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Le 2° REP se prépare pour l'Afghanistan

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Par Isabelle Lasserre, à Calvi
16/10/2009

Des légionnaires du 2e REP à l'entraînement à Djibouti, cette année. Aujourd'hui, les Slaves représentent 43 % des engagés du régiment. CCH Jean-Baptiste TABONE - SIRPA Terre
Des légionnaires du 2e REP à l'entraînement à Djibouti, cette année. Aujourd'hui, les Slaves représentent 43 % des engagés du régiment. CCH Jean-Baptiste TABONE - SIRPA Terre

Les légionnaires parachutistes s'apprêtent à prendre la relève en Afghanistan. Pour y appliquer les principes de la contre-insurrection, testés par leurs anciens en Algérie et en Indochine.

Malgré les rhumatismes et la nostalgie, les blessures laissées par l'Indochine et l'Algérie, les anciens reviennent toujours à Calvi fêter saint Michel, le patron des parachutistes. Cette année, l'archange chargé de combattre les anges rebelles et le démon de l'Apocalypse a trouvé un nouveau pays, l'Afghanistan, où poser ses ailes. Le moment qu'ils attendaient depuis longtemps est enfin arrivé : les légionnaires du 2e régiment étranger de parachutistes (REP) s'apprêtent à être déployés, à la fin de l'année, dans le royaume de l'insolence, pour y appliquer les nouveaux préceptes de la guerre contre le terrorisme, la contre-insurrection.

Le dévouement des légionnaires, l'audace des parachutistes et le caractère ombrageux de la Corse. C'est ainsi que l'on pourrait décrire ce régiment d'élite de 1 200 hommes de toutes nationalités niché aux pieds de la citadelle de Calvi, qui depuis sa création en 1948, pendant la guerre d'Indochine, est engagé partout où la paix est menacée. «More majorum», «à la manière de nos anciens». Lorsqu'ils grimperont demain les crêtes afghanes, ils auront en tête cette devise des légionnaires parachutistes, qui ont survécu aux évolutions de la société française et aux grandes déflagrations mondiales. Remarqués en Indochine, au premier rang pendant la bataille d'Alger, ils ont acquis leur réputation d'excellence en versant leur sang dans les guerres menées par la France. Il leur est parfois arrivé de s'écarter du droit chemin : pour avoir participé au putsch d'Alger en avril 1961, le 1er REP a été dissous après la guerre. Resté à l'écart, le 2e REP, l'autre régiment de parachutistes de la légion a repris le flambeau, après une période de pénitence à Bousfer, en Algérie.

Un strict «code d'honneur»

Le transfert au cœur de la Balagne, dans les montagnes corses, en 1967, signera le renouveau du 2e REP, qui réussira à sauver les traditions de ce régiment très particulier, qui offre une «seconde chance», une «nouvelle identité» à de jeunes engagés au passé parfois trouble, et dont les nationalités épousent les guerres européennes et les crises internationales. Après les Britanniques, attirés au 2e REP par la guerre des Malouines et la crise économique dans les années 1980, les ex-Yougoslaves chassés de chez eux par la guerre dans les Balkans, les candidats d'Europe centrale et d'ex-URSS libérés par la chute du Mur, la tendance est plutôt aujourd'hui à l'Amérique du Sud ou à l'Extrême-Orient. Même si les Slaves représentent encore 43 % des engagés du 2e REP.

Béret vert pour les opérations, képi blanc pour les cérémonies. Mélangés aux «Gaulois» - les Français de souche - soumis à un strict «code d'honneur» et à une discipline exigeante mais basée sur la méritocratie, les légionnaires continuent, année après année, à produire cette alchimie particulière de la Légion. Leurs chants évoquent la nostalgie des grands espaces, des vies antérieures turbulentes et les récits héroïques des grandes batailles. Il arrive que cette exception française consistant à faire cohabiter sous le drapeau national des hommes venus d'horizons si différents soit ébranlée par des drames. En mai 2008, un jeune Slovaque est mort pendant l'entraînement à Djibouti. Les désertions sont également plus fréquentes qu'ailleurs. «Il est difficile de faire vivre les gens ensemble», reconnaît le colonel Bellot des Minières, chef de corps du 2e REP.

Les collines de Diên Biên Phu, la lutte contre les fellagas en Algérie ou encore le saut sur Kolwezi, dernière opération aéroportée française d'envergure, en mai 1978, tout cela semble bien loin. Et dans les salles d'honneur du 2e REP, l'histoire semble passer comme un éclair sur les événements récents. «Entre la fin des années 1970 et la guerre du Golfe en 1991, on a traversé une sorte de désert des Tartares», reconnaît le colonel Fauveau, commandant en second.

