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Jacques Chancel: «J’ai eu honte d'être vivant!»

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08.02.2014 

L'interview indiscrète - Dans son livre «La nuit attendra», il fait le récit de sa jeunesse en Indochine et d’un terrible accident. Son secret depuis 60 ans.

Image: Eric Fougere/Corbis

Son timbre de voix inimitable, son phrasé et sa curiosité ont été la signature de «Radioscopie» et du «Grand échiquier», ces émissions de radio et de télévision qui ont vu défiler les plus grandes personnalités du monde de la pensée, des arts, du sport, de la recherche et de la politique. Aujourd’hui, dans un récit virtuose, Jacques Chancel dévoile ses années de jeunesse comme correspondant de guerre en Indochine à 18 ans. Jusqu’au jour de cet accident, lorsque la jeep dans laquelle il a pris place saute sur une mine, tuant tous les passagers sauf lui. Un secret qu’il dévoile pour la première fois dans «La nuit attendra». Véritable succès en librairie.

Jacques Chancel, qui êtes-vous?

Je me regarde dans les yeux des autres pour essayer de me reconnaître.

Votre tout premier souvenir?

C’est au lac Bleu, à 9 ans, au-dessus du Hautacam, dans les Hautes-Pyrénées. Mon père m’a fait marcher 14 heures.

Etiez-vous un enfant sage?

Non. J’étais studieux et turbulent. Je n’aime pas beaucoup les sages.

De quoi aviez-vous peur?

De rien. J’étais peut-être inconscient.

Vous l’avez sans doute été en partant si jeune en Indochine.

Je suis parti à 18 ans. On m’avait vieilli de 3 ans ( ndlr: 21 ans sur ses papiers). J’ai eu une adolescence entre rizières, montagnes et collines.

Votre mère vous disait-elle «je t’aime»?

Elle me le disait même un peu trop. J’étais le protégé, l’enfant chef-d’œuvre et ça n’est pas bon d’être considéré ainsi. Mon père était un être d’une grande lucidité, d’une grande intelligence. Il m’a fait découvrir les livres et la musique. Il était escaliériste, Compagnon du devoir.

Comment avez-vous gagné votre premier argent?

En Indochine. J’y faisais mon service militaire et, en même temps, j’étais dans une école. Le premier véritable argent, je l’ai touché à Radio Saigon, lorsque j’ai commencé à produire mes émissions.

Que vouliez-vous devenir?

Je préparais l’Ecole normale supérieure, je n’ai jamais pu passer l’oral. Ensuite j’ai eu envie de faire Santé navale: j’admire les médecins et je voulais parcourir le monde. Finalement, je me suis retrouvé correspondant de guerre. Ce sont les hasards de la vie.

L’amour pour la première fois. C’était quand et avec qui?

J’avais 15 ou 16 ans. C’était agréable et je n’en garde aucun souvenir.

L’amour est très présent dans ce livre.

L’amour des autres. Ce n’est pas l’amour comme on le définit aujourd’hui: «je t’aime, je t’aime, je t’aime». Lorsqu’on aime, on ne dit pas je t’aime, on le prouve.

La plus belle de vos qualités?

Je sais écouter alors que les gens ne savent plus entendre.

En vous lisant on est frappé par la précision de vos souvenirs.

J’ai étonné tous mes amis. Je tiens mon journal depuis l’âge de 15 ans et je le publie depuis 40 ans. Je remplis des carnets de notes par centaines, je ne me suis jamais servi d’une seule. Je n’ai obéi dans ce livre, écrit en un mois et dix jours, qu’à ma seule mémoire. Ma femme n’en revient pas. Cette aventure m’a poussé à réfléchir. J’ai gardé une masse de secrets. En soixante ans, je n’ai jamais voulu raconter mon histoire. Un jour, je me suis décidé, c’est Florian Zeller ( ndlr: écrivain français) qui m’a poussé à le faire. Ce jour-là, je me suis aperçu que ma mémoire était intacte.

Avez-vous déjà volé?

