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LIBRE OPINION du Général (2s) Michel FRANCESCHI : La question Corse, défi national.

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Posté le mardi 16 février 2016 

Fort de son expérience en Nouvelle-Calédonie, corse d’origine, le général Michel Franceschi propose une sortie par le haut de l’impasse que constitue la prise du pouvoir régional en Corse par les séparatistes. Cette situation pose en effet la question  de l’intégrité territoriale de la Nation et donc de son existence au moment même où la France est menacée par le terrorisme islamiste.

Le gouvernement est le garant de l’unité de la Nation

Vestige voilé de l’irrédentisme mussolinien, le séparatisme corse remporte sa première victoire en 1982 avec la concession d’un statut particulier pour l’île. Ce petit Munich insulaire ne pouvait échapper au sort de tous les Munich, en vertu de l’aphorisme de Montesquieu : « Lorsque l’on achète la paix, on se met en situation de la payer toujours plus cher ». C’est ainsi que cette fausse-bonne idée se révéla une incontrôlable machine à surenchères institutionnelles que n’enrayèrent pas les pare-feux statutaires de 1991 et 2002. Nous en sommes arrivés en 2016 à des revendications au seuil de la souveraineté, telles la coofficialité de la langue corse, le statut de résident, et surtout « l’inscription de la Corse dans la Constitution », véritable sas de l’indépendance de l’aveu même de ses promoteurs, à l’instar de la Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, on ne peut tenir pour démocratiquement recevable le rappel de l’approbation de ces mesures par une Assemblée de Corse sous influence, s’érigeant abusivement en assemblée constituante sans mandat de ses électeurs.

La surréaliste prise du pouvoir régional en décembre dernier par les séparatistes, ne représentant que 35,4% des votants et 22,9% du corps électoral, transforme aujourd’hui la question corse en bras de fer entre le pouvoir local et le gouvernement. Fort de son succès électoral, le premier pousse les feux de ses revendications souverainistes. Mais pour l’heure, il ne détient que la légalité de l’administration courante de l’île et non la légitimité démocratique de la dépasser. Exaspéré par cette  déficience rédhibitoire, il multiplie les provocations, cherchant en fait, piège grossier,  à obtenir par une répudiation nationale ce que les urnes s’obstinent à lui refuser. Garant de l’unité de la Nation, le gouvernement est donc parfaitement fondé à rejeter des exigences inacceptables. Et s’il est tenté par une nouvelle dérogation pour acheter de nouveau la paix civile, il en est fort heureusement empêché par la Constitution qu’il ne peut réformer faute de majorité parlementaire.

Décentraliser largement vers les régions et renforcer l’autorité centrale de l’Etat

Comment se tirer de ce  guêpier ? La solution doit sortir de l’analyse objective des données du problème.  Force est d’admettre que la Corse ressort sinistrée de trois décennies de particularisme institutionnel : record national de chômage et de précarité sociale, confusion politique générale, divisions sans précédent entre insulaires, banalisation du clientélisme et de la corruption, persistance d’une violence endémique, etc. Les insulaires ont tout à craindre d’une espèce de privatisation politique de l’île au profit d’un néo-clanisme faisant planer le spectre d’une république bananière.

L’obsession d’une incontournable singularité corse à satisfaire est une autre fausse-bonne idée. Elle a surtout pour effet d’accorder des pouvoirs spéciaux à des potentats locaux, au détriment de l’intérêt général. La population de l’île a tout à perdre d’une distanciation de la République qui ne lui garantirait plus la vitale solidarité nationale, son inappréciable assurance tous risques. L’insularité n’est pas fatalement synonyme d’éloignement politique, comme l’attestent maints exemples dans le monde. Le handicap qu’elle peut engendrer n’est que de nature économique, à surmonter par des mesures appropriées du même ordre.

Des considérations ethniques pourraient-elles justifier une exception politique corse ? Dans ce cas, toute la France serait concernée en raison de la grande diversité de ses régions! Rappelons que, française avant Nice et la Savoie, la Corse s’est fondue dans la Nation y compris par le sang largement mêlé, sans perdre sa fière identité.

La dérogation institutionnelle de 1982 fut une grave imprudence politique. Croyant naïvement satisfaire un légitime droit à la différence par la concession d’une différence des droits, elle a placé dans l’unité de la Nation la bombe à fragmentation que constitue l’inéluctable contagion à d’autres régions à caractère affirmé. Pour employer une métaphore cultuelle, la France est un fragile chapelet dont les grains sont nos toujours remuantes provinces d’antan, que soixante quatre rois bâtisseurs et un empereur de génie ont mis quinze siècles à enfiler dans la sueur et dans le sang. Ce joyau unique au monde ne tient que par le lien de la République une et indivisible. Il suffirait qu’un seul grain s’échappe du chapelet pour qu’il se dévide. Le pays retournerait alors aux féodalités du Moyen Âge. Les régions les moins favorisées seraient sacrifiées sur l’autel des égoïsmes régionaux. Effilochée, la France disparaîtrait. 

L’accession au pouvoir local des séparatistes aux élections de décembre 2015 ouvre paradoxalement une perspective de sortie de crise par le haut. Leur spectaculaire succès électoral ne peut masquer leur échec politique de fait. Le constat s’impose qu’après quarante années d’une agitation débridée, les Séparatistes demeurent largement minoritaires dans l’île, et même en léger repli. La résistance électorale obstinée d’une majorité silencieuse loyaliste, conservant la France chevillée au corps, a ainsi maintenu entrouverte la porte des pleines retrouvailles républicaines de la Corse. Comment parvenir à cette restauration salutaire? Par la régionalisation pour tous, qui devrait être l’objectif cardinal de la providentielle réforme territoriale en gestation.

Aujourd’hui, les collectivités territoriales ne supportent plus la vétilleuse dictature administrative de Paris. Elles aspirent, ne serait-ce que par dignité, à la responsabilité de toutes les compétences de leur ressort, à l’exclusion bien entendu des prérogatives régaliennes de l’Etat. Au lieu d’un autre statut particulier de la Corse, il faut inventer un nouveau statut général de la France, octroyant à toutes les régions, au périmètre rationnalisé et à l’intercommunalité poussée, une émancipation administrative au moins égale à celle de la Corse. L’unité de la République serait ainsi rétablie, sans aucune perte pour la Corse de ses droits acquis. La vigoureuse impulsion de la décentralisation qu’implique cette indispensable refondation territoriale doit appliquer dans sa plénitude le principe de subsidiarité qui dicte que ce qui peut être décidé à un niveau ne doit pas l’être à l’échelon supérieur. Gardien intransigeant du temple national, l’Etat doit compenser ses concessions régionales par l’affermissement de son autorité centrale, notamment dans ses devoirs de péréquation, d’arbitrage et de contrôle.

Cela reviendra en somme à raviver la devise de la République : Liberté accrue par l’auto-administration, Egalité rétablie par la restauration de la parité des droits, Fraternité affermie par la sanctuarisation de la solidarité nationale.

En définitive, la brûlante question corse révèle l’ardente obligation d’une refonte de l’architecture administrative du pays, grande œuvre exigeant une volonté politique inflexible. Le chef de l’Etat qui relèvera ce défi herculéen marquera l’Histoire de France. Il ne pourra y parvenir que par le recours à l’arbitrage du peuple souverain.

Michel FRANCESCHI
Officier général (2S)


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