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L'armée de terre craint d'être le dindon de la farce des réductions budgétaires

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Publié le 22/03/2013

En coulisses, sans apparaître publiquement, une lutte féroce oppose les armées sur leurs budgets respectifs. Arguments de l'armée de terre.

Les effectifs de l'armée de terre pourraient être les premières victimes des réductions budgétaires. © ERIC CABANIS / AFP 

L'ancien chef d'état-major de l'armée, le général d'armée Elrick Irastorza, monte au créneau pour faire connaître les arguments de ses troupes dans le débat budgétaire.

C'était il y a quelques mois, le 10 septembre 2012. Le nouveau ministre de la Défense et ci-devant président du conseil régional de Bretagne, Jean-Yves Le Drian, prononce à Brest un discours devant les participants à la 10e université de la défense et leur explique, citant Richelieu : "On ne peut sans puissance sur mer ni profiter de la paix ni gagner une guerre." Et de préciser : "Il importe que nous ayons un outil de défense qui soit, en particulier dans le domaine maritime, à la fois un outil de présence, un outil de cohérence et un outil de force. Désormais, sans l'enjeu maritime, on est en dehors des grands enjeux." Lorsqu'il descend de l'estrade, il est accueilli par le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Bertrand Ract-Madoux, qui lui fait le coup du bourre-pif en pleine paix en lui lançant un vigoureux "excellent discours, Monsieur le Ministre de la Marine". Gloups !

Bouc émissaire ou dindon de la farce ?

Alors que le clairon sonne pour la préservation, à son niveau actuel, du budget des forces armées françaises de 2014 à 2019, qui sera discuté vendredi à l'Élysée par un conseil de défense réuni autour de François Hollande, l'armée de terre a le sentiment - sans doute pas complètement infondé - que c'est elle qui va payer la note la plus salée, aussi bien pour les effectifs que pour les matériels. C'est elle qui est visée depuis quelques semaines par des critiques sur son encadrement jugé trop important, sur ses effectifs prétendument trop copieux, sur ses matériels militaires soi-disant trop sophistiqués, sur les bénéfices injustifiés qu'elle pourrait tirer de l'opportune guerre au Mali, etc. Or, curieusement, elle ne proteste pas et attend sans broncher le couteau sacrificiel qui en ferait, au choix, le bouc émissaire ou le dindon de la farce. Nos demandes d'éléments précis, notamment sur ses taux d'encadrement (officiers et sous-officiers), sont restées lettre morte et le principe de mutisme est appliqué strictement. Par la voix officielle, s'entend. Car les arguments entendus en privé dans la bouche des commandeurs de l'armée de terre viennent d'être publiés... discrètement ! Ils émanent de l'ancien chef d'état-major, le général d'armée Elrick Irastorza, prédécesseur de Bertrand Ract-Madoux et auteur d'un article vigoureux dans la dernière livraison de la revue des anciens élèves de l'École militaire interarmes, L'Épaulette (sur abonnement).

Réductions dans l'arme de terre : 38 fois Florange

Le général Irastorza rappelle quelques faits d'évidence, notamment que les effectifs de l'armée de terre sont inférieurs à 100 000 hommes, qu'elle est encadrée par 12 % d'officiers (dont 20 % sous contrat) et 32 % de sous-officiers (dont 70 % sous contrat). S'y ajoutent les 56 % d'hommes et de femmes du rang, soit 56 % des effectifs, tous sous contrat. Les faits sont là : l'armée de terre ne compte que 29 % de fonctionnaires, tous les autres étant des contractuels restant sous les drapeaux pour une durée moyenne de six années. L'ascenseur social demeure une réalité : 70 % des sous-officiers sont entrés dans l'armée de terre comme troupier et 50 % des officiers sont d'anciens sous-officiers. Si les futures réductions d'effectifs dans les armées (des chiffres de 30 000 à 50 000 suppressions d'emplois sont évoqués pour les 5 prochaines années, en sus des 54 000 du précédent quinquennat) devaient épargner les fonctionnaires militaires de carrière, il faudrait "taper" prioritairement sur les contractuels en réduisant le recrutement, ou en ne renouvelant pas les contrats. Mais Elrick Irastorza conteste et argumente : "La réduction des recrutements initiaux ne produit qu'un faible retour financier au prix d'effets déstructurants durables : 45 % de nos soldats sont à l'indice plancher de la fonction publique (295). Pour faire de grosses sommes, il faut donc supprimer beaucoup d'effectifs, soit par échenillage des régiments, ce qui en amoindrit la capacité opérationnelle, soit en supprimant purement et simplement." L'auteur insiste sur les chiffres : les 24 450 emplois perdus par la réforme Sarkozy, c'est "38 sites industriels type Florange rayés de la carte. Vous conviendrez qu'on en parle moins".

Armée suisse ?

Certains chiffres avancés par l'ancien chef d'état-major sont assez ébouriffants. Par exemple, quand il compare l'armée de terre suisse, qui ne garde que ses montagnes, et sa voisine française, qui intervient en permanence sur la planète : "L'armée suisse a 21 bataillons d'infanterie, nous 20 (NDLR : le bataillon est le terme international pour l'unité que les Français appellent un régiment) ; 224 chars de bataille, nous 254 ; 1 281 véhicules de combat de la classe VBCI (véhicule blindé de combat d'infanterie, NDLR), nous bientôt 630 ; 224 canons de 155 mm, nous 128." Le général admet que la puissance de feu d'un soldat français d'aujourd'hui est sans commune mesure avec ce qu'elle était voici quelques décennies, et aussi que les matériels modernes coûtent cher. "Maîtriser la dérive des coûts unitaires puis préserver les équipements en service restent une obsession du commandement." Et de chiffrer les prix des matériels les plus récents de l'armée de terre en les comparant à ceux d'une voiture de moyenne gamme à 15 000 euros. Il en faut une et demie pour payer le nouvel équipement individuel Félin du fantassin, 200 pour payer un VBCI, 1 700 pour un hélicoptère Tigre et... 6 700 pour un Rafale. Tant pour l'achat de matériels neufs que pour le MCO (maintien en condition opérationnelle, NDLR) de ceux déjà en service, l'armée de terre reçoit 19 % du budget d'équipement annuel des armées, tandis qu'elle fournit 85 % des effectifs engagés dans les opérations extérieures.

Autant d'arguments qui, on l'aura compris, sont adressés à François Hollande. L'armée de terre estime qu'elle a déjà beaucoup donné aux réductions d'effectifs, aux restructurations et au retard dans les équipements modernes, bien que ce soit elle qui aille au sol en Afghanistan, en Côte d'Ivoire, au Mali ou ailleurs. Aux autres de payer leurs parts !


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