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Pour la gloire de ses deux pères

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Publié le 23/11/2013

C'est un voyage pour redécouvrir les combats et les bonnes raisons de vivre ici. Jean-Claude Matous veut parler des deux héros d'une tragédie, son père tchèque et son oncle charentais.

Pour la gloire de ses deux pères

Pour la gloire de ses deux pères
ls se sont quittés à 45 ans et sont morts hors de France.

L'Europe en ruine les avait faits frères à Verdun, vingt-cinq ans plus tôt. Les moins jeunes, à Saint-Fort-sur-Gironde, en Charente-Maritime, se souviennent certainement de Léopold Matous, un officier tchèque au regard clair accueilli au village avec les beaux jours, en 1945. Et que personne n'a jamais revu. Ils ont surtout en photo son beau-frère, Maurice Chastang, qui fut l'un de leurs maires. Maurice Chastang, hostile à Pétain en 1940 et entré en résistance, dénoncé dans sa commune, arrêté par la Gestapo le 23 septembre 1942, torturé, déporté à Oranienburg Sachsenhausen, abattu en 1945 à quelques jours de la victoire. Ce sont les deux hommes des premières années de Jean-Claude Matous, deux éclairs brefs, dont il ne peut plus taire, à bientôt 80 ans, l'incandescence. « Ils n'ont pas eu besoin de se lever dit-il, ils étaient debout. » C'est son patrimoine culturel inaliénable. Il en conserve les regards, les mots, les lettres, ce parfum-là d'une brève existence avec eux. De tout cela il a conçu un livre à usage interne pour que les siens sachent d'où ils viennent. Il en parle avec précision et il est conscient que son épouse, Nicole, native du village, a tout réentendu de nombreuses fois. Léopold, né dans le sud de la Bohême, était un engagé volontaire de la Légion étrangère incorporé dans l'armée française. Après avoir survécu à 1914, il est devenu importateur de verre et de cristal de Bohême à Bordeaux. Où il a pu analyser la montée du régime nazi et le dénoncer pendant des années en organisant de grandes manifestations régionales. Il a été nommé consul. Il s’est mis en danger en mobilisant la communauté. On l'a vu embarquer pour Londres le 19 juin 1940. Le poilu de la Marne y a été désigné secrétaire particulier du président tchèque. Dans l'un de ses rares courriers, il décrit ce qu'il voit devant lui. « Le seul commandant de l'armée française resté fidèle aux alliés, un officier énergique, qui, après cette guerre, sera le maître de la France. La foule très dense crie 'Vive de Gaulle ! Vive la France ! Vive l'Angleterre !' »

Maurice et Léopold. Les deux hommes se sont connus après Verdun parce que Léopold, envoyé en permission à Cognac, a pu rencontrer un jour Adrienne, la soeur de Maurice. Le maire, avant d'être arrêté dans la rafle de 60 résistants organisée depuis La Rochelle par le commissaire bordelais Chiron, a pris en charge les trois enfants de Léopold et sa place de père. Il lui écrit. « Si nous te sommes reconnaissants de sauver l'honneur, nous faisons tout ce qui dépend de nous pour être digne de toi. Car, pour un ancien défenseur de Verdun, le mot honneur conserve toute sa valeur. J'espère qu'un jour le procès du vrai responsable de notre malheur se fera. Vive la France, la vraie, la nôtre. » Léopold est revenu vivant le 29 mars 1945. Très vite, il est reparti à Prague voir sa famille. Il y est mort d'une crise cardiaque le 14 novembre. À 11 ans, l'enfance de Jean-Claude s'est peuplée de fantômes. Disparu à Londres, perdu à Prague, assassiné à 30 kilomètres de Berlin dans une marche de la mort. Ses deux héros pouvaient-ils périr en même temps ?

Quand ils vivaient, il fallait se taire pour les protéger. Mais morts, comment vivre avec ? La fierté est à la mesure du vide de toute une vie. Que reste-t-il d'un éclair sur une enfance ? Que garder d'une rencontre de quatre mois avec ce combattant insaisissable ? « Ils m'ont donné l'idée de résistance. Enfant, j'allais la nuit peindre des croix gammées sur la porte des collabos. J'étais en admiration pour les deux, qui se déclaraient frères. Ils m'ont transmis patriotisme et dévouement. Des gens inattaquables, droits, désintéressés. Ils n'ont pas été récompensés. Qu'avons-nous retenu de ces guerres ? Tout continue. Je veux que l'on se souvienne de deux hommes qui nous grandissent. » Jean-Claude a pris la suite de Léopold à la tête de l'entreprise d'importation spécialisée Matous. En cheville avec ses fournisseurs d'Europe de l'Est, trois fois par an, longtemps il s'est recueilli sur la tombe de ce voyageur extraordinaire, dans le cimetière de Rudolfov, en Bohême, où Léopold a eu des funérailles nationales. Ancien d'Algérie, président des Camarades de combat, il ne comprend toujours pas pourquoi la Légion d'honneur, distribuée en confiserie aux chanteurs et amis, a été refusée à titre posthume à Maurice Chastang, le maire irréductible. Qu'est-ce qui reste à la mémoire commune ? Près de soixante-dix ans après, les larmes ne sèchent pas. Les frères lui ont laissé au ciel une longue traînée de lumière.


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