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Mort du Capitaine Flayelle et du lieutenant Montagnole.

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Le Journal Officiel de Madagascar et Dépendances du 12/04/1898

ORDRE GÉNÉRAL 239

Notre extension méthodique dans la province de Tulléar et dans l'ouest du cercle des ayant été, à diverses reprises, entravée par les incursions à main armée d'une bande réfugiée dans le massif boisé du Vohinghezo, sis à l'Est du confluent du Mangoka et du Malio, M. le capitaine Flayelle, commandant les troupes de la province de Tulléar, fut chargé de chasser cette bande de son repaire.

Il idisposait,pour l'opération projetée:

D'un détachement de la 1re compagnie de Légion sous les ordres de M. le lieutenant Montagnole.

De quelques hommes de la 11e compagnie du 13e régiment d'infanterie de marine.

D'une pièce de la 6e batterie de montagne (lieutenant Defer).

D'un détachement de la 6e compagnie du 1er malgache.

D'un détachement de la 8e compagnie du 2e malgache (sous-lieutenant Garenne).

D'un détachement de la milice de Tulléar (M. l'inspecteur Charles).

Ce groupe  quitta le poste de Soaserana le 11 mars dans l'après-midi, passa le Malio et, après un repos de quelques heures, se remit en route à 11 heures du soir. Il se heurta, à 4h45 du matin à des escarpements boisés occupés par les rebelles, qui accueillirent la tête
de colonne par un feu très nourri.

Aux premiers coups de feu, MM. le capitaine Flayelle et le lieutenant Montagnolle qui marchaient à l'avant-garde, tombaient mortellement blessés.

M. le lieutenant Defer prenait alors le commandement et donnait ses ordres pour l'enlèvement de la position, qui fut aussitôt effectué, grâce à un mouvement tournant vigoureusement conduit par M. le sous-lieutenant Garenne et malgré les énormes difficultés du terrain et la résistance déployée parles rebelles abrités derrière les retranchements qu'ils avaient organisés et derrière lesquels ils laissèrent de nombreux cadavres.

Le Général commandant en chef du Corps d'occupation et Gouverneur Général de Madagascar et Dépendances cite à l'ordre du Corps d'occupation :

M. le capitaine Flayelle, commandant la 1re compagnie du bataillon étranger et les troupes de la province de Tulléar :
«A été mortellement blessé, le 12 mars au matin, dans la forêt du Vohingheso, en marchant, avec sa bravoure habituelle, à la tête d'avant-garde».

M. le lieutenant Montagnole, de la 1re compagnie du bataillon étranger :
« A fait preuve de beaucoup de bravoure, le 12 mars 1898, dans le commandement de la pointe d'avant-garde, jusqu'au moment où il est tombé mortellement blessé ».

Durlach, N° Mle 20929, soldat de 2e classe à la même compagnie :
« A montré la plus grande bravoure à l'assaut des retranchements où s'étaient embusqués les rebelles, assaut au cours duquel il a été mortellement blessé ».

Griseur, N° Mle 21921, soldat de 1re classe à la même compagnie, ordonnance de M. le capitaine Flayelle :
« Se trouvant en dehors de la ligne de feu, est allé sous les balles ramasser le corps de son capitaine mortellement frappé, est revenu ensuite chercher le corps du lieutenant Montagnole, puis est retourné au feu ».

Vonoch,N° MleÎ481, soldat de 1re classe a la même compagnie :
« A fait preuve d'une grande bravoure dans l'assaut des retranchements du Vohinghezo, assaut au cours duquel il a été blessé à l’aine »,

Mangalli, N° Mle18220, soldat de 2e classe à la même compagnie :
« S'est élancé avec impétuosité à l'assaut des retranchements du Vohinghezo et y est arrivé en même temps que l'officier qui commandait l'attaque ».

Laos, N° Mle 16063, soldat de 2e classe à la même compagnie :
« Etant blessé au coude, est resté à sa place de combat jusqu'à la fin de l'action ».

Pugin, N° Mle 14810, soldat de 2e classe à la même compagnie :
«Etant à la pointe d'avant-garde et se trouvant immédiatement derrière le lieutenant Montagnole, qui venait d'être blessé, a continué à tirer et a eu son fusil brisé par une balle ».

