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Légionnaire toujours...

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L'amour du Chef l'obéïssance...

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Publié le 21 avril 2015 par légionnaires-officiers


Mon ami Alviero Fedeli nous apporte son concours à placer sur ce blog quelques écrits qui reflètent parfaitement l'ambiance légionnaire. Un vrai régal. Les légionnaires-officiers commencent à participer à rendre ce blog intéressant, c'est une grande satisfaction, qu'ils en soient remerciés.

"Si dans l’imaginaire collectif et dans ce que l’institution légionnaire peut laisser entendre, Monsieur Légionnaire est un exemple d’obéissance et de dévouement pour ses chefs, il arrive parfois qu’il se sente quelques peu agacé par ce devoir. Il suffit d’une contrariété, d’un sentiment d’injustice et cet éternel adolescent affamé d’amour peut se révolter. N’allez pas imaginer une quelconque mutinerie, non, tout cela se fait avec panache et subtilité, une sorte d’obéissance aveugle qui renvoie le chef à plus de vigilance dans sa manière de donner les ordres. La plus belle illustration de ce « système » est la célèbre anecdote rapportée par Boncarrère. En Indochine, conviés par note de service au bal du gouverneur, des officiers de Légion se présentèrent avec, pour tout vêtement, leurs décorations « pendantes », prétextant, à juste titre, que sur la note de service, qui équivaut à un ordre, il était précisé : « Tenue : décorations pendantes ». Depuis, les notes de services, précisent toujours le numéro interarmées des uniformes.

Moins spectaculaires, des nombreuses histoires témoignent de cette « résistance » dont le légionnaire est capable. En voici quelques unes, totalement véridiques même si, pour des raisons d’anonymat les noms ont été modifiés et les dialogues quelques peu « arrangés ».

Tout droit.

Le caporal Khune attendait sa fin de contrat après un séjour à Djibouti. Affecté à la Compagnie administrative du personnel de la Légion Etrangère (CAPLE), il avait été détaché pour emploi et pour quelques mois, au Bureau du Personnel de la Légion Etrangère (BPLE) en qualité de conducteur d’autorité. Il était censé accompagner le chef du BPLE dans ses déplacements et rester donc à sa disposition. Evidemment, le lieutenant-colonel Blois ne se déplaçait pas tous les jours et, en dehors d’aller le chercher à son domicile le matin et de le raccompagner le soir, Khune n’avait pas une grande activité. Après avoir fait les niveaux de la 4L de service et d’avoir frotté carrosserie et vitres, il lui restait beaucoup de temps libre, qu’il passait à lire dans la salle d’attente.

Mais voilà, les bonnes choses ont une fin. Cette fin s’appelait sergent Flamand, nouvellement affecté au Groupe de Liaison informatique de la Légion Etrangère (GLILE-9), chargé de mettre à jour et exploiter l’extraction des données du personnel de la Légion du fichier national « Non-officier d’active ». En dehors du travail de réflexion, soit l’écriture des programmes avec leur corollaire d’études et d’analyses, le travail d’exploitation s’effectuait sur le Burroughs 2500 du Centre de traitement de l’information de la 7e Région militaire, sis à la caserne Bugeaud à Marseille. Pour la petite histoire, le GLILE avait pris le cardinal 9 car il y avait à l’époque un centre de traitement de l’information pour chaque région militaire (donc 7) et un pour le Forces françaises en Allemagne (c’était encore leur appellation). Le GLILE venait donc en neuvième position.

Un officier et quatre sous-officiers composaient le GLILE-9. Jusque là, ceux qui se rendaient au CTIR7, effectuaient le déplacement avec leur véhicule personnel, le trouvant sans doute plus confortable que le véhicule de service. Mais le jeune sergent, non encore régularisé d’état civil, c'est-à-dire servant encore sous un nom d’emprunt, n’avait pas de permis et encore moins de véhicule. Le chef du BPLE, mis au courant du problème, avait immédiatement mis sa voiture et le chauffeur à la disposition du GLILE-9 pour ces déplacements.

