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MALI. L'acte 2 de la guerre

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11-02-2013

Les djihadistes commencent à utiliser les armes qu’ils connaissent : kamikazes, voitures-piégées ou suicides. Toute la panoplie des groupes islamistes armés.

Un soldat touareg de l'armée malienne à un checkpoint à Gao au Mali, vendredi 8 février 2013 (Jerome Delay/AP/SIPA).

L’affaire n’a pas été ébruitée. Nous sommes le 26 janvier, au cœur de la nuit, il est quatre heures du matin, la ville de Gao vient à peine de tomber. Une colonne d’une centaine de véhicules - 400 militaires maliens, 100 français - progresse, formant un convoi qui s’étire sur dix kilomètres. À un kilomètre avant Gao, le premier véhicule blindé tombe dans un énorme cratère de trois mètres de diamètre et d’un mètre cinquante de profondeur. Sous le choc, le véhicule est disloqué, deux soldats français sont blessés, nez cassé, bras fracturé, trauma crânien.

Explication : la veille, les Forces spéciales se sont retrouvées face à un pick-up bourré d’explosifs conduit par deux kamikazes. Les Français ont ouvert le feu, le véhicule a explosé, les corps des deux islamistes "blastés", - disloqués par le souffle, gisent sur le bas-côté de la route. Il fait très noir, une équipe télé, qui accompagne le convoi, ne peut pas faire d’images. D’autant qu’immédiatement, à la radio, on entend la consigne "attention ! Restriction presse." Pas d’images, donc pas d’histoire. Le convoi reprend son chemin.

Constat. Il est double. Un, les Forces spéciales ont toujours été devant et elles savent tirer. On s’en doutait. Deux, plus important, face aux frappes aériennes qui les laissaient impuissants, puis face aux troupes au sol, plus vulnérables, les djihadistes ont commencé très tôt à utiliser les armes qu’ils connaissent : kamikazes, voitures-piégées ou suicides, mines, accrochages éclairs, bref toute la panoplie des groupes islamistes armés. Depuis, les évènements qui se sont déroulés, toujours autour et dans Gao, confirment que "l’autre guerre", prévue, attendue, redoutée, logique et inévitable, a bel et bien commencé.

Scènes de guérilla urbaine

Le 6 février, une mine saute au passage d’un véhicule, toujours sur cette route entre Douentza et Gao, - apparemment "truffée" de mines selon les témoignages - faisant quatre morts, deux soldats et deux civils. Déjà, le 31 janvier, une mine avait explosé sur la route, au passage d’un véhicule militaire malien, tuant deux soldats. Autour de Gao, les premiers accrochages commencent, avec tirs de kalachnikov et de lance-roquette antichar, le minimum de l’arsenal de tout bon djihadiste dans la région. Le 8 février, un homme à moto habillé en uniforme de la gendarmerie malienne se fait exploser devant un barrage de soldats. Un seul mort, le kamikaze et un soldat blessé. Par chance, l’obus que transportait le djihadiste sur sa moto n’a pas explosé. Et deux jours après, on pouvait toujours voir la tête du kamikaze abandonnée sur le sol, un "homme à la peau claire", arabe ou touareg.

Le 10 février, enfin, la ville de Gao connaît de véritables scènes de guérilla urbaine. Un kamikaze se fait sauter à un poste de contrôle de l’armée malienne à l’entrée de la ville, pour ouvrir la voie à un commando de plusieurs dizaines d’hommes qui s’infiltrent, prend le contrôle - symbolique - de l’ancien centre de la police islamique.

Les combats vont durer cinq heures. Et les islamistes sèment la panique dans tout le centre-ville. Des reporters décrivent des hommes en noir, ceinture de grenades autour de la taille, sautant de maison en maison dans les ruelles de la ville. Il faudra l’intervention des hélicoptères de l’armée française pour déloger le commando et rétablir l’ordre dans une ville secouée, privée un temps d’électricité et inquiète de la possibilité de terroristes rescapés, infiltrés dans la cité et bénéficiant de complicités pour attendre l’heure d’un nouveau mauvais coup.