Après cette période trop calme pour des hommes habitués à l'action, que l'on surnomme volontiers les «pompiers de la République», le départ pour l'Afghanistan est presque un soulagement. Même s'il implique un certain changement culturel. «Il va falloir nous adapter aux méthodes de combat anglo-saxonnes. Les Américains mettent l'accent sur la planification, lorsque nous le mettons sur la conduite. C'est une évolution qui va beaucoup nous apporter», assure le colonel Meunier, responsable de l'entraînement au théâtre afghan.

Gagner les cœurs et les esprits

Depuis plusieurs semaines, tout le 2e REP vit à l'heure afghane. La préparation physique a commencé, avec des séjours à Djibouti et en Champagne, dans des centres reproduisant les conditions du combat et les risques inhérents à l'Afghanistan, IED - engins explosifs improvisés - ou embuscades… Sur les bibliothèques des capitaines commandant les compagnies de combat, trône le dernier cadeau du chef de corps, le livre du colonel David Galula, consacré à la contre-insurrection, best-seller des forces armées occidentales. Car il s'agit non seulement de renouer avec la guerre, mais aussi d'appliquer à la lettre les principes de contre-rébellion prônés par le général Petraeus en Afghanistan, testés avec succès par l'armée française en Indochine et en Algérie. Des anciens des grandes guerres coloniales et des spécialistes de la contre-rébellion ont été invités à Calvi pour communiquer leur expérience aux bérets verts. Gagner les cœurs et les esprits, rallier la population en la protégeant, limiter l'usage de la violence, multiplier les patrouilles à pied… «On va enlever nos casques et nos gilets pare-balles», résume un sous-officier. En théorie, les légionnaires parachutistes du 2e REP sont les mieux armés pour réussir cette mission délicate. «Nos gars ont une grosse force morale, un esprit de corps et beaucoup de résilience», argumente le capitaine Morliere, de la 2e Compagnie, dont la spécialité est le combat en montagne.

Le pari est pourtant loin d'être gagné. «Entre la confiance excessive et la dénégation absolue de l'autre, il nous faudra trouver un juste milieu», explique le capitaine Marchand, chef de la compagnie CEA, spécialisée dans l'assaut vertical et l'infiltration. Les légionnaires du 2e REP réussiront-ils à reproduire en Afghanistan les succès remportés par leurs anciens en Indochine et en Algérie ? «Comme en Algérie, nous affrontons en Afghanistan une guérilla menée par des adversaires agressifs et organisés, sur un terrain difficile. Mais pour le reste, tout est différent. En cinquante ans, les équipements, les méthodes de combat et les hommes ont changé», prévient le général Guignon, un ex de la guerre d'Algérie trois fois blessé, dont une «mortellement», pensait-on, la veille du putsch.

Face aux 400 000 hommes déployés par Paris pour défendre les 400 000 km² de l'Algérie française (hors Sahara), la force internationale peine à réunir 100 000 hommes pour l'Afghanistan, un pays de 650 000 km². Ces hommes se sont alourdis. «Comme l'Algérie, l'Afghanistan est un théâtre d'opérations pour fantassins, où l'on se bat à pied. Mais alors qu'à notre époque, les légionnaires parachutistes avaient la même légèreté que leurs adversaires, qu'ils étaient, comme le disait le général Bigeard, souples, félins et manœuvriers, ils ressemblent aujourd'hui à des Robocop, engoncés dans leurs gilets pare-balles, gênés par la lourdeur du matériel», poursuit le général.

«L'illusion du zéro mort»

L'esprit de la guerre, en outre, a changé. «En Algérie, on était obnubilés par la culture du bilan. Il fallait infliger le maximum de pertes à l'adversaire. Depuis le premier conflit du Golfe et l'illusion du zéro mort, la façon d'appréhender le phénomène de guerre est différente», regrette un ancien des guerres coloniales. Le choc provoqué dans le pays en août 2008 par les dix morts français d'Ouzbin a montré à quel point le pays supportait mal aujourd'hui de verser le sang de ses militaires. Dans le musée du 2e REP, les chiffres parlent d'eux-mêmes : 1 875 légionnaires morts pour l'Indochine, 533 pour l'Algérie… Quant aux techniques de contre-insurrection en elle-même, bien peu s'attendent à ce qu'elles donnent des résultats rapidement, même confiées aux qualités des légionnaires parachutistes - esprit de corps, sens de l'honneur, fidélité à l'engagement. «Il faut quinze ans pour gagner ce type de guerre», rappelle un officier.

Depuis 1863, la bataille mythique de Camerone, au Mexique, qui vit 63 légionnaires périr en affrontant 2 000 cavaliers mexicains pour permettre à un convoi français de poursuivre sa route, symbolise l'esprit de la légion, le sacrifice suprême pour la nation et la mission. Mais les temps et la nature de la guerre ne sont plus les mêmes. Le général Guignon s'interroge : «Il ne suffit pas de boire le thé avec les Afghans pour faire de la contre-insurrection. Après les erreurs commises par les Américains, je me demande s'il n'est pas trop tard pour faire revenir vers nous la population.»


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