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L’identité déclarée...

Éditorial du COMLE du Képi blanc N° 718

La possibilité pour la Légion étrangère de recruter des candidats sous identité déclarée est une disposition atypique aux fondements très anciens.

A l’origine, cette mesure visait à permettre l’engagement d’urgence, en cas de conflit, de personnels étrangers qui n’étaient pas tenus de justifier de leur état-civil. Elle a permis de recruter les volontaires étrangers des deux grandes guerres qui sont venus verser leur sang pour défendre la France.

Mais cette disposition a trouvé au fil du temps une autre raison d’être : elle est devenue, dans l’esprit de nombreux candidats à l’engagement, l’opportunité pour un nouveau départ, à la reconquête de l’estime de soi, à la recherche du respect mutuel, en quelque sorte un “outil de la seconde chance“. Elle offre à de jeunes hommes marqués par les difficultés, les échecs, ou tout simplement en rupture avec la société ou leur famille, la possibilité de changer le cours de leur vie, d’en écrire eux-mêmes le nouveau scénario, en repartant sur des bases entièrement nouvelles. C’est pourquoi elle s’applique dès le temps de paix.

Elle permet à la Légion de dire deux choses très simples à chaque candidat à l’engagement :

- “je te propose de t’engager sous un autre nom, de rompre avec ton passé et, pendant une période dont tu choisiras la durée, de bénéficier de la protection offerte par cette nouvelle identité ; ainsi je t’aiderai à mener à bien ta démarche de rupture et de reconstruction” ;

- “je t’engage tout de suite, sans attendre de vérifier ton identité véritable, sans te demander de revenir dans deux ou trois mois avec des pièces d’état civil officielles ; je t’offre donc de saisir ta chance immédiatement”.

Cette singularité n’est pas un passe-droit : elle a été consacrée par la loi. Elle émane directement du statut général des militaires et elle est précisée par le décret relatif aux militaires servant à titre étranger.

Le placement sous identité déclarée est donc une mesure exorbitante du droit commun, mais parfaitement reconnue et encadrée par les textes. Il n’accorde aucune exonération de responsabilité pénale pour les actes commis sous identité déclarée. Il n’a pas non plus pour but de soustraire à la justice des hommes aux actes répréhensibles ; c’est pourquoi il a bien sûr vocation à être temporaire ; il ne “protège” les hommes qui servent sous ce statut que contre les actes passés, déclarés au commandement lors de l’engagement, et considérés par lui comme “acceptables”, ce qui exclut sans aucune ambiguïté, les crimes et les délits les plus graves. La procédure dite de “régularisation de situation militaire”, opérant une fusion de l’identité déclarée au sein de l’identité réelle, est l’instrument qui permet de retrouver la véritable identité.

La mise sous identité déclarée est donc, très simplement, une mesure provisoire qui offre aux légionnaires une période de répit : ce répit est destiné à leur donner le temps de retrouver l’équilibre qui leur permettra, à terme, d’être de nouveau capables de faire face à leur passé et de rendre des comptes si nécessaire.

Le terme “anonymat” a parfois été utilisé pour caractériser cet état. Non seulement il ne figure pas dans les textes officiels, mais il recouvre une réalité très différente, laissant en particulier supposer une position sans existence légale, ce qui n’est pas le cas.

Cette disposition est parfaitement adaptée au profil tout à fait particulier, caractéristique des personnels servant à titre étranger. Hommes sans nom, au passé parfois douloureux, au parcours personnel tourmenté, ils rejoignent nos rangs sans arrière-pensées, avec la ferme intention d’y rebâtir leur avenir sur de nouvelles bases. Leur fidélité, leur dévouement, leur engagement et leur disponibilité sont à l’image de cette volonté radicale de rupture et de don exclusif à leur famille d’accueil. En revanche, ils conservent aussi dans certains cas une fragilité et une instabilité qu’expliquent les méandres de la voie qu’ils ont suivie jusqu’alors.