Pour le caporal Khune, fini la tranquillité : 4 à 5 fois par semaine, le voilà parti pour accompagner le sous-officier. Si ce n’avait été que cela… Le statut de « conducteur du chef du BPLE » donnait le droit au caporal, de dîner à la « petite-soupe », servie avant le dîner commun. Or, le retour de mission ne s’effectuait qu’après 18H30, voir plus tard, et Khune se retrouvait à dîner au mieux avec les autres, ou pire, après, lorsque le repas était presque froid. De plus, le jeune sous-officier, frais issu des rangs du Groupement d’Instruction de la Légion Etrangère du 2e Etranger (GILE) où il était instructeur à la Compagnie d’instruction des cadres (CIC), était sinon pédant, du moins un peu trop « scolaire », voire psychorigide, sur les rôles du conducteur et du chef de bord : visite avant le départ, entretien du véhicule à la halte, conducteur en place dès lors que le véhicule n’était pas au quartier… En outre le jeune gradé avait des règles en conformité avec la rigueur propre à l’instruction, mais bien loin des habitudes des régiments opérationnels : interdiction de porter des lunettes de soleil, retenues incompatibles avec la tenue militaire, interdiction de mâcher du chewing-gum pendant la conduite, obligation de porter la coiffure dès lors que l’on n’était plus dans un bâtiment… Bref, le dialogue entre caporal et sergent se limitait à une longue litanie de « fais pas ci… fais pas ça… » auxquels il fallait répondre « A vos ordres, sergent ! ». Non, pour être tout à fait honnête il faut ajouter que le sergent Flamand, prenant son rôle de chef de bord très au sérieux, entre deux remarques il s’évertuait, bien que Khune connaisse le chemin, à lui indiquer la route.

Les jours et les semaines passaient, sans que des changements notables vinssent changer les choses.

Ce jour là, Khune espérait encore plus que d’habitude qu’il n’y ait pas de mission  pour le GLILE. Hélas, au retour de la petite-soupe, vers 12H15, le sergent l’attendait : « Caporal, cet après-midi nous allons en mission à Marseille. Va faire le plein, mets à jour le carnet de bord et tiens toi prêt car je compte partir dès 14H00 ! ». Le caporal se contenta d’un laconique : « Reçu, sergent ! ». « Tu me prends pour un poste radio ? Tu ne peux pas tous simplement dire : à vos ordres sergent ? », s’exclama alors Flamand et il enchaina en lorgnant vers la tenue du caporal, qui portait les plis d’une utilisation journalière ; « Puis, regarde un peu ta tenue, t’as intérêt à la repasser d’ici demain ou je ferais une demande de punition pour tenue négligée ! ».

« Sergent, il y a un problème avec les fers à repasser dans les chambres de la CAPLE : dès qu’on est plus de deux à repasser, les plombs sautent. Hier soir, il y avait toute la relève de la garde qui devait repasser la tenue et l’adjudant d’unité m’a dit que je n’étais pas prioritaire. » s’expliqua Khune. « Je ne te demande pas de me raconter ta vie pleine de trous, caporal, mais d’avoir une tenue correcte pour représenter la Légion là où nous nous rendons. ». Puis il tourna les talons et partit en direction du Mess sous-officiers pour déjeuner.

Khune, ferma dans un premier temps le carnet de bord avec le relevé kilométrique, puis vérifia les niveaux et, comme il avait fait le plein le matin avant d’aller chercher le chef du BPLE à son domicile, il décida de ne pas se déplacer pour si peu, certainement un litre ou deux.

A 13H45 le sergent était de retour, récupérait les dossiers d’exploitation et les consignes de travail puis rejoignait le véhicule. Après avoir vérifié l’état et la propreté de la voiture, il demanda le carnet de bord pour contrôler s’il était ouvert et si le plein avait été fait. « C’est quoi ce bordel, caporal, ne t’ai-je pas dit de faire le plein ? » s’exclama-t-il en constatant que ce n’était pas fait. Khune essaya de s’expliquer : « Sergent, j’ai fait le plein ce matin, avant d’aller récupérer le colonel, alors j’ai pensé que… », « T’es pas payé pour penser mais pour exécuter des ordres. Je pense et tu fais ce que je te dis ! » lui rétorqua le sergent : « Le règlement précise que les pleins doivent être faits avant tout départ en mission. Alors, pour cette fois on partira en l’état car je ne veux pas être mis en retard par ta faute, mais gare à toi la prochaine fois. Non exécution d’un ordre reçu, ça peut aller chercher loin ! Contente-toi de faire strictement ce que je te dis ! » puis il prit place dans la 4L.

