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L'armée française à rude épreuve

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La France est engagée sur plusieurs fronts. La réduction des budgets de défense, aggravée par le coût des guerres en Libye et en Afghanistan, alimente les états d'âme des officiers et des soldats.

La France se bat sur plusieurs fronts à la fois. Depuis dix ans en Afghanistan, les forces françaises se flattent de « tenir » une région particulièrement turbulente à l'est du pays. En avril, l'opération menée par des commandos français en Côte d'Ivoire pour extirper de son bunker le président Laurent Gbagbo a été considérée, d'un point de vue militaire, comme un modèle du genre. Et en prenant la tête de l'intervention contre Kadhafi en Libye le 19 mars, la France a montré qu'elle restait un leader politique dans le monde, et militaire en Europe, avec une « capacité d'entrer en premier » dans les conflits qui n'appartient qu'aux grandes nations.

Officiellement, les responsables affirment que les armées françaises ne sont pas « en surchauffe ». « Au niveau d'engagement qui est le nôtre, on peut durer un certain temps » en Libye, affirme le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Elrick Irastorza. Sous le fracas de la guerre, on commence pourtant à entendre les premiers grincements. C'est le chef d'état-major de la marine, l'amiral Forissier, qui a rompu l'omertà : si le Charles-de-Gaulle, après huit mois de mer, ne rentre pas bientôt au bercail pour son check-up annuel, il ne pourra pas partir en opérations en 2012 - même si l'on a besoin de lui. Le projet de doter la France d'un second porte-avions fait débat depuis plusieurs années. Mais il a été reporté aux calendes grecques par les restrictions budgétaires.

Un million d'euros par jour

Après trois mois de frappes en Libye, les pilotes de bombardiers commencent à fatiguer. Les hélicoptères - 13 en Afghanistan, une petite vingtaine en Libye - ne sont pas assez nombreux. Comme l'Afghanistan, l'intervention libyenne coûte un million d'euros par jour à la France. En trois mois, elle a déjà généré un surcoût de 100 millions, a confirmé hier le ministre de la Défense, Gérard Longuet. Certes, les alliés britanniques ne sont pas mieux lotis. Dans un rapport divulgué hier par le Daily Telegraph, le chef des opérations aériennes britanniques, Simon Bryant, a prévenu que les opérations en Afghanistan et en Libye exerçaient de fortes pressions sur les ressources, qui pourraient remettre en cause de futures missions.

Tout le monde le sait : l'argent est le nerf de la guerre. Or les armées manquent d'argent. Dans les bureaux des officiers généraux, à Paris, les griefs s'amoncellent. Les réformes induites par le livre blanc de la défense en 2008 ont été décidées « en fonction de considérations exclusivement budgétaires » regrette l'un d'eux. En 2008, pour répondre aux nouvelles menaces du monde, le livre blanc avait réduit les moyens militaires de la France. « Comment voulez-vous qu'on renforce la défense en diminuant ses moyens ! Il faut appeler un chat un chat. Pour moi, c'est une forme de désarmement », dénonce un responsable militaire. Conséquence de la crise, la baisse des crédits affectera durablement les armées françaises : l'effort de défense, qui était encore de 3,3 % du PIB en 1989, est tombé à 1,7 % en 2010.


Entre 2011 et 2013, le budget sera amputé de 3,6 milliards. « Notre armée est en crise budgétaire et la cause de cette quasi-faillite est d'abord à chercher dans la contradiction entre l'empressement de nos gouvernements à toucher les » dividendes de la paix*, donc à réduire la part relative des ressources consacrées à l'effort de défense, et l'explosion du coût de ce même outil de défense, tant dans son budget d'équipement que dans celui de son fonctionnement » , écrivait il y a quelques mois le colonel Michel Goya, membre de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire, Pirsem.

