Le 23.06.1977, je prends le commandement de la 3e compagnie de la 13e DBLE à ALI SABIEH (DJIBOUTI).
Le tableau d’effectifs comporte une animalerie impressionnante : des cochons, des ânes, deux guépards et un lion.
Les cochons sont destinés à améliorer l’ordinaire des légionnaires.
Les ânes, initialement prévus à nourrir le lion, ont la vie sauve sur la demande insistante d’une épouse. Le 03.10.1977, l’ânesse met bas un ânon nommé PARTAGAS, en honneur à son père spirituel, un officier du BOI, particulièrement apprécié à la Compagnie.
Les guépards, en liberté dans le camp, sont accusés de tous les maux par la population locale. Le 01.07.1977, je les fais mettre en cage.
CHIFTA, bandit de grand chemin en langue somalienne, est un magnifique lion. Il habite une cage en face du bureau du commandant de compagnie sur une petite colline. Le lendemain de la passation de commandement, le Caporal-chef, gardien du fauve, ayant abusé des festivités nocturnes, ne trouve rien de mieux que de dormir dans la cage du lion. Je suis alerté par les hurlements de l’intéressé, lorsque le lion se couche sur lui. Mon adjoint, le Capitaine MILLET, surveille la scène, prêt à abattre l’animal de son pistolet. Finalement, le lion se lasse et le Caporal-chef finit sa sieste en prison.
En septembre 1977, le Colonel COULLON, chef de corps, m’annonce la triste nouvelle : le camp d’ALI SABIEH sera remis à l’armée Djiboutienne. Je dois laisser un quartier immaculé, créer une nouvelle installation dans l’enceinte de GABODE, près de la ville de DJIBOUTI, évacuer mes hommes et leurs familles, ainsi que la totalité du matériel, mais sans les animaux.
Mon ami, le Capitaine DEROUSSEAUX DE MEDRANO, patron de l’Escadron de Reconnaissance d’OUHEA, me propose gentiment de prendre en charge nos animaux. L’évacuation des cochons et des ânes ne pose aucun problème. Le transport des guépards se solde par la mort accidentelle d’un des fauves.
Par contre, CHIFTA nous fait des soucis. Ayant installé une cage de transport à coté de celle du lion, avec une chèvre vivante à l’intérieur, j’espère que le lion avalera cette proie. Un Sergent, armé d’un fusil, se tient sur la cage de transport pour la fermer au moment propice. Pendant plusieurs jours, les beuglements de la chèvre n’incommodent nullement notre lion. L’Adjudant-chef REUL, mon adjudant de compagnie, propose de pousser le lion avec la lance à incendie. CHIFTA prend stoïquement sa douche et ne bronche pas.
Nous faisons alors appel au vétérinaire de DJIBOUTI pour endormir le fauve. C’est l’Adjudant-chef MUNDHENKE, infirmier-major de GABODE, qui apporte le pistolet du vétérinaire et les produits anesthésiants. Bien sûr, le pistolet ne marche pas. Courageusement, MUNDHENKE rentre dans la cage et injecte le produit avec une seringue. CHIFTA ne bronche toujours pas. Après trois injections, il s’écroule. MUNDHENKE, pensant avoir dépassé la dose, fait des massages cardiaques au lion.
Enfin, CHIFTA est dans la cage de transport, la chèvre a la vie sauve et l’Escadron de Reconnaissance charge le lion sur un camion. Ouf !!!
Ainsi, le lion d’ALI SABIEH rejoint son congénère MAO à OUHEA.