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Zola, histoire du migrant Z.

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Stéphane Audeguy le 01/12/2017


La barrage Zola à Aix-en-Provence

Le barrage Zola à Aix-en-Provence

Quand Francesco  Z. naît à Venise, le 7 août 1795, la République a moins de deux ans à vivre. Une première fois, il devient français ; mais c’est fugitivement, en mai 1797, au moment où Bonaparte et ses troupes s’emparent de Venise. Ensuite, la France cède Venise au Saint Empire ; mais l’Autriche est défaite à Austerlitz, et Venise rejoint l’empire français. À ce moment, le petit Francesco a 10 ans. Napoléon balayé, Venise redevient autrichienne. En 1815 Francesco se trouve donc être le sujet d’un royaume lombardo-autrichien sous influence viennoise.

L’histoire du père de Francesco n’est pas plus simple. Résumons : né à Zara, ville de Dalmatie, sur la côte Adriatique, il a servi la Sérénissime dans les pays du Levant ; il se trouve d’ailleurs en garnison à Venise quand naît Francesco. La mère de l’enfant est une Grecque de Corfou.

À 15 ans Francesco Z. intègre l’école militaire de Pavie. Il devient lieutenant d’artillerie de l’armée française, sous le commandement du vice-roi d’Italie. En 1817, il reprend des études à Padoue. Il devient ingénieur, se spécialise en géodésie, rédige un Traité de nivellement topographique, démissionne de l’armée en 1820. Il n’y a plus d’avenir pour lui en Italie. Napoléon se meurt, très loin de l’Europe. Francesco Z. choisit de migrer.

Il s’installe en Autriche en tant que géomètre du cadastre en 1821. En 1824, il est l’un des pionniers de l’installation du chemin en fer en Europe. Il travaille à relier le Danube et la Moldau par le train, pour le compte de la première compagnie ferroviaire d’Europe. Il fait des voyages d’études en Angleterre pour comprendre le fonctionnement de la première locomotive opérationnelle. En 1827, il crée sa propre entreprise pour exploiter une ligne Linz-Gmunden ; mais, trois ans plus tard, il doit se rendre à l’évidence : son entreprise est un échec. Il ne souhaite pas demeurer à Linz. Comme il parle, outre l’italien et l’allemand, le français, et qu’une révolution prometteuse a éclaté à Paris, il s’établit en France. Il ne dispose plus d’aucune ressource, il est étranger, il doit repartir de zéro. Pour montrer sa bonne volonté, il présente aux autorités un plan de fortifications pour Paris, demande à s’engager dans la Légion étrangère. Son plan n’est pas retenu, mais il est admis à la Légion : en 1830 le voici de nouveau en uniforme, à Alger.

Il se fait escroquer par le mari de sa maîtresse, avec le concours de cette dernière : le couple pioche dans la caisse. Il parvient à tout rembourser et n’est pas poursuivi, en échange de sa lettre de démission de la Légion. Il débarque à Marseille en janvier 1833, où il ouvre sans succès un cabinet d’ingénieur civil, puis tente de fonder une entreprise d’éclairage au gaz, qui périclite, faute de capitaux. Francesco Z. conçoit alors un projet d’agrandissement du port de Marseille ; mais la municipalité lui préfère le projet de construction d’un havre nouveau à la Joliette, et c’est ainsi que le port de Marseille devient vieux.

Sans se décourager, Francesco, qui se fait appeler François depuis qu’il a choisi de s’installer en France, prépare sa contribution à un concours de canal d’adduction d’eau lancé par la ville d’Aix-en-Provence. Il a près de 40 ans, il vit à Paris, il songe enfin à fonder une famille. Il épouse une demoiselle Aubert, jeune femme sans fortune qui a vingt-cinq ans de moins que lui. Le 2 avril 1840, un fils naît de cette union.

François Z. construit trois barrages pour alimenter ce canal : enfin la Société du canal qui porte son nom se trouve sur le point de réussir. Il s’installe à Aix-en-Provence, avec femme et enfant, en 1844.

Toute sa vie François a servi les pays où les circonstances l’ont jeté, toute sa vie il a pressenti l’avenir mieux que personne ; mais d’autres que lui ont fait fortune avec ses intuitions, parce qu’il se lançait trop tôt, parce qu’il n’avait pas les capitaux nécessaires, parce qu’il était étranger.

Après des heures glaciales passées sur le chantier de l’un de ses barrages, François Z. meurt brutalement à l’âge de 51 ans, à Marseille. On embaume son corps pour le ramener à Aix-en-Provence. Le mardi 30 mars 1847, toute la ville suit le convoi funéraire. Au moment de demander sa naturalisation aux autorités françaises, François a obtenu de supprimer l’un des deux L de son nom, moitié pour le franciser un peu, moitié parce qu’il signifie, en italien, « motte de terre » : zolla. Le convoi est mené par sa veuve, Émilie, 27 ans ; elle tient par la main un petit garçon de 7 ans. L’enfant montre des dispositions pour la littérature. L’un de ses premiers poèmes s’intitule « Le Canal Zola ». Il se prénomme Émile.

 

Stéphane Audeguy

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