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Les Doktors germaniques dans le Viet Minh

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thời đại mới

REVUE VIETNAMIENNE D'ÉTUDE ET DE DÉBAT

No. 3  - Novembre 2004


                                 

Les Doktors germaniques
dans le Viet Minh[1]

                                        

 Heinz Schütte

                                                                             

                                                                              


I – Une histoire commune

Quand on parle des ralliés intellectuels de langue allemande dans le Viet Minh, on a affaire à la fois avec l’histoire vietnamienne de 1941 à 1966, avec l’histoire française, l’histoire autrichienne et allemande depuis 1933. C’est donc un thème qui nous unit parce qu’il s’agit d’un épisode de notre histoire commune. Ce symposium a comme tâche d’élucider cet épisode mal connu; personnellement, je ne peux que me pencher sur des documents afin de retracer des évènements, mais les témoignages de ceux qui ont connu et travaillé avec ces hommes sont tout aussi précieux et seront les bienvenus.

J’ai eu la chance de trouver des documents, parfois des fonds, dans les archives de l’ancienne RDA et en France, dans une cave à la campagne non loin de Francfort sur le Main, dans un débarras à Paris, auprès d’une vieille dame à Vienne. Je dois dire qu’au cours de mes recherches pendant l’année 2003 j’avais parfois le sentiment de rendre la vie à des hommes qu’on avait oubliés parce que leur(s) histoire(s) dérangeai(en)t, et avec chaque dossier, avec chaque entretien je découvrais un nouvel aspect de leur vie. Essayons ensemble de réparer cette omission bien que, pour ceux qui ont connu ou aimé les personnes en question, cela ne sera pas toujours facile.


II – Une cause utile pour la RDA    

Avant de procéder plus chronologiquement et de retracer quelques parcours exemplaires, je voudrais vous présenter un aspect du retour des ralliés du point de vue de la politique de la RDA en la matière:

Le 20 février 1950, Erich Honecker, alors président du mouvement de la jeunesse est-allemande (FDJ), fit appel aux «soldats allemands au Vietnam» dans la Légion étrangère. Parce qu’ «il n’est pas compatible avec le futur et l’honneur de notre nation» qu’ils restent dans la Légion, il les exhorta de rallier «le camp des révolutionnaires vietnamiens où se trouvaient déjà beaucoup d’anciens légionnaires allemands.» Il promit l’amnistie et un emploi à ceux qui rentreraient en RDA.[3] Quatre mois plus tard, le président de la RDA, Wilhelm Pieck, recevait une note du Comité central du Parti communiste vietnamien qui lui confirmait qu’ «il y avait beaucoup de soldats allemands prisonniers de l’Armée de Libération du Vietnam». La matière était considérée comme de la première importance, et Pieck dût la présenter au Politbureau parce que «Si nous pouvions faire en sorte qu’un certain nombre (de ces gens) viennent ici, ce serait…magnifique  pour notre propagande envers l’Allemagne de l’Ouest.»[4] Et le secrétaire général du Parti socialiste unifié (SED), Walter Ulbricht, peu avant l’arrivée du premier transport d’anciens légionnaires du Vietnam, recommanda que «par des interviews, des émissions de radio et des photos, une campagne publique devrait avoir lieu à propos de notre campagne contre la rémilitarisation de l’Allemagne de l’Ouest.»[5] Ainsi les anciens ralliés du Viet Minh en RDA étaient utilisés comme des objets dans la lutte politique et idéologique dès le début…

Par conséquent, le Ministère de la Sécurité de l’Etat (Stasi) prendra des directives pour «un contrôle perpétuel» des rapatriés; leur courrier sera controlé et des agents de la Stasi allaient les surveiller. Le ministère demanda des rapports mensuels sur leur emploi, leur conduite sociale, morale et politique et, plus particulièrement, leurs contacts avec «l’Ouest».[6] Après tout, ralliés au mouvement anti-colonialiste Viet Minh ou non, «l’influence de la Légion étrangère française et des crimes perpétrés par les légionnaires… dans des pays coloniaux, donne aux forces françaises réactionnaires l’occasion de les exploiter… comme des instruments faibles d’esprit pour leurs buts impérialistes…».[7] Ces directives s’appliquaient à la fois aux jeunes soldats qui étaient entrés dans la Légion après la Deuxième Guerre, parfois des anciens de l’armée hitlérienne, et aux antifascistes des années 30. La RDA utilisait alors les rapatriés pour infiltrer les représentations françaises à Berlin.

A cette époque, dans les régions du Viet Minh, des rumeurs vagues et confuses ont dû circuler, et, fort probablement, la révolte parmi les déserteurs européens était dans l’air. Ils avaient répondu à l’appel de propagande d’Erwin Borchers dit Chien Sy, le combattant, rédacteur-en-chef  de journaux de propagande envers l’ennemi.

Un autre allemand dans le Viet Bac, Rudy Schröder, connu au Vietnam sous le nom de Le Duc Nhan, apprît, le 6 août 1950, par son ami Tran Van Giau que des «fractions considérables» des Au Phi, c’est-à-dire des étrangers qui avaient rallié le Viet Minh pendant la guerre, «allaient bientôt rentrer chez eux.» Mais Schröder était incapable d’obtenir des informations précises, et il se sentait entouré de silence et de suspicion.[8] Il est révélateur que Tran Van Giau employait le mot de prisonniers au lieu de ralliés. Schröder considérait ce lapsus très révélateur de la vraie appréciation des Vietnamiens de leurs alliés européens.

 Qui sont ces hommes? En fait, nous avons affaire avec deux catégories: Il y a ceux nés autour de 1910 qui ont quitté l’Allemagne ou l’Autriche après janvier 1933, des anti-fascistes qui cherchèrent refuge en France et qui furent internés en septembre 39 quand la guerre éclata et qui entrèrent ensuite dans la Légion étrangère. Ils furent envoyés en Indochine où, finalement, ils rallièrent la résistance anti-coloniale. Ils étaient peu nombreux, peut-être une douzaine, et avaient des motivations politiques; c’était des gens cultivés et éduques, des légionnaires atypiques.

 Les autres, et la majorité, étaient des jeunes perdus dans l’effondrement du IIIième Reich. En 1945, ils avaient entre 17 et 25 ans. Ces pauvres diables étaient sans racines, arrachés à leurs familles, sans éducation ou travail, et la Légion semblait offrir une occasion de fuir leur misère, d’être nourris et de trouver une communauté. Ils étaient passés au Viet Minh pour  diverses raisons, la conviction politique était la moins importante. Durant la guerre de 1946 à 1954, au total 1325 légionnaires désertèrent vers le Viet Minh, dont 673 entre 1946 et 1948.[9]

Le gouvernement vietnamien avait donc permis aux soldats allemands le retour en RDA; parmi eux il y avait des prisonniers et des ralliés.[10] Entre mars 1951 et la fin de 1955, sept     transports avec en tout 761 hommes quittaient le Viet Bac par Pékin et Moscou pour Berlin. D’autre part, Erich Frey alias Nguyen Dan et Georges Wächter dit Ho Chi Tho arrivaient en Autriche en mai 1951; Rudy Schröder avec Walter Ullrich dit Ho Chi Long gagnaient Berlin en novembre de la même année. Erwin Borchers resta à Hanoi jusqu’en 1965. Je parlerai surtout de Schröder, Frey et Borchers restés auprès du Viet Minh entre 1945 et le début des années 50, des motifs qui les amenèrent à joindre la résistance vietnamienne, leur destin au Vietnam et leur retour en Europe pendant la guerre froide.

