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LES SUITES DE NARVIK : UNE RÉFLEXIXION SUR LE SENS DU DEVOIR

Éditorial du COMLE du Képi blanc N° 723

Nous sommes le 21 juin 1940. La 13e Demi-brigade de Légion étrangère rentre de Narvik où elle vient de remporter en Norvège un beau mais inutile succès au sein du Corps expéditionnaire français en Scandinavie. Après une rapide escale en Bretagne, elle accoste en Angleterre. Elle se voit proposer un choix difficile : celui de rejoindre les toutes jeunes Forces françaises libres. Elle va, à l'initiative de ses officiers et dans la grande majorité de ses cadres et légionnaires, répondre positivement à cet appel, dans la logique de résistance voulue par le général de Gaulle et initiée à peine trois jours plus tôt.

Ce oui "franc et massif" va faire d'elle la première unité constituée des FFL. Ses débuts ne seront pas simples : scission avec ceux (une minorité) qui ont choisi de rentrer en Afrique du Nord, cruelles interrogations après la tragédie de Mers El Kébir, désastreuse expédition de Dakar, douloureux combats de Syrie au cours desquels il faudra affronter des camarades légionnaires... Il y aura surtout à faire face au dur sentiment d'une forme de rupture avec le pays, pas encore prêt à soutenir la France libre...

Mais la 13e DBLE marquera de belle manière, quelques mois plus tard, grâce à son brillant fait d'armes de Bir Hakeim, le grand retour de la France dans la guerre. Ce sont finalement des étrangers au service de la France qui ont été en mesure de donner l'élan initial des combats pour la libération du sol national, puis de remporter le premier succès significatif sur le long chemin qui mènera à la victoire.

Nous commémorons cette année le soixante-dixième anniversaire de cet événement fondateur : celui du choix délibéré d'une légitimité incertaine et audacieuse à laquelle l'histoire donnera tout son sens.

Quelles leçons tirer de cet épisode pour la Légion d'aujourd'hui ? Quel jugement porter sur ce cas d'espèce aux interprétations diverses, que de nos jours encore les uns retiennent comme une situation flagrante de désobéissance et d'entrée dans l'illégalité, et où les autres, les plus nombreux, sont tentés de voir le choix de l'honneur et de l'espoir ?

On peut évidemment le justifier de manière simpliste : la Légion étrangère, monolithique et fidèle à son esprit de troupe combattante, a toujours mis son orgueil collectif à faire des choses difficiles ; la 13e DBLE a fait spontanément, naturellement, par réflexe, le choix de la cohésion dans la difficulté. Mais se contenter de cette explication serait une forme de pirouette pour échapper à une analyse plus en profondeur...

A la Légion, l'exigence de cohésion est existentielle ; elle repose en grande partie sur son encadrement. Ce sont bien les officiers de la 13 qui ont entraîné leurs hommes dans le choix de la France libre. Le placement de la Légion étrangère sous commandement français constitue de ce point de vue une garantie très forte : dans tous les cas, c'est à des officiers français que revient la charge d'indiquer à leurs hommes la voie de la sagesse, du devoir et de l'honneur.

C'est une triple responsabilité fondamentale :

  • vis-à-vis de nos légionnaires qui ont fait le choix de la France et qui nous font confiance pour ne jamais les mettre en situation de trahir ce choix, en les conduisant toujours là où est le service de la France ;
  • vis-à-vis des autorités de notre pays qui nous ont confié un rôle exorbitant, celui de fournir la garantie de l'obéissance de soldats étrangers ;
  • vis-à-vis de la Légion dont on doit toujours chercher à préserver l'unité et la cohérence qui font sa force principale.

Ce sont là des idées fortes qui doivent nous pousser à exercer notre réflexion : dans les décisions que nous aurons un jour à prendre, nous serons responsables devant la nation, non seulement de nos choix personnels, mais aussi, le plus souvent, des directions vers lesquelles nous entraînerons nos cadres et légionnaires.

