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Guerre 14-18. Le sport sort des tranchées

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4 août 2014 / Recueilli par Laurent Rivier

Entretien avec Michel Merckel auteur de "14-18, le sport sort des tranchées". Les images de Laurent Rivier. Plus d'infos sur www.letelegramme.fr
Professeur de sport « dans une première vie », Michel Merckel, né en 1945 à Colombes, est l'auteur de « 14-18, le sport sort des tranchées - Un héritage inattendu de la Grande Guerre ». L'ancien international de judo y raconte les grands champions disparus et le rôle essentiel que le conflit eut sur le développement du sport en France. Son ouvrage nous a inspiré le portrait de plusieurs sportifs bretons morts à la guerre.
 
Comment vous est venue l'idée de ce livre ?
J'avais 20 ans quand j'ai appris que la Fédération française de football avait été créée dès 1919. Afin de savoir pourquoi, j'ai commencé une recherche qui s'est étendue sur plusieurs décennies. Je l'ai ensuite étendue au rôle du sport pendant la Grande Guerre. La principale difficulté était d'avoir accès à certaines archives, mais cette recherche m'a vraiment enrichi. J'ai avancé au fil des années. Petit à petit, en associant les pièces du puzzle.
 
Enfant, vous habitiez rue François-Faber, du nom de l'ancien vainqueur du Tour de France 1909 mort à la guerre et vous avez retrouvé le pantalon qu'il portait pendant le conflit...
Oui, c'est un copain qui habite dans l'Eure qui me l'a donné. Voici cinq ans, il m'a tendu ce pantalon garance qui traînait dans son placard. J'ai regardé dans la doublure de la poche et là, je découvre le nom de Faber ! Plus tard, son numéro de paquetage, le 8.837, m'a permis de vérifier que c'était bien le sien; il s'était engagé dans la Légion étrangère, son père étant Luxembourgeois. Regardez-le (il l'expose devant nous), c'est le pantalon d'un géant ! On ne sait pas sa taille exacte mais il devait mesurer environ 1,90 m alors que la moyenne de l'époque était de 1,60 m. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelait le Géant de Colombes. Il a remporté 19 étapes en sept Tours de France avant d'être tué le 9 mai 1915. Pourquoi, sans que je le cherche, ce pantalon m'est-il tombé dans les mains ? C'est une coïncidence assez incroyable.
 
Pourquoi avoir créé parallèlement l'association « 14-18, Sport et tranchées » ?
Le but de cette association est d'oeuvrer pour l'élaboration d'un monument dédié aux champions français tombés pendant les combats de 1914-1918. Le projet avance d'ailleurs très bien et devrait aboutir dans les prochains mois. J'ai le soutien de Kader Arif, le ministre délégué aux Anciens combattants.
 
Quelle fut l'importance du sport pendant cette Guerre ?
Son importance est cruciale. Le traumatisme de la Grande Guerre est énorme sur l'ensemble de la population française. Les historiens se sont plus attachés à expliquer les rouages et les conséquences de ce conflit sans se pencher sur certains effets annexes totalement inattendus. Il revenait peut-être à un "prof de gym" de le faire ! En tout cas, lorsque je vais dans les classes, les gamins adhèrent tout de suite parce que le sport est un bon moyen de faire passer la mémoire.
 
De quelle manière le sport a-t-il payé au cours de cette Guerre ?
Le prix du sang payé par les sportifs est lourd. À l'image de l'athlète Jean Bouin, l'une des plus grandes vedettes de l'époque, beaucoup revendiquaient le fait d'être en première ligne : la France est envahie, on se doit de la défendre ! Ces talents, fauchés dans la force de l'âge, ont été des exemples d'engagement alors qu'ils auraient pu se faire exempter.
 