Dès la voiture démarrée, le sergent donna ses instruction : « A la sortie du quartier tu tournes à gauche, tu ne prends pas tout de suite l’autoroute pour Marseille mais tu vas jusqu’au rond-point à l’entrée d’Aubagne, tu tournes au tour du rond-point et tu reviens pour prendre l’entrée d’autoroute. ». C’était, bien entendu, le parcours habituel et Khune le connaissait par cœur. Il espérait toutefois un répit sur l’autoroute, du moins jusqu’à la sortie de la Pomme, mais ce jour-là il n’en fut rien. Flamand était en pleine forme : « Roule à droite et ne dépasse pas 90 kilomètres/heure ! » commença-t-il dès les premiers mètres d’autoroute. Devant le silence un peu buté du caporal, il reprit : « T’as pas appris à dire : à vos ordres ? qui t’a fait l’instruction ? ». Khune se fendit d’un « A vos ordres sergent ! » à peine audible et manquant visiblement de conviction. En arrivant à la sortie de la Penne sur Huveaune, les consignes reprirent : « Mets ton clignotant et déplace toi sur deuxième file pour laisser rentrer les autres usagers. Puis remets ton cligno et reviens à droite ! ». C’est à peine si Khune s’entendit dire « A vos ordres, sergent », tant il avait la haine… Il savait aussi que le pire, le parcours en ville, était à venir.

Toujours sous l’assistance du sergent, le parcours se déroulait sans autres anicroches que les échanges « Fais ci ... fais pas ça… » de l’un et les « A vos ordres, sergent ! » de l’autre. C’est en arrivant devant la gare de la Blancarde que l’idée jaillit dans le cerveau du caporal. Flamand, à l’accoutumé, lui donna les consignes : « Reste à droite et suis le boulevard Marechal Foch, en face, puis, en arrivant  au rond point en bas du boulevard, tu iras tout droit. ».

Il aurait dû se méfier, car le « A vos ordres sergent ! » était d’un ton plus sûr, plus convaincu !

Khune s’engagea sur le boulevard et prit un tout petit peu de vitesse. Observant le trafic, il s’arrangea pour ne pas être obligé de s’arrêter avant le rond point, puis, en y arrivant il partit tout droit,  se payant le rebord et atterrissant dans le parterre du rond point. Le sergent assena une calotte sur la tête du caporal tout en s’exclamant : « Bougre d’âne, connard, débile profond… T’es bourré ou quoi ? T’as vu ce que tu as fait ? Je ne sais même pas si nous pouvons en sortir, il va falloir appeler la dépanneuse. Je vais demander que tu sois foutu en tôle jusqu'à la fin du contrat… ». Khune, laissa passer les premières bordées puis, calmement, il répondit : « C’est vous qui m’avez dit d’aller tout droit. Après tout, je ne suis pas payé pour réfléchir mais pour exécuter vos ordres ! ». Après un premier mouvement de colère, Flamand reconnut en son fort intérieur que c’était vrai et qu’il venait de recevoir une leçon de « Formation Légion » bien méritée. Il organisa le dépannage de la 4L, qui au passage avait subi quelques dommages, De retour au quartier, il convia Khune au foyer pour boire une bière ensemble, puis, conformément au règlement et à la satisfaction du caporal, il rédigea un rapport et une demande de sanction : il demanda 10 jours d’arrêts pour le conducteur et … 6 jours pour le chef de bord.

Dans ce cas, la sanction apparait presque comme un titre de gloire. L’histoire fait rapidement le tour du régiment et tout le monde, y compris la « victime », reconnaît un certain panache, voir une part de courage pour braver ainsi l’autorité. Quant au gradé, il  comprend la fronde apprécie l’hardiesse et, s’il est bon, il ne commettra pas l’erreur une seconde fois.

Mais d’autres fois la fronde devient plus franche et le refus d’obéir ne s’encombre plus de faux semblants. Alors, seul le panache de la réponse, va forcer l’admiration des légionnaires et des cadres, les contraignant à la modération.

Tu vas savoir comment je m’appelle.

« Putain, Piriou, tu n’peux pas me faire ça, pas toi, pas à moi… », s’exclama l’adjudant Brindisi en lisant la note de service pour l’organisation de la remise des képis blancs à la section du lieutenant Lalboche.