Schmider, N° Mle 14921, soldat de 2e classe à la même compagnie :
« S'est conduit brillamment pendant l'attaque du Vohinghezo, au cours de laquelle il a été légèrement blessé ».

Courvoisier, N° Mle B 1429, 2e canonnier, conducteur à la 6e batterie de montagne :
« A aidé avec beaucoup de sang-froid à la mise en batterie de la pièce et l'a pointée avec calme à moins de 100 mètres des retranchements ennemis ».

Ramanarany, N° Mle 5729, tirailleur de 1re classe à la 8e compagnie du 2e régiment malgache :
« A été mortellement blessé en s'élançant avec bravoure à l'assaut de la position du Vohinghezo ».

Le Général adresse en outre ses félicitations:

A M. le lieutenant Defer, de la 6e batterie de montagne :
«« Pour le sang-froid dont il a fait preuve en prensnt,le 12 mars 1898, le commandement de la colonne du Vohinghezo après la mise hors de combat de M. le capitaine Flayelle, et dans des conditions particulièrement difficiles, et en n'hésitant pas, après les pertes cruelles qu'avait subies la colonne dès le début de l'action, à ordonner une vigoureuse offensive contre l'ennemie ».

A M. le sous-lieutenant Garenne, de la 8e compagnie du 2e régiment malgache :
« Pour avoir commandé avec beaucoup de bravoure, le 12 mars, la troupe d'assaut qui enleva, a la baïonnette, les retranchements du Vohinghezo et être arrivé le premier sur la position ».

Au sergent rengagé Lelièvre, N° Mle 9394, de la 1re compagnie du bataillon étranger :
« Pour avoir fait preuve du plus grand sang-froid lorsque la tête de colonne fut assaillie par une grêle de balles et avoir rallié ses hommes sans précipitation ».

Au maréchal-des-logis Grenot,N" Mle B 30853, de la 6e batterie d'artillerie de montagne :
« Pour avoir mis sa pièce en batterie sous le feu de l'ennemi et conduit le tir pendant toute l'action avec le plus grand calme ».

Au soldat de 2e classe Kiener, N"M18 20991, de la 1re compagnie du bataillon étranger :
« Pour avoir, bien que blessé au mollet, aidé à transporter, sous les balles, en arrière de la ligne de feu son Capitaine mortellement blessé».

Au 1er canonnier servant Revel, N° Mle B 38486, de la 6e batterie de montagne :
« A organisé, sous le feu de l'ennemi, une ambulance pour panser les blessés, auxquels il a prodigué ses soins ».

Au soldat de 2e classe Satta, N° Mle 13604, de la 1re compagnie du bataillon étranger :
« Pour avoir aidé, avec beaucoup de sang-froid et de dévouement, l'infirmier Revel dans les soins donnés aux blessés ».

Au soldat de 2e classe Py, de la 11e compagnie du 13e régiment d'infanterie de marine :
« Pour avoir aidé à mettre la pièce en batterie sous le feu de l'ennemi ».

Le Général commandant en chef adresse en même temps ses félicitations aux détachements des compagnies de milice de Fianarantsoa et Tulléar pour le concours dévoué qu'ils ont apporté à la colonne commandée par M. le capitaine Flayelle. Il félicite particulièrement :

M. l'inspecteur de 2e classe Charles, commandant la compagnie de milice de Tulléar :
« pour son énergique attitude pendant toute l'action et les mesures judicieuses qu'il prit pour empêcher la droite d'être débordée par les rebelles. »

M. le garde de 4e classe Morel, de la compagnie de Fianarantsoa :
« pour le sang-froid qu'il a montré dans la garde du convoi et de l'ambulance, attaquée à plusieurs reprises par l'ennenii.».

Le caporal de milice Razafy, N° Mle 399, les miliciens Randratsirava, N° Mle 239, Raizanaka, N° Mie 298, Raimitsiry, N° Mle 358, de la compagnie de Fianarantsoa :
« pour s'être particulièrement distingués dans la défense du convoi de la colonne ».

Le Général décide, en outre, que les postes d'Ankazoabo, Soaserana, Vorondreoet Manera, porteront, à compter de ce jour, les noms de : poste Flayèlle, poste Montagnole, poste Durlàch, poste Ramanarany.

Un exemplaire du présent ordre sera.remis àchacun des officiers et hommes de troupe qui y sont dénommés ou envoyé à leur famille.