Cette "autre guerre" qui se dessine

Bilan des pertes : combien de morts djihadistes, militaires maliens, civils ? On ne sait pas. Des témoins parlent du corps d’un civil, victime d’une balle perdue. Pour le reste... On a d’ailleurs beaucoup de mal à obtenir des bilans depuis le début de cette guerre. Une "vraie guerre", a dit Jean-Yves le Drian, qui a parlé de "plusieurs centaines de morts" chez les islamistes. Cela reste vague. Les militaires maliens ne donnent pas leurs pertes, voire les nient. Personne ne semble compter les victimes civiles. Et il est impossible de vérifier les pertes chez les djihadistes dont les corps sont invisibles. Un flou qui risque, à la longue, de peser sur la crédibilité des opérations et de semer le doute.

Bilan militaire : il est clair. L’Acte II de la guerre a commencé. Et les islamistes exultent déjà d’avoir pu reprendre l’initiative : "Nous avons réussi à créer une nouvelle zone de conflit, à organiser des attaques de convois et des kamikazes", a déclaré le porte-parole du Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), Abu Walid Sahraoui. "Nous appelons les citoyens à ne pas se déplacer sur les routes nationales parce qu'il y a danger de champs de mines".

C’est bien le profil de cette "autre guerre" qui se dessine. Et c’est elle que les Français, les Maliens et les soldats de la coalition africaine, doivent maintenant affronter. Avec un point d’orgue sur Gao, à 1200 kilomètres de Bamako, autrefois écrasé par le Mujao. Peut-être parce que les djihadistes du Mujao n’ont pas participé en masse aux offensives d’Ansar Dine et d’Aqmi vers le Sud. Ils seraient à la fois moins désorganisés et plus désireux de montrer que leur capacité de nuisance est intacte.

Quel futur ?

Bilan politique : après l’euphorie de la victoire, les habitants des "villes libérées" voient, sidérés, des islamistes les menacer à nouveau, sur les routes, dans les champs, les faubourgs et même au cœur de leur cité. Encore quelques actions de ce type et on imagine la suite. La multiplication des barrages et des fouilles, les points névralgiques qui se couvrent de sacs de sable, la difficulté et le danger à se déplacer, les coupures de courant, l’insécurité, le doute et la peur revenue avec les premières réflexions des habitants : "Notre armée nationale et la puissante armée française sont là... Et cela n’empêche pas les terroristes de frapper. Rien ne change !" Puis après le doute, la peur, la colère et les divisions. C’est exactement ce que veulent les groupes islamistes armés.

Le futur ? On connaît les données de cette bataille. Les islamistes du Mujao et d’Aqmi ont pour eux une solide expérience du combat, un petit arsenal, la volonté des fanatiques de vouloir mourir en martyr et un désert immense qui entoure les routes qui relient Sévaré à Gao, Tombouctou à Kidal, jusqu’à la frontière algérienne. Ils n’hésiteront pas à frapper les civils des villes "impies" qui ont fêté avec force leur défaite et leur départ, se feront exploser devant un barrage, sur un marché, dans un hôpital s’il le faut.

Les "cœurs et les esprits" sont acquis.

Face à eux, des milliers de soldats conventionnels, l’action des Forces spéciales, le renseignement recueilli du ciel, une force aérienne française et... surtout, l’essentiel, une population en majorité hostile aux djihadistes. Les "cœurs et les esprits" sont acquis. Tant mieux ! Il faut les garder du bon côté. Cela passe par une explication à la population sur la forme du conflit à venir, la mise en place de réseaux d’informations locaux, d’informateurs, de milliers d’oreilles hostiles aux terroristes et prêtes à renseigner sur leurs déplacements, leurs activités, leurs complicités.

Oui, la population est l’enjeu principal de cette nouvelle guerre. Et il faudra y penser en essayant de convaincre les Arabes et les Touaregs, - aujourd'hui montrés du doigt, décriés, accusés, pourchassés - que cette intervention n’est pas un blanc-seing donné à Bamako pour se débarrasser d’eux, mais bien une action militaire destinée à les libérer des fanatiques d’Aqmi ou du Mujao, à ramener le calme et la sécurité dans leur région, et à trouver une solution politique pour soigner les plaies qui n’en finissent plus de faire saigner le Nord-Mali.


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