Né dans les gouffres du massif de la Chartreuse (Isère), le fabricant de matériel d’escalade Petzl est devenu un leader mondial dans sa spécialité, équipant aussi bien les alpinistes français que les pompiers de New York.

Maintenance des éoliennes, lavage de vitres, élagage, ouvriers du bâtiment ou secours en montagne... «Aujourd’hui, il se vend un produit Petzl toutes les quatre secondes et on peut estimer qu’il y a dans le monde entre cinq et dix millions de personnes qui sont accrochées à un de nos équipements» chaque jour, décrit Paul Petzl, président du groupe familial, chemise de bucheron et chaussures de montagne aux pieds.

Le fabricant de lampes frontales, mousquetons et autres baudriers est officiellement né à Crolles (Isère), près de Grenoble, en 1975.

Mais son histoire trouve son origine dans l’émigration d’Émile Petzl, un Allemand de Roumanie, qui avait acquis la nationalité française en entrant dans la Légion étrangère en 1902. Son fils Fernand, passionné de spéléologie, est un des premiers à explorer, dans les années 1930, l’immense réseau de galeries souterraines qui creuse la Dent de Crolles, un sommet de la Chartreuse.

En août 1956, Fernand Petzl dirige l’expédition qui descendra la première à «moins 1.000» mètres, parvenant au bout de 15 jours sous terre au siphon terminal du gouffre Berger, dans le Vercors, à -1.122 m. Parallèlement, le spéléologue, modeleur-mécanicien depuis l’âge de 14 ans, fabrique des outils pour ses expéditions sur son établi: civière articulée, bloqueurs, descendeurs, etc.

Un «très grand sportif», taiseux, qui «passait tous ses week-ends sous terre» et «n’avait pas le sens des affaires», décrit Paul, son fils. Bricoleur, «il a toujours été l’inventeur, le facilitateur: il trouvait des solutions simples à des situations compliquées», raconte-t-il.

Dès 1973, les Petzl père et fils inventent la lampe frontale «tout sur la tête» qui reste aujourd’hui un produit phare de la marque. A l’époque, «on fabriquait la semaine et on vendait dans les congrès et les salons le week-end», raconte Paul.

- Le Grigri des pompiers -

L’entreprise s’installe à Crolles en 1975 et surfe sur la mode de l’escalade, aidée par la notoriété de grands noms comme le grimpeur français Patrick Edlinger. En 1991, elle sort le Grigri, un assureur «avec freinage assisté» qui sera adapté quelques années plus tard pour les pompiers de New York.

«Après le 11 Septembre, les pompiers ont voulu avoir un système d’évacuation parce qu’ils n’ont pas pu s’évacuer des tours. Ils sont venus nous voir et nous ont demandé si l’on avait un solution: on a développé un produit spécifique et on a équipé dans l’année les 12.000 pompiers de New York», raconte Paul Petzl.

De six employés en 1975, le groupe est passé à près de 700 dans le monde (dont 550 en France) aujourd’hui, avec des implantations en Roumanie, aux États-Unis ou en Malaisie. Quelque 80% de ses ventes se font à l’export dans 60 pays.

Et son chiffre d’affaires, de 140 millions d’euros, a progressé de 7% par an environ ces dix dernières années.

Avec sa fondation d’entreprise, qui a notamment travaillé sur la sécurisation de la voie normale d’ascension du Mont-Blanc, Petzl s’est fait une place à part dans le monde de la montagne.

Et n’a pas pâti d’un accident d’escalade dû à une longe défectueuse, en mai 2011, qui avait rendu aveugle un jeune homme de 25 ans. «Ça a changé complètement notre façon de penser dans l’entreprise», raconte Paul Petzl, qui se souvient d’un «moment difficile» mais «complètement assumé» par l’entreprise qui avait pris en charge tous les préjudices financiers de la victime, sans attendre de décision de justice.

«J’avais réuni les salariés pour leur en parler, les deux tiers pleuraient», raconte-t-il, encore les larmes aux yeux.

Des salariés qui semblent d’ailleurs apprécier cette gestion familiale de l’entreprise et l’accord qui leur permet de toucher 20% des dividendes chaque année, à en croire Djelloul Bahouch, délégué syndical CGT. «Tout va bien: chaque année on embauche, et si j’ai quelque chose à dire au patron, je vais directement dans son bureau», dit-il.