 

III – Le contexte historique

Le journaliste allemand et ancien parachutiste des forces coloniales françaises, Peter Scholl-Latour, raconte comment, à bord d’un navire de troupes que les Français avaient emprunté aux Britanniques, il partait pour l’Indochine fin 1945. Dans la Mer Rouge ils rencontrèrent «des convois entiers qui, dans la direction opposée, naviguaient vers l’Europe, et sur les mâts desquels flottaient des fanions de victoire. Sur le pont étaient des vétérans britanniques de la campagne de Birmanie rentrant chez eux dans la paix…». Les heureux Britanniques se moquaient des guerriers coloniaux attardés en criant : ‘You are going the wrong way… ‘».[11] Les Français, eux-mêmes à peine libérés de l’occupation allemande, étaient en train d’entreprendre un voyage contre l’histoire. Humiliés pendant la guerre, ils essayaient de regagner leur grandeur perdue dans les empires coloniaux. La droite comme la gauche, les communistes inclus qui, à l’époque, étaient le plus grand parti avec le plus grand nombre de députés, étaient unanimes à cet égard. Historiquement leur dessein était d’un autre âge, et moralement il était intenable. Peut-être s’agissait-il de créer un nouveau mythe national afin de dépasser la fracture intérieure du passé récent et de rassembler à nouvau une nation.      

 En juin 1940, la France a capitulé. L’administration française en Indochine était isolée et pas en mesure de s’opposer à l’expansion japonaise, et depuis la mi-1941, elle collaborait avec les Japonais. Ho Chi Minh et les chefs du Parti communiste indochinois regardaient leur pays du sud de la Chine attendant le moment favorable où le Japon serait vaincu et le Vietnam libéré d’occupation. En mai1941, ils fondèrent la Ligue vietamienne pour l’indépendance, le Viet Minh, un front patriotique et national comprenant toutes les classes sociales, mais dont le pouvoir restait toujours entre les mains des communistes.

En 1940, «des milliers de républicains espagnols qui avaient perdu la guerre civile, des juifs allemands qui avaient fui le régime de Hitler et des Polonais battus après le Blitzkrieg», étaient entrés dans la Légion étrangère.[12] Ils cherchaient à se cacher et une possibilité de continuer la lutte contre le fascisme allemand et japonais. Comme l’armée française, la Légion était aussi divisée: une petite partie était du côté de la Résistance, tandis que la majorité avait rallié le régime de Vichy.

Sur la façade de mon immeuble dans le Xième arrondissement de Paris, il y a deux plaques en marbre qui rappellent la mort de deux jeunes résistants tués là en août 1944. Suivant la libération de Paris, les anciens maquisards des Forces françaises de l’intérieur (FFI) formèrent des régiments qui combattirent aux côtés des Forces françaises libres (FFL). Une partie d’entre eux constituait l’armée de la révolte, largement à gauche, sinon communiste qui, enthousiaste et résolue à changer le monde, mettait l’Etat bourgeois en question. Après la capitulation allemande du 8 mai 1945, beaucoup de jeunes s’engagèrent dans le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO), afin de libérer l’Asie du fascisme, croyaient-ils.

Le Japon capitula le 15 août 1945. Ho Chi Minh déclara l’indépendance le 2 septembre et forma un gouvernement d’unité nationale (sous la direction du Viet Minh). Désormais on disait aux jeunes soldats, et plus particulièrement aux anciens résistants, que des indigènes anti-français déchainés, des Viet Minh, soutenus par des Japonais battus, voulaient s’emparer de l’Indochine et que l’empire colonial indochinois devrait être libéré de ces bandes comme la France avait été libérée des hordes nazies: «Ici se passe exactement ce que vous avez connu. Vous êtes en face de salopards, il faut les liquider comme vous avez liquidé les Allemands.»[13]

 

IV – Des réfugiés anti-fascistes à Paris – leur chemin dans la Légion Etrangère

La proportion d’Allemands dans la Légion étrangère a toujours été substantielle. Ils étaient considérés comme des «légionnaires modèles» disciplinés, courageux, batailleurs et ayant «un besoin de recevoir des ordres».[14] Mais ce n’était pas le cas des jeunes refugiés en France depuis 1933; très peu d’entre eux s’engagèrent dans la Légion entre 33 et 39 parce que «ceux persécutés par le régime nazi…, ne correspondaient que rarement par leur origine, leur  éducation… leurs opinions politiques et leur constitution physique, au profil du légionnaire typique, membre des classes modestes… peu éduqué… et sans racines, employé dans l’ agriculture ou dans l’industrie et qui changeait fréquemment  l’emploi.»[15]

Sur la base des lois proclamées par la 3ième République en 1938 et 1939, tous les Autrichiens et Allemands âgés entre 17 et 65 ans présents en France au moment de l’éclatement de la guerre, furent internés, fascistes et antifascistes, touristes, employés ou des hommes d’affaires. Les hommes internés en septembre, les femmes enfermées dans le Vélodrome d’Hiver en mai 1940, furent envoyés dans les camps du Sud de la France, Les Milles et à Gurs. En 1939, 1171 détenus allemands s’enrôlèrent dans la Légion, mais pendant les premiers mois de 1940, l’enrôlement double. Le nombre de refugiés allemands recrutés dans les camps d’internement en 1939/40 a été estimé de 3000 à 3500, et de août 1944 et la fin de 1946, un maximum de 5000 prisonniers de guerre optèrent pour la Légion.[16]

L’histoire de l’interné Rudy Schröder de Cologne démontre à quel point les premiers pas vers la Légion étaient fortuits, des pas qui l’amenèrent vers le Viet Minh, puis en RDA et finalement en RFA. Elle démontre également que des étiquettes comme ‘antifasciste’ ou ‘communiste’ sont employées trop facilement afin d’expliquer de façon déterministe ce chemin…

Dans son autobiographie, le politologue et philosophe Raymond Aron qui était assistant de français à l’université de Cologne de 1930 à 1933, écrit ceci: «A Cologne, je rencontrai un jeune étudiant dont le charme me ravit, Rudy Schröder. Son père vendait des imperméables et des parapluies. Une amitié tendre nous unit pendant mon séjour. Il détestait le national-socialisme. Deux ans plus tard, il vint à Paris où il vécut difficilement jusqu’à la déclaration de guerre. Il s’engagea dans la Légion étrangère; après la guerre, j’appris… qu’il avait passé en Indochine dans le camp de Hô Chi Minh. Je lus un jour dans le Figaro un article… sous le titre le Colonel SS Rudy Schröder… J’essayai de l’atteindre par une lettre qu’il ne reçut probablement jamais. En 1946, ses parents m’avaient demandé de ses nouvelles; vers 1960, j’entendis dire par des Allemands qu’il était professeur à l’université de Leipzig. S’il vit encore dans l’Allemagne de l’Est, j’aimerais le revoir. Je doute que la vie l’ait transformé en bon communiste. Qu’il ait déserté la Légion étrangère et l’ordre français à Saigon ou à Hanoi, je ne m’en étonne pas; et au nom de quoi pourrais-je l’en blâmer?»[17] Ces lignes du résistant Aron résument, malgré des erreurs de détail, les étapes de la vie de Rudy Schröder en y ajoutant sa fuite vers l’Allemagne de l’ouest en 1959. Malheureusement, les deux hommes ne se rencontrèrent plus jamais.

L’importance de la vie de Schröder – et ceci est aussi vrai pour les autres hommes dont je parle ici – dépasse largement celle de l’individu. Comme je l’ai déjà indiqué, elle illustre l’histoire douloureuse de l’Allemagne, de la France et du Vietnam au XXième siècle. Schröder était un transfuge malgré lui; si des circonstances politiques n’étaient pas intervenues, il serait devenu, selon toute probabilité, un professeur d’université allemand privilégiant des relations de travail avec ses collègues à Paris, écrivant quelques livres sur la sociologie politique et la littérature française ou l’histoire culturelle et des essais remarquables journalistiques.