Il y a ensuite une réflexion permanente à conduire sur les notions de légitimité et de légalité :

  • la première relève du sentiment, d'une conscience aiguë de son devoir, de la perception que l'on peut avoir de l'intérêt supérieur de la nation ; c'est une notion relative et le plus souvent personnelle, et c'est ce qui fait sa difficulté ; elle est marquée par l'environnement, par la passion, par l'incertitude, par l'empreinte de son propre destin ;
  • la seconde est une notion objective ; elle trouve son fondement dans la loi et dans les règlements ; elle est en théorie simple à identifier ; elle relève de la raison. Inscrire son engagement personnel dans une perspective de légitimité est une question d'honneur ; le respect de la légalité est davantage une affaire de discipline.

En général, légitimité et légalité vont de pair ; mais dans certains cas elles peuvent diverger. Et notre état de soldat nous impose de nous préparer à ces circonstances exceptionnelles.

La culture générale, la connaissance de l'histoire, la réflexion personnelle sont les outils qui doivent permettre à chacun de se préparer à donner une réponse individuelle claire, justifiée (à défaut d'être toujours juste), prise en connaissance de cause, à ces questions de devoir toujours délicates à appréhender avec sérénité et recul. Elles sont les clefs d'un bon discernement et d'un engagement que l'on ne doit jamais prendre "par défaut".

Nos valeurs légionnaires, l'honneur et la fidélité, sont des "garde-fous" précieux. Il convient, face à nos choix d'hommes, de toujours se poser la question de savoir où est notre honneur et en quoi consiste notre fidélité. Que signifie pour moi la loyauté ? Est-elle due à ma patrie d'accueil, à son gouvernement en place, à mes chefs, à mes camarades, à mes traditions ou à l'idée que je me fais de mon devoir ? A tout cela en même temps, bien sûr. Sauf que les événements peuvent rendre incompatibles ces différentes formes de mon exigence de fidélité.

Il reste enfin une vertu fondamentale à entretenir, celle de l'humilité. Il est une question à laquelle je ne serai jamais capable de répondre avec certitude : quel aurait été mon choix personnel en 1940 ? Avec le recul que me procure le temps, je peux donner une réponse raisonnable ; mais je ne saurai jamais si cette réponse aurait été la même "à chaud", pris dans l'engrenage des événements et des passions contradictoires...

L'histoire nous invite à quelques réflexions :

  • D'abord les circonstances ne sont jamais comparables : en 1940, le sort de la France entière était en jeu, dans un contexte mondial ; le pouvoir politique était vacillant, contestable, balloté... et sous le contrôle d'un occupant ; la réponse à l'appel du 18 juin était sous-tendue par un formidable élan d'espoir.
  • Il faut ensuite se garder de porter des jugements hâtifs ; ce n'est qu'a posteriori que l'histoire donne raison aux événements et aux hommes en démontrant que telle décision était porteuse d'avenir alors qu'une autre était une entreprise vouée à l'échec et à l'opprobre publique. Ceux qui ont été confrontés à des choix de conscience en temps de guerre ne pouvaient avoir une vision claire et totalement raisonnée de ce dans quoi ils engageaient leur honneur et leur vie.
  • Plus largement, l'histoire de notre pays, celle de la Légion, doivent être assumées sans faire de "tri sélectif". En tant que légionnaires, nous sommes les héritiers des victoires et des défaites de notre communauté, de ses bons et de ses mauvais choix quel qu'en soit le sens. C'est précisément en assumant cet héritage, ce passé commun, dans leur totalité, que nous sommes en mesure d'en tirer les enseignements les plus constructifs. Souvenons-nous que l'année 2011 marquera l'anniversaire d'un autre choix douloureux pour la Légion étrangère en Algérie... Une décision marquée elle aussi par le sceaux d'une légitimité revendiquée, bien que tout aussi difficile à cerner.

Porter témoignage des ces événements passés, réfléchir à leurs conséquences, se recentrer sur nos valeurs légionnaires pour éclairer notre route, sont des attitudes à adopter en toute humilité dans la perspective de nos choix à venir, avec toujours comme fil directeur le service de notre pays. D'autres 18 juin nous attendent peut-être : il faudra nous tenir prêts à leur donner ensemble la réponse la plus appropriée à la défense de la France.

Bonne lecture à tous

Général de brigade Alain BOUQUIN


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