Les conducteurs qui ont l’habitude d’emprunter la rocade nord de Laval, en Mayenne, ont pu être intrigués par cette tente, plantée près de la chaussée, au niveau du rond-point de Décathlon. Un double dôme, de couleur bleue, à peine dissimulé sous de maigres arbustes d’une petite parcelle plus ou moins délaissée.
Cela fait des mois que cette tente est là, mais il est difficile d’en apercevoir son ou ses occupants. Un marginal, un migrant, une personne mise hors jeu dans une société où il ne fait pas bon être sans emploi ? Mystère. Ce sont Sonia et Malika, deux femmes généreuses, qui se sont mis en tête d’organiser des maraudes, afin d’améliorer le quotidien des sans-abri et qui ont réussi à établir le lien avec le mystérieux campeur. Rendez-vous est pris à la tente, mardi, à la tombée de la nuit.
Manolo campe toujours près de la rocade de Laval, en Mayenne. Il a été repéré par Sonia et Malika qui veulent donner un coup de main aux sans-abri. (Photo : Ouest-France)
« Il y avait des rats »
Manolo, un surnom auquel notre hôte est très attaché, a allumé un feu de camp en nous attendant. Il se réchauffe les mains alors que le thermomètre, une fois le soleil couché, plonge vers le zéro. « C’est vrai que c’est dur ces jours-ci. Hier matin [lundi, NdlR], il m’a fallu presque une heure pour ouvrir la tente. Tout était gelé, les fermetures éclairs, même le sol était tout blanc », lance sexagénaire. Un petit gabarit énergique, mais un visage émacié qui trahit un parcours de vie chaotique.
« Avant je vivais en Vendée. Je suis venu en Mayenne pour me rapprocher de mon fils adoptif qui avait été placé dans une famille d’accueil. Cela fait cinq ans que j’habite sous une tente. Au début celle-ci était installée près d’une usine désaffectée, mais il y avait des rats. Alors j’ai déménagé ici », confie-t-il.
Depuis 5 ans, par tous les temps, Manolo vit sous la tente. (Photo : Ouest-France)
Un choix par défaut. Manolo ne cache pas son ras-le-bol pour cette vie inconfortable. « J’ai une petite retraite. Les bons mois 700 €, parfois moins, détaille-t-il, habitué à faire la manche à la gare SNCF ou près de Carrefour Market de Changé, accompagné de son inséparable compagnon d’infortune, Sam-Kail, un magnifique Berger allemand de 7 ans. Cela fait des mois que je cherche un logement en dur, de préférence une petite maison à cause du chien. J’ai demandé à la Ville. En vain. »
Pas question non plus d’appeler le 115 pour trouver un peu de chaleur. « Les chiens ne sont pas admis. Jamais je n’abandonnerai Sam-Kail. »
« J’ai besoin de chaussures »
En attendant des jours meilleurs, notre hôte d’un soir confie avoir « beaucoup bourlingué » dans sa jeunesse : « Dans la légion étrangère, sur le continent nord-américain et même aux Beaumettes… » Et il nous propose de visiter son cadre de vie. Mine de rien, c’est très organisé. Face au petit dôme qui sert d’entrepôt, un tas de bûches bien rangées. La grande tente Quechua dispose de deux « chambres » : « C’est là que je dors avec mon chien. Il me protège et me tient chaud. »
L’autre espace sert au rangement, notamment de nombreux carnets de dessins et croquis, une passion auquel s’adonne Manolo avec un talent certain. « Là, c’est un vieux gréement que je vais reproduire en grand. Mon fils me l’a demandé. » L’espace central sert de lieu de vie où pendent deux lampes de poche. Au sol, un réchaud à gaz et une petite commode de récupération.
Le sexagénaire est un passionné de dessin. (Photo : Ouest-France)
Comment supporter ces soirées dans le froid ? « Question d’habitude. Je ne me couche pas avant 23 h 30 », rétorque Manolo montrant l’étiquette à l’intérieur de son manteau où est écrit : jusqu’à -25 °C. « On me l’a donné, ça vaut plus de 80 € ! En revanche j’ai besoin de chaussures. Les miennes sont usées ! » À vue d’œil, il doit chausser environ 41.
Pour contacter Manolo : tél. 07 84 45 77 75.