Schröder était né en 1911 à Cologne; le passé romain de cette ville comptait beaucoup pour lui. C’était un homme d’un caractère enjoué, aimant les plaisires de la vie avec un sens esthétique raffiné. Il y avait en llui une soif de connaître et d’appréhender les contradictions de l’existence - une dualité qui amène vers la mélancolie si la reconnaissance sociale ne vient pas. Dans son Ly Lich Dang Vien, son livret d’identification personnel écrit probablement en mars 1950 quand il s’appelait Le Duc Nhan (on l’a connun aussi sous le nom de Kerkhof), à la rubrique ‘Position sociale’ il indique simplement Bourgeois.[18] Il avait fait des études de sociologie, de français et de littérature allemande, et il était membre de la Fraction Communiste d’Etudiants (KOSTUFRA).[19] Il avait ostensiblement presenté un bouquet de fleurs à son professeur juif qui avait  «été mis en retraite»[20] par les Nazis. Le journal des Nazis, Der Stürmer, l’avait diffamé comme ennemi du régime, comme communiste et pro-sémite. L’émigration à Paris n’était pas une catastrophe pour le jeune Schröder mais, malgré les circonstances, l’accomplissement de son plus cher désir. A la Sorbonne, il obtenait 3 des 4 certificats requis pour la Licence, et il travaillait à temps partiel dans l’Institut de sociologie de Francfort exilé à Paris comme assistant de recherche  pour le grand penseur Walter Benjamin.[21] Max Horkheimer, dans une lettre de novembre 1936 de New York, parlait de « Herr Schröder (comme) un jeune savant particulièrement doué. Nous espérons que nous pourrons le recruter comme un excellent collègue scientifique. »[22] Matériellement, la vie était rude, et pour joindre les deux bouts, il était obligé de travailler dans une fabrique de textile; à d’autres moments, il vendit des tapis de porte en porte.

Un ami de Schröder de l’époque, Fritz Meyer, qui avait été interné avec lui me raconta en 2003 à Paris qu’en arrivant dans le stade de Colombes transformé en camp, on leur avait dis qu’ils resteraient derrière des barbelés jusqu’à la fin de la guerre sauf s’ils s’engageaient pour la Légion étrangère; on promettait aux «volontaires» que leurs familles ne seraient pas internées. «L’idée que ma femme et notre enfant qui n’avait pas encore un an seraient dans un camp d’internement, m’était insupportable», a-t-il écrit plus tard.

 

V – De Paris à Hanoi par Sidi Bel Abbès

Il est improbable que Schröder et Borchers se soient connus à Paris… Erwin Borchers était né à Strasbourg en 1906; c’était un Alsacien allemand. Son père, d’abord tourneur et puis militaire, était Prussien; sa mère alsacienne était issue d’une famille de vignerons. Il était alors, par naissance, un frontalier, un de ceux qui vivent dans une région déchirée entre états, nations et nationalismes. L’originaire d’un pays frontalier est facilement exposé au drame de la «politisation de ce qui est humain» et il risque donc d’être «demain un héros… (et) le lendemain… encore un traître»[23] parce qu’il est enraciné dans une région qui est disputée par des pouvoirs antagonistes…

 Dans son curriculum vitae rédigé à Berlin en mai 1966, Borchers a expliqué que son père était parti pour la Première guerre comme partisan enthousiaste de l’empereur, mais qu’il retourna républicain et pacifiste ce qui aurait profondément influencé son orientation vers la gauche. En 1918, quand l’Alsace-Lorraine revint à la France, la famille déménaga dans le Reich. Le jeune Borchers, «obsédé par la politique déjà comme jeune garçon» (Lilo Ludwig), toujours «très romantique» (Susanne Borchers), faisait des études de français, allemand et histoire afin de devenir enseignant, et il militait dans des cercles socialistes. Quand Hitler prit le pouvoir, il faisait partie d’un groupe illégal de propagande qui produisait des tracts anti-nazi. Après avoir été interrogé par la police, il s’enfuit en France où il continua ses études universitaires à Aix-en-Provence et à Paris; il y passa sa licence en littérature et langue allemande en 1936.

 Sa décision de quitter l’Allemagne n’était pas du tout approuvée par son père autoritaire pour lequel c’était un acte de trahison. Le jeune Borchers étant citoyen allemand, n’était pas admis dans l’enseignement français. Il trouva alors un emploi comme libraire chez Biblion, rue Bréa. Quand il voulut joindre les forces françaises afin de combattre les Nazis, il fut refusé parce que «votre mère a trahi la France» en épousant un allemand.[24] Il fut interné au camp de Colombes le 3 septembre 1939 où il s’engagea dans la Légion étrangère. «Le service dans la Légion pour la durée de la guerre me semblait politiquement acceptable parce que la Légion, faisant partie de l’armée française, était objectivement une force dans la grande coalition anti-hitlérienne à laquelle appartenait aussi l’Union Soviétique… la Légion luttait contre la Wehrmacht à Narvik, Monte Cassino et sur d’autres fronts… contre Hitler.»[25] En 1939, il est vrai, la Légion étrangère avait une aura anti-fasciste.

 Schröder et Borchers furent envoyés à Sidi-Bel-Abbès dans le Cinquième régiment étranger d’infanterie (R.E.I.). En apprenant les détails de la fuite de sa femme avec l’enfant de Paris vers le Sud de la France, hanté par son incapacité de l’aider, Schröder écrit: «…quand ce qui n’était jamais considéré possible ainsi s’abat progressivement et puis vertigineusement, l’épouvantable paraît en fin de compte nécessaire et naturel.»[26] Il écrivait de «l’inutilité la plus complète» et de «la stupidité, brutalité et vulgarité de la vie» du «légionnaire Schröder, anciennement fossoyeur et actuellement muletier et ‘vieil homme’» et qu’il ne vivait que par leurs lettres.[27] Début 1941, la commission d’armistice allemande arriva à la garnison en demandant l’extradiction des légionnaires allemands. Cependant, le haut commandement de la Légion n’était prêt à extrader que ceux qui déclaraient vouloir rentrer dans le Reich. Le délégué-général de Pétain en Afrique du Nord, le général Maxime Weygand, essaya de protéger les légionnaires allemands; selon sa proposition, un groupe d’ «à peu près cent opposants au National Socialisme particulièrement exposés…, plus quelques déserteurs de la Wehrmacht»,[28] le Détachement Fantôme, furent expédiés en Indochine avant que la commission allemande puisse les arrêter. Ceci montre que, à l’intérieur des systèmes idéologiques, «les jugements sur les individus doivent être nuancés d’après la conduite propre de chacun.»[29]

 Le 1 août 1941, à bord du Cap Pandaran de Madagascar, Schröder écrivit une longue lettre à sa femme lui expliquant qu’il avait, avec une centaine d’hommes, embarqué le 4 juillet à Dakar. Il avait parié avec  «B» - ce doit être Borchers – sur un rare verbe latin irrégulier, et «J’ai gagné». Il lisait Bergson et Hobbes. «Nous sommes misérablement logés dans une cale,… mais les Annamites… sont logés encore plus mal.» Ils arrivèrent à Saigon le 3 novembre et bientôt prirent le train vers le nord, destination Viet Tri à 80 km au nord-ouest de Hanoi.[30]

