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Histoire de Camerone... suite

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Ainsi va le monde !

lundi 30 avril 2012

Denis Mistral

                   
En hommage à tous les "récitants"
par le colonel Denis Mistral

Lors de chaque cérémonie de Camerone, il est d'usage qu'un sous-officier ancien ou plus généralement un jeune officier, apprenne par cœur le récit du célèbre combat et vienne le réciter au milieu de la place d'armes, devant les troupes et le public rassemblés. Lors de mon premier Camerone à la Légion étrangère, je fus de ceux-là, et l'anecdote qui suit vous permettra d'avoir une pensée particulière pour celui qui se livre à cet exercice exaltant.
Le 30 avril 1994, le TCD (transport chaland de débarquement) "Orage" faisait route en Méditerranée, quelque part entre Gibraltar et la Sardaigne. A son bord, outre les membres d'équipage, parmi les troupes qui participaient à l'exercice "Dynamic Impact", se trouvait le 1er escadron du 1er Régiment étranger de Cavalerie. Pour cet escadron qui était en manœuvre loin de son régiment, pas de voie sacrée, pas de kermesse, pas de musique, mais la ferveur de célébrer Camerone sur un bateau. J'étais jeune lieutenant, chef de peloton, et le capitaine m'avait désigné pour réciter le combat de Camerone lors de la cérémonie qui allait se dérouler sur le pont principal. Il m'avait désigné juste avant le départ, quinze jours avant Camerone.
Durant deux semaines, par une mer parfois démontée, au milieu des exercices de débarquement, de transbordement maritime et des nombreuses activités, j'ai répété et répété encore mon exercice d'apprentissage du célèbre récit, exercice redouté par tous ceux qui, un jour, ont du s'y livrer, face aux troupes et à la foule, dans le silence écrasant et le recueillement de la cérémonie. Le récit est difficile à retenir. Certaines phrases sont longues et heurtées. A un moment particulier, il faut marquer un arrêt pour que le commandant des troupes puisse mettre les hommes au "présentez-armes". Il faut être très concentré.
A l'heure H, le 30 avril, sur le pont d'envol du TCD Orage, devant l'équipage et toutes les troupes rassemblées, je récitai par cœur l'histoire du célèbre combat. La mer était agitée, le pont d'envol oscillait, le vent semblait engloutir mes paroles. Je voyais les troupes onduler au garde-à-vous. J'avais associé chaque phrase du récit à une image, enchainant dans ma mémoire visuelle les actions des légionnaires de Camerone afin de mieux m'en souvenir et de ne pas trébucher. Je craignais le trou de mémoire à chaque instant. Mais je ressentais au plus profond de moi l'honneur qui m'était fait de porter devant tous les exploits des hommes du Capitaine Danjou, en pleine mer, au milieu de nulle part, en ce 30 avril si particulier.
C'est cet honneur que ressentira devant le public celui qui récitera cette année le combat. Écoutez le. Ce récitant sera un lien vivant et fort entre l'histoire et le présent.

Philippe Rosenpick


Le dernier café de Dien-Bien-Phu
par Philippe Rosenpick, avocat

Dans nos vies d'hommes d'affaires tendues vers la réussite individuelle, le 30 avril, le rappel du sacrifice des légionnaires permet de se ressourcer, de retrouver l'énergie en se disant que l'on est finalement pas seul à donner de l'importance à ces mots : solidarité, fierté et courage, sacrifice, humilité, le sens de la parole donnée...dans un monde sans parole qui va vers je ne sais où comme un poulet sans  tête.
Je me souviens particulièrement d'un 30 avril de pluie. Réveil à 4 h du matin, dehors il fait noir et il pleut tristement. Une pluie épaisse et hostile qui repousse vers le lit..mais c'est Camerone. Je me dis qu'il faut être un peu fou pour aller faire quatre heures de Transall pour assister à un défilé sous la pluie. Je me dis aussi que les légionnaires ne vont pas tarder à se lever pour se préparer et se mettre en place, indifférents eux à cette pluie qu'ils ignoreront, tête haute et fiers en ce jour de fête qui commémore le sens du devoir.
5h du matin, j'arrive à Villacoublay. Je vois le Transall en bout de piste qui semble greloter de froid et je me demande si le "fer à repasser" sait voler sous cette pluie. Militaires et civils arrivent au compte goutte, trempés, heureux... Retrouvailles, échanges, un petit "noir" au bar, un petit côté fin du monde...je me dis qu'il faut être fou pour sortir de son lit douillet et aller monter dans  cet avion...oui, fou de reconnaissance, de joie et de fierté. Pour la Légion et ses légionnaires.Je pense aux derniers vols pour Dien-Bien-Phu et au dernier café que ces gars ont bu avant d'embarquer, sereins...Ce soir, moi, je serai de retour !".

