AALEME

Légionnaire toujours...

  • Plein écran
  • Ecran large
  • Ecran étroit
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size

Montpellier : sans-abri, "l'été, c'est difficile"

Envoyer

http://www.midilibre.fr/

20 août 2017

Montpellier : sans-abri, "l'été, c'est difficile"

Laurent est installé depuis cinq mois à côté du couvent des Augustins. DIANE SPRIMONT

Si le manque de moyens pour les sans-abri se fait ressentir toute l'année, la fermeture des associations et l'absence des bénévoles, eux, sont significatifs des vacances estivales. Témoignages de ceux qui y sont confrontés.

Laurent. "La chaleur ne me fait pas peur. J'étais militaire"

Une vedette à l'échelle d'un quartier. Tous les riverains le connaissent et le saluent, c'est "l'élément fédérateur". Laurent s'est installé près du musée Fabre, il y a quelques mois. Ancien légionnaire, la chaleur, ça ne lui fait "pas peur". Le choix de son emplacement est stratégique. "Là où je dors, il y a un courant d'air qui passe. Donc, la nuit, quand il fait chaud, il y a comme un ventilateur naturel".

Niché entre le couvent des Augustins et la fontaine de la rue Fabre, il fait "des tours de manège". Chaque jour, pour rester au frais, il se déplace autour de la fontaine en fonction de la position du soleil. "J'ai déjà vu des personnes ivres allongées au soleil. Ca, ça pardonne pas, prévient-il. Moi, je ne me laisserai jamais crever. C'est mon côté militaire".

Quant à la nourriture, Laurent redouble d'attention. "Quand on te donne à manger, t'as pas forcément faim à ce moment-là, explique-t-il. Et avec le soleil qui cogne, la conservation est compliquée. On peut facilement tomber malade". Pendant l'été, il faut manger "tout de suite". Sinon, ce Picard préférera "distribuer la nourriture plutôt que la gâcher".

Laurent aborde un autre point fondamental avec une technique imparable : l'hydratation. "Si j'ai de l'eau ou des bières, je les mets à l'abri du soleil, sous le rocher de la fontaine, montre-t-il fièrement. Comme ça, ça reste au frais (rires)". Fraîcheur avérée. Ce dernier déplore toutefois qu'il n'y ait pas "de flotte dispo" à Montpellier. Mais les deux avocates du cabinet attenant au couvents, ces "femmes exceptionnelles", lui donnent toujours une bouteille d'eau fraîche si besoin.

Un militaire aux élans littéraires. Muni d'un carnet, il écrit. Il décrit. Tous les jours. "J'observe à longueur de journée mon quartier. J'analyse le comportement et le regard des gens". Les messages affectionnés de riverains s'y étalent à perte de vue. L'analyse scrupuleuse de leur for intérieur est sa principale matière. Gare aux fautes d'orthographe, elles sont à peine tolérées. Laurent a failli être délogé de son emplacement cinq mois plus tôt. Il relate que plusieurs personnes se sont soulevées pour empêcher l'expulsion de leur voisin préféré. Visiblement, le sursaut riverain a fonctionné.

Maria et Banda. "Fuir l'argentine"

Sac à dos, chaussures de rando avec une petite bombe lacrymo. La première a 22 ans, la seconde 24. Maria et Brenda ont fui l'Argentine, leur pays natal. Elles s'échappent d'une crise économique qui rendrait la vie "deux fois plus chère qu'en Europe". Au moins, ici, elles peuvent acheter quelque chose à manger avec un euro. Sinon, elles filent en douce attraper les restes au bistrot du coin.

"Pour nous deux, c'est plus facile de vivre dehors l'été", précise Maria. Elles ne savent pas combien de temps elles vont s'arrêter à Montpellier. Du moins, pas plus qu'elles ne le sussent en Espagne, au Portugal ou encore en Italie. Le jour où elles décideront de décamper, Brenda et Maria attendront sur la chaussée. Pancarte et pouces levés. Mais ce n'est pas à l'ordre du jour. "Le temps est bien pour vivre à l'extérieur, ici. Par contre, on doit toujours chercher de l'ombre. En hiver, on est obligé de trouver des endroits comme des aéroports pour dormir", ajoute Brenda.