 Très vite, Borchers et Schröder furent désillusionés par le style politico-militaire de la Légion. Le gouverneur général, Decoux, proposait de plus en plus une vision de révolution nationale et un culte du guerrier dans la ligne du Pétainisme. Ce n’était pas l’atmosphère démocratique et antifasciste qu’ils attendaient, mais elle ressemblait à celle qu’ils avaient fui. Il n’était pas question de combattre les Japonais puisque Decoux avait signé un statut d’occupation avec eux en 1940, comme Pétain l’avait fait avec l’Allemangne en France. Sa justification était de maintenir l’Indochine pour la France. Schröder et Borchers découvraient la réalité du régime colonial et la résistance des Annamites dans les montagnes du nord-est. L’ embryonnaire résistance française sur place était en faveur du retour de l’Indochine dans l’empire français et, par conséquent, refusa toute coopération avec le Viet Minh et la population annamite contre les Japonais. Le 9 mars 45, les Japonais renversèrent le régime colonial – les Français étaient battus… L’appel vietnamien, d’abord pour une résistance unie contre le fascisme, et puis pour l’égalité et l’indépendance, ne fut pas compris non plus quand, en 1946, le ministre de l’intérieur, Vo Nguyen Giap, recevant à Hanoi Leclerc, le commandant suprème français, le libérateur de Strasbourg et de Paris, avec ces mots: «Résistant vietnamien, je salue en vous un grand résistant français…».[31]

 

VI - Au-delà de l’engagement national…

Très brièvement je voudrais aborder ici la question suivante: Pourquoi Schröder et Borchers étaient-ils  préparés à coopérer avec la résistance du Viet Minh qu’ils rejoindraient «en bonne conscience et conviction allègre»?[32] Pour tout patriote ou nationaliste (pour un Allemand ou un Autrichien pendant les deux guerres mondiales, et pour un Français dans les guerres coloniales), cette question se formule ainsi: Comment concevoir de quitter le berceau naturel national pour passer à l’ennemi? Nous devons insister sur ce qui ni Schröder ni Borchers n’ étaient des communistes orthodoxes pour lesquels la révolution aurait été inconditionnelle.

 Qu’est-ce qui les a fait changer de camp? Au début, on l’a vu, leur décision pour la Légion était déterminée par les circonstances du moment. Pour Schröder, le monde était incohérent, et il lui semblait qu’ «il n’y avait pas de possibilité de s’échapper de l’absurde.»[33] Mais ensuite il y avait le pas beaucoup plus dramatique de rallier le Viet Minh ce qui brûlait les ponts avec l’Europe occidentale. J’ai l’impression qu’il y avait, au moins pour les intellectuels – mais pas seulement pour eux - une prise de conscience, peut-être également l’envie d’un monde ‘originel’, le désir de participer à une meilleure cause politique et morale… Une telle prise de conscience est présentée dans une bande dessinée intitulée Les Oubliés d’Annam: Un ancien jeune résistant des FFI qui, après la libération de Paris, est entré dans la Légion étrangère afin de continuer sa lutte contre le fascisme, est témoin d’un événement qui lui fait regarder le monde différemment. Un légionnaire français se dispute avec un conducteur de cyclo-pousse sur le prix de la course et le tue à l’arme blanche. Le jeune Français porte plainte contre le légionnaire qui s’en est tiré avec 15 jours de prison, et il écrit à sa mère: «Non seulement je participe à une sale guerre, mais j’appartiens en plus à une armée d’assassins. J’ai honte…». Et «sa honte fut d’autant plus grande que quelques jours plus tard, le (cuisinier) du camp friand de viande canine, fut condamné à un mois de prison pour avoir tué le (chien) de son capitaine».[34] Claudia Borchers, la fille d’Erwin Borchers, m’a confirmé que son père lui avait souvent raconté cette histoire qui l’avait marqué profondément. Une telle expérience révèle la structure sociale du colonialisme, elle fait reconnaître les contradictions de notre propre monde. Et elle nous aide à nous en  détacher.

 C’est particulièrement vrai pour Ernst Frey, né en 1915, fils d’une famille non-pratiquante d’origine juive-hongroise. Le père, social-démocrate avide de culture, issu d’un monde encore marqué par la juxtaposition nationale, linguistique et religieuse de l’empire austro-hongrois. Après une phase catholique fervente dans sa jeunesse, le jeune Ernst, par la social-démocratie et l’Association des lycéens socialistes (VSM), fit son chemin vers le communisme, marqué par son expérience de l’anti-sémitisme et du national-socialisme. Dans le marxisme, il trouva le contre-modèle qui lui fournissait les outils pour combattre le fascisme.

 En 1934, «entrant dans la Ligue Communiste de la Jeunesse», il écrit, «j’autorisai le parti à prendre possession de moi totalement». Et puis suivra une phrase qui est révélatrice pour la compréhension de plusieurs revirements dans la vie mouvementée de Frey : «Ma subjugation complète était volontaire, et sans hésitation je plaçais le Parti à la tête de toutes les valeurs.» Frey était un homme obsédé par un messianisme politico-religieux et un complexe de rédemption qui trouvait sa justification par la persécution des Nazis. A cause de son «activité dans une société secrète (VSM) et accusé de haute trahison», il fut emprisonné et exclu «pour la vie» de toutes les universités autrichiennes.[35] Le 15 mars 1938, «le tout Vienne était sens dessus dessous – le Führer faisait son entrée». La mère du jeune Ernst fut «en plein jour battue, couverte de peinture, humiliée, insultée et ridiculisée pendant des heures.» Face à un ultimatum, s’il « préférait d’être arrêté ou voulait plutôt émigrer», il décida de joindre les Brigades Internationales en Espagne. En fuite, la SS le captura, il passa 3 mois derrière les barreaux avant que l’Empire de la grande Allemagne lui enlève sa citoyenneté. A Paris, entre autres, il se fit vendeur ambulant de crayons. Quand la section locale de son Parti lui refusa la permission d’aller en Espagne, il s’engagea pour 5 ans dans la Légion étrangère pour lutter contre Hitler; il ne lui restait pas un franc et il avait très faim. Le 17 mars il quitta Casablanca à bord du «Dupleix» qui arriva à Saigon le 1 Juillet 1941. A la fin de cette année, il fonda à Viet Tri, avec Schröder, Borchers et quelques autres, une cellule communiste dans la Légion étrangère.[36] 

 Dégoûtés par la collaboration franco-japonaise et la coopération tacite avec les pouvoirs de l’axe, ils cherchaient le contact avec des socialistes français à Hanoi. A maintes reprises ils avaient essayé de parler avec des Annamites rencontrés à Viet Tri, mais leurs tentatives étaient frustrées puisque les quelques personnes qu’ils avaient l’occasion de rencontrer semblaient incapables de comprendre qu’un Européen puisse être intéressé par leur situation. Lors de leurs rencontres clandestines, la guerre et l’analyse du fascisme dominaient au début, mais bientôt le thème du colonialisme devenait dominant.[37] Ils avaient l’intention de réunir leur cellule avec la résistance française locale en un front uni pour prendre contact avec le Parti Communiste Indochinois ou le Viet Minh. En novembre 1943, dans le centre de Hanoi, près du lac Hoan Kiem, Frey rencontra un représentant haut-placé du PCI. Le rendez-vous avait été arrangé par Georges Wächter via Louis Caput, le secrétaire de la Fédération socialiste du Tonkin.[38] Au début de 1944, Borchers rencontra le secrétaire général du parti, Truong Chinh, «dans une rizière en dehors de Hanoi»,[39] bien que ce dernier ne révélât pas son identité. Il  semble que la cellule de la Légion qui était admise dans le PCI au début de l’été 1944,[40]  était le seul lien véritable entre le Viet Minh et la France Libre avant le coup japonais du 9 mars. Truong Chinh suggéra une coopération de tous les antifascistes européens avec le Viet Minh, mais ni les Gaullistes, ni les Socialistes ne voulaient accepter l’idée d’un Vietnam indépendant. La vision d’une alliance militaire européo-vietnamienne contre les Japonais avec comme but un Vietnam indépendant, s’évanouit.