Tananarive, le 10 Avril 1898.
Le Général commandant en chef du Corps d'occupation et Gouverneur Général de Madagascar et Dépendances, GALLIENI.

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Le Journal Officiel de Madagascar et Dépendances du 16/04/1898

 

NÉCROLOGIE

 
Le Général commandant en chef du Corps d'occupation et Gouverneur Général de Madagascar et Dépendances a le regret de porter à la connaissance de la colonie la nouvelle de la mort de MM. le capitaine Flayelle et le lieutenant Montagnole, tués à l'ennemi le 12 mars 1898.

Né le 23 septembre 1858 à Saint-Nabord (Vosges), M.le capitaine Flayelle était entré à Saint-Cyr le 29 octobre 1878; il était affecté, à sa sortie de l'école, au 91e de ligne. Nommé lieutenant le 29 juillet 1885, il était classé au 21e régiment de la même arme.
 
Plein de vigueur, d'entrain et recherchant, dès le début de sa carrière, l'occasion de se distinguer et de faire campagne, il demandait et obtenait de servir en Algérie, où il était placé au 1er régiment de tirailleurs.
 
Promu capitaine le 2 octobre 1891, il était affecté au 131e régiment de ligne, à Orléans. Passé au 2e régiment de la légion étrangère, il fut promu chevalier de la Légion d'honneur le 11juillet 1896; l'année suivante, il était désigné pour servir a Madagascar. Parti de Marseille le 10 août 1896, en même temps que le Général Gallieni, il débarquait à Tamatave le 5 septembre suivant. Il faisait, à la tête de la 1re compagnie de légion, toute la campagne contre l'insurrection hova et prit une a large part à plusieurs opérations importantes. Il se distingua, en particulier, à la prise du village fortifié Nosibé ; à cette occasion, il méritait d'être cité à l'ordre du Corps d'occupation le 21 février 1897, pour : « Avoir montré une bravoure et un sang-froid dignes des plus grands éloges, le 6 février 1897, en dirigeant, sous un feu très vif, l'escalade d'une des portes du village forlilié de Nosibé, avoir ensuite très habilement dirigé la poursuite des rebelles dans la vallée de l'Ikopa et provoqué ainsi près de 3.000 soumissions en deux jours ».
 
Au mois d'octobre 1897, dès que la tentative de révolte des Sakalaves de la Tsiribihina fut conue à Tananarive, le capitaine Flayelle, envoyé dans le Ménabé, se portait en toute hâte au secours d'Ambiky, où il arrivait le 17 novembre Il méritait, à cette occasion, d'être cité de nouveau à l'ordre du Corps d'occupation pour: « Avoir fait preuve de beaucoup de bravoure et de sang-froid dans le commandement des deux compagnies de renfort qu'il a conduites, du 14 au 17 novembre 1897, de Bemena à Ambiky, à travers une région boisée infestée par des bandes rebelles. A constamment marché de sa personne avec la tête d'avant-garde ».
 
Quelques semaines plus tard, M. le capitaine Flayelle prenait le commandement des troupes de la province de Tulléar. Notre extension méthodique dans cette province ayant été, à diverses reprises, entravée par les incursions à main armée d'une bande réfugiée dans le massif boisé du Vohinghezo, il se mettait à sa poursuite. C'est au cours de cette opération, couronnée de succès, que M. le capitaine Flayelle, qui marchait avec son intrépidité accoutumée à la tête d'avant-garde, est tombé mortellement frappé sous le feu de l'ennemi, méritant d'être cité encore une fois à l'ordre du Corps d'occupation.
 
M. !e capitaine Flayelle était un officier du plus grand mérite; à ses remarquables qualités militaires, à une bravoure à toute épreuve, il joignait une instruction étendue, un esprit fin et lettré qui donnait le plus grand charme à ses relations. Ses chefs l'avaient en haute estime et il était aimé de ses hommes, qu'il traitait avec justice et bonté. On se rappelle qu'au mois de novembre 1896, il n'avait pas craint d'exposer sa vie pour sauver un de ses légionnaires sur le point de se noyer dans l'Ikopa; il avait été cité une première fois à l'ordre du Corps d'occupation pour ce bel acte de courage et de dévouement.
 
La mort de ce brillant et valeureux officier sera déplorée par tous ceux qui l'ont connu.
 
