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Le destin de W. Bonnet, directeur financier, Montceau-les-Mines

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5/3/14

Dans son dernier roman, l’écrivain Yves Ravey joue de nouveau du suspense et de l’incongruité des situations, poursuivant sa réinvention très littéraire du roman noir. 

LA FILLE DE MON MEILLEUR AMI
d’Yves Ravey 
Minuit, 156 p., 14 €

Le destin de William semble devoir se résumer à un orage. D’autres que lui y auraient vu un mauvais présage, se seraient méfiés, auraient fui; lui se contenta de relever le col, d’affronter le grain, d’attendre une éclaircie. Missionné par son meilleur ami, juste avant sa mort, sur son lit d’hôpital militaire, William se devait à sa promesse : prendre soin de la fille du défunt.

Promettant, il ne s’était pas douté dans quoi il s’embarquait. Mathilde n’est pas une fille comme les autres. Mathilde a des réactions bizarres, incontrôlables. Il y a quelques années, un jugement lui a retiré la garde de son fils, lui interdisant désormais de le voir. Le petit garçon vit depuis dans une ville de l’Essonne, avec son père, Anthony, ouvrier de l’usine Rhône-Poulenc voisine, et sa femme Sheila, devenue sa nouvelle mère. 

Mathilde veut revoir Roméo; après, elle les laissera tranquille. Alors William développe un plan, pour faire plaisir à Mathilde: demander à Sheila une faveur, une heure d’entrevue, contre de l’argent, avant d’entrevoir transaction plus juteuse, sous la forme d’un chantage, un coup de poker. Encore faudra-t-il tenir le branlant château de cartes en équilibre.

Le tour de force du romancier est de créer un antihéros aussi insaisissable qu’un fluide au mercure. Qui est-il, ce William Bonnet, prétendument directeur financier de l’entreprise de cycles Vernerey de Montceau-les-Mines? Sa personnalité se dérobe au lecteur aussi sûrement que William se présente sous telle ou telle identité à ses différents interlocuteurs, muni de fausses cartes de visite. Est-il l’homme mature sur qui Mathilde peut compter, l’ami solide et réfléchi qui autrefois épaula son père? Ou juste un simple d’esprit au passé trouble et au rythme de vie heurté, prompt à se fourrer dans le premier pétrin?

À son habitude, Yves Ravey aime multiplier les zones d’ombre, et même en jouer, comme il joue au sens propre au long de cette nouvelle fiction d’ombres et de lumières, multipliant les averses, les rayons de soleil et les éclats des gyrophares, munissant ses protagonistes de nombreuses paires de lunettes, lampes torches, reflets, mirages et autres écrans de fumée. 

Sachant distiller une atmosphère angoissante épaisse de suspense où tout semble pouvoir exploser à tout instant, Yves Ravey développe des intrigues en forme de spirale, semblant tourner autour d’un point aveugle. L’écrivain réinvente le roman noir en version blanche livre après livre, s’appuyant comme les classiques du genre sur un contexte social, et ne se privant pas de situations désopilantes.

«À l’abri sous mon imperméable, j’ai sorti du coffre de la Sunny mon livre – cadeau de Monsieur Vernerey pour fêter mon embauche quelques mois plus tôt à mon retour d’Afrique –, rangé entre le cric et la roue de secours. J’ai lu. En terrasse. Quelques lignes, au hasard, dans la partie intitulée Genèse, en sirotant un gobelet de café pris au distributeur. Ensuite, je me suis penché sur un journal de petites annonces.» 

C’est qu’il bouge beaucoup, William: de la chambre au bar du motel, du parking à l’usine, de la HLM de Sheila au bar du coin. On retrouve dans ce roman les repères ironiquement topographiques de Ravey, non loin des stations-service et des parkings de banlieue, comme celle où faisait halte à plusieurs reprises la mère inquiète aux allures de tendre Yolande Moreau de son précédent livre, Un notaire peu ordinaire. Les personnages d’Yves Ravey ne ménagent pas leur peine en allées et venues. 

On les suit comme des pauvres diables, la rate au court-bouillon, égaré par les titres mystérieux de l’auteur agissant peut-être en trompe-l’œil. Comme la mousse débordante d’un milk-shake bon marché offert dans un bar de banlieue.

Sabine Audrerie

Traduction

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