  
Photo 1 (de gauche à droite) assis : Pham Van Dong, Borchers, Frey, Vo Nguyen Giap et sa femme Dang Bich Ha;
debout : Luu Van Loi, 2 personnes non identifiées, Schöder (Coll. H. Schütte)

VII - …vers la solidarité anticoloniale-républicaine 

Après le 9 mars, afin de fuir la répression japonaise, quelques Français se ralliaient au Viet Minh. Avec des milliers de soldats de l’armée française, Borchers, Frey et Schröder étaient emprisonnés par les Japonais d’abord dans la citadelle, et puis dans un «camp d’extermination»[41] près de Hoa Binh, hantés par la dysenterie et le paludisme. Le Japon capitula le 15 août; le Viet Minh orchestra la Révolution d’août dans un torrent nationaliste sans bornes. «Les Annamites étaient devenus des Vietnamiens», écrivait Schröder.[42] Le 2 septembre, le président Ho déclara l’indépendance dans le but de constituer la nation comme un bloc uni et homogène.

 Les prisonniers furent libérés le 16 septembre. Plusieurs réunions avaient lieu entre Frey-Schröder et les socialistes français autour de Caput, probablement avec l’accord tacite de Sainteny, afin d’employer les membres de la cellule comme médiateurs pour amener le gouvernement de Ho Chi Minh à négocier avec les représentants français sur place, mais ceux-ci refusaient d’accepter l’indépendance comme précondition – tout ce qu’ils étaient prêts à discuter étaient les modalités menant vers une indépendance future. «Ils disent Annamites», Frey constata, «nous disons Vietnamiens».[43]

 Frey arrangea avec Truong Chinh, Pham Van Dong et Vo Nguyen Giap son passage avec ses amis Walter Ullrich et Georges Wächter chez les Vietnamiens parce que, comme Borchers disait, «ici la philosophie est sur le point de devenir pratique, et il me semble qu’on aura alors besoin de nous.»[44] Leur désertion fut camouflée comme espionnage pour les autorités françaises, comme Schröder le décrit, ou, dans la version de Frey, comme une tâche assignée par Caput-Sainteny afin de convaincre les chefs Viet Minh de négocier avec le commissaire français du Nord. Les compagnons quittèrent la Citadelle dans une vieille Buick. Je les imagine fascinés et excités par l’entreprise dans laquelle ils s’étaient engagés. Ils avaient survécu, ils étaient jeunes, ils étaient persuadés d’avoir trouvé la bonne cause…

 Au début de l’automne 1945, après la capitulation du Japon et la déclaration de l’indépendance vietnamienne, les Français ne pouvaient plus prétendre qu’ils étaient en Indochine pour combattre les fascistes de l’Est, tout comme ils avaient combattu les Nazis et l’Etat français collaborationiste. Ce n’était plus crédible. Désormais, les Français étaient des envahisseurs qui se battaient contre des patriotes et des nationalistes qui défendaient l’indépendance de leur pays; ils étaient devenus, en quelque sorte, les Nazis des Vietnamiens et du Viet Minh. Donc, des doutes parmi les forces françaises devenaient de plus en plus pressants: «En face, c’était le communisme, leur disait-on; mais le connaissaient-ils? Et d’ailleurs, le premier parti politique de France n’était-il pas communiste?… Pouvaient-ils croire ceux qui les conduisaient si mal…? En face, et de cela ils étaient sûrs, c’était des Vietnamiens qui se battaient pour l’indépendance de leur pays.»[45]

 Par conséquent, et pour des motifs très divers, quelques-uns changeaient de camp, parmi eux des soldats japonais et du personnel des forces françaises, des Marocains et des Algériens, et un certain nombre de civils. Avec eux venaient des connaissances militaires et techniques. Frey a écrit sur des déserteurs japonais non-communistes qui étaient regardés d’un oeil suspicieux comme des potentiels espions par le CC du Parti vietnamien… L’audacieux Polonais Stefan Kubiak devint un mécanicien ingénieux dont «le hobby était de réparer des armes saisies ou endommagées comme des canons et des mortiers»,[46] un bricoleur doué, et de tels caractères étaient bien utiles au Viet Minh des premières années.

 Certains transfuges, dans un esprit de solidarité au-delà des nations, avaient «choisi une nouvelle patrie, convertis à la conception de vie, à la politique de leur nouvelle patrie – il parlaient à l’ancienne patrie comme à un pays ennemi».[47] Une fois que les «traitres idéalistes» avaient atteint l’autre côté, le secrétaire général Truong Chinh leur attribua des tâches de propagande. (Walter Ullrich fut placé dans l’armée où, sous le nom de Ho Chi Long, il devint lieutenant; Georges Wächter dit Ho Chi Tho qui avait fait une école d’ingénieurs à Vienne avant de devenir journaliste, assuma des fonctions techniques et d’organisation). Schröder fut envoyé auprès de Radio Vietnam (The Voice of Vietnam) en tant que commentateur, tandis que Frey, sous les ordres du général Giap, faisait des études militaires et tenait les premiers cours militaires de l’Armée Populaire. Borchers devint lieutenant-colonel et commissaire politique chargé d’éducation politique et de propagande envers l’ennemi; il était alors responsable pour la production de matériaux de propagande en français et en allemand et, depuis 1951, pour l’éducation politique des prisonniers allemands de la Légion étrangère. Le trio s’apprêta à publier l’hebdomadaire La République, puis Le Peuple «afin de montrer aux Français que le gouvernement vietnamien et le Viet Minh ne sont pas des rebelles mais des organisations légales et démocratiques. Chaque tentative de reconquérir le pays par la force serait donc considérée comme une violation des droits de l’homme.»[48] Probablement, les journaux visaient également l’élite francophone vietnamienne.

 Le journal Le Peuple parut entre le 7 avril et le 26 septembre 1946; il en appelait à tous les gens de bonne volonté de soutenir l’indépendance et l’indivisibilité vietamienne, c’est-à-dire de s’opposer à la séparation du Sud (Nam Bo) du reste du pays comme l’avaient décidé Truman, Staline et Churchill à Potsdam en juillet-août 1945. Les Doktors germaniques, selon la désignation de Jacques Doyon,[49] écrivaient sous leurs nouveaux noms: Frey était devenu Nguyen Dan, Borchers était désormais Chien Sy, et Schröder était Le Duc Nhan ou encore Walter R. Stephen; Siegfried Wenzel, un autre allemand, signait ses contributions Duc Viet. Ils étaient devenus des Viet moi, des nouveaux Vietnamiens: «là-bas où j’allais maintenant, était mon futur, de cela j’étais convaincu», Frey a écrit plus tard, et Schröder affirmait que «tous les trois, nous considérions le Vietnam comme notre futur, en fait comme notre pays à nous déjà.»[50]

  
Photo 2 (de gauche à droite) : Duong Bach Mai, Ernst Frey, Truong Chinh, X, Georges Wächter, Rudy Schröder
(Coll. H. Schütte)

VIII – Désillusions, stratégies de retour

 Les dirigeants du nouveau Vietnam étaient surtout des intellectuels ou des révolutionnaires professionnels, la plupart étaient passés par les lycées franco-annamites et étaient parfaitement francophones, mais ils n’étaient surtout pas des stratèges militaires, des techniciens, des économistes ou organisateurs d’appareils administratifs. C’est pourquoi les transfuges militaires et civils, hautement éduqués et avec des compétences techniques, devoués à la cause et prêts à se sacrifier, étaient les bienvenus, et parfois ils atteignaient de hautes positions.

 Borchers, comme je l’ai dit plus haut, devenait alors commissaire politique, lieutenant-colonel dans l’armée et chef du Dich van, c’est-à-dire propagande politique et guerre psychologique, pour les prisonniers de guerre et les transfuges allemands. Huu Ngoc, publiciste et écrivain de renom, était, pendant la guerre, le responsable (sous le général Nguyen Chi Thanh) pour les transfuges européens. Depuis 1947, avec son ami Borchers, il publiait les Waffenbrüder – Kampforgan der Deutschen im Dienste Viet-Nams et Frères d’armes – Organe de Combat des Amis du Viet-Nam. Depuis environ 1950, le journal était publié sous le titre Heimkehr ou bien Retour. D’ailleurs, Chien Sy enseignait l’allemand à Huu Ngoc et, comme celui-ci insistait, «surtout la culture allemande!» Au milieu des années 50, Ngoc a traduit les contes des frères Grimm en vietnamien – effet secondaire d’une guerre terrible qui a vit naître le plus héroique et le plus magnanime comme le plus bestial et tyrannique dans l’homme.

