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Hans Hartung, un abstrait oublié, retrouvé

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LE MONDE | 18.07.2008

Quand le peintre allemand Hans Hartung meurt à Antibes, en 1989, à 85 ans, son oeuvre n'est plus au premier plan. Elle l'a été auparavant, au plus haut point : cette figure centrale de l'abstraction est exposée en Europe et aux Etats Unis dans les années 1950, et il obtient le Grand Prix international de peinture à la Biennale de Venise en 1960. Puis la tendance s'inverse : moins d'intérêt, moins de musées en dépit d'une exposition au Metropolitan Museum à New York en 1975, à la Fondation Maeght, déjà, en 1971.

C'est elle qui, à l'initiative de son directeur, Michel Enrici, revient sur Hartung en 250 oeuvres. Le temps a passé et il doit être possible de reconsidérer calmement l'abstraction, qui a dominé la scène française après 1945 et connu le reflux après 1960.

UN DU PASSÉ

Les raisons de ce renversement sont connues, à commencer par l'agacement suscité dans les générations plus jeunes par la prolifération de styles qui se disaient matiériste, tachiste, lyrique, expressionniste ou informel : trop de toiles, trop d'effets répétitifs, trop d'imitateurs.

Arman, Klein, Tinguley et les membres du Nouveau Réalisme s'y opposent violemment, tout comme, à New York, Rauschenberg, Johns et Twombly s'opposent à l'"abstract expressionnism". La vague du pop achève de recouvrir cet art abstrait, dès lors considéré comme celui de l'après-guerre - un art du passé. Symbole : quatre ans après Hartung, en 1964, Rauschenberg est couronné à la Biennale de Venise.

Michel Enrici avait ces données en tête. Son but n'est pas une réhabilitation militante, mais un réexamen attentif sans idée préconçue. Il y parvient de manière exemplaire. Trois points se dégagent : la genèse d'une abstraction graphique et rythmique dans les années 1930, alors que personne ne s'intéresse à cet émigré allemand antinazi ; le développement d'un système de création ensuite ; les étranges expérimentations de la dernière décennie enfin.

Au lieu de s'en tenir à l'ordre chronologique, l'accrochage introduit par exemple un ensemble de dessins de 1935 au centre d'une salle de peintures des années 1980 : la continuité est manifeste en dépit du demi-siècle écoulé. Et le sous-titre de l'exposition, "Le geste et la méthode", s'en trouve justifié.

Hartung cherche en effet souvent à déduire de crayons sur papier et de peintures de petit format jetées en peu de coups les éléments de toiles de dimensions très supérieures. On voit la difficulté : que le dynamisme initial se ralentisse et s'enlise dans l'amplification et que la rhétorique se substitue à l'expression. Le geste peut-il devenir le fondement d'une méthode sans perdre une partie au moins de ses qualités premières de geste ? Hartung s'est posé la question au point de réaliser en 1973, sur des cartons, un répertoire des moyens picturaux de son abstraction, alphabet de son langage.

Cette manière de s'analyser avec rigueur est intriguante. Mais les moments où l'artiste est débordé par sa création sont plus convaincants. Le premier, c'est quand, au début des années 1930, à Paris, Hartung ne parvient plus à s'en tenir aux principes constructifs du cubisme reçus en héritage. Plus de plans, plus de géométrie, plus d'équilibre : une sismographie hérissée de dards, s'enroulant parfois en spirales, projetant des traits et des points.

Hartung - le sait-il alors ? - n'est guère éloigné de certaines expériences de Picasso contemporaines des siennes, du côté de l'exaspération du trait et de l'éclatement de toute forme. Survient la guerre. Cet Allemand de Leipzig devient combattant. Il s'engage dans la Légion étrangère en 1939, est envoyé en Indochine puis en Afrique du Nord. Il est emprisonné en Espagne après la défaite, s'enfuit, s'engage une deuxième fois dans la Légion, en Algérie, est gravement blessé en Alsace à l'hiver 1944, où il perd une jambe. A la Libération, il obtient de multiples décorations.

CAPTIF DE LUI-MÊME ?

La guerre, son expérimentation au moment où Hartung veut passer de la feuille à la toile. C'est cette volonté qui l'anime après 1945. Plus de surgissements inconnus, mais la mise en oeuvre de sa "méthode". C'est devant les toiles de cette période, celle de son succès, que le regard, aujourd'hui, hésite et s'agace parfois de reconnaître des procédés si bien maîtrisés. Après 1973 et l'établissement de son répertoire, Hartung a-t-il senti le risque de se retrouver captif de lui-même ?

C'est alors qu'apparaissent de nouvelles extravagances, les premières depuis longtemps. Et celles-ci, rarement montrées jusqu'ici, laissent stupéfait : des bleus vifs qui hurlent, des rouges qui grondent, des surfaces striées ou nappées, la peinture vaporisée ou fouettée, des compositions chaotiques et broussailleuses. Colère, anxiété, rage de recommencer ?

Ce dernier Hartung, délivré de lui-même, peint dans son atelier d'Antibes des toiles qu'il faut réintégrer dans l'histoire récente de l'abstraction, là où l'on ne s'attendait pas à les situer, du côté de Gerhard Richter et de ces jeunes New-Yorkais, tel Jonathan Lasker, qui auraient pu être ses petits-enfants. Et qui, sans doute, ne savaient rien de ses expériences.


Hans Hartung, le geste et la méthode. Fondation Maeght, Saint Paul. Tél. : 04-93-32-81-63. De 10 heures à 19 heures, jusqu'au 30 septembre ; de 10 heures à 18 heures, du 1er octobre au 16 novembre. De 9 € à 11 € ; entrée libre pour les moins de 10 ans. Sur Internet : www.fondation-maeght.com.

Philippe Dagen - SAINT-PAUL (ALPES-MARITIMES) ENVOYÉ SPÉCIAL


Traduction

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