AALEME

Légionnaire toujours...

  • Plein écran
  • Ecran large
  • Ecran étroit
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size

Les légionnaires oubliés

Envoyer

Lundi 10 septembre 2012

 

On sent bien chez notre ami Antoine qu’il plonge ses racines dans sa terre portugaise mais qu’il est bien Français et intégré au point de maîtriser la langue de Molière comme peu, et de ce fait, ne pas supporter  la moindre faute d’orthographe.

Mais là où il excelle, c’est au moment où cet observateur d’ailleurs met le doigt sur nos contradictions toujours avec une justesse dans le propos qui fait mal.

Sans cesse, avec finesse, il pousse toujours au maximum ses réflexions vers un approfondissement relationnel qui bascule entre vivre dans cette société française ou vivre seul ailleurs, inconnu, retranché, oublié.

Aujourd’hui, il a fait un choix, celui de remplir la noble fonction de nous présenter des “bribes” de l’essentiel et appelle les autres à se situer par rapport à ce qu’il écrit, sans qu’il y ait, bien entendu, de leur part à adhérer.

Antoine dérange en touchant un sujet délicat et montre d’un doigt accusateur, sans précautions particulières, nos faiblesses, nos manquements à notre devoir de mémoire.

Bonne lecture, Antoine se déchaine !

 
La camarde ne pardonne rien, n’oublie personne; plus tôt ou plus tard elle nous saisit sous son manteau sombre et nous accompagne de son haleine fétide jusque dans les profondeurs du Styx ou nous pousse, nimbés de gloire, vers les hauteurs éthérées.
 
Certaines morts sont héroïques et inscrivent sur le marbre de la postérité des noms qui deviendront néanmoins, très vite, inconnus des générations qui éclosent. Il faut s’appeler Napoléon, Clémenceau, de Gaulle, Danjou, Rollet… pour que leur souvenir demeure. Que dire alors des morts plus modestes, plus anonymes de ces héros du quotidien qui nous ont quittés hier, qui disparaitront demain ?
 
Les légionnaires, peut-être plus que d’autres, n’échappent pas à cette humaine logique : naître, vivre puis disparaître dans l’oubli, après avoir servi avec dévouement, courage, abnégation, voire en donnant  leur vie, la France qui les a si bien accueillis.
Morts, ils sont rendus à leurs familles, quand c’est possible et voulu, sinon, ils sont ensevelis dans les carrés militaires des villes de garnison. 
Mais que deviennent les tombes de ces soldats oubliés ?
 
Le "Souvenir Français" tente, comme il le peut, de faire entretenir ces tombes quand elles sont connues, identifiées et situées à l’étranger… parfois ce sont quelques volontaires dévoués qui tentent de faire perpétuer le souvenir de ces camarades disparus. Je me souviens de Rodel et son monument en Indochine, je pense à l’ancien adjudant-chef Galvez qui fait ce qu’il peut à Madagascar, ou encore de ma garnison d’Ali Sabieh où pour le 30 avril nous allions chauler le petit cimetière au pied du Fort des Italiens, sans savoir exactement quels soldats y séjournent pour toujours. Mais tout ceci n’est vrai qu’au-delà des mers et dans les cimetières militaires nationaux des deux guerres, ou bien dans les villes où nos régiments tiennent encore garnison…
Et les autres ? Que deviennent ces carrés où reposent nos légionnaires oubliés?
 
Celui de Bonifacio tombe en ruines, celui de Montferrat près du Camp de Canjuers où certains des nôtres sont tombés au service de la France est délabré… et tant d’autres.
L’un des cas les plus flagrants, alors que souvent nous nous gargarisons du respect des anciens, est celui du colonel de Chabrières.
 
Marie Louis Henry de Granet-Lacroix de Chabrières était un officier français mort pour la France à Magenta le 4 juin 1859. Natif de Bollène, dans le Vaucluse, il est, à un siècle et demi d’intervalle, mon voisin. Du château familial il ne reste qu’une ruine à quelques encablures de ma maison. Elle surplombe la petite chapelle de Saint Ferréol qui jouxte le minuscule carré dans lequel est enseveli le héros de Sébastopol, d’Ischeriden, de Magenta… ainsi que quelques membres de sa famille.
 