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Né le 31juillet 1869 a la Ravoire (Haute-Savoie), M. le lieutenant Montagnole entrait à Saint- Maixent le 1er mars 1891. Affecté, à sa sortie de l'école, au 1er régiment de légion étrangère, il faisait campagne au Soudan, du 23 février 1894 au 27 janvier 1895, et y faisait preuve de solides qualités militaires. Il était promu lieutenant le 1er avril 1895.
 
Désigné pour servir à Madagascar, il s'embarquait à Marseille le 10 octobre 1897 ; arrivé le 4 novembre à Tamatave, il montait à Tananarive avec un détachement qu'il conduisait peu après dans le sud, à Ihosy.
 
Tout dernièrement, il fut classé à la compagnie de M. le capitaine Flayelle et prit part, avec elle, à l'opération dirigée contre les rebelles du Vohinghezo.
 
Il marchait à la pointe de l'avant-garde, dont il avait le commandement, lorsqu'il tomba mortellement frappé à côté de son capitaine.
 

Le Corps d'occupation perd, en la personne de M. le lieutenant Montagnole, un officier de valeur et d'avenir, qui sera vivement regretté de ses chefs et de ses camarades.

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La Mort d'un Héros.

Le Journal 30/04/1898


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La mort du soldat.

Le Figaro 25/05/1898.

 

Je viens d'assister, à Saint-Philippe du Roule, au service célébré pour le. repos de l'âme du capitaine Louis Flayelle, de la légion étrangère, chevalier de la Légion d'honneur, tué au combat de Vohingezo (Madagascar), le 12 mars, avec le lieutenant Montagnole, des tirailleurs algériens, et trois hommes de troupe. Une heure plus tard, dans la même église, une messe était dite à la mémoire du lieutenant d'infanterie Gallet, tué à la prise de Sikasso, avec le lieutenant Soury, de l'infanterie de marine.

Le capitaine Flayelle était l'un de mes meilleurs, l'un de mes plus chers camarades de Madagascar. Nous nous étions embarqués ensemble sur le Yang-Tsé, pour cette terre lointaine d'où il ne devait pas revenir. Nous avons vécu longtemps dans l'intimité d'une existence de plein air, où chaque jour m'a fait apprécié davantage la noblesse de son cœur et l'élévation de son esprit, délicat, généreux et cultivé.

Bien souvent, depuis lors, je pensais à la joie de' retrouver, à sa rentrée en France, riche du souvenir des belles actions, cet admirable soldat que, durant une campagne ininterrompue de plus d'un an et demi, la confiance des chefs et l'entraînement passionné du devoir militaire avaient conduit à travers les aventures les plus émouvantes et les plus diverses; j'attendais impatiemment la voix affectueuse, au parler pittoresque, qui me dirait ces pages inédites de l'épopée coloniale, si exaltante pour la jeune âme héroïque d'un Flayelle, soutenu contre les fatigues et les découragements par la noblesse et l'utilité de l’œuvre patriotique à laquelle il collaborait avec tant d'autres vaillants obscurs ou couverts de gloire, les champions de la mère patrie au Tonkin, au Soudan, à Madagascar, partout où progresse le drapeau d'une France qui se réveille aux grands espoirs.

Ce n'est pas de sa bouche, maintenant, que j'entendrai le récit de tant de belles choses réalisées loin de la gloriole boulevardière assurément, il ne fallait point attendre de lui, si modeste, l'énumération des actions d'éclat accomplies au premier rang de ses légionnaires, seuls témoins de son intrépidité; et chacun dans l'armée sait ce qu'il vaut, ce témoignage, en matière de bravoure, une vertu qui dispense de toute autre les cerveaux brûlés de la légion; •̃ Les coups terribles, portés et reçus dans cette guerre aux barbares, ce n'est pas de cela, j'en suis bien sûr, qu'il aurait eu plaisir à me parler, cet. homme de grand cœur, aussi pitoyable à la détresse des populations fanatisées qu'il était paternel à ses braves troupiers, ménager de leur existence et soucieux dé leur bien-être. Mais avec quelle fierté, j'ensuis certain, il m'aurait fait connaître dans leurs moindres circonstances les ruses qu'il s'ingéniait à trouver pour prendre, sans coup férir, le contact avec les rebelles auxquels il parvint souvent à imposer l'autorité du nom français par des paroles de confiance qui assuraient plus vite et plus définitivement que les balles Lebel la prise de possession d'une région soulevée !