Quelles sont les histoires qui vous ont particulièrement marqué ?
Difficile de répondre à une telle question, car cela m'oblige à en sélectionner et donc à hiérarchiser. Je citerai Corneille : " Ô combien d'actions, combien d'exploits célèbres sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres..." Mais j'ai une énorme tendresse et un profond respect pour Albert Roche, l'archétype de l'antihéros. Trop chétif, on l'avait d'abord refusé pour être soldat. Mais il a fait son sac et s'est sauvé de chez lui. L'un de ses faits d'arme est d'avoir rampé pendant six heures pour rejoindre son capitaine grièvement blessé entre les lignes et quatre encore pour le ramener. Épuisé, il s'endort dans un trou de guetteur. Une patrouille le découvre et conclut à un abandon de poste. Sans le témoignage salvateur du capitaine et à une heure près, il aurait été fusillé ! Blessé neuf fois, il a fait, tous coups et actions confondues, 1.180 prisonniers. Et le plus étonnant, c'est que malgré tous ses actes de bravoure, il est toujours resté soldat deuxième classe.
 
Qu'attendez-vous des commémorations qui ont débuté ?
Que les Français puissent vraiment s'approprier l'Histoire de nos Poilus afin de ne jamais oublier que la guerre est une effroyable tragédie. Cette guerre est un traumatisme terrible, 1.561 jours de misère pendant lesquels, en moyenne, 900 Français ont été tués chaque jour. Toutes les minutes et demie, l'un de nos grands-pères mourait !
 
Références
Livre :
« 14-18, le sport sort des tranchées - Un héritage inattendu de la Grande Guerre », de Michel Merckel (préface Roger Bambuck), édition Le Pas d'Oiseau, 220 pages, novembre 2013 (réédition).
 
Reportage TV : Documentaire réalisé par Christophe Duchiron et Anne Bettenfeld : https://www.francetvsport.fr/1914-1918-le-sport-a-l-epreuve-du-feu-233395
 
En complément
 
Ces sportifs bretons trop tôt disparus
La Première Guerre mondiale a éclaté le 3 août 1914. Son bilan humain est effroyable. Environ 1.350.000 soldats français ont été tués. Sur l'ensemble de la population, 36 % de la tranche d'âge des 19 à 22 ans sont morts. Près de 4.000.000 de soldats ont été blessés. Parmi eux, 1.100.000 invalides, 300.000 mutilés et amputés, 42.000 aveugles et 15.000 « gueules cassées ». La barbarie a atteint l'inimaginable. Pourtant, au milieu du chaos, le sport se dresse, telle une oasis au milieu du désert. La guerre lui a permis de se structurer, de s'ouvrir aux paysans et ouvriers pour qui la notion même de temps libre n'existait pas. Un souffle nouveau a alors balayé les mentalités. La dynamique est lancée, elle ne s'arrêtera pas avec l'Armistice du 11 novembre 1918. Au contraire, les compétitions se multiplient. La démobilisation est l'une des périodes les plus sportives que la France ait connue.
 
Des frères britanniques et américains
Lucien Mazan, dit Petit-Breton, évoquant les lendemains du conflit, l'avait écrit avec prémonition dans la revue « La vie au grand air » du 15 mars 1917 : « Les hommes auront appris à souffrir davantage (...). Quand la paix arrivera, tous seront si contents de vivre sans contrainte, sans arrière-pensée, que tout semblera simple et facile. » Avec le Franco-Luxembourgeois François Faber (1909) et l'illustre Octave Lapize (1910), il fait partie des trois vainqueurs du Tour de France emportés par la guerre. Comme plusieurs camarades, il fait également partie de ces sportifs bretons à qui nous voulions rendre hommage alors que débutent les commémorations du Souvenir. Franck Henry était aussi cycliste, Marcel Brindejonc des Moulinais était aviateur, d'autres étaient footballeurs. Tous symbolisent le tribut qu'a payé le sport, à travers ces 426 champions disparus durant cet interminable enfer de 1.561 jours. Mais pas seulement : leurs histoires nous éclairent sur le rôle capital qu'a joué le conflit sur la diffusion du sport en France. Pour ces Poilus, ce fut l'occasion de toucher pour la première fois un ballon de foot, alors que le rugby était jusque-là le seul sport collectif installé. Parfois de découvrir l'idée même du sport aux côtés de leurs frères d'armes britanniques ou américains. 14-18 contribua aussi à l'éclosion du sport féminin et du handisport, né pour surmonter les séquelles laissées par les effroyables combats. Le sport, souffle de vie sur le champ d'une tragédie.

Traduction

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