Il y a dix ans, Laurent Pican, militaire en mission en Afghanistan, était tué par une bombe à Kaboul. Guy et Michèle, ses parents, témoignent sur leur douleur et leur combat pour la mémoire.
« Pas une journée ou une demi-journée que le souvenir du sacrifice de notre fils affleure », disent Guy et Michèle Pican. L'ancien directeur du lycée Saint-Vincent (en retraite depuis 2014) et son épouse, acceptent, à l'occasion du prochain débat autour du livre 1929 jours le deuil de guerre au XXIe siècle (lire ci-dessous), de témoigner.
Dans leur maison qui donne sur la baie du Mont-Saint-Michel, à Vains (Sud-Manche), ces parents endeuillés à jamais font part, avec maîtrise et élégance, de leur souffrance inextinguible, toujours là, même si le temps qui passe la rend, malgré tout, moins prégnante.
Dix ans que leur fils Laurent, adjudant au 13e bataillon de chasseurs alpins, a été tué, le 21 septembre 2007, par l'explosion d'une voiture piégée à la sortie de Kaboul. Le soldat, âgé de 34 ans, faisait partie de l'opération Pamir.
« Je n'ai pu lui dire adieu »
Ce triste jour-là est le « 11-Septembre » de la famille Pican. « En apprenant la mort de Laurent, nous découvrions qu'il se trouvait en Afghanistan, rappellent Michèle et Guy. Militaire depuis 1994, Laurent avait déjà participé à plusieurs opérations extérieures, au Liban, en Bosnie, au Kosovo, en Côte d'Ivoire. Mais là, il avait voulu, par sa discrétion sur l'Afghanistan, nous épargner des inquiétudes. Il a eu raison et nous lui disons merci. »
Le 21 septembre 2007, la vie des Pican bascule donc. Au fil des cérémonies officielles et des démarches, Michèle et Guy, ainsi que leur fille Catherine, découvrent « la seconde famille de Laurent qu'est l'armée ». Mais aussi les « maladresses, voire le manque d'humanité ou de compassion des institutions comme l'État ou l'Église ».
Michèle demande à voir le corps de son fils. Impossible. « Je n'ai pas pu lui dire adieu. » Durant plusieurs mois, elle sera dans le déni. Avant d'accepter « l'idée que c'était fini ».
Le premier choc passé, le couple Pican livrera à son tour, à partir de 2010, une émouvante bataille, celle de la mémoire. « Et si on écrivait un livre sur Laurent et sur ses camarades morts pour la France en Afghanistan ? » Débute alors un parcours du combattant, bien accompagné par l'association Solidarité-Défense. Une autre famille de soldats se joint à eux, puis cinq, puis dix, etc. Sous l'impulsion de Guy Pican, des parents et veuves vont ainsi témoigner pour le livre grand public réalisé par Nicolas Mingasson.
« Nous avons aussi lancé l'idée d'une stèle et d'un second livre, plutôt mémorial », poursuit Guy Pican.
Aujourd'hui, tous ces objectifs sont atteints. La première pierre d'une stèle dédiée à tous les soldats tombés lors des opérations extérieures depuis la fin de la guerre d'Algérie va être posée, fin mars, à Paris. Le beau livre mémorial, avec deux pages sur chacun des 90 soldats morts en Afghanistan, est sorti.
Tout cela ne ramènera pas Laurent. Mais Michèle et Guy Pican peuvent être fiers. D'abord de leur fils. Puis de leur mobilisation qui « inscrit dans le marbre » l'engagement jusqu'à la mort de ces jeunes gens exemplaires.