Antoine Marquet


Le sous-préfet au champs
par le lieutenant-colonel (e.r) Antoine Marquet

Cela se passa, a priori, à Camerone 1989. J'étais Officier supérieur adjoint, au 6e étranger. Je ne sais pas pourquoi, mais j'étais désigné pour organiser Camerone...  Plus tard j'ai eu à organiser le 14 juillet à Paris pour mon régiment, alors que c'était une tâche, comme Camerone, habituellement dévolue au BOI. Mais cela me faisait plaisir,  je trouvais que ces missions m’allaient comme un gant et je m’y sentais comme poisson dans l'eau.
Le samedi précédent la cérémonie, le poste de police m'annonça "qu'une autorité en uniforme bleu se présentait à l'entrée". Fort d'une expérience vécue quelques mois auparavant - la présentation d’une autorité, sans uniforme celle-là, un samedi matin et qu'il s'agissait d'un contrôleur des armées... venant pour contrôler, je dis au chef de poste de s'installer comme chef de bord de la voiture et d'amener l'autorité jusqu'au PC, distant de cinquante mètres !
J'entendis grincer le grand escalier d'honneur et je m'avançai dans le hall devant le bureau du chef de corps et le mien. Le sous-préfet, rouge et bedonnant, mais superbe dans son grand uniforme bleu, décorations pendantes en bataille, au rang desquelles une commémorative d'Algérie montrant qu’il fut soldat, s'avança vers moi, main tendue et sourcil levé, me demanda d’un air un peu étonné, s'il était quelque peu en avance...
Je lui répondis oui... de quelque  quarante- huit heures monsieur le sous-préfet ! L'homme s'est déconfit sur place. D'assez forte corpulence, il semblait, néanmoins, n'être soutenu que par son uniforme... sans doute, eût-il aimé disparaître dans un abime autre que celui de sa perplexité.
Courtois, je le fis entrer dans le bureau du chef de corps, prévenu. Venant s'entretenir rapidement avec moi, mon chef me demanda d'organiser un déjeuner avec quelques officiers disponibles, ce qui fut fait, pour ne pas laisser partir le représentant de l'Etat  bredouille, en quelque sorte.
A table nous avons bien ri de cet épisode, même s'il nous empêchait de regagner immédiatement nos pénates... car c'était au temps d'avant les trente-cinq heures, temps où l'on travaillait encore le samedi matin…
Le sous-préfet a eu l'élégance de nous offrir le champagne frais, faisant mentir Jacques Brel dans son « Je suis un soir d'été » :
Et  la sous-préfecture
Fête la sous-préfète
Sous le lustre à facettes
Il pleut des orangeades
Et des champagnes tièdes…

Le lundi qui suivit, le sous-préfet était pile à l’heure pour la cérémonie !

Jean-Marc Tanguy


Camerone à Camerone
Par Jean-Marc Tanguy, journaliste  (1)

En avril 2010 (1), Hervé Morin décide d'aller fêter Camerone à Camerone (Mexique) avec un détachement du 2e REI. Ce déplacement a aussi des visées diplomatiques (se rabibocher avec le Mexique, après la brouille consécutive au dossier Florence Cassez) et commerciales (ventes d'hélicoptères).
Via un Boeing 727 de la marine mexicaine, puis un hélicoptère CH-53 de l’armée de l’air locale, nous arrivons dans un petit village typique du fin fond du Mexique, qui s'est transformé lui aussi pour l'occasion. La venue de Français est l'évènement de l'année, sur lequel compte capitaliser le gouverneur de l'état de Vera Cruz, qui pourrait être appelé à d'autres fonctions.
Le village est pauvre, mais digne, et la population, comme souvent en Amérique du Sud en pareil cas, a tenu à recevoir ses visiteurs avec faste. Devant la modestie de leur habitat, je mesure l'effort que cela a représenté pour eux. Il y a des reines de beautés locales à cheval, et une équipée de cavaliers, chapeau de cow-boy sur la tête.
Pour toutes ces raisons, les légionnaires qui en ont pourtant vu d'autres sont évidemment saisis par l'émotion. L'accueil de la population est extraordinaire, avec des vivats. Une première cérémonie a lieu devant le mémorial qui célèbre le courage des Français et des Mexicains (en français et en espagnol), puis dans ce qui est devenu, aujourd'hui, une petite école primaire. Traversée du village, sous l'oeil curieux des autochtones, qui saluent les légionnaires. Ces derniers leur renvoient leurs saluts de la main.

Le mémorial (photo jmt)

Un dernier discours, sous un même soleil de plomb, devant ce qui est présenté comme le reste de l'hacienda dans laquelle les légionnaires ont résisté, à l'époque. Une délégation de l'école d'infirmières militaires toute proche a aussi fait le déplacement sur cette place d'armes improvisée. Les Mexicains lorgnent les infirmières, les Mexicaines lorgnent les légionnaires qui ont fière allure malgré la canicule ambiante.

L'hacienda (photo jmt)

Une fois les cérémonies terminées, je m'engouffre à l'intérieur de l'hacienda, devenue une sorte de petit bazar, poursuivant une escouade de képis blancs. Déjà des vétérans de l'AALE ont pris possession du coeur de l'hacienda, ombragé et fourni par la population en alcools locaux. Tout est frais, ce qui permet de reconstituer la température interne des corps.
Les gosiers français font honneur à la générosité mexicaine, et parfaitement huilés, entonnent les champs légionnaires. Les Mexicaines semblent goûter l'ensemble, posent question sur question. Et veulent, comme à l'extérieur, se faire prendre en photo avec les légionnaires.
De mon côté, je croise un vétéran légionnaire qui a fait l'Indochine, humble. Comme les autres membres du groupe de l'AALE, il est frappé par l'émotion du moment. En ce jour de Camerone, il me parle de l’Indochine de laquelle il est revenu presque par miracle. Un petit cercle se forme pour écouter.

Dans les rues (photo jmt)

Chacun, avec les moyens du bord, est reparti, qui, avec un caillou, une poignée de terre. Les uns et les autres sont encore là, dans un globe de verre, à côté de l'ordinateur, alors que j'écris cet article.

(1) : Jean-Marc Tanguy est le créateur du blog Le Mamouth. Il est également journaliste à Raids. http://lemamouth.blogspot.fr/

Traduction

aa
 

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