 Après Dien Bien Phu, Borchers travaillait au Ministère de l’Information à Hanoi. Vers la fin des années 50, il devint le correspondant de l’agence de presse est-allemande (ADN) et fournissait de l’ «information confidentielle» à l’ambassade de la RDA. Chien Sy est une légende encore aujourd’hui au Vietnam, mais les légendes, naturellement, sont purifiées de réalités qui fâchent afin de servir une autre cause… Georges Boudarel qui a bien connu Borchers, m’a raconté que Chien Sy partageait sa critique du Parti. En fait, Borchers était rattrapé par le révisionnisme qui ravageait le climat politique de Hanoi depuis 1956 – Borchers et Boudarel furent proscrits comme révisionnistes. D’autre part, pour les Allemands sur place il était devenu trop vietnamien, et pour les Vietnamiens, je suppose, il était resté un étranger. Tout ceci a dû contribuer à sa décision de rentrer en Europe, mais la vraie cause était le début des bombardements qui le faisaient mourir de peur – il expliqua alors à sa famille qu’il était incapable d’envisager de vivre une autre guerre. Il leur disait qu’entre l946 et 1954 il avait survécu à la faim, à la maladie et aux dangers, mais qu’il y avait alors un idéal, une communauté, une cohésion inconditionelle. Borchers aurait préféré rentrer à Strasbourg, sa ville natale, mais en France il était considéré comme déserteur et traître. Donc en 1966, avec sa femme vietnamienne et six de leurs sept enfants, il rentrèrent en RDA où il travaillait à Radio Berlin International dans la section africaine. Officiellement il était considéré comme un antifasciste et un internationaliste, mais en 1968 le Parti intenta une action contre lui parce qu’il avait exprimé sa sympathie pour le Printemps de Prague. Un rapport de la Stasi d’août 1968 révèle que, fréquemment, il ne semblait pas «comprendre la politique de notre Parti» et qu’il entretenait «des doutes sur les buts établis» du Parti.[51] En 1985, quatre ans avant sa mort, après avoir brûlé ses photos et papiers, il passa à Berlin ouest et ne rentra jamais plus. Son ancienne épouse est décédée à Berlin il y a quelques semaines.

 Le général Giap avait été prof d’histoire, et il devait apprendre l’art militaire de A à Z; je me demande si son ami Nguyen Dan a contribué à cet apprentissage. Ernst Frey montait dans les rangs du Viet Minh comme conseiller militaire du commandant-en-chef, le général Giap, (le Gottöberst, celui à côté de dieu, comme il était appelé par les copains dans leurs lettres) et de son rival, le mythique général Nguyen Son. En tant que chef d’une zone militaire, le Khu IX, qui hébergeait les centres du gouvernement et du Parti, Frey était devenu membre du Comité Central élargi. Il avait le goût pour l’exercice du pouvoir. Mais vers 1949/50 – au temps de l’arrivée des conseillers chinois - il ne pouvait plus ne pas reconnaître qu’il n’était plus aussi utile pour le Viet Minh qu’en 1945. Dans son long manuscrit il parle de son désespoir sur la terreur et la purification de l’appareil du Parti et sur la révolution qui avait commencé à manger ses enfants. Aussi, et il ne faut pas passer là-dessus, il avait fait exécuter (par Walter Ullrich alias Ho Chi Long) deux ralliés-ex-légionnaires qu’il considérait comme ssuspects. Mais, comme je l’ai déjà souligné, Frey était un homme habité d’un complexe de rédemption –  il se donnait toujours entièrement à un projet idéologique pour changer le monde qui, pour lui, était essentiellement mauvais. Il avait hérité de sa mère une sorte d’hystérie enthousiaste. D’autre part, il eut le courage de se remettre en question au moment où il fut obligé de reconnaître qu’une cause autrefois progressiste était, à ses yeux, devenue rétrograde. Au Vietnam, au moment crucial, il se considérait entre les mains du mal bien qu’il voulait le contraire. C’était un missionnaire, un millénariste et, plus encore: «Je me vois, comme Jésus, delivrer l’humanité de ses oppresseurs diaboliques… Je sais, je comprends», il raconta à Pierre Sergent sa lutte avec le diable.[52] Il avait des visions, était hanté de culpabilité, se considérait en proie au mal et était assailli par l’idée de rédemption – de lui-même, d’une situation sans issue ? -  par la conversion au catholicisme. Sa phase communiste était définitivement révolue. Ici au Vietnam on m’a raconté qu’il était devenu mégalomane, fou. En mai 1951 il partit en Autriche et, quelques années plus tard, il devint, croyant fervent et, devoué comme toujours, un membre actif de l’Eglise hors de laquelle il n’est point de salut.

 Ainsi, quand il réalisa que son influence auprès du Viet Minh baissait et qu’il n’était plus indispensable, il devint ‘fou’. Pour trouver une réponse à une réalité trop douloureuse, il croyait trouver la solution dans des rêves inspirés. Par ce biais, le problème de quitter le Vietnam et de rentrer chez lui pouvait être résolu simultanément. Je me demande si la seule possibilité pour Frey de retourner de façon acceptable en Autriche ne consistait pas à rentrer comme quelqu’un d’autre - ’autre’ que celui qui avait été repoussé – en l’occurrence comme catholique devoué. Cette ‘solution’ comporte l’avantage de satisfaire la tradition culturelle dominante de son pays d’origine et, dans un acte de ‘renaissance’ par le catholicisme, il pouvait trouver sa place dans la société autrichienne. A un autre niveau, la conversion lui permettait de continuer sa lutte permanente pour délivrer le monde du mal.

 Arrivé à Vienne en 51, il rendit visite au bureau du Parti communiste afin de faire une déposition sur ses exploits depuis 1938. Il s’est marié, a eu deux filles et a mené la vie d’un commis voyageur en textiles. A Vienne il était entouré par une génération de jeunes gens qui, charmés, écoutaient ses histoires et qui le considèrent comme un père de substitution et comme modèle politique. Mais ce n’est pas tout. Son travail exigeait des voyages en Autriche et en Allemagne ce que lui permettait de s’évader de sa vie de petit bourgeois et raconteur d’histoires. En fait, c’était un joueur, visitant les casinos comme celui de Baden-Baden où, en état d’ivresse, il revivait les sensations fortes de l’aventure et du danger qui, en réalité, avaient quitté sa vie et qu’il cherchait dans le monde feûtré de la table de jeu surveillée par le croupier. Dans ses dernières années, il passa de la foi catholique à l’adhésion écologiste qu’il quitta avec fracas pour finir comme cuisinier dans la paroisse de son ami, le Père Faust, travaillant dur pour payer ses dettes de jeu. Avec ces derniers mots, s’adressant à ses filles,  « Et faites que le livre sortira », il mourut à Vienne en 1994.      