L'avertissement américain

Le problème touche aussi les hommes - 54 000 en moins - leur entraînement et les équipements. « Les temps sont durs », reconnaissait récemment le général Irastorza : en perdant à elle seule plus de 10 000 postes, l'armée de terre est durement touchée. En 1940, elle pouvait aligner 93 divisions. Aujourd'hui, il ne lui reste que 81 régiments, soit dix fois moins. L'armée de l'air, qui doit se séparer de 15 900 emplois en six ans, n'est guère mieux lotie. À 40 ans passés, ses vieux avions de transport Transall sont à bout de souffle. Sur certaines flottes, le taux de disponibilité atteint 50 à 60 %. Il en va de même dans la marine. « Nous ne pourrons plus, si nous ne réagissons pas, maintenir notre statut de marine mondiale », a prévenu l'amiral Forissier lors d'une audition devant la commission de défense de l'Assemblée nationale.

On est loin, bien loin, des 640 000 hommes de la grande armée de Napoléon en 1812, au moment de l'invasion de la Russie. Réorganisées autour du principe de « stricte suffisance », avec un contrat opérationnel de 30 000 hommes seulement, les armées françaises ne pourraient plus refaire aujourd'hui la guerre de contre-insurrection en Algérie, qui avait mobilisé 400 000 militaires français.

Or, malgré la Libye et l'Afghanistan, la pression budgétaire, loin de se relâcher, risque de redoubler en 2012, année terrible, celle de la révision du livre blanc. Le budget de la défense pourrait ainsi tomber à 1,5 % du PIB. Du jamais-vu ! Certains savoir-faire essentiels, comme le ravitaillement en vol par exemple, pourraient même, à terme, disparaître. « Si l'armée française de 1990 affrontait l'armée de 2011, ce serait celle de 1990 qui gagnerait » , résumait il y a peu un colonel dans un colloque à Lille. Estimant qu'en-deçà de 3 % du PIB, les armées peinent à se renouveler, il redoute que l'armée française ne se transforme en une « armée Potemkine ». Cette posture en retrait de la France inquiète d'autant plus les généraux que c'est l'Europe entière qui désarme pendant que le reste du monde, qu'il s'agisse de la Russie, de la Chine, de l'Iran ou du Brésil, réarme. Face à la multiplication des menaces - prolifération nucléaire, terrorisme, cybercriminalité -, mieux vaudrait selon eux « monter la garde ». Le chef du Pentagone, Robert Gates, vient de s'inquiéter à Bruxelles des « lacunes » européennes dans le domaine de la défense. Elles pourraient, selon lui, avoir de graves conséquences sur l'opération libyenne, dans laquelle Washington s'est effacé au profit de Paris et de Londres, militairement et financièrement.

La France devra investir davantage

Après avoir symbolisé et servi la puissance française, les armées s'inquiètent d'un déclassement stratégique de leur pays. « Parce que la France a toujours pesé sur les affaires du monde, l'armée avait le sentiment d'être celle d'une grande nation. Aujourd'hui, la diminution des formats transforme la France en un acteur mineur, trop souvent dépendant des États-Unis », regrette un général. Il cite en exemple l'influence quasi inexistante de Paris sur la stratégie américaine en Afghanistan. Et pour cause : les troupes françaises occupent moins de 5 % du territoire afghan.


Pas étonnant donc, que les armées françaises aient le blues. Selon une évaluation chiffrée, réalisée avant la guerre en Libye, le moral des « terriens », qui s'érode depuis plusieurs années, a atteint un record de 5,2 sur 10. Plutôt rare dans cette institution, l'absentéisme se développe. « Les armées françaises sont atteintes de mélancolie. Rien pour l'instant qui affecte la capacité à remplir efficacement les missions données, mais cela ne peut cependant manquer d'inquiéter », prévient le colonel Goya.

Certes, dans les vallées afghanes de Surobi ou de Kapissa, là où sont engagées les forces françaises, comme à bord des chasseurs qui survolent la Libye, le spleen n'est pas de mise. « Là-bas, enfin, nous retrouvons le coeur de métier, celui pour lequel nous nous sommes engagés. Le moral est excellent » , assure un officier de retour d'Afghanistan. Mais l'engagement dans ces contrées éloignées n'empêche ni les incompréhensions ni les hiatus. « Il existe un énorme décalage entre le discours officiel, très positif, et la réalité sur le terrain, souvent très sombre » , analyse-t-il.

