce point, on peut discuter mais je ne suis pas partie prenante de cette discussion ou très marginalement", répond le général Bouquin.
Le lien entre le certificat et le titre de séjour relève de la loi dont la mise en oeuvre n'est pas le fait de "la Légion étrangère, ni même de la Défense mais des préfectures", observe-t-il.
Selon lui, le nombre d'ex-légionnaires concernés est modeste. "Sur les trois dernières années, 95% des certificats de bonne conduite ont été accordés et il n'y a eu que 70 refus", fait-il valoir.
Le général conteste aussi le caractère "discrétionnaire" de l'attribution du précieux certificat, évoqué par le rapport Lebranchu.
"C'est une procédure strictement encadrée et dans les cas défavorables, il y a tout une série d'avis successifs qui remontent jusqu'à moi", observe-t-il, confiant qu'il lui arrive "bien souvent de ne pas suivre les avis défavorables".
Dans tous les cas, assure-t-il aussi, les motifs de refus sont "graves": blessures à l'arme blanche, brimades, actes à caractère raciste, détournements de munitions ou d'explosifs, trafics de stupéfiants...
"J'ai même eu un cas de création de société pour blanchiment d'argent", explique-t-il.
La Légion étrangère compte onze régiments et un peu moins de 8.000 hommes de 146 nationalités qui partagent une même devise: "Legio Patria Nostra", la Légion est notre Patrie.