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La Légion saute sur le Larzac

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Le Dauphiné Libéré

Lundi 22 février 2016

L’arrivée des légionnaires ne devrait pas provoquer un mouvement d’opposition de l’ampleur de celui d’il y a plus de trente ans. Le maire de La Cavalerie est formel : « Le projet n’a rien à voir avec celui de 1971, le terrain militaire ne s’étendra pas, aucun agriculteur ne sera lésé… ».
L’arrivée des légionnaires ne devrait pas provoquer un mouvement d’opposition de l’ampleur de celui d’il y a plus de trente ans. Le maire de La Cavalerie est formel : « Le projet n’a rien à voir avec celui de 1971, le terrain militaire ne s’étendra pas, aucun agriculteur ne sera lésé… ».

Timidement, sur l’immense plateau balayé par les vents, un vieux slogan a ressurgi : « Des moutons, pas des canons ! ». La désobéissance civile repointe le bout du nez. On croyait pourtant que la guerre du Larzac était finie. Paysans locaux et militants pacifistes l’ont gagnée en 1981, au bout d’une légendaire mobilisation, lorsque François Mitterrand annula l’extension du camp militaire de La Cavalerie.

Reliant Montpellier à Millau, l’A75 traverse désormais cet univers minéral dont Michel Debré disait : « Pour le survoler, les corbeaux emportent une musette ». Un sentimental, Debré. Rien ne pousse, là-haut ? Si, l’utopie. Trente-cinq ans après, le nom de « Larzac » résonne toujours aux oreilles de ceux qui rêvent d’un autre monde. Les bergers du Causse, entre coopérative, plan écologique et gestion collective des terres, revendiquent fièrement « un modèle agricole différent ». Ils cohabitent en paix, maintenant, avec les 180 fantassins permanents postés à côté. Une ligne de barbelés les sépare.

Et voici qu’une décision du ministère de la Défense vient troubler cette quiétude champêtre. 1200 légionnaires de la 13e brigade, jusqu’alors basés aux Émirats arabes unis, vont s’installer ici ! 1200, avec armes et bagages, femmes et enfants… Les premiers arrivent déjà, la troupe sera au complet en 2018.

Ça râle quand même au fond des bergeries…

Une provocation ? Les élus locaux, toutes tendances confondues, y voient plutôt une aubaine et un moyen sérieux d’enrayer la désertification rurale dans le sud-Aveyron. Outre l’apport démographique, chacun espère tirer profit des 115 millions euros investis par l’État sur le camp. « Ceci va créer des emplois, accélérer considérablement nos dossiers, comme la construction du collège et d’un gymnase », s’enthousiasme Bruno Ferrand, le jeune maire de la Cavalerie. Sans compter que l’église du village « pourrait se remplir à nouveau ». Enfin, à ses yeux, « l’immense majorité de la population est d’accord ».

Malgré tout, compte tenu de la charge symbolique des lieux, on marche sur des œufs. Alors, avec grande précaution, les autorités insistent : « Le projet n’a rien à voir avec celui de 1971, le terrain militaire ne s’étendra pas, aucun agriculteur ne sera lésé… » Ça râle néanmoins au fond de quelques bergeries : « L’armée vient nous sauver, maintenant, c’est la meilleure ! ».

Avec la bénédiction de José Bové

Au regard des contestataires, le territoire n’a nul besoin d’uniforme pour prospérer. Mais les manifs organisées à Millau ou Rodez peinent à rassembler. Et la lettre adressée à François Hollande pour le faire revenir sur sa décision n’a guère reçu d’échos. Le blog créé par un collectif d’opposants « Gardem le Larzac » (« Gardons le Larzac » en occitan) s’efforce pourtant de raviver la flamme. Qu’en pensent les « figures » du combat historique ? Marysette Tarlier, par exemple, qui connut la prison pour son action militante : « L’arrivée de la Légion me contrarie, je suis contre, et je ne crois pas au bénéfice des investissements promis ». Elle refuse cependant d’y voir un « retour en arrière » pur et simple : « Cette fois, c’est vrai, on ne parle pas d’expropriations » Et puis, nombre de voix autorisées et amies ont cautionné la chose, « à commencer par José Bové ». La plus célèbre moustache du canton estime, en effet, « qu’aucune menace ne pèse sur les activités agricoles. » Du coup, la pimpante octogénaire prend un peu de recul : « Je suis solidaire à 100 % avec ceux qui campent à Notre-Dame-des-Landes, et je me suis souvent rendue là-bas. Leur cause ressemble tellement à celle qui fut jadis la nôtre. Mais qu’ils viennent planter leur yourte ici, ça non, je ne crois pas que c’est une bonne idée. »

« Des zadistes ici, non merci ! »

L’emblématique Léon Maillé, éleveur à la retraite qui œuvra tant pendant « les années héroïques », dit la même chose : : « Des zadistes, non merci ! Il n’y a pas de zone à défendre, ici. L’armée ? Ce ne sont plus les abrutis de l’époque. Et beaucoup trop de fantasmes circulent sur la Légion étrangère. La mobilisation ne prendra pas, c’est une tempête dans un verre d’eau. »

Dans la ferme proche, Pierre Burguière, autre vaillant « compagnon de route », regrette que cette histoire « vienne remettre de l’huile sur le feu ». Dans son cœur de “Larzacien”, l’esprit de résistance couve toujours. Mais il se contentera pour l’heure, d’appeler à la vigilance : « Depuis 1981, ça se passait assez bien. Si les bidasses restent chez eux, et nous chez nous, ça ira encore. Sinon… »

La deuxième guerre du Larzac n’aura donc sans doute pas lieu. Les temps ont changé, la situation aussi. Au regard du plus grand nombre, le surplus de militaires constitue moins « un affront » qu’une possible « chance économique ». Enfin, faut voir. Au pays du Roquefort, la Carmagnole en sourdine, on ne chante pas non plus « Tiens voilà du boudin ! ». Les habitants du Causse, portant haut l’agropastoralisme, ne braderont pas leurs valeurs forgées dans la fraternité des luttes. S’ils attendent les “képis blancs” sans hostilité excessive, la méfiance prévaut : « Que ces gars-là, quand même, ne s’imaginent pas débarquer en terrain conquis. » Au risque, avec ou sans Brel, de voir rejaillir le feu d’un ancien volcan qu’on croyait trop vieux…

Par Gilles DEBERNARDI

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