L’identité déclarée est donc à la source d’un exceptionnel dispositif d’intégration et de reclassement qui, sans être une finalité en soi, permet chaque année à plus d’un millier d’hommes, parfois en situation d’exclusion, de trouver à la Légion des raisons de croire à nouveau à leurs chances et de reprendre en main leur destinée. Elle est en cela une mesure apparemment anachronique, mais qui a conservé tout son sens et toute sa modernité en 2010, à l’heure de la mondialisation.

Elle est aussi naturellement un levier puissant qui permet à la Légion, en recourant à une catégorie de personnels qui échappe aux normes usuelles de recrutement, d’honorer son contrat opérationnel vis-à-vis de la nation avec une population d’une richesse et d’une diversité extraordinaires.

En contrepartie, le légionnaire servant sous identité déclarée est soumis à diverses restrictions dans l’exercice de ses droits de citoyens. Certains actes civils ne lui sont plus permis : mariage, passage de certains contrats, droit de vote, possession et conduite d’un véhicule hors service, héritage… Il demeure pour autant assujetti à l’imposition sur le revenu. Cette situation est librement consentie et acceptée en connaissance de cause par chacun des candidats à l’engagement. Elle constitue le “prix à payer” pour la période de réhabilitation offerte en échange. C’est une disposition garantie par la Légion, source d’obligations réciproques pour les deux parties prenantes, et dont le légionnaire est finalement le premier acteur.

Pour toutes ces raisons, l’identité déclarée constitue, à la fois pour la Légion et pour les légionnaires, une disposition essentielle qui détermine l’esprit, le style et la manière d’être de notre institution. Il ne saurait être question d’en remettre en cause le principe. Car elle fait appel à la part de combativité et de confiance en soi que le jeune légionnaire peut avoir perdue avant de s’engager.

Dans la pratique, la décision de recourir systématiquement à l’identité déclarée est un choix du commandement, car la loi en offre seulement la “possibilité”. Ce choix a été fait dans un souci de cohérence sociale pour réduire autant que possible les inégalités de départ entre tous les jeunes légionnaires. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’identité déclarée doit continuer à être initialement imposée à tous les candidats. Elle soulève en effet de nombreuses interrogations et sa gestion quotidienne n’est pas toujours simple à assurer :

  • elle génère une lourde charge administrative (établissement des passeports pour la projection sur les théâtres d’opérations extérieures, processus de régularisation de situation, changement de nom en cours de carrière engendrant divers travaux d’écriture…), cette situation va se compliquer encore avec la mise en place des passeports biométriques ;
  • elle ne revêt pas un caractère d’absolue nécessité pour tous les candidats ; il peut donc paraître excessif de l’imposer à ceux pour lesquels elle ne présente pas d’obligation.

L’expérience montre qu’elle est particulièrement justifiée dans deux cas :

  • quand le candidat en exprime le besoin, pour bénéficier de la protection qu’elle offre par rapport à une situation personnelle compliquée ;
  • quand le commandement en a besoin pour se donner le temps de s’assurer de la véracité des informations fournies par le candidat et éviter de recruter un légionnaire sous une fausse identité ; ce processus de contrôle peut prendre du temps quand les candidats proviennent de pays lointains avec lesquels les démarches ne sont pas faciles.

Une évolution de la pratique encadrant l’identité déclarée est donc souhaitable. Elle consisterait à accepter l’engagement des candidats directement sous identité véritable dans les cas où ni les besoins de l’intéressé ni ceux de la Légion ne motivent l’usage de l’identité déclarée. Il faut noter que, dans l’histoire de la Légion, une telle manière de faire a déjà été en vigueur.

Si une telle modification de nos règles doit être adoptée, il restera à en définir les modalités pratiques. Une solution consistant à étudier au cas par cas la situation de chacun des candidats avant de déterminer la solution optimale à appliquer paraît être la voie la plus raisonnable. Le commandement de la Légion étrangère réfléchit donc à la définition et à la mise en place d’un nouveau dispositif dans ce sens. Car cette réforme importante mérite un travail de fond et une analyse exhaustive pour ne pas prendre le risque de s’engager sur une voie trop libérale qui altèrerait notre sécurité collective. Il conviendra aussi de veiller à ce que les conditions d’égalité des chances des candidats soient préservées…

Bonne lecture à tous

Général de brigade Alain BOUQUIN


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