Une mission pacifique de ce genre, je vous l'assure, est rude à réaliser en présence des Sakalaves qui n'ont rien des mœurs courtoises dont Fontenoy nous a laissé la tradition chevaleresque embusqués parmi les rochers ou cachés derrière les arbres (c'est dans une forêt que Flayelle a trouvé la mort, comme les héros du Yen-Té), ces guerriers vous tirent à brûle-pourpoint d'innombrables coups de fusil, à quoi, bien souvent, on réplique seulement par des charges à la baïonnette; c'est le meilleur moyen de les mettre en déroute.

Le capitaine Flayelle avait pour le tir si souvent inoffensif de ces Malgaches un mépris tout spécial et dont je trouve la piquante expression dans une lettre écrite, avec sa bonne humeur coutumière, presque à la veille du jour où il allait tomber sous le feu d'un ennemi si souvent abordé avec cette témérité dédaigneuse

« La bande des Baribés, écrivait-il, a fêté notre arrivée par l'exécution de son répertoire le plus varié sur l'ancive (trompe guerrière). Quelques virtuoses du snyder se sont exercés, sans succès, à tirer sur des oiseaux invisibles qui planaient à vingt mètres au-dessus de nos têtes. Les mêmes artistes nous ont accompagnés, le 24 au matin, pendant cinq ou six kilomètres, en faisant beaucoup de bruit et aucun mal. »

Quelle que fût la longanimité du capitaine, il fallait parfois cependant en venir aux mains; on y allait carrément, mais le sang-froid du chef ne se démentait jamais dans le feu de l'action et, l'affaire terminée, son premier soin était de soustraire les vaincus aux cruautés inutiles des troupiers excités par la griserie du combat.

Parmi les diverses citations à l'ordre du jour dont il a été honoré, je relève celle du mois d'avril 1897, « pour la bravoure et le sang-froid dignes des plus grands éloges dont il avait fait preuve, le 6 février 1897, eh dirigeant sous un feu très vif l'escalade du village fortifié de Nossi-Bé, en dirigeant ensuite la poursuite des rebelles et en provoquant ainsi plus de 3,000 soumissions en deux jours M.

Et la première en date félicitait le capitaine de s'être jeté tout équipé dans une rivière torrentielle,, pour sauver un de ses légionnaires; on l'en retira lui même inanimé ce fut peu de temps après que je lui serrai la main pour la dernière fois.

Il a été tué le 12 mars dans la forêt de Vohingezo, contre laquelle il marchait à la tête d'une colonne de tirailleurs malgaches, avec une pièce d'artillerie de montagne appuyé seulement d'un détachement 'de légionnaires qu'il conduisait pour la première fois le délabrement et le dénuement de ceux de sa compagnie n'avaient pas permis de les mettre en marche et le capitaine n'avait emmené que son ordonnance, le soldat Griseur, dont la conduite a été au dessus de tout éloge dans ce combat si dramatique.

Après une marche forcée, à la faveur de la lune jetant une clarté douteuse sur la brousse inexplorée, la colonne atteignait vers onze heures du soir la lisière d'une forêt où se cachait l'ennemi. Ici je laisse la parole à l'officier qui, dans une lettre profondément touchante par la simplicité du récit et l'émotion sincère, a pieusement transmis à la famille quelques détails sur les derniers moments du capitaine Flayelle

Bientôt on a la certitude que les rebelles sont avertis leurs sentinelles fuient devant les éclaireurs, et des feux s'allument sur la montagne en face. On arrive devant un bois qui paraît impénétrable, tant l'obscurité est devenue profonde. La colonne arrêtée, l'avant garde se déploie.

