vendredi 7 août 2009
Pour connaître mon père et comprendre ces guerres, j’ai pris un chemin détourné : le retrouver à travers ses anciens adversaires des guerres coloniales. L’histoire de mon pélerinage.
Je m’appelle Hélène Erlingsen, je suis âgée de 57 ans et en 1958 j’ai perdu mon père, sous-officier, à la guerre d’Algérie. Avant de disparaître, j’ai voulu le connaître… Et comprendre ces guerres. Pour cela, j’ai pris un chemin détourné, voire incompréhensible pour certains : le retrouver à travers ses anciens adversaires des guerres coloniales.
Au Vietnam, à Hanoï, j’ai été reçue par le général Giap, ministre de la défense de Hô Chi Minh et grand vainqueur de la guerre et de la bataille de Diên Biên Phû. J’ai rencontré à Hô Chi Minh ville une dizaine d’anciens Vietminhs et Vietcongs de la guerre d’Indochine (des femmes aussi. L’ex amie d’Hô Chi Minh).
En Algérie, je suis allée sur ses traces par le biais d’anciens du FLN et de l’ALN, qui m’ont conduite là où on avait trouvé le corps de mon père, à Tacheta Zouggara, sur la côte, entre Oran et Alger. J’y ai rencontré aussi des hommes et des femmes que mon père avait combattus.
Au Sénégal, au camp de Dakar Bongo où je suis née, j’ai été invitée par des jeunes sous-officiers qui m’ont fait visiter le camp militaire et le cimetière français. Toujours un accueil chaleureux. Je leur ai demandé pardon pour le mal que la France leur a fait. Ils m’ont raconté leurs combats pour libérer leurs pays du joug colonial.
Puis, en France, pour croiser ces mémoires et leur donner une dimension universelle, j’ai poursuivi mon périple chez les Français et harkis, anciens de ces guerres, et auprès des hommes politiques qui les avaient embarqués dans cette galère.
En tout, 96 témoignages tous retranscrits. Pas un mot de haine de la part de ces anciens ennemis. Suite à cela, avec ces témoignages et des photos, j’ai soutenu une thèse en sciences politiques pour dénoncer la responsabilité de la France dans ces guerres coloniales et j’ai écrit un livre à la mémoire de tous ces soldats blancs, noirs, jaunes, qui se sont combattus alors qu’ils se ressemblaient tant.