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« L’As des as » américain est tombé de l’avion en feu

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Par Michel DERRIEN

Il y a 99 ans, jour pour jour, Gervais Raoul Lufbery tombait de son avion en flammes dans le ciel lorrain. Ainsi se terminait la vie aventureuse de « l’As des as » américain, né en Auvergne, 33 ans auparavant.

Il avait l’étoffe d’un héros et sa vie aventureuse est digne d’un scénario de film. George Lucas ne s’y est pas trompé d’ailleurs, en le faisant le héros d’une des aventures du Jeune Indiana Jones, Attack of the Hawkmen (1995) ou la vie trépidante et dangereuse des as de l’aviation durant la Première Guerre mondiale.

 

Le 14 mars 1885, à 5 h du soir, avenue de la Poudrière à Chamalières (Puy-de-Dôme), vient au monde Gervais Raoul Victor Lufbery. Son père, Edward, est américain. Sa mère, Anne Veissière, Chamaliéroise. Le petit garçon ne connaîtra quasiment pas ses parents. Sa mère meurt un an après sa naissance et son père, ingénieur chimiste à la manufacture de caoutchouc Torrilhon, retourne dans son pays au Connecticut, laissant le petit Raoul, ainsi qu’il se fera appeler, et ses deux frères, à leur grand-mère maternelle.

Une vie d’aventures

Ce n’est qu’en 1906 qu’il découvre l’Amérique. Il y apprend l’anglais et demande la citoyenneté américaine. Il s’engage pour deux ans dans l’armée de son pays qui l’envoie aux Philippines, prélude d’une vie aventure sur les tous les continents où il endosse les métiers les plus improbables : infirmier au Caire, débardeur à Calcutta, chasseur de tigre, chef de gare en Inde…

Rapoul Lufbery avec Whisky, une des mascottes de l’escadrille. (Photo : DR)

Jusqu’à ce jour de 1912, où, à Saïgon, dans l’Indochine française, il croise Marc Pourpe, un autre aventurier. Un Lorientais de son âge, fils de Liane de Pougy, qui deviendra une des plus grandes courtisanes de Paris. Pourpe gagne sa vie comme pilote en faisant des exhibitions. Il a raconté sa rencontre avec Lufbery :

« J’étais en train de travailler à ma « Curieuse », du cercle de spectateurs qui m’entourait, je vois se détacher un jeune homme qui vient à moi et me demande quelques instants d’entretien. De ma taille, bien découplé, les yeux francs et loyaux, un perpétuel sourire gouailleur fin, l’air honnête, tel était l’aspect que me produisit le nouveau venu

- Vous cherchez un mécanicien ? me dit-il.

- Certes. Voulez-vous de moi ?

- Vous êtes mécanicien ? Vous ne connaissez pas le moteur d’avion ?

- Non !

- Alors pourquoi vous présenter ? Vous vous fichez de moi ? J’ai autre chose à faire qu’à amuser les gens. Adieu.

- Permettez-moi d’insister. Vous, le jour où vous avez travaillé sur un moteur pour la première fois, étiez-vous compétent ? Non. Et pourtant, n’êtes-vous pas devenu très habile ? Pourquoi n’en serait-il pas ainsi de moi ? J’ai la prétention d’être dégourdi et travailleur. Ce que vous m’aurez montré une fois, je le saurai pour toujours. Je suis certain que vous ne regretterez pas de m’avoir accepté.

Le raisonnement était plein de logique, la rencontre était originale. J’acceptai… »

 

Dans la crypte du Mémorial de l’escadrille La Fayette, la tombe de Raoul Lufbery. (Photo : DR)

C’est le début d’une grande amitié. L’Américain devient le mécanicien attitré du Français. En janvier 1914, il participe logiquement au raid Le Caire - Karthoum au Soudan. Une première mondiale : 4 500 km au-dessus de terres inconnues et désertiques.

La guerre bouleverse les projets de deux hommes et notamment une traversée de l’Atlantique en avion ! Dès août 1914, Pourpe s’engage dans l’aviation française. Lufbery l’Américain dans la Légion étrangère. Le Français fait des pieds et des mains pour le faire verser comme mécanicien dans son dépôt d’aviation dans la Somme.

Il devient aviateur pour venger son ami

2 décembre 1914, Lufbery assiste, impuissant, à la mort de son ami. De retour d’une mission, l’avion de Marc Pourpe s’écrase. Lufbery jure alors de devenir pilote et de venger son ami. Il apprend le job à Chartres, dans une école de pilotage. Il décroche son brevet et est versé dans une escadrille de bombardiers.

