AALEME

Légionnaire toujours...

  • Plein écran
  • Ecran large
  • Ecran étroit
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size

Cinéma : les fantômes de la guerre et de l’identité nationale

Envoyer
Rue89
22/10/2014

A gauche, un documentaire exceptionnel, « Of Men and War », consacré aux vétérans US des guerres d’Irak et d’Afghanistan ; à droite, un essai subjectif et passionnant, « Patria Obscura », qui, via un parcours personnel, évoque le « roman national » de la France.

Les deux films – le premier signé Laurent Bécue-Renard, le second Stéphane Ragot – sortent en salles cette semaine et interrogent (entre autres) le rapport à l’Histoire et aux grands mythes patriotiques.

« Of Men and War » : le trauma pour de vrai

Tatouages sur les (gros) bras, casquettes visées sur le crâne, lunettes noires un rien m’as-tu-vu… A priori, Justin, Brooks, Trevor, Steve et les autres correspondent en tout point à l’image virile du militaire US revenu au bercail et pas peu fier d’être allé défendre les « valeurs » de l’Amérique éternelle dans des contrées « improbables » où s’agitent les ennemis des Etats-Unis.

Sauf que… pas du tout. Ces hommes, jeunes et moins jeunes, qui dissimulent tant bien que mal leurs troubles du comportement, ne se sont pas remis de leur expédition en Irak ou en Afghanistan et ne songent pas une seconde à jouer les héros.

Comme un tiers des 2,6 millions de vétérans américains ayant combattu cette dernière décennie, ils souffrent de « syndrome de stress post-traumatique » (PTSD) et, pour la plupart, sont incapables depuis leur retour de renouer avec leur vie d’avant-guerre.

Le documentariste Laurent Bécue-Renard, de 2008 à 2013, a patiemment filmé une douzaine de ces vétérans. Au Pathway Home, un centre thérapeutique pour anciens combattants, et dans l’intimité de leurs familles où ils tentent de retrouver un semblant de normalité dans leur existence saccagée.

Dans « Of Men and War », Laurent Bécue-Renard, déjà auteur de « De guerres lasses », un film puissant sur les traces psychiques de la guerre sur de jeunes veuves bosniaques, s’intéresse avant tout aux thérapies de groupe (dirigées par un vétéran du Vietnam) où les anciens combattants tentent de « mettre en mots » ce qu’ils ont vécu au front et ce qui rend impossible, aujourd’hui, toute vie normale avec leurs proches.

Loin d’Hollywood

Avec une attention de chaque instant au laborieux et douloureux travail de la parole, sans jamais recourir aux images d’archives ni au commentaire off, le cinéaste donne à voir et à entendre les conséquences de la guerre sur une poignée d’hommes qui ont appris à leurs dépends que cette dernière n’était pas la scène de l’héroïsme, mais une terrifiante abjection.

La proximité avec la mort (celle que l’on « donne », celle que les « camarades » ont subie), la vengeance, la démence, les événements traumatisants, l’incapacité, depuis, à mener une existence pacifiée et à s’imaginer un présent et un avenir…

Jamais encore le cinéma n’avait approché d’aussi près la réalité du PTSD, n’avait filmé avec une telle attention, très loin des poncifs dont regorge le cinéma hollywoodien, les anciens combattants (pour la plupart à peine trentenaires) aux prises avec leurs démons et leur culpabilité. Un film essentiel sur les ravages de la guerre.

« Of Men and War », de Laurent Bécue-Renard. Sortie le 22 octobre.

« Patria Obscura » : l’identité nationale en question

Quand il s’explique sur son travail documentaire, Laurent Bécue-Renard rappelle à quel point ce dernier est intimement lié à l’existence de ses deux grands-pères : des combattants de la Grande Guerre, qu’il n’a pas connus, et avec lesquels, lui, le descendant, n’a jamais pu évoquer les traumatismes de 14-18.

Par un curieux hasard de calendrier, un autre documentaire sort en salles parallèlement à « Of Men and War » et interroge précisément, via un point de vue intime, la même question de l’héritage familial et de la guerre.

Dans « Patria Obscura », défini par son auteur comme un « essai documentaire », Stéphane Ragot, photographe et cinéaste, part sur les traces de ses aînés et plus précisément de ses deux grands-pères militaires, l’un légionnaire, l’autre parachutiste, ce dernier considéré comme une sorte de héros dans la mythologie familiale et nationale, puisque moult fois décoré par la patrie reconnaissante.

Si le premier quart d’heure du film laisse redouter un journal intime en images engoncé dans les considérations nombrilistes, « Patria Obscura » emprunte rapidement des voies beaucoup plus passionnantes. Passionnantes et universelles.

Intime et collectif

En farfouillant dans la mémoire (dite et non dite) de sa famille et en s’interrogeant de ce fait sur ses origines, le cinéaste exhume des secrets plus ou moins avouables (quid de l’itinéraire réel du « héros » militaire, entre autres durant l’Occupation ?) et, à travers eux, interroge avec subtilité les ambiguïtés de la mémoire nationale et de l’identité du même nom.

Les deux guerres mondiales, la Résistance, Oradour, les « conflits » coloniaux et l’Algérie française… Comment, de génération en génération, se transmet (ou pas, ou mal) la mémoire de ceux qui ont vécu les événements de l’Histoire ? Sur quels fondements s’érigent les légendes, familiales comme nationales ?

De fil en aiguille, de fausses pistes en rencontres et découvertes (parfois) embarrassantes, l’enquête sur son « roman personnel » entraine inévitablement Stéphane Ragot à une réflexion beaucoup plus vaste sur les contours de ce que l’on appelle l’« identité française », hier et aujourd’hui. Avec ses zones d’ombre, ses ambivalences, ses mensonges. Un « journal intime » qui regarde la France dans le blanc des yeux.

« Patria Obscura », de Stéphane Ragot. Sortie le 22 octobre.


Traduction

aa
 

Visiteurs

mod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_counter
mod_vvisit_counterAujourd'hui1015
mod_vvisit_counterHier12072
mod_vvisit_counterCette semaine30093
mod_vvisit_counterSemaine dernière18442
mod_vvisit_counterCe mois66207
mod_vvisit_counterMois dernier119907
mod_vvisit_counterDepuis le 11/11/0919925543

Qui est en ligne ?

Nous avons 1886 invités en ligne

Statistiques

Membres : 17
Contenu : 14344
Affiche le nombre de clics des articles : 42743242
You are here PRESSE XXI° 2014 Cinéma : les fantômes de la guerre et de l’identité nationale