« Je regrette, vieux, mais t’es la seule section disponible : Fritz est au raid de fin de section et Franchi est de service régimentaire. Il ne reste que toi. » lui répondit l’adjudant d’unité.

« Mais tu sais que le lieutenant Lalboche et moi, c’est la guerre : c’est tout juste si l’on s’adresse la parole… »,

« Je sais, et je sais aussi que les adjoints se tirent dans les pattes avec les perceptions et que les caporaux font un concours de beuglements tous les matins. Le vieux le sait aussi, tu penses bien ! », lui répondit d’un ton péremptoire Piriou.

Brindisi admit que l’inimitié entre les deux chefs, avait déteint sur tout l’encadrement des sections : les sous-officiers adjoints s’accaparaient du matériel d’instruction ou demandaient des perceptions ou des réintégrations dans l’objectif de se gêner l’un l’autre et les caporaux, en attendant le rassemblement, faisaient chanter les deux sections simultanément en essayant de surpasser l’autre plus en quantité de décibels que en qualité de chant…

Piriou le sortit de sa rêverie en lui demandant : « Et si tu m’expliquais les raisons d’une telle inimitié ? Je t’avoue que ni moi ni le capitaine n’y comprenons rien. ».

Brindisi lui répondit : « Ecoute vieux, c’est une longue histoire. Si tu veux en savoir le fin mot, t’as qu’à m’offrir une bière au club. ».  Piriou sourit et invita Brindisi à le suivre tout en le chambrant : « Vieille histoire ? tu m’en diras tant. Ca fait deux mois que le lieutenant est là… Dis plutôt que t’as soif ! ».

Les deux sous-officiers s’installèrent au comptoir du club compagnie et Brindisi entreprit son récit.

« Tout a commencé il y a 3 ou 4 semaines. J’avais réservé la zone 1 au domaine Saint Jean (1), tu sais, celle qui va du parcours du combattant au stand ball-plast (3) et au golf-grenades (4) ? Bon, j’y arrive avec ma section et j’y trouve ce blanc-bec, installé sur le plateau à côté du stand de tir. Je lui demande poliment ce qu’il fiche là, et il me répond qu’il a réservé le stand et qu’il occupe le terrain à côté pour des ateliers ordre serré, instruction de tir et français. Je reste poli mais je fais valoir que j’ai retenu cette zone pour l’instruction combat et là, sais tu ce que trouduc me répond ? », « Non, mais tu vas certainement me le dire ! » interjeta Piriou, «  Et comment je vais te le dire, à condition que tu m’en paye une autre. Donc, l’animal me répond que le terrain fait partie du stand et que de toute façon il ne bougera pas ! Il me sort un truc du genre : ‘possession vaut droit’. J’t’en foutrais mois de droit et de possession ! » s’exclama Brindisi en vidant goulument sa bouteille.

Piriou l’observa, un peu interloqué, puis lui demanda : « Et alors, qu’as-tu fait ou répondu ? ».

« Que veux-tu que je fasse ? J’ai fermé ma gueule. J’n’allais pas lui fiche mon pied au cul devant toute la section. Note que ce n’était pas l’envie qui m’en manquait… J’ai pris ma section et je suis allé ailleurs. Mais j’ai donné les ordres à Kintz pour qu’il emmerde au maximum cette section. D’où tout ce que tu as remarqué. », conclut Brindisi en attaquant la deuxième 33 export.

« Ca fait un bel bordel pour pas grand-chose », lui répondit Piriou, « Ce que je peux te dire c’est que de toute manière c’est toi qui fournira la section d’honneur pour le lieutenant Lalboche et que je ne peux rien y changer. Au contraire, ça sera peut-être l’occasion, au pot qui suivra la cérémonie, de se parler et arrêter les conneries ! Je te laisse, j’ai un boulot, moi ! » dit Piriou en se levant et en prenant congé. « Et moi, des convictions ! » termina Brindisi en soulevant sa boisson à l’adresse de son camarade.