Si elle veut conserver les ambitions diplomatiques d'une grande puissance et son influence dans le monde, la France devra investir davantage dans son outil de défense, estiment les officiers généraux. « Les choix qui seront faits en 2012 détermineront la capacité de la France à demeurer ou non une puissance globale sans impasses. Il ne faudra pas se tromper et commettre l'irréparable », prévient l'un d'eux.

 Par Isabelle Lasserre


Communiqué de Monsieur Gérard Longuet,

Ministre de la Défense et des Anciens combattants

Mise à jour : 22/06/2011 14:11
Gérard Longuet, ministre de la Défense et des Anciens combattants, tient à réagir vivement à l’article paru ce jour dans Le Figaro concernant l’armée française et les conséquences de son engagement sur les différents théâtres d’opérations.
 
Il dénonce des amalgames infondés et de sérieuses lacunes stratégiques :
 
Les réformes décidées par le Livre blanc l’ont été en fonction de considérations stratégiques et non exclusivement budgétaires mais bien au terme d’une analyse approfondie. Cette réflexion associant l’ensemble des interlocuteurs a été conduite au terme d’une concertation sans précédent. Une évolution de ressources budgétaires très favorable à la Défense accompagnait ce travail exhaustif afin d’en garantir le réalisme et la crédibilité.
 
Les engagements financiers pris en 2008 ont été tenus, tant sur le plan de l’équipement des forces (18 milliards dépensés en 2009 soit le meilleur chiffre depuis 1993), que sur le plan de la revalorisation des soldes des militaires, ou sur le financement supplémentaire des OPEX sans mise à contribution des crédits d’équipement, ce qui n’avait jamais été fait auparavant.
 
Entre 2011 et 2013, le budget ne sera pas amputé de 3,6 milliards mais seulement de 1,2 milliards sur un total de plus de 96 milliards, et compensé par des gains de productivité.
Les réductions d’effectifs, conformes au calendrier prévu, ne pèsent pas sur les opérations car elles portent dans leur très grande majorité sur les activités de soutien et d’administration.
 
Les raccourcis figurant dans cet article témoignent d’une vision très simpliste de l’histoire militaire de notre pays.
 
La référence à la Grande armée de Napoléon pour démontrer un déclin de nos contrats opérationnels se passe de commentaires. L’affirmation selon laquelle l’armée de conscription de 1990, dont l’inaptitude aux crises contemporaines a été démontrée lors de la guerre du Golfe, battrait nos forces actuelles, dont les capacités sont illustrées actuellement sur plusieurs théâtres exigeants, témoigne à l’évidence d’un manque de discernement.
 
La transformation de notre outil de défense témoigne de la détermination de la France à tenir son rang et à porter les valeurs républicaines dans le monde.
 
Elle démontre l’engagement des personnels civils et militaires de la Défense à contribuer avec fierté au rayonnement international de notre pays, qui lui vaut d’avoir en Europe l’armée de référence, et dans le monde un outil respecté au service de la France.

Association de soutien à l’armée française                                                                                                                                                                            Paris le 27 juin 2011
Le président
 