Le capitaine veut attendre le jour avant d'attaquer, mais le lieutenant Montagnole s'est engagé au milieu des abatis avec deux éclaireurs. C'est le signal d'une décharge générale et que l'on évalue à 200 coups de fusil. Le capitaine lance les légionnaires sur les traces du lieutenant. Il traverse avec eux les abatis, mais il est difficile de pousser de l'avant, car on ignore absolument le terrain; on ne voit que les coups de feu qui vous aveuglent, et la fusillade à bout portant est tellement intense que les hommes n'entendent rien. On ne sait pas ce -qu'est devenu le lieutenant. Une voix dans le fourré crie  « En arrière l » Mais le capitaine, avec un geste superbe, et de toutes ses forces « Mais non pas en arrière En avant!» » A ce moment, il tombe frappé de deux balles, l'une au poumon, l'autre à l'abdomen. Il tombe à la renverse en disant à son ordonnance, qui, quittant le convoi, s'était portée à ses côtés dés les premiers coups de feu: «. Griseur, je suis mort L'ordonnance s'est agenouillée près de lui: « Où ça ? Au côté; » répond le malheureux blessé. « Attendez, je vais vous transporter en arrière pour vous faire panser; ce n'est peut-être pas si grave que cela. » Il appelle des légionnaires à l'aide et, à trois, ils le transportent à travers les abatis, malgré la demande du capitaine qui veut être laissé sur place. La colonne n'a pas de médecin; deux infirmiers, aidés de Griseur, le pansent de leur mieux. Cela ne va pas sans quelque, douleur. « Vous me faites souffrir, dit-il, laissez-moi mourir ». A l'ordonnance qui parlait à voix basse a No parlez pas à voix basse, ce n'est pas la peine, j'entends tout ce que vous ditès. » Au lieutenant Defer qui vient lui demander comment il va.: « Laissez-moi mourir ! » dit-il encore. Blessé à cinq heures, le capitaine s'éteignait doucement à sept heures quarante, après trois ou quatre contractions de la bouche.

S'il avait peu parlé, il avait paru conserver sa pleine lucidité. Son regard était resté clair jusqu'au dernier moment. Les deux balles étaient mortelles la première, entrée dans la région du cœur, restée dans la plaie et déterminant une hémorragie la seconde, perforant le foie et sortant par le dos. On avait (Griseur) apporté vers cinq heures et demie le corps du lieutenant Montagnole, déjà froid. Il avait reçu sept balles.

Cependant, la bande avait été mise en fuite et poursuivie, mais sans grands résultats. Vers dix heures et demie, la colonne si cruellement mutilée 2 officiers et 1 légionnaire morts,,2 tirailleurs tués sur le coup et 4 légionnaires blessés, reprenait le chemin de Soaserana. Le corps du capitaine, que l'ordonnance avait recouvert d'un drapeau, était porté sur un brancard.

A six heures et demie du soir on arrivait au poste. Griseur s'occupe aussitôt de faire la toilette du cher mort. Le corps soigneusement lavé, il le revêt de ses meilleurs effets et, l'installant sous la tente, surélève le brancard. Une sentinelle veille à côté. La figure du capitaine était restée très belle, les traits reposés « On aurait juré qu'il dormait. » Le 13 au matin, on inhumait ces morts glorieux avec tous les honneurs militaires, dans le poste même de Soaserana.

Le capitaine Flayelle aura, dans le recueillement de nos pensées, la première place. Une croix en bois du pays,' sculptée par le sergent Staber, a été envoyée à Soaserana pour être placée sur sa tombe. Nous vous en adressons le dessin.

Telle fut la fin de cet admirable soldat, tout jeune encore, aussi beau garçon que brave homme et que vaillant cœur, de l'esprit le plus orné et d'un goût d'élégance raffinée que la rude existence dans la brousse mit tout d'abord à de rudes épreuves. En d'autres temps, j'aurais dit que c'était un intellectuel. Le mot ne lui conviendrait plus.

Il me suffira de noter que ce fut un Français de la belle race il en avait les vertus, comme il en montrait les agréments. Né à Remiremont, dans le meil- leur terroir vosgien, Flayelle avait beau- coup vécu à Paris, où il s'était fait de profondes amitiés dans le monde des artistes, et Mme Séverine a consacré un éloquent article à son souvenir.

« Il était de ceux qui sont d'autant mieux à leur place que la destinée les porte plus haut, a dit un de ses anciens chefs, le général Varloud. Et il n'était pas moins hautement apprécié par ses subordonnés: « C'était un vrai et magnifique soldat, plein de sang-froid dans le danger, montrant l'exemple et payant largement de sa personne, malgré sa haute taille qui le désignait aux coups. Hélas Dieu n'a pas voulu qu'il nous revint sain et sauf. Il est mort sans que l'un de nous fût près de lui, et ce nous a été un grand chagrin. »

Ainsi se termine la lettre adressée par les lieutenants qui servaient sous ses ordres au frère du capitaine Flayelle, ce frère désespéré à qui l'affreuse nouvelle est parvenue quelques jours après l'enterrement de leur mère.