 Pour Rudy Schröder, la connaissance de l’absurde était la seule certitude, et il n’avait pas lu L’Être et le Néant de Sartre pour rien. Dans une lettre de Hanoi à sa femme du 29 mai 1946, il parlait de la possibilité de vivre avec elle au Vietnam. Quand la guerre éclata en décembre 46, il devint lieutenant-colonel et fut, comme il le souhaitait, envoyé au front. Le 9 avril 1948, Giap alias Van lui envoya une lettre le félicitant de son succès au combat: «J’apprends avec joie ton retour. Et avec beaucoup de plaisir le joli coup de main que tu as dirigé contre les Tho Phi… Cordialement ton Van.»[53] Ensuite il fut chargé de propagande envers l’ennemi, et après avoir servi au front de Lang Son, il fut chargé du Détachement Tell formé de transfuges européens, une sorte de légion étrangère vietnamienne afin d’occuper les déserteurs qui avaient répondu à la propagande Viet Minh. Je ne peux pas ici traiter des problèmes liés avec ce détachement – de toute façon, il n’était pas suffisamment armé ni habillé ni nourri, sa mission n’était jamais claire, et la désillusion ne tarda pas… Un des témoins de l’époque, le peintre et écrivain Tran Duy, m’a raconté que les anciens légionnaires étaient devenus une menace pour la population locale, qu’ils violaient des filles et des femmes dans les villages et qu’ils tuaient des buffles des paysans.[54] Schröder, convaincu qu’il y avait une mutinerie et tentative de regagner le côté français, tint un tribunal militaire et fit exécuter six hommes bien qu’il admit dans son curriculum vitae de novembre 1951 que «ceci allait au-delà de mes pouvoirs en tant qu’officier de l’Armée populaire du Vietnam»;[55] il fut critiqué par le Parti. Et ce fut la raison – ou le prétexte – de la perte des bonnes grâces de Giap.

 Ses journaux intimes écrits dans le Viet Bac sont une source précieuse pour la compréhension, entre autres, des relations entre les ralliés européens et leurs camarades vietnamiens. Il se sentit «(r)envoyé comme un employé», quitta le Vietnam en août 1951 et arriva en RDA en novembre pour enseigner l’allemand et l’histoire dans un lycée à Drèsde. En 1953, il signa un engagement avec le service secret, la Stasi;[56] il devait faire des rapports sur «les représentants de l’intelligentsia», donc ses collègues et étudiants, et sur des anciens légionnaires. J’ai lu ses rapports et j’en conclu que Schröder n’a dénoncé personne; au contraire, à travers ses rapports il a initié sa critique du régime, son impatience et son désespoir sur les conditions de son existence. Vers la fin des années 50, il rencontra des «difficultés politiques» sérieuses et il fut remercié. Il travailla ensuite comme tourneur dans une usine; fin 1959, avec sa jeune femme, ils s’enfuirent à l’Ouest. Son espoir de pouvoir travailler comme journaliste échoua; en fin de compte il trouva un poste mal payé comme professeur de français dans une école privée près de Francfort sur le Main. Il mourut là en janvier 1977, seul, dans un état désespéré, écrivant jusqu’à la dernière minute.

 Les cas de Frey, Borchers et Schröder illustrent le drame insupportable de l’homme qui existe entre les deux fronts, le Zwischenfrontmensch. En 1945, le Viet Minh avait fait bon accueil à Frey et ses compagnons. Ils étaient utiles à cause de leurs capacités en propagande, en organisation, en connaissances techniques et militaires en théorie et en pratique. Après la libération de la frontière sino-vietnamienne en 1950, cependant, tout changeait parce que désormais les conseillers chinois arrivaient en grand nombre, et avec eux commençait la transformation communiste d’un mouvement jusque là style front populaire. Les Chinois étaient des camarades révolutionnaires internationalistes, tandis que les transfuges-ralliés étaient des étrangers, des déserteurs du côté ennemi. La prétendue contradiction existentielle entre les colonisés et l’homme blanc faisait que, finalement, on ne pouvait jamais faire confiance aux Européens[57] parce qu’ils vivaient en disharmonie avec leurs nations d’origine ou avec leur identité européenne; aux yeux des Vietnamiens, ils ne pourraient jamais surmonter cela parce que, tout simplement, ils n’étaient pas des Vietnamiens. Par ailleurs, ils avaient gardé leur sens critique et ne se soumettaient jamais aux dictats du Parti sans les questionner. Lors d’une rencontre au Comité Central le 15 août 1950, «Than», c’est-à-dire Truong Chinh, leur disait qu’ils étaient «idéologiquement insuffisamment formés et… chauvins» ce que Schröder interprétait comme un Hinauswurf,  une éviction pure et simple.[58] A cette époque il était évident que l’enthousiasme révolutionnaire qui avait uni les transfuges en septembre 45, avait décliné. Frey, Schröder, Borchers, Wächter et Ullrich avaient passé noel 1950 ensemble ce qui avait «éclairé des relations fausses et même mensongères» entre eux et révelé que ce n’était pas «le même objectif et les mêmes activités, mais une certaine opposition les avait tenus temporairement ensemble.»[59] C’est pourquoi seule une poignée d’Européens restait au Vietnam après 1954…

 Frey, Schröder et Borchers venaient de «la vie endommagée» (Adorno) ; ils étaient des hommes meurtris. Ils avaient été arrachés à tous desseins familiaux, professionnels et nationaux, jetés dans un monde hostile et absurde. Dans la Légion étrangère, la «nouvelle communauté», «le sentiment de dévotion, de camaraderie, des sensations fortes»[60] n’existait que dans la propagande de recrutement, et non pas dans la réalité quotidienne de subordination, de brutalité et de monotonie – de toute façon, ils étaient des légionnaires atypiques. La révolution Viet Minh, d’autre part, apparaissait comme un projet de progrès pour des gens qui étaient avides d’action pour une cause et qui leur promettait une cause et un pays. Ils étaient préparés à soumettre leur individualité au rêve concret d’une société plus humaine pour découvrir, en fin de compte, qu’ils étaient de nouveau tombés dans la trappe autoritaire qui leur demandait tout sauf la différence individuelle. Très amer, Schröder avait noté dans son journal en février 1951: «Si l’homme à la barbe disait aujourd’hui: ‘Le torchon blanc que vous voyez là, est noir’ – tout le monde va le croire; et les cadres vont le prendre pour parole d’évangile. – On a déjà vu cela ailleurs. Goebbels a affirmé les choses les plus invraisemblables et les Allemands qui apparemment se prêtent particulièrement bien à l’auto-hypnose collective, l’ont cru. – Mais les gens d’ici vont encore plus loin: Ils se persuadent et assurent qu’ils ont toujours cru que le torchon blanc était noir. – Mais à cela les Allemands n’y sont pas arrivés. Ils avaient conscience du fait qu’avant le Nationalsocialisme les choses étaient différentes de ce que H(itler) et G(oebbels) affirmaient.» La liberté qu’ils avaient désirée se révélait comme tyrannie. D’autre part, ils avaient eux-mêmes joyeusement contribué à cette évolution. Je ne peux pas ici traîter de leurs motivations, de leurs actions et du niveau auquel ils étaient conscients des conséquences de leur engagement à l’époque. «Je vivais en harmonie avec moi-même», parlant pour tous, écrivit l’un d’eux des années plus tard,[61] gardant sa liberté en denonçant la tyrannie.

 Pourtant, ils restaient ‘entre les fronts’. Schröder, Frey et Borchers étaient des militants et des intellectuels. Le fait d’être militants et puis soldats, n’était pas dû à une disposition psychologique mais le résultat de l’histoire. Tout de même, ils s’accordaient bien avec la tradition confucéenne du guerrier lettré comme représenté par Nguyen Trai (1380-1442) qui décida contre ses devoirs de fils et pour la patrie. Tout comme leurs camarades vietnamiens, ils se faisaient temporairement les champions d’un millénarisme marxiste anticipant Frantz Fanon. Dans leur pratique, ils poursuivaient l’analyse du national-(social)isme ce qui les menait à l’anti-colonialisme. Identifiant l’Etat tout-puissant comme le pourvoyeur de toute oppression, la désillusion avec le socialisme nord-vietnamien commença dès 1950. L’ancien secrétaire général de l’Association de Culture des années 1940, Nguyen Dinh Thi, peu avant sa mort, l’exprima ainsi: Schröder et Boudarel «avaient des problèmes à accepter la hierarchie du Parti.»[62] Et ce Parti vietnamien, en pleine révolution, les laissa sur les bords de la route quand il n’avait plus besoin d’eux. Une nouvelle fois, leur vie était en ruine.

