30 mars 2011 par Alison Tassin
Hanz, c'est ainsi qu'il dit s'appeler, comme il dit être mercenaire et avoir 76 ans. Hanz est amputé de ces deux jambes et, ça, on ne peut pas lui enlever. C'est d'ailleurs parce qu'il avait fait tomber sa couverture de son fauteuil roulant que je me suis approchée de lui. "Vous pouvez m'emmener de l'autre côté" m'a-t-il ensuite demandé, sa bouteille de rouge à la main.
Après avoir déposé mon vélo, j'ai débloqué les freins de son fauteuil pour l'installer devant la porte d'un magasin de pain d'épices alsaciens. Sous cette belle devanture rouge, Hanz se dit qu'il est à l'abri. S'en suit un jeu de devinettes avec des questions comme " Est-ce que vous connaissez, mademoiselle, la différence entre un légionnaire et un mercenaire ?" ou "Vous savez pourquoi je suis toujours en vie ?". Ce sans-abri est loin d'être insensé, malgré tout l'alcool qu'il paraît avoir absorbé aujourd'hui. Son discours, même confus, est intelligent.
Plus de place d'hébergement disponible
Il tire sa couverture pour ce protéger du froid. Il fait aux alentours de 7-8 degrés, pas encore la douceur d'une nuit d'été. Hanz me donne son accord pour appeler le 115, en me prévenant qu'ils ne feront rien pour lui. La personne de l'autre côté du fil lui donne raison " il n'y a plus de place d'hébergement disponible à cette heure-ci. Il faut nous téléphoner plus tôt." Il est 1 heure du matin.
Hanz me conseille de joindre les urgences. "J'ai mal aux moignons" me suggère-t-il. Une dizaine de minutes plus tard, trois pompiers débarquent. Pour eux, Hanz est Antoine. "On le connaît bien" dit l'un d'entre eux. "Avec la fin de l'hiver, il n'y a plus d'hébergement d'urgence. On commence à en revoir de plus en plus à la rue la nuit". Les trois hommes le savent - moi, je le découvre - personne ne peut rien faire pour lui. Hanz devra se contenter de sa couverture et de sa devanture pour cette nuit et les suivantes aussi.
L'hiver est fini, les SDF peuvent commencer à mourir dans les rues.