Monsieur le Ministre,
 
J’ai lu avec attention et une certaine surprise le communiqué de presse que vous avez fait diffuser le 22 juin 2011 à la suite de la parution de l’article du Figaro concernant l’armée française et écrit par Isabelle Lasserre.
Je n’ai pas l’intention d’entrer dans une quelconque polémique d’autant que les carences soulignées dans l’article incriminé sont la conséquence de réductions budgétaires décidées depuis plusieurs décennies par des gouvernements issus de la majorité comme de l’opposition. Je souhaite cependant vous faire part d’un certain nombre de commentaires que m’inspirent vos propos et le ton que vous employez.
Le Livre blanc a naturellement fait l’objet d’une analyse stratégique approfondie, mais qui peut contester sérieusement que les choix qui ont été faits l’ont été avant tout sur des critères financiers ? La modernisation indispensable et urgente de l’équipement des armées nécessitait des ressources financières supplémentaires. Seules les économies réalisées grâce à la réduction massive des effectifs permettaient d’accroître les ressources consacrées à l’équipement sans augmenter la part du PIB consacrée à la Défense.
Vous écrivez ensuite que « ces réductions d’effectifs ne pèsent pas sur les opérations car elles portent sur le soutien et l’administration ». C’est là un raccourci excessif, car une armée est un ensemble cohérent d’un grand nombre de composantes. Or cette réforme induit des incohérences et complexifie les relations entre l’opérationnel et le soutien. Notre histoire militaire nous a pourtant enseigné qu’il ne fallait jamais dissocier ces deux volets essentiels à une armée.
Je note pour l’anecdote, au cas où vous ne le sauriez pas, que le nombre de contrôleurs des armées, qui inspirent les réformes du ministère, est resté le même tandis que les effectifs des armées étaient divisés par deux. Il y a là, sans aucun doute, des gains de productivité et des gisements d’économies qui auraient pu vous être proposés.
Vous dites également que les budgets 2011-2013 ne seront amputés que de 1,2Mds €. Nous le vérifierons en 2013 mais vous ne pouvez ignorer que le budget prévu initialement était déjà insuffisant pour répondre correctement à l’ensemble des besoins des armées: recrutement, entraînement, équipement, engagement opérationnel…
Vous ironisez sur le rappel historique concernant les effectifs mais ces chiffres ont été donnés pour montrer aux lecteurs que l’armée a vu fondre ses effectifs et que ceux-ci n’ont plus rien à voir avec ceux des gros bataillons d’hier.
Ceci dit, il est tout aussi vrai qu’en dessous d’un certain seuil d’effectifs - déjà atteint -, les armées perdent certaines capacités. Il y a une masse « critique » en deçà de laquelle une armée perd des savoir faire. C’est clairement ce que disent certains chefs d’état-major. N’oublions pas, par exemple, qu’il faut 2 équipages par SNLE et 4 SNLE, soit 8 équipages, pour maintenir en permanence un SNLE à la mer. Faut-il vous rappeler que l’armée de terre ne dispose plus aujourd’hui que de 20 régiments d’infanterie pour intervenir en Afghanistan, en RCI et au Liban et être en mesure de le faire demain ailleurs ?
Ce qui est très révélateur de notre situation et guère contestable, c’est que la France dispose aujourd’hui d’une moindre capacité de transport aérien tactique (avion de type Transall) et d’un nombre d’hélicoptères plus faible qu’il y a 20 ans alors que notre armée s’est professionnalisée et qu’elle est engagée dans des conflits qui exigent davantage de ces moyens.
Monsieur le Ministre, ces propos ne visent aucunement votre action. Ils ont pour but d’exposer aux Français certaines réalités à ce jour occultées notamment par les grands médias. Il est pourtant plus que jamais nécessaire que ceux qui ont l’expertise et qui veulent servir les intérêts supérieurs de la nation puissent s’exprimer librement.
L’ASAF n’est pas à l’origine de l’article du Figaro. Elle estime cependant que cet article, dont toutes les informations sont avérées, ne justifiait pas un communiqué aussi critique de la part de vos services.
L’ASAF considère que soutenir l’armée ne consiste pas à masquer la réalité surtout dans le domaine crucial de la Défense. Il faut donc accepter le parler vrai ; c’est ce que les Français souhaitent dans tous les domaines.
L’ASAF ne sera jamais une « grande muette » et continuera donc, de son côté, à s’exprimer sans ambiguïté, sans polémique mais avec une détermination sans faille.

Veuillez agréer, monsieur le Ministre, l’expression de ma considération distinguée
Henri PINARD LEGRY président de l’ASAF

Traduction

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