Originaire du Piémont, engagé en 1959, Brindisi avait vécu la fin de la guerre d’Algérie et la déception de l’abandon de ce beau pays. Affecté depuis son retour de Madagascar, au Groupement d’instruction de la Légion Etrangère (GILE) du 1er régiment étranger, il considérait cette affectation, sa première hors d’un régiment opérationnel, comme une sanction injustifiée. Il s’y prêtait toutefois, sinon de bonne grâce, du moins sans réelles réticences, laissant par ailleurs courir des bruits qui asseyaient solidement sa « mauvaise » réputation. Il se racontait, entre autres, que lors d’un footing dans les gorges de la Restonica, petite rivière qui contournait le piton de la Citadelle de Corte pour rejoindre le Tavignano, un jeune légionnaire de sa section avait eu un malaise. L’adjudant, l’aurait obligé à continuer de courir jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. Il l’aurait alors laissé seul, à moitié dans les vapes, continué le footing avec le reste de la section et n’aurait alerté les secours qu’à son retour au quartier. Le jeune en serait mort…

Inutile de dire qu’il y avait aucune chance que ce récit soit véridique ; dans un régiment opérationnel personne n’y aurait cru, mais dans un détachement d’instruction, avec l’aide de l’image « romantique » encore présente dans les esprits des jeunes recrues, ça ne laissait aucun doute…

Arriva enfin la soirée de la cérémonie. Piriou avait fait élever un grand bûcher sur le plateau au pied di Nid d’aigle, partie la plus haute de la Citadelle, puis il avait tendu des cordelettes pour marquer les emplacements de chaque section : au centre, la section qui recevait le képi blanc, d’un côté la section d’honneur à 1.3.18, (comprenez : un chef de section, trois chefs de groupe et 18 légionnaires) et de l’autre côté les cadres sans troupe, généralement les sous-officiers administratifs de l’unité, les délégations des autres sections et quelques invités. Les emplacements du commandant des troupes, de l’autorité présidant la cérémonie (la plupart du temps le commandant d’unité, parfois le chef de corps) et du légionnaire qui serait chargé de promettre, au nom de tous les autres, de servir avec honneur et fidélité, étaient matérialisés par des ronds de craie pilée, le chemin par lequel l’autorité arriverait, était balisé par des brulots.

Le déroulement de la cérémonie n’a que très peu changé depuis : les troupes sont présentées au commandant d’unité qui ordonne : « Coiffez vos képis blancs ! », les légionnaires s’exécutent avec un bel ensemble, fruit d’un entraînement de deux ou trois jours, puis le capitaine ordonne de remettre les insignes et fourragères et l’encadrement de la section passe dans les rangs pour accrocher l’insigne régimentaire à la poche de poitrine droite et, s’il y a lieu, la fourragère sur l’épaule gauche. Puis un légionnaire, choisi entre les meilleurs, sort du rang et s’avance jusqu’à la marque qui lui est destinée et prononçait la phrase : « Nous promettons de servir avec honneur et fidélité ! », il fait demi-tour et rentre dans les rangs. Aujourd’hui cette phrase est remplacée par la récitation des sept articles du code d’honneur.

Afin de mettre en valeur la blancheur des képis, la cérémonie se passe souvent en soirée.

Brindisi prit place avec sa section à l’heure prévue. Piriou remarqua qu’il avait la tête des mauvais jours mais il se dit qu’il était là, et c’était déjà un point positif. Le sergent de jour procéda à la mise en place et à l’alignement de la section, puis commanda le « repos ». La section Lalboche était quant à elle déjà installée et le lieutenant s’était déjà mis à hauteur de la marque destinée au commandant des troupes. Il fallait attendre l’arrivée du capitaine car, comme le disait en blaguant lourdement Piriou, « Soleil arrive quand soleil s’en va ! », car le capitaine (en procédure radio « soleil »), était censé arriver à la tombé de la nuit, quand le soleil serait parti. Piriou se tenait par ailleurs prêt à mettre le feu au bûcher.

Lorsque le capitaine Cazals fut en vue, le jeune lieutenant, pour qui le stress de la première cérémonie avait été augmenté par l’attente, rectifia sa position et lança d’une voix forte : « A mon commandement, présentez…armes ! ». Il s’en suivit, au lieu des claquements secs attendus, un roulement chaotique de crosses frappées. Avec consternation, le lieutenant s’aperçut qu’il avait omis, avant de commander le « présentez-armes », de mettre les troupes au « garde-à-vous ». Les légionnaires s’étaient donc exécutés mais avec maintes hésitations. Perdant contenance, Lalboche ne sut que regarder Brindisi qui était resté ostentatoirement au repos.

