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Ernst Jünger, "le flâneur des batailles"

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Michel Rosten Publié le dimanche 23 février 2014

Livres Julien Hervier publie sa biographie et la traduction des "Carnets de guerre 1914-1918". Un témoignage qui reste exceptionnel.

Ernst Jünger a traversé le XXe siècle en laissant un témoignage exceptionnel sur son temps. En dehors d’une œuvre romanesque considér" ble (dont émerge "Sur les falaises de marbre") et de nombreux essais, on lui doit un immense Journal, qui rend compte des deux conflits mondiaux auxquels il participa ainsi que des vingt-cinq dernières années de sa vie, achevée le 17 février 1998 à l’âge de 102 ans. Et voici qu’aujourd’hui, à ce monument littéraire, s’ajoute la traduction en français de ses Carnets de Guerre - 1914-1918.

Engagé volontaire, après un bref passage par la Légion, Jünger monta en première ligne du front sur la Somme, à Verdun et en Flandres. Il prit des notes, les data et, la paix provisoirement revenue, il les ordonna pour écrire et publier à compte d’auteur Orages d’acier, que Gide tenait pour "le plus beau livre de guerre". L’intérêt des quinze carnets d’écolier remplis dans les tranchées entre les assauts, pendant les pilonnages d’artillerie ou au fil des lectures (de Nietzsche et des grands romanciers russes) relève moins d’un travail littéraire que documentaire. Ici, point de fioritures : les faits sont rapportés tels quels. Jünger ne cache rien. Il évoque son indifférence pour les morts sur le champ de bataille; il signale même qu’on ne passe pas "devant quelques cadavres sans entendre le grouillement des vers". Il ne s’émeut qu’en un seul endroit, insupportable : le poste de secours. Il décrit sans fard ses beuveries ou ses soucis de santé, provoqués par son passage au bordel. Il n’hésite pas à relater la scène d’une trêve improvisée par les soldats au cours de laquelle il pactisa en français avec un officier anglais. Le plus souvent, la peur lui semble étrangère. Jamais il ne s’apitoie sur ses blessures, dont la dernière (une balle lui traversa la poitrine !) fut la plus grave. Il se contente de reconnaître qu’il eut plus d’une fois une veine de pendu.

Les détracteurs de Jünger l’ont souvent accusé d’apologiser la guerre. De fait, il évoque sans gêne le moment excitant qui met "l’adversaire tout près devant soi"; mais s’il attend beaucoup des combats, il n’en espère pas moins, à plusieurs reprises le retour de la paix. Après huit jours de front, il commence, dit-il, à changer d’idéal. Il se demande bientôt "à quoi riment tous ces meurtres", il dénonce "cette cochonnerie" et ne craint pas d’écrire, le 24 mai 1917 : "Quand donc cette guerre de merde se terminera-t-elle enfin ?" L’homme, qui se qualifie lui-même de "flâneur des batailles", n’est donc pas tout d’une pièce. Le service des armes ne le détourne pas des chasses subtiles (il fait collection d’insectes), ni de la cueillette des fruits sur le front et moins encore de la pénible observation des "paysages de dévastation inoubliable".

Julien Hervier, le traducteur à qui l’on doit l’édition des deux volumes de la Pléiade consacrés aux Journaux de Guerre, publie en même temps une remarquable biographie consacrée à Jünger. Il dresse un portrait chaleureux, mais jamais complaisant, de cet ami qui rêvait de proposer "une alternative pour sortir d’un choix contraint entre le marxisme et le capitalisme", et dont l’indépendance d’esprit le détermina à décliner l’offre d’Adolf Hitler de devenir député ou celle de von Ribbentrop d’occuper un poste diplomatique. Il ajoute une analyse des œuvres majeures écrites par un "anarque" dont Helmut Kohl et François Mitterrand firent une icône de la réconciliation franco-allemande.

Carnets de guerre - 1914-1918 Ernst Jünger traduit de l’allemand par Julien Hervier Christian Bourgois 571 pp., env. 24 €

Ernst Jünger Julien Hervier Fayard 534 pp., Env. 26 €


Traduction

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