Édition du jeudi 30 décembre 2010
« Quelle - heure - est-il - s'il-te-plaît ? »
Celui qui pose la question montre du doigt une grosse horloge attachée au poignet. Le ton est quelque peu martial, celui d'un enfant qui récite d'une voix forte, mais celui à qui il s'adresse est un adulte, un légionnaire. Il y a quelques semaines de cela, il ne savait prononcer la moindre syllabe de la langue de Molière. La méthode peut faire sourire, mais elle serait particulièrement efficace à en croire le Colonel Mistral, commandant le 4e R.E : c'est la « méthode Képi Blanc », une méthode « que nous envie l'Education nationale » dit le Colonel avec le sourire. Elle repose sur une relation que ne peuvent pas avoir des enfants en âge d'apprendre et leurs enseignants. Une relation basée sur la hiérarchie (l'enseignant, ce jour-là, est un chef de section, d'origine slovaque) mais surtout sur l'esprit de « famille » inculqué aux nouveaux arrivants d'origines aussi diverses que le Népal, la Chine, la Finlande, le Portugal... Quelques élèves ont la main posée sur un dictionnaire (français-roumain, français-népalais) que l'on imagine ramené dans les maigres bagages avant de signer pour l'instruction à Castelnaudary, car les dictionnaires les plus exotiques sont introuvables en France.
« Il-est-20-heures-20 ».
En quatre mois, les nouveaux venus acquièrent une centaine de mots. En quittant l'instruction, ils auront atteint le niveau 2, soit 400 mots. Assez pour communiquer entre eux et pour... comprendre les ordres. Dans les régiments où ils seront ensuite affectés, l'enseignement du français continuera jusqu'à 600 à 800 mots, puis 2 000 mots (niveau 4), selon la spécialité (un brancardier secouriste apprendra d'autres termes qu'un transmetteur). La méthode déclinée en fiches est basée sur la démonstration, ce qui lui confère ce côté désuet (la grosse montre !).
Pour apprendre le français à la Légion, il n'y a pas que les trois cours par semaine, il y a aussi la vie commune, l'omniprésence du français, que ce soit à la caserne ou en ville, et l'accompagnement permanent d'un instructeur, la plupart du temps un francophone, tuteur de deux ou trois étrangers, qu'on appelle le « binôme ». Sa note à l'examen de français dépendra d'ailleurs de celle de son élève, à lui donc de faire progresser au mieux son camarade.
« Un rond rouge posé sur une table jaune ».
« Il faut penser que ce n'est pas facile pour tout le monde. Pour un Chinois, dire : 'C'est un rond rouge posé sur une table jaune', c'est un exploit », raconte le colonel Mistral qui a fait « l'école de guerre en Grande- Bretagne » et « sait ce que c'est que d'être perdu », ne fût-ce qu'au fin fond de l'Oxfordshire.
Pour les passages de niveau, les tests écrits et oraux tiennent compte des spécificités de chaque langue. « Les Arabes ne savent, par exemple, pas employer le verbe avoir, car il n'existe pas dans leur langue, l'idée de possession est exprimée autrement » explique encore le colonel.
Celui qui pose la question montre du doigt une grosse horloge attachée au poignet. Le ton est quelque peu martial, celui d'un enfant qui récite d'une voix forte, mais celui à qui il s'adresse est un adulte, un légionnaire. Il y a quelques semaines de cela, il ne savait prononcer la moindre syllabe de la langue de Molière. La méthode peut faire sourire, mais elle serait particulièrement efficace à en croire le Colonel Mistral, commandant le 4e R.E : c'est la « méthode Képi Blanc », une méthode « que nous envie l'Education nationale » dit le Colonel avec le sourire. Elle repose sur une relation que ne peuvent pas avoir des enfants en âge d'apprendre et leurs enseignants. Une relation basée sur la hiérarchie (l'enseignant, ce jour-là, est un chef de section, d'origine slovaque) mais surtout sur l'esprit de « famille » inculqué aux nouveaux arrivants d'origines aussi diverses que le Népal, la Chine, la Finlande, le Portugal... Quelques élèves ont la main posée sur un dictionnaire (français-roumain, français-népalais) que l'on imagine ramené dans les maigres bagages avant de signer pour l'instruction à Castelnaudary, car les dictionnaires les plus exotiques sont introuvables en France.
« Il-est-20-heures-20 ».
En quatre mois, les nouveaux venus acquièrent une centaine de mots. En quittant l'instruction, ils auront atteint le niveau 2, soit 400 mots. Assez pour communiquer entre eux et pour... comprendre les ordres. Dans les régiments où ils seront ensuite affectés, l'enseignement du français continuera jusqu'à 600 à 800 mots, puis 2 000 mots (niveau 4), selon la spécialité (un brancardier secouriste apprendra d'autres termes qu'un transmetteur). La méthode déclinée en fiches est basée sur la démonstration, ce qui lui confère ce côté désuet (la grosse montre !).
Pour apprendre le français à la Légion, il n'y a pas que les trois cours par semaine, il y a aussi la vie commune, l'omniprésence du français, que ce soit à la caserne ou en ville, et l'accompagnement permanent d'un instructeur, la plupart du temps un francophone, tuteur de deux ou trois étrangers, qu'on appelle le « binôme ». Sa note à l'examen de français dépendra d'ailleurs de celle de son élève, à lui donc de faire progresser au mieux son camarade.
« Un rond rouge posé sur une table jaune ».
« Il faut penser que ce n'est pas facile pour tout le monde. Pour un Chinois, dire : 'C'est un rond rouge posé sur une table jaune', c'est un exploit », raconte le colonel Mistral qui a fait « l'école de guerre en Grande- Bretagne » et « sait ce que c'est que d'être perdu », ne fût-ce qu'au fin fond de l'Oxfordshire.
Pour les passages de niveau, les tests écrits et oraux tiennent compte des spécificités de chaque langue. « Les Arabes ne savent, par exemple, pas employer le verbe avoir, car il n'existe pas dans leur langue, l'idée de possession est exprimée autrement » explique encore le colonel.
« Tiens, voilà du Boudin ».
Les chants si connus des légionnaires participent à cet apprentissage à marche forcée de la langue : chanter permet d'apprendre le français, de s'accorder avec les autres, de créer des liens par la langue. La langue française comme ciment de la Légion, c'est l'application à la lettre de « l'esprit de la République ». Et ça marche tellement bien, qu'élus, enseignants, militaires étrangers etc... viennent au 4e R.E. pour voir fonctionner cette forme de miracle.
Les chants si connus des légionnaires participent à cet apprentissage à marche forcée de la langue : chanter permet d'apprendre le français, de s'accorder avec les autres, de créer des liens par la langue. La langue française comme ciment de la Légion, c'est l'application à la lettre de « l'esprit de la République ». Et ça marche tellement bien, qu'élus, enseignants, militaires étrangers etc... viennent au 4e R.E. pour voir fonctionner cette forme de miracle.
Reportage : J. Yager Photos : D. Rumeau