Pendant quelques années le 1er REC se chargeait de l’entretient du liliputien cimetière où repose tant de gloire. Puis, comme les autres, cette tombe fut oubliée. Alerté par l’ancien sous-officier Gilbert Tissot, j’ai agi, voilà bien des années,  auprès des chefs de corps du 1er REC et du 2e REI  pour leur demander de réhabiliter la tombe. Un peu d’entretien fut dispensé à la hâte par une équipe venue passer quelques heures sur les lieux. Grâce à notre regretté camarade Eberle, une nouvelle action d’entretien s’est déroulée quelques mois avant sa disparition. L’ancien Major Christian Remy est venu sur les lieux et des améliorations ont été constatées. A mon niveau, j'ai fait ce que j'ai pu.
 
Et de nouveau de Chabrières est tombé dans les oubliettes, alors même que le 2e REI a rebaptisé le Quartier Vallongues, à Nîmes, du nom de l’illustre chef de corps qui a servi un temps, lui aussi, à titre étranger.
 
Quelques amicales, rares, s’occupent très bien de ces carrés : Puyloubier, Marseille, Polynésie Française… et d’autres sans doute que j’ignore. Il est certain aussi que le commandement de la Légion  ne peut s’occuper de tous ces lieux de mémoire. Néanmoins, ne serait-ce pas possible de sensibiliser les chefs de corps afin que ceux-ci fassent procéder à un peu d’entretien lors des passages de leurs unités à l’occasion de manœuvres, de séjours en camp ?
 
Les villes de garnison légionnaire sur le territoire métropolitain ne sont pas si nombreuses qui interdiraient un entretien ponctuel, sans périodicité définie, au gré des passages. Cela a un côté utopique, je le reconnais volontiers, mais de Borelli n’écrivait-il pas en 1885 :
 
« Nus, affamés, sans feu, ni lieu, sans espérance,
Aux maîtres comme aux lois ayant répondu : Non,
Trainant leur passé lourd comme on traine un chaînon,
Des hommes, Dieu sait d’où, s’en viennent à la France.
 
Nous sommes las. Mourir est une délivrance ;
Veux-tu faire de nous de la chair à canon ?
Elle répond : c’est bien, je sais votre souffrance,
Et je n’ai pas besoin de savoir votre nom.
 
Prenez, mangez. Dormez, sans rêve, sous la tente ;
Ce pain dur, ce lit dur, qui font l’âme contente,
Sont ceux de nos soldats : méritez leur tombeau.
 
Vous êtes en lieu sûr, et de vous je me charge,
Entrez – Et derrière eux, d’un geste simple et large,
Elle fait retomber un pli de son drapeau. »
 
Faisons nôtres aussi ces vers du même capitaine :
 
« …Lorsque l’oubli se creuse au long des tombes closes,
Je veillerai du moins et n’oublierai jamais. »
 
Sans cela, le culte et le respect des anciens, ne seront que vaines paroles qui embellissent les discours de circonstance et qui n’offriront comme   réalité tangible,  que le défilé sur la Voie sacrée chaque 30 avril.
 
Qui sait que le dernier survivant de Camerone est enseveli à Lille ?
 
Je l’ai écrit dans une précédente lettre : un officier américain visitant le musée d’Aubagne et voyant les noms des officiers morts au service de la France sur les murs de la crypte, avait ingénument demandé où étaient inscrits les noms des légionnaires…
Parfois, même pas sur leur tombe.
 
Antoine Marquet
 
Antoine

Traduction

aa
 

Visiteurs

mod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_counter
mod_vvisit_counterAujourd'hui2334
mod_vvisit_counterHier2652
mod_vvisit_counterCette semaine9003
mod_vvisit_counterSemaine dernière24288
mod_vvisit_counterCe mois95553
mod_vvisit_counterMois dernier347580
mod_vvisit_counterDepuis le 11/11/0919834982

Qui est en ligne ?

Nous avons 1791 invités en ligne

Statistiques

Membres : 17
Contenu : 14344
Affiche le nombre de clics des articles : 42453623
You are here REPERTOIRE ARTICLES 2012 Les légionnaires oubliés