Jamais! Mon père m’aurait tué. Je suis Pyrénéen, d’un pays où on ne vole.

Avez-vous déjà tué?

Même pas à la guerre. J’étais avec la Légion étrangère, correspondant de guerre. Des gens se faisaient tuer à côté de moi. Je n’ai jamais porté d’arme, je n’en aurai jamais.

Si vous aviez le permis de tuer, qui serait-ce?

Je tuerais la bêtise.

Avez-vous déjà payé pour l’amour?

Ça ne va pas! Mais peut-être que je suis un privilégié. J’ai eu la chance d’être très bien entouré. Dans d’autres circonstances, peut-être…

Qui trouvez-vous sexy?

J’étais très ami avec Brigitte Bardot. Je lui avais demandé: «Quel a été votre plus beau jour?» Elle m’avait répondu: «Une nuit.» Ça c’est sexy.

Votre dernier bisou?

Il y a 5 minutes, pour mon petit-fils Augustin, 2 ans et demi.

Vos dernières larmes?

J’ai eu une larme à la mort de Mandela. Et puis j’ai parfois des larmes pour la connerie, le racisme et ceux qui détruisent les autres.

Vous pensez à Dieudonné?

A force de le mettre à l’épingle on va lui donner une carapace de héros. On ferait mieux de ne pas lui faire de publicité. C’est vraiment un pauvre type.

De quoi souffrez-vous?

J’ai des bobos liés à mon âge. C’est le moral qui compte. La tête fonctionne, le corps tente de suivre.

Vous avez frôlé la mort. Que s’est-il passé?

J’étais parti en reportage dans une opération assez dangereuse avec Fabrice de Pestralle, un jeune capitaine. Nous avons quitté le baraquement, 500 militaires se sont mis en poste avec deux régiments viets en face. Je suis parti avec la jeep du capitaine et nous avons sauté sur une mine. C’est peut-être pour ça que je n’ai pas voulu raconter cette histoire trop tôt, parce que j’avais honte d’être vivant. Les trois autres sont morts.

Croyez-vous en Dieu?

Je crois en un être suprême, donc forcément c’est Dieu. Mais on le met à toutes les sauces et je n’aime pas du tout ça.

Quel est votre péché mignon?

Je suis gourmand, j’aime les plats pyrénéens et, par-dessus tout, la garbure. Une soupe sublime que l’on fait cuire pendant des heures.

Trois objets culturels à emmener sur une île déserte?

J’emporterais le concerto pour violon de Tchaïkovski du violoniste Renaud Capuçon. «Les trois mousquetaires», «Madame Bovary», «Mémoires d’outre-tombe», peut-être que je reviendrais à «Belle du Seigneur» de celui que j’avais beaucoup reçu, Albert Cohen. Je voudrais tout relire en ce moment et revoir «Les garçons et Guillaume, à table!» un très grand film de Guillaume Gallienne.

Combien gagnez-vous?

Je n’en sais rien. Il faudrait demander à ma femme. J’ai eu la chance de gagner beaucoup plus que d’autres. Mais je n’ai pas gagné non plus ce que gagnent certains parce que je me suis refusé au mélange des genres.

Pensez-vous gagner assez par rapport au travail fourni?

Je gagne trop par rapport aux médecins de campagne, aux infirmières. Ils mériteraient beaucoup plus.

Qui sont vos vrais amis?

Serge Kampf, créateur de Capgemini, Jean-Loup Dabadie, Erik Orsenna.

Que dire à vos pires ennemis?

De ne plus les voir ni les entendre. Je permets à tout le monde d’être con.

Ronflez-vous la nuit?

Non! ( Rires.) Je ne le supporterais pas.

Qui aimeriez-vous voir répondre à ce questionnaire?

Le violoniste Renaud Capuçon. J’ai rarement entendu quelqu’un parler de musique comme il le fait. Il n’est pas seulement musicien, il est aussi philosophe, il est écrivain. J’aime ces gens qui savent se consacrer à tous les arts.


Traduction

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