Les deux Argentines ont déjà expérimenté la rue pendant l'hiver en Amérique du Sud. Elles se souviennent du froid mais surtout de la peur. "C'est très dangereux de rester dehors là-bas. C'est très pauvre. On avait vraiment peur, ici pas du tout, relate Brenda. On dort près de la gare Saint-Roch, avec une bombe lacrymogène au cas où".

Toutes deux étudiantes dans leur pays, elles ont tout abandonné. Là-bas, "notre société va très, très mal, raconte Maria. La vie est chère, les gens sont pauvres. Nos professeurs ont arrêté d'enseigner en plein milieu de l'année. Ils n'étaient plus payés". Alors, sans but ni point de chute, elles sillonnent l'Europe. Et l'Argentine ? "On ne sait pas, on verra".

Myriam. "L'hiver, il y a plein d'assos"

Myriam ne touche plus le RSA depuis cinq ans. Agrippées à son sac, ses mains s'engouffrent dans un capharnaüm de papiers administratifs et de prospectus. Elle sait exactement où y trouver la photo de sa fille. Avec son compagnon, Driss, ils préfèrent éviter le centre-ville de Montpellier. S'ils s'y rendent, c'est pour les maraudes, "pour pouvoir manger". "Il y a moins de monde qui est présent l'été pour distribuer des repas, constate Myriam. En hiver, il y a plein d'assos et de bénévoles qui nous aident. Puis la chaleur, c'est horrible".

Pendant la saison estivale, Myriam raconte qu'elle se nourrit presque exclusivement de sandwiches et de conserves donnés par les associations, "alors qu'en hiver, toutes les semaines, on a des colis de nourriture avec des produits frais". Myriam et Driss privilégient leurs animaux, "on ne mange pas souvent parce qu'il faut payer le véto et les croquettes". Autre difficulté, les chiens sont "intenables avec la chaleur". Chaque soir, Myriam attend la baisse du mercure pour les sortir.

Bill. "Ils veulent cacher la misère pour les touristes"

Depuis dix-sept ans, Bill vit à Montpellier. Et depuis un an, il a son "p'tit coin de commerce" dans les rues de l'Écusson. "C'est difficile. On dort moins, voire pas du tout pendant l'été. On est tout le temps fatigué parce qu'on reste sur le qui-vive", raconte-t-il. Bénévoles et sans-abri évoquent une pression supplémentaire des autorités pendant la saison estivale. Durant cette période, la municipalité applique chaque année un arrêté “Tranquillité publique” permettant d'écarter plus aisément les sans-abri du centre-ville. "Ils veulent cacher la misère pour les touristes, s'indigne Bill. Mais t'as beau la cacher, elle sera toujours là".

Son récit et celui d'autres SDF laissent penser à un véritable jeu du chat et de la souris. "En plus, ils nous mettent une prune. Mais ils l'envoient à qui ? Au buisson du coin ?", raille-t-il. Ce dernier parvient difficilement à s'endormir, "à la moindre branche qui craque, au moindre petit bruit, je me réveille. J'ai peur de me faire déloger". Mais il le jure, il essaie pourtant juste de "survivre".

Le chiffre

160 : C’est le nombre de repas offerts en moyenne, chaque soir, par l’Association humanitaire de Montpellier. D’autres structures distribuant des denrées alimentaires pendant l’année sont fermées l’été. Les bénévoles de l’AHM observent donc une hausse de la demande lors de leurs passages. Mais manquant de volontaires en juillet et en août, l’association ne peut circuler qu’un jour sur deux. Cette baisse d’effectif contribuerait régulièrement à attiser les tensions au moment de la distribution.

Contact AHM : 07 83 04 38 16


Traduction

aa
 

Visiteurs

mod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_counter
mod_vvisit_counterAujourd'hui3370
mod_vvisit_counterHier2383
mod_vvisit_counterCette semaine5753
mod_vvisit_counterSemaine dernière21196
mod_vvisit_counterCe mois68015
mod_vvisit_counterMois dernier347580
mod_vvisit_counterDepuis le 11/11/0919807444

Qui est en ligne ?

Nous avons 2210 invités en ligne

Statistiques

Membres : 17
Contenu : 14344
Affiche le nombre de clics des articles : 42379400
You are here PRESSE XXI° 2017 Montpellier : sans-abri, "l'été, c'est difficile"