Première mission en janvier 1916 pour bombarder la gare de Metz-Sablon, alors en territoire allemand. Lufbery ronge son frein. Il voudrait rejoindre la chasse.

Son vœu est exaucé en mai 1916. D’autant plus facilement que l’état-major français a décidé de créer une escadrille pour regrouper les pilotes américains volontaires combattant pour la France alors que leur pays observe une stricte neutralité. C’est dans cette escadrille, baptisée plus tard escadrille La Fayette, que Lufbery va se couvrir de gloire au côté de Chapmann, Norman Prince, Kiffin Rockwell…

La tête de chef Sioux, emblème de l’escadrille La Fayette. (Photo : DR)

Il décroche sa première victoire le 30 juillet 1916 dans le ciel de Verdun. Il abat un second appareil allemand, le 4 août. Un troisième le 8. Un Aviatik qui tombe en flammes près du fort de Douaumont.

Une fois au sol, Lufbery sacrifie à la tradition de l’escadrille La Fayette après chaque victoire homologuée : déguster un verre de vieux bourbon, provenant de la « bouteille de la mort ». Le nectar avait été offert par Paul Rockwell à son frère Kiffin, auteur de la première victoire de l’escadrille, le 18 mai 1916.

Il a le combat dans le sang

Lufbery retrouve aussi Whisky et Soda, deux lionceaux devenus les mascottes de la base. Ils font la joie des pilotes et la terreur des visiteurs jusqu’au moment où devenus trop grands, les deux lions sont offerts au jardin des Plantes à Paris.

Le pilote américain accumule les victoires. Tout n’est pas simple pourtant. Perclus de rhumatisme, il faut parfois le porter pour qu’il puisse prendre place à bord de son Nieuport. Il acceptera, la mort dans l’âme, de se faire soigner à l’hôpital en janvier 1917. Il compte alors sept victoires.

Le mémorial de l’escadrille La Fayette à Marne-la-Coquette, à l’ouest de Paris. (Photo : Daniel Fouray/Ouest-France)

Avril 1917, l’escadrille La Fayette est engagée lors de la bataille du Chemin des Dames. Lufbery est décoré de la médaille militaire anglaise ; il est promu sous-lieutenant dans l’armée française. Plus tard, il reçoit cette citation, une énième : « Pilote de chasse qui a livré en deux semaines seize combats au cours desquels il a touché et fait tomber désemparés six avions ennemis et en abattu un autre le 4 septembre 1917 (11e victoire) ; a eu son appareil cinq fois atteint gravement dans ces combats. »

Février 1918, dix mois après l’entrée en guerre des États-Unis, l’escadrille La Fayette passe avec hommes et matériels sous commandement américain. Lufbery, promu major, est chargé de l’instruction des jeunes pilotes. Mais il a le combat dans le sang.

Un corps se détache de l’avion en flammes

Le 19 mai 1918, jour de la Pentecôte, Raoul Lufbery décolle du terrain de Toul (Meurthe-et-Moselle) pour venir en aide à un pilote inexpérimenté aux prises avec un avion ennemi. Il place son Nieuport en position de tir. Une courte rafale, la mitrailleuse s’enraye. L’Allemand réplique et touche.

La mort de Raoul Lufbery racontée en BD. (Photo : DR)

Des témoins décrivent qu’ils ont vu soudainement un corps se détacher de l’avion en flammes puis s’écraser dans un jardin dans le village de Maron, à une douzaine de kilomètres au sud-est de Toul.

A-t-il sauté pour ne pas griller ? Lufbery avait l’habitude de dire à ses pilotes : « Dans un avion en feu, ne jamais sauter, sauter c’est la mort certaine. Il vaut mieux rester dans un avion en feu, il y a quatre ou cinq cas où le pilote a survécu. » L’autre hypothèse est que le pilote américain qui a décollé en urgence, a oublié de boucler sa ceinture. I

Son corps est transporté dans une chapelle ardente par les villageois. Ses obsèques sont célébrées le lendemain à Toul, en présence de très nombreux soldats français et américains. Il repose aujourd’hui dans la crypte du Mémorial de l’escadrille La Fayette à Marne-la-Coquette, à l’ouest de Paris, aux côtés de 52 de ses camarades morts au combat dans le ciel de France pour une immense majorité d’entre eux.

Avec dix-sept victoires homologuées et une quinzaine d’autres probables, Raoul Gervais Lufbery est « l’As des as » américain de la Première Guerre mondiale. Il est titulaire de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire, de la Croix de Guerre et de la British Military Medal. Il avait 33 ans.


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