Combien enviable, cependant, aux yeux de tant d'autres, le sort de cette vieille mère que la mort, franchissant de tels espaces, réunit à son enfant l Combien préférable cette mort à ce que la vie impose à d'autres mères de soldats, au deuil effroyable de Mme de Châteauneuf-Raidon, dont le fils était le frère d'armes de Flayelle, capitaine au même bataillon de la légion et parti le même jour avec nous pour Madagascar; brave et charmant garçon qui, sur le pont du navire' en partance, prenait à tache de rassurer la famille de Flayelle, éplorée d'un horrible pressentiment: «Rassurez-vous, disait-il, je prendrai bien soin de lui s'il est malade ou blessé! » Il s'en est allé le premier, tordu par un accès de fièvre, sans que l'ami fût là pour lui fermer les yeux.

Et mon pauvre camarade, le lieutenant Rocheron, qui, après notre exploration chez les Sakalaves du Manambolo, s'est misérablement noyé à l'embouchure de de fleuve; alors que deux fois déjà, depuis mon retour, la nouvelle de sa mort, dans des rencontres avec les Sakalaves, avait été répandue et que, par deux fois, j'avais eu la mission bien douce de faire savoir à sa mère qu'il était encore vivant! Le voilà mort, lui aussi. Son corps a été retrouvé sur le rivage et enterré à Benjavilo, sous une petite croix d'ébène. Pauvre mère déchirée, dont il était toute la famille et l'unique appui, ce grand fils, tout jeune officier, plein d'avenir, sorti brillamment de Saint-Cyr et signalé déjà par d'éclatants faits d'armes Pauvre mère bretonne, abîmée dans.sa désolation, dont l'écho vient 4 chaque instant jusqu'ici me bouleverser sa dernière lettre annonçait un voyage à Paris, entrepris dans le seul espoir de m'entendre parler encore de son enfant. Pauvres mères de soldats l pauvres mères qui' survivent !

Vieilles mères au front saignant sous une» auréole de gloire, plus déchirante que la couronne du Christ, mais d'un non moins sublime symbolisme l'immolation des êtres d'élite qui versent leur jeune sang pour la sainte communauté nationale, comme celui du Sauveur a coulé sur l'Humanité tout entière.

Grosclaude.

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Le monde illustré du 25 juin 1898

...

Nous sommes, Dieu merci! un peuple brave par essence et, quoi qu'en pensent MM. les intellectuels, ces eunuques du cœur, petit bonhomme vit encore.

Pour en être certain, il n'y a qu'à lire les admirables ordres du jour du général Galliéni et à songer à la mort héroïque du capitaine Flayelle et du lieutenant Montagnole.

J'extrais des citations à l'ordre, relatives à l'affaire où succombèrent ces deux enfants de France, six lignes seulement :

« GRISEUR, soldat de première classe, ordonnance de M. le capitaine Flayelle : « se trouvant en dehors de la ligne du feu est allé sous les balles ramasser le corps de son capitaine mortellement frappé, est revenu ensuite chercher le corps du lieutenant Montagnole, puis est retourné au feu. »

Relisez bien ces six lignes.

Vous presseriez toute l'oeuvre de tel romancier, tous les discours de tel rhéteur, qu'il n'en sortirait pas une phrase où il y ait autant d'honneur et de gloire que dans la moindre virgule de ces six lignes-là.

LIEUTENANT Z.

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Deux ans à Madagascar 05/04/1900


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Le 11 mars 1898 – L’attaque de Vohinghezo

AU FIL DES MOTS ET DE L'HISTOIRE

14 mars 2013

 Le 11 mars 1898 - L’attaque de Vohinghezo dans EPHEMERIDE MILITAIRE le-capitaine-flayelle-150x150

L’attaque de Vohinghezo (Madagascar)

D’après « Les Hauts faits de l’armée coloniale, ses héros » – F. Bertout de Solières – 1912

Notre extension méthodique dans la province de Tulléar et dans l’ouest du cercle des Baras ayant été, à diverses reprises, entravée par les incursions à main armée d’une bande réfugiée dans le massif boisé du Vohinghezo, sis à l’est du confluent du Mongoka et du Malio, M. le capitaine Flayelle, commandant les troupes de la province de Tulléar, fut chargé de chasser cette bande de son repaire.