Heinz Schütte

Paris, 24 décembre 2003

138 rue La Fayette
75010 Paris
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[1] Manuscrit d’un exposé (légèrement retravaillé) présenté au colloque sur les ralliés germanophones auprès du Viet Minh dans les années 1940 et 1950 à l’Institut Goethe de Hanoi le 8 et 9 janvier 2004.

[2] Cet exposé est dédié à Georges Boudarel. Sa vie était marquée par le Vietnam depuis 1949 quand il avait 24 ans. Il m’a encouragé de poursuivre l’étude de l’histoire vietnamienne pendant ces dernières années dans un esprit de solidarité critique qu’il a lui-même apporté à ses travaux. Georges Boudarel, militant et savant, était un des premiers anti-colonialistes français.

[3] E. Honecker à Nguyen Yan Huong, Praha. 20 février 1950. Bundesarchiv (BA) : DY 24/3691

[4] Leo Zuckermann à Wilhelm Pieck, Berlin 9 juin 1950. BA : NY 4182/1269

[5] W. Ulbricht à Hermann Axen, 29 mars 1951. BA : NY 4182/1269

[6] Secrétaire d’Etat Mielke à l’Inspecteur-en-chef Gutsche. Berlin, 5 avril 1951. Bundesbeauftragter für die Unterlagen des Staatssicherheitsdienstes der ehemaligen Deutschen Demokratischen Republik (Archives de l’ancienne Stasi) (B St U) : MfS-BdL/Dok. Nr. 003670

[7] Verwaltung Gross-Berlin, Abtlg. II, gez. Herbst, février 1957, Arbeitsrichtlinie. B St U : MfS AS 1310/67, pag. 000015

[8] Journal R. Schröder 6 juillet, 6 août et 23 décembre 1950. Fonds Maria Schröder (FMS)

[9] Eckart Michels, Deutsche in der Fremdenlegion. Mythen und Realitäten. Paderborn 1999, p. 160

[10] BA: NY 4090/488

[11] Peter Scholl-Latour, Der Tod im Reisfeld. Dreißig Jahre Krieg in Indochina. München 1988, p. 29

[12] Wilhelm Reschl, Europas letzte Söldner, in : DAMALS, 2/96, p. 69

[13] Jean-Luc Einaudi, Viêt-Nam! La guerre d’Indochine (1945-1954), Paris 2001, p. 133

[14] Jean-Pierre Hallo, Monsieur Légionnaire. L’homme et ses traditions. Paris 1994, p. 29, cité d’après Michels, op. cit., p. 190

[15] Michels, op. cit., p. 104

[16] Michels, op. cit., pp. 119 et 164

[17] Raymond Aron, Mémoires, Paris, Julliard 1983, pp. 72/73

[18] FMS

[19] Lebenslauf des Schröder, Reiner, Josef, Rudy. Berlin 9 novembre 1951, in: B St U: Ddn. AIM 808/59, pag. 000058-000063

[20] Leo Spitzer à Raymond Aron. Cologne 24 septembre 1933, in : Archives privées de Raymond Aron, boîte 209, avec la permission de Dominique Schnapper et Elisabeth Dutartre

[21] Klaus Brill à Max Horkheimer, New York. Paris 31 mars 1936, in: Max Horkheimer, Gesammelte Schriften, vol. 15: Briefwechsel 1913-1936. Frankfurt am Main 1995, p. 504

[22] Max Horkheimer à Raymond Aron, Paris. New York 20 novembre 1936, in: Horkheimer, op. cit., p. 729

[23] Reinhold Schneider, Verhüllter Tag, Köln 1962, p. 164

[24] La mère d’Erwin Borchers avait été déshéritée par son père parce qu’elle avait épousé un Saupreuße, un sale Prussien. Communication orale de Lilo Ludwig, la sœur de Borchers, Berlin 28 juin 2003

[25] Lebenslauf. Berlin 14 mai 1966, in : B St U : MfS AP 14061/73, pag. 000008

[26] S. P. 554, 6 juillet 1940; in: Fonds Philippe Delaunay (FPD)

[27] R. Schröder à Hilde Schröder, 23 septembre 1940, Bel-Abbès 16 février 1941 et Bel-Abbès 27 février 1941

[28] Michels, op. cit., p. 136

[29] Raymond Aron, Préface, in: André Thérive, Essai sur les Trahisons, Paris 1951, p. XIV

[30] Lettre Schröder à sa femme, 1 août 1941, in : FPD

[31] Jean Lacouture, Hô Chi Minh. Paris 1967, p. 115

[32] Manuscrit dactylographié de Schröder de 260 pages sans titre (MS), FMS, p. 58

[33] MS, p. 174

[34] Lax-Giroud, Les Oubliés d’Annam, édition intégrale, Aire Libre, Dupuis (1990 et 1991) 2000, pp. 54-55

[35] Ernst Frey, Vietnam mon amour. Ein Wiener Jude im Dienst von Hô Chi Minh, édité par Doris Sottopietra, Vienne 22002, pp. 64 et 94. Frey voulait faire des études de chimie technique.

[36] ibid., pp. 118/119, 121, 170

[37] Ferry Stern, Und ist es auch Wahnsinn, p. 655. – Ceci est le manuscrit original de 1216 pages, tapé à la machine, de Frey sur lequel est basée la version éditée du livre.

[38] Stern, op. cit., pp. 692-726

[39] Borchers, Lebenslauf, pp. 000010/11

[40] Stern, op. cit., p. 704

[41] Schröder, MS, p. 113

[42] ibid., p. 117

[43] Stern, op. cit., p. 793

[44] Schröder, MS, p. 58

[45] Gérard Tongas, J’ai vécu dans l’enfer communiste au Nord Viêt-Nam. Paris 1960, p. 173

[46] Arkady Fiedler, Im Lande der wilden Bananen, Leipzig 1959, p. 170

[47] Margret Boveri, Verrat im 2o. Jahrhundert, I – Für und gegen die Nation, Hamburg 1956, p.111

[48] Frey, op. cit., p. 206

[49] Jacques Doyon, Les Soldats Blancs de Hô Chi Minh, Paris 1973

[50] Frey, op. cit., p. p. 206; Schröder, MS, p. 60

[51] B St U : MfS FV 2/71, pag. 000011

[52] Pierre Sergent, Un Étrange Monsieur Frey, Paris 1982, pp. 305, 309

[53] FMS

[54] Entretien avec Tran Duy à Hanoi le 18 octobre 2002

[55] Lebenslauf, pag. 000062. – Dans les dossiers de la Stasi, il y a plusieurs dépositions d’anciens légionnaires qui chargent Schröder… Dans un de ses minuscules journaux, il notait qu’ »il n’y avait pas de panique dans le dét(achement) ‘T’ après la punition » et, le lendemain : «De 7 à 4 heures l’après-midi – travaillé sur ma ‘defense’ et lettre au C. C.». 11 et 12 juin 1949  

[56] B St U : Ddn. AIM 808/59 – Personalakte

[57] Entretien avec Huu Ngoc à Hanoi 18 mai 1999

[58] Journal Schröder du 18 août 1950

[59] Lettre de NEX (Borchers) à Kerkhof, 28 février 1951, FMS

[60] Boveri, I, op. cit., p. 35

[61] Rudolf Schröder, In partibus infidelium, manuscrit, p. 15, FMS

[62] Entretien avec Nguyen Dinh Thi à Hanoi, 21 octobre 2002

 

©  Heinz Schütte

 

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