« Brindisi, vos légionnaires sont au présentez-armes, vous pourriez vous mettre au garde-à-vous ! »

Piriou, sur les rangs des sans troupe, s’adressa à son voisin à voix basse : « Putain, ça va chier dur ! ».

En effet, Brindisi, se mit au garde-à-vous, sortit des rangs, exécuta un demi-tour droit impeccable et s’adressa à ses légionnaires : « Bande de brèles, on n’exécute aucun mouvement de pied ferme à partir de la position repos. Vous ne méritez pas d’être la section d’honneur. Reposez…armes, repos, gaadavous, à droite-droite, à la disposition du sergent de jour pour retourner dans la chambre ! », puis il partit en direction de l’escalier qui descendait vers la compagnie. Tous les présents étaient sidérés, le sergent de jour de la section comme les autres et n’osant pas sortir de rangs pour exécuter le commandement de son chef. Lalboche, essayant de sauver la face, rappela l’adjudant : « Brindisi, revenez à votre place ! Je suis votre lieutenant et vous me devez le respect ! ». Brindisi s’arrêta et se retourna, prit une inspiration et répondit d’une voix sourde : « Je m’appelle Julio pour les femmes, Brindisi pour mes amis, et mon adjudant pour les petits cons comme toi ! » puis il reprit son chemin. C’est alors que le Cazals prit la parole et, d’une voix ferme dit à l’adresse de l’adjudant : « Brindisi, vous pourrez ajouter un nom à votre panoplie, car, dans mon bureau demain matin vous allez vous entendre appeler Arthur ! ».

Notes.

(1) Domaine Saint Jean : vaste domaine, situé au pied du pic de la Punta del Corbo,  en face de la Minoterie, cantonnement de la Compagnie d’instruction des cadres et des spécialistes (CICS). Il était délimité au Nord par la RN200, au Sud par la voie de chemin de fer, à l’Est par la piste d’instruction de conduite et à l’Ouest par le chemin d’accès à la Section d’épreuve (2). Parsemé de petites constructions, anciens abris d’agriculteurs et bergers, il disposait de nombreuses installations d’entraînement physique, technique et tactique : parcours du combattant, piste du risque, golf-grenades, piste combat anti-char, stand de tir ball-plast... Il était en outre divisé en « zones d’instruction tactique et de bivouac» des vastes plateaux non mieux délimités que par des murettes à moitié écroulées et par l’habitude des utilisateurs.

(2) Section d’épreuve : unité héritière des compagnies de discipline elle était situé au nord du domaine Saint Jean. Entourée de murailles en pierre sèche de 2 mètres de haut et d’un de large, montées par les légionnaires qui y étaient affectés. L’affectation dans cette unité constituait une sanction décidée par une commission d’enquête qui faisait suite à une faute grave ou à de l’inconduite habituelle. Elle était organisée en deux groupes : le groupe d’instruction, à la discipline très dure, et le groupe de combat, à la discipline dure. Les légionnaires affectés à la section d’épreuve travaillaient dix à douze heures par jour à des tâches pénibles et, parfois, sans réelle utilité. Les séjours, à l’époque, ne dépassaient que très rarement les trois mois, l’objectif étant de favoriser la réinsertion du légionnaire dans une unité plus classique.

(3) Ball-plast : munitions à balle en plastique, destinées au tir à courte distance. Dotées d’une forte vitesse initiale et donc une trajectoire avec peu de flèche, elles étaient utilisées pour permettre un bon réglage des armes.

(4) Golf-grenades : parcours parsemé d’obstacles qui représentent différentes situations d’emploi des grenades à main : fenêtre, trou de combat proche ou loin, vasistas, tourelle de char. Il se parcourt en courant d’un obstacle à l’autre et en transportant une musette contenant les grenades inertes.

Seule la prompte réponse du capitaine a atténué l’impact que l’insubordination de l’adjudant aurait pu générer auprès des légionnaires. C’est une manière de reprendre la main, de garder l’initiative, d’avoir le « dernier bon mot »  et, quelque part, de « poser son personnage ». Les légionnaires y seront sensibles et, tout en admirant le présumé panache de l’adjudant, il reconnaîtront celui du capitaine qui aura, non sans humour, répliqué en asseyant son autorité sans l’agiter comme un étendard."

Alviero Fedeli


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