Il disposait, pour l’opération projetée :
- d’un détachement de la 1ère compagnie de la légion, sous les ordres de M. le lieutenant Montagnole ;
- de quelques hommes de la 11e compagnie du 13e régiment d’infanterie de marine ;
- d’une pièce de la 6e batterie de montagne (lieutenant Defert) ;
- d’un détachement de la 6e compagnie du 1er Malgaches ;
- d’un détachement de la 8e compagnie du 2e Malgaches (sous-lieutenant Garenne) ;
- d’un détachement de la milice de Tulléar (M. l’Inspecteur Charles) ;
- d’un détachement de la compagnie de Fianarantsoa (M. le garde Morel).

Ce groupe quitta le poste de Soaserana le 11 mars dans l’après-midi, passa le Malio, et, après un repos de quelques heures, se remit en route à onze heures du soir.

Voici le récit du combat, fait par un des survivants :

Un clair de lune suffisant permet de marcher assez vite dans une région inconnue. Bientôt, on a la certitude que les rebelles sont avertis. Leurs sentinelles fuient devant les éclaireurs et des feux s’allument dans la montagne en face. On arrive devant un bois qui paraît impénétrable tant l’obscurité est devenue profonde. Le capitaine veut attendre le jour pour attaquer, mais le lieutenant Montagnole s’est engagé au milieu des abatis avec deux éclaireurs.

C’est le signal d’une décharge générale et qu’on évalue à deux cents coups de fusils. Le capitaine lance alors les légionnaires sur les traces du lieutenant. Il traverse avec eux les abatis, mais il est difficile de pousser de l’avant car on ignore absolument le terrain. On ne voit que les coups de feu qui aveuglent et la fusillade, à bout portant, est tellement intense que les hommes n’entendent rien.

C’est alors que le lieutenant X., s’approchant dans les fourrés, crie : « En arrière ! ». Mais le capitaine, dans un geste superbe et de toutes ses forces : « Mais non ! Pas en arrière ! En avant ! ».

A ce moment, un coup de feu le frappe de deux balles, l’une au cœur, l’autre à l’abdomen, le capitaine tombe à la renverse !

Il dit à son ordonnance qui, quittant le convoi, s’était portée à ses côtés dès les premiers coups de feu : « Griseur, je suis mort ! ».

L’ordonnance s’est agenouillée près de lui : « Où ça ? »
« Au côté », répond le malheureux blessé.
« Attendez, je vais vous transporter en arrière pour vous faire panser. Ce n’est peut-être pas si grave que cela ».

Il appelle des légionnaires à l’aide et, à trois, ils le transportent à travers les abatis, malgré la demande du capitaine qui veut être laissé sur place. La colonne n’a pas de médecin. Deux infirmiers, aidés de Griseur, le pansent de leur mieux. Cela ne va pas sans quelque douleur.

« Vous me faites souffrir, dit-il, laissez-moi mourir ».

A l’ordonnance, qui parlait à voix basse : « Ne parlez pas à voix basse, ce n’est pas la peine, j’entends tout ce que vous dites ».

Au lieutenant Defert, qui vient lui demander comment il va : « Laissez-moi mourir ! » dit-il encore.

Blessé à cinq heures, le capitaine s’éteignait doucement à sept heures quarante, après trois ou quatre contractions de la bouche.

S’il avait peu parlé, il avait pu conserver sa pleine lucidité. Son regard était resté clair jusqu’au dernier moment. Les deux balles étaient mortelles : la première, entrée dans la région du cœur, restée dans la plaie et déterminant une hémorragie ; la seconde, perforant le foie et sortant par le dos. On avait (Griseur) apporté, vers cinq heures et demie, le corps du lieutenant Montagnole, déjà froid. Il avait reçu sept balles.

La bande mise en fuite, la colonne revint à Soaserana, d’où elle était partie et les deux officiers furent inhumés avec trois soldats tués dans le même combat.

Le général Galliéni décida, à la suite de cette affaire, que les postes d’Ankazoabo, Soaserana, Vorondreo et Manena, porteront les noms de poste Flayelle, poste Montagnole, poste Durlach, poste Ramanarany.

 

Une rue de Remiremont (Vosges) porte le nom du